Comprendre les formations européennes d’ingénieurs par l’histoire

Dossier : Formations scientifiques : regards sur l’internationalMagazine N°666 Juin/Juillet 2011
Par Claude MAURY (61)

Le con­cept d’in­sti­tu­tions d’en­seigne­ment pré­para­toires aux fonc­tions d’ingénieurs dans les entre­pris­es émerge du XVIIIe au début du XIXe siè­cle, entre la pre­mière révo­lu­tion indus­trielle et la créa­tion de pre­mières écoles tech­niques allemandes.

Il n’y avait guère d’ingénieurs, ou de sci­en­tifiques professionnels

Il faut en effet pour com­pren­dre le con­cept de l’ingénieur mod­erne par­tir de la pre­mière révo­lu­tion indus­trielle, observée en Angleterre autour des années 1740, dont on ne peut trou­ver l’équiv­a­lent que dans l’in­ven­tion de l’a­gri­cul­ture au Néolithique.

L’hu­man­ité s’est trou­vée pro­jetée à par­tir de cette péri­ode dans une phase de développe­ment inédite, dont la pro­lon­ga­tion jusqu’à nos jours a amené une élé­va­tion spec­tac­u­laire de notre niveau de vie matériel, et un développe­ment jusque-là totale­ment impens­able des pop­u­la­tions (songeons qu’il n’y avait que 6 mil­lions d’habi­tants en Angleterre au milieu du XVIIIe siècle).

REPÈRES
Pour don­ner un aperçu réal­iste du dis­posi­tif européen des for­ma­tions supérieures sci­en­tifiques et tech­niques, le choix a été fait de retenir une approche résol­u­ment ” cul­tur­al­iste ” (par oppo­si­tion à des analy­ses sim­ple­ment descrip­tives ou fonc­tion­nal­istes). Cette approche, qui n’a de sens que sur la durée, amène à s’in­téress­er à deux moments par­ti­c­uliers de notre his­toire : celui de la con­sti­tu­tion des for­ma­tions d’ingénieurs mod­ernes, du XVI­I­Ie à la fin du XIXe siè­cle ; celui ensuite des trente dernières années, où s’est man­i­festé avec une vigueur nou­velle un volon­tarisme des États.

Une prime à l’esprit d’entreprise ?

Asie ou Europe ?
Comme le rap­pelle l’his­to­rien Paul Bairoch (Vic­toires et Déboires, tome I), des con­di­tions ana­logues à celles pré­valant en Angleterre étaient factuelle­ment réu­nies au même moment en Chine (et même ailleurs en Europe), ce qui lui fait dire que les révo­lu­tions indus­trielles du XIXe siè­cle en Europe auraient par­faite­ment pu avoir lieu quelques siè­cles aupar­a­vant en Asie.

L’in­ter­pré­ta­tion du moment de cette rup­ture et de sa local­i­sa­tion en Angleterre est un véri­ta­ble casse-tête pour les his­to­riens, car il n’ex­is­tait à cette époque, d’après les experts, aucune préémi­nence anglaise mar­quée sur le plan des sci­ences ou des tech­nolo­gies, sus­cep­ti­ble d’ex­pli­quer ce décol­lage précoce.

Au-delà de la con­jonc­tion de plusieurs con­di­tions favor­ables, au niveau des ressources (ter­res agri­coles et char­bon), des voies de com­mu­ni­ca­tion ou de l’ur­ban­i­sa­tion, la “per­cée” observée sem­ble repos­er pour l’essen­tiel sur l’en­vie d’en­tre­pren­dre de quelques per­son­nes occu­pant des posi­tions clés, dotées d’une bonne édu­ca­tion générale, et pour une part non ” con­ven­tion­nelles ” (recher­chant et accep­tant le change­ment), et sans doute sur quelques inven­teurs. Mais il n’y avait en tout cas à l’époque guère d’ingénieurs, ou de vrais sci­en­tifiques professionnels.

Servir le progrès

Un sec­ond événe­ment phare de la fin du XVIIIe siè­cle, qui va con­serv­er tout au long du XIXe siè­cle une très forte valeur sym­bol­ique, est celui de la créa­tion en 1794 de l’É­cole poly­tech­nique, qui donne corps pour la pre­mière fois au principe d’une École ayant pour ambi­tion déclarée de met­tre, par une action de for­ma­tion, la sci­ence au ser­vice du pro­grès, économique, et naturelle­ment social.

Ces deux pre­miers épisodes sont éclairants par rap­port aux évo­lu­tions qui allaient suiv­re : le pre­mier fonde pour une part la propen­sion de nos amis anglais à lier la réus­site économique à la maîtrise sur le ter­rain d’un savoir-faire pra­tique, stim­ulé par de vrais entre­pre­neurs, for­més sur un mode libéral.

Changements structurels

Alors que les Anglais organ­isent les pro­fes­sions en con­sti­tu­ant les pre­mières ” insti­tu­tions ” d’ingénieurs, et se reposent prin­ci­pale­ment sur l’ap­pren­tis­sage pour assur­er les qual­i­fi­ca­tions néces­saires, les pre­mières écoles tech­niques d’ingénieurs sont créées sur le con­ti­nent à par­tir de 1825 (en Alle­magne à par­tir de 1825, en France en 1829 par l’É­cole cen­trale), en vue de don­ner, à l’é­cart du sys­tème uni­ver­si­taire, un bagage appro­prié aux cadres tech­niques de l’in­dus­trie naissante.

Ce n’est qu’en 1960 qu’é­tait créé l’IN­SA de Lyon, sur le mod­èle de la TU de Karlsruhe

C’est la lente trans­for­ma­tion de ces écoles tout au long du XIXe siè­cle (et de quelques écoles tech­niques de moin­dre ambi­tion), qui allait struc­tur­er en pro­fondeur le poten­tiel européen de for­ma­tions tech­niques supérieures, par­ti­c­ulière­ment en Alle­magne. Avec l’ap­pui intéressé, et sou­vent décisif, du pou­voir poli­tique, les pre­mières écoles se voy­aient suc­ces­sive­ment con­fir­mées comme étab­lisse­ments d’en­seigne­ment supérieur, puis dotées de la capac­ité à délivr­er des doc­tor­ats (et donc aptes à con­sacr­er dans les formes la for­ma­tion de leurs enseignants), . Elles con­stituent de fait ce que nous appellerons pour sim­pli­fi­er et par com­mod­ité des “uni­ver­sités techniques “.

On peut se con­va­in­cre du car­ac­tère resté dom­i­nant du mod­èle d’u­ni­ver­sités tech­niques en Europe en reprenant les tableaux de classe­ment, où elles occu­pent une place plus qu’en­vi­able. On peut aus­si se référ­er à l’As­so­ci­a­tion CESAER qui regroupe en Europe l’essen­tiel des étab­lisse­ments les plus émi­nents for­mant des ingénieurs. Ces derniers sont con­sti­tués aux trois quarts d’u­ni­ver­sités tech­niques. Pour ce qui est de la France ce n’est qu’en 1960 qu’é­tait créé l’IN­SA de Lyon, pré­cisé­ment sur le mod­èle de la TU de Karl­sruhe, même si aujour­d’hui un quart des diplômés français sont issus de struc­tures équiv­a­lentes (INSA, UT et INP).

Lead­er­ship français
La con­sid­éra­tion durable accordée à l’X, citée dans toute l’Eu­rope comme source d’in­spi­ra­tion ini­tiale, explique peut-être la con­vic­tion qui a pré­valu en France tout au long du XIXe siè­cle d’avoir été les pio­nniers indis­cutés des for­ma­tions sci­en­tifiques mod­ernes et d’avoir peu à appren­dre des autres.
Des uni­ver­sités réticentes
Il n’est pas anodin de not­er que cette trans­for­ma­tion a été lente (sur plus de cinquante années) et qu’elle s’est faite dans un con­texte d’hos­til­ité rel­a­tive des uni­ver­sités tra­di­tion­nelles, peu favor­ables à des études jugées trop axées sur l’art de faire, et non sur la con­nais­sance pure, réti­centes par sur­croît à accepter des insti­tu­tions “mono­col­ores”, non con­formes au mod­èle idéal­isé d’u­ni­ver­sité de Hum­boldt, cen­tré sur la pro­duc­tion et sur la dif­fu­sion de tous les types de con­nais­sances, et in fine leur cri­tique par la philosophie…

Nouveaux enjeux

Il faut main­tenant sauter à la fin du XXe siè­cle, pour voir, à par­tir des années qua­tre-vingt, les États recon­naître leurs insti­tu­tions de for­ma­tion sci­en­tifique et tech­nologique, comme des relais indis­pens­ables pour faire face aux enjeux tech­nologiques et économiques nationaux, dans un con­texte de con­cur­rence mon­di­al­isée. L’en­seigne­ment supérieur sci­en­tifique et tech­nique devient alors un enjeu fort des poli­tiques publiques.

Volontarisme politique

Le pro­jet Manhattan
Le choix fait en 1940 par l’ar­mée améri­caine d’établir un parte­nar­i­at de con­fi­ance avec les uni­ver­sités sur le pro­jet Man­hat­tan souligne le décalage Europe-Amérique du Nord.

Trois axes majeurs des poli­tiques volon­taristes suiv­ies par les gou­verne­ments européens sont à retenir.

En pre­mier, le choix ” poli­tique ” d’aller dans le sens d’une respon­s­abil­i­sa­tion max­i­male des insti­tu­tions d’en­seigne­ment supérieur vis-à-vis des répons­es à apporter aux attentes socié­tales, par­fois jusqu’à une indépen­dance d’ac­tion totale si l’on songe au Roy­aume-Uni ou à la Suède, où une grande uni­ver­sité a été trans­for­mée en fon­da­tion privée (Chalmers), avec en con­tre­poids la mise en place d’a­gences d’é­val­u­a­tion, par­fois d’accréditation.

Un enjeu fort des poli­tiques publiques

Ensuite, le choix économique et sci­en­tifique de ren­forcer le poten­tiel de recherche des ensem­bles “uni­ver­si­taires ” par des investisse­ments mas­sifs sur les champs recon­nus comme les plus por­teurs (tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion, sci­ences de la vie), même si les efforts faits béné­ficieront en par­tie aux struc­tures publiques de recherche.

Enfin, le choix de favoris­er la con­cen­tra­tion des grands acteurs de la chaîne d’in­no­va­tion, entre­pris­es, organ­ismes de recherche ou de for­ma­tion, sur des sites don­nés, en con­sacrant les ver­tus accordées à des écosys­tèmes d’in­no­va­tion de type foy­er (ou clus­ter) avec tous les béné­fices induits par la con­sti­tu­tion d’une com­mu­nauté coopérative.

LE MODÈLE ALLEMAND
CRÉATION PREMIÈRE CONSÉCRATION CONFIRMATION (doc­tor­at, université) EFFECTIFS ÉTUDIANTS
KIT Karl­sruhe 1825 (mod­èle X) 1865 en TH 1900 doctorat 20 000
Univ. Stuttg­gart 1829 1867 1900–1967 20 000
ETH Zürich 1855 (mod­èle
alle­mand et X)
1911 (ETH) 1908 (doc­tor­at) 16 000
KTH Stock­holm 1827 (mod­èle Arts et Métiers) 1877 (mod­èle allemand) 1927 15 000
DTU Copen­h­ague 1829 1933 1994 6 300
NTNU Trond­heim 1910 (mod­èle allemand) 1950 1996 20 000
BUTE Budapest
(BME)
1782 1872 1901 (doc­tor­at) 14 000
Poly­tech­nique de Varsovie 1826–1831
1898
1915 1915 32 000
NTUA Athènes 1836 1873 1917 (tutelle EN) 10 000
TU Delft 1842 1864 1905 18 500
Impe­r­i­al Col­lege London 1851 1907 1907 (intè­gre univ. de Londres) 13 000
TU Wien 1815 (mod­èle X) 1872 (TH) 1901 doc­tor­at 23 000
RWTH Aachen 1870 1880 1899 30 000
Tom­sk Université 1896 1991 (Univ.) 22 500
Ce tableau illus­tre la pro­gres­sion et mon­tre surtout l’aligne­ment relatif de la plu­part des autres pays européens sur le mod­èle alle­mand, en dehors tout de même du Roy­aume-Uni, de la France et de l’Es­pagne attachée au “mod­èle” français.

Esprit d’initiative

Effet clus­ter
C’est en étu­di­ant le développe­ment de l’in­dus­trie ciné­matographique à Hol­ly­wood, que les géo­graphes ont mon­tré les effets béné­fiques de l’ex­is­tence de clus­ters pour le développe­ment sur une zone géo­graphique don­née d’une dynamique collective.

Ces ori­en­ta­tions se sont déclinées comme on l’imag­ine de manière vari­able selon les pays, avec plus ou moins de déter­mi­na­tion et de rapid­ité (et sou­vent un avan­tage aux petits pays plus réac­t­ifs et plus déter­minés, comme les Pays-Bas ou la Suède).

On attend des uni­ver­sités qu’elles fassent preuve d’un véri­ta­ble esprit d’initiative

Au-delà d’un par­ti pris de laiss­er les insti­tu­tions s’au­to­gou­vern­er (ce qui con­sacrait sou­vent une matu­rité déjà acquise par les uni­ver­sités tech­niques), on en vient désor­mais à atten­dre des uni­ver­sités ou insti­tu­tions équiv­a­lentes qu’elles fassent preuve d’un véri­ta­ble esprit d’ini­tia­tive, au point que l’on ne s’é­tonne plus de trou­ver aujour­d’hui dans les uni­ver­sités anglais­es ou alle­man­des des respon­s­ables chargés très claire­ment d’une fonc­tion de mar­ket­ing en direc­tion des milieux économiques.

L’analyse dif­féren­tielle des poli­tiques suiv­ies autour des pôles de développe­ment révèle égale­ment des écarts nota­bles, entre, par exem­ple, des clus­ters tech­nologiques totale­ment gérés par des PME en Alle­magne, et des investisse­ments stricte­ment immo­biliers sous la forme de parcs sci­en­tifiques au Royaume-Uni.

Jurys inter­na­tionaux
L’ac­tion menée en Alle­magne en 2005 au tra­vers de l’ini­tia­tive d’ex­cel­lence représente un point d’orgue d’une poli­tique volon­tariste dont les procé­dures ont été repris­es pour la répar­ti­tion des dota­tions du Grand Emprunt, com­por­tant pour la pre­mière fois une rup­ture d’é­gal­ité entre insti­tu­tions au départ équiv­a­lentes avec un recours par­fois per­tur­bant à l’ar­bi­trage de jurys internationaux
Sin­gu­lar­ité française
L’Eu­rope dis­pose d’un dis­posi­tif d’une qual­ité envi­able, bien ancré sur ses tra­di­tions, forte­ment investi dans la recherche, con­sti­tué à par­tir d’in­sti­tu­tions de type uni­ver­sité tech­nique, de taille jugée “raisonnable” de 10 000 à 25 000 étu­di­ants alors que le plus gros étab­lisse­ment français de for­ma­tion d’ingénieurs reste en dessous de 5 500 étudiants.

Potentiel homogène

Les développe­ments précé­dents illus­trent la solid­ité du dis­posi­tif européen des for­ma­tions supérieures en sci­ences tournées vers l’ap­pli­ca­tion, con­sti­tué tout au long du XIXe siè­cle par référence pour l’essen­tiel au mod­èle alle­mand, autour d’une idée jugée naturelle et réal­iste de con­cen­tra­tion des dis­ci­plines tech­niques dans des insti­tu­tions par­ti­c­ulières, asso­ciant activ­ités de for­ma­tion et de recherche, et délivrant des doctorats.

Il est clair que cette sit­u­a­tion his­torique a évolué, puisque l’on trou­ve aujour­d’hui des pro­grammes d’engi­neer­ing dans des uni­ver­sités “général­istes”, et que d’autre part dans beau­coup de cas des uni­ver­sités tech­niques ont élar­gi leur champ d’in­térêt vers la sci­ence, la médecine ou le man­age­ment (fac­ulté de médecine à la TU d’Aachen, à l’Im­pe­r­i­al College).

COMPARAISON DES CLASSEMENTS INGÉNIERIE-TECHNOLOGIE

(Uni­ver­sités et uni­ver­sités de tech­nolo­gie européennes classées dans les 80 premières)

TIMES-QS 2010 RANG
Cam­bridge 4
Impe­r­i­al Col­lege London 6
ETH Zürich 8
U. Oxford 9
TU Delft 18
U. Man­ches­ter 25
EPFL Lau­sanne 31
École poly­tech­nique Paris 35
TU Munich 36
RWTH Aachen 39
U. Edin­burgh 46
TU Berlin 48
Uni­ver­sität Karlsruhe 49
TU Eind­hoven 50
U. Col­lege London 51
U. Southamp­ton 52
KTH Stock­holm 60
Politec­ni­co di Milano 63
DTU Den­mark 69
TU Darm­stadt 75
KU Leu­ven 76
Chalmers UT 76
ENS Paris 76
SHANGHAI 2010 RANG
Cam­bridge EPFL ETH 16
Lau­sanne 20
Impe­r­i­al Col­lege London 30
U. Man­ches­ter 33
Zürich 43
U. Oxford 49
KU Leu­ven 52–75
Chalmers UT DTU 52–75
Uni­ver­sité Paris-VI 52–75
Politech­ni­co di Torino 52–75
Den­mark 52–75
Les uni­ver­sités de tech­nolo­gie domi­nent dans le classe­ment du Times-QS, alors que les uni­ver­sités général­istes domi­nent dans le classe­ment de Shanghai.

Doute existentiel

Mal­gré ces atouts intrin­sèques, le dis­posi­tif européen de for­ma­tion sci­en­tifique et tech­nique a été saisi à par­tir des années qua­trevingt- dix d’un grand doute exis­ten­tiel, large­ment lié aux inter­ro­ga­tions des Alle­mands sur leur capac­ité à attir­er, en nom­bre et en qual­ité, comme dans le passé, des étu­di­ants étrangers, en rap­port égale­ment avec des inquié­tudes, cette fois générales, sur le finance­ment de l’ex­pan­sion quan­ti­ta­tive de l’en­seigne­ment supérieur.

La volon­té de réforme, qui en est résulté, dans les années 1994–1996, s’est coulée pour l’essen­tiel dans le proces­sus de Bologne, porté de 2000 à 2010 par une série de con­férences inter­gou­verne­men­tales. On peut faire de nom­breuses lec­tures de ce mou­ve­ment de réforme, qui amè­nent selon le point de vue adop­té à des sat­is­fac­tions ou à des per­plex­ités. Il est patent que la grande idée de base de repren­dre la logique d’é­tude du sys­tème nord-améri­cain con­sti­tué implicite­ment en mod­èle de référence n’a pas encore été réelle­ment mise en oeu­vre, à sup­pos­er que cette trans­for­ma­tion — impli­quant la créa­tion de col­lèges uni­ver­si­taires — ait été imag­in­able en dix ans.

Pri­mauté de l’anglais
Si des résul­tats spec­tac­u­laires ont été obtenus pour l’ac­cueil des étu­di­ants étrangers, ils résul­tent prin­ci­pale­ment du choix d’or­gan­is­er des enseigne­ments gradués en anglais, avec un aban­don de la langue nationale (Suède, Pays- Bas, Suisse) qui pour­rait se généralis­er avec le temps, comme pour les MBA où il n’ex­iste plus que des for­ma­tions anglophones.

Des voies d’approfondissement

À défaut d’avoir pu traiter toutes les dimen­sions du sujet, le panora­ma qui vient d’être dressé apporte une série d’é­clairages ouvrant la voie à des approfondissements.

Le pre­mier est d’il­lus­tr­er le change­ment pro­gres­sif de per­spec­tive, depuis le XIXe siè­cle où le souci majeur était de for­mer des diplômés à des métiers bien iden­ti­fiés dans un con­texte sta­ble, jusqu’à la péri­ode actuelle où la prob­lé­ma­tique est dev­enue large­ment insti­tu­tion­nelle, puisqu’il s’ag­it de don­ner à des “com­plex­es ” élar­gis les moyens de s’im­pos­er par rap­port à la con­cur­rence, par une démarche stratégique, avec une réelle liber­té d’initiative.

Une dimension culturelle

Le sec­ond est de con­firmer la dimen­sion pro­fondé­ment cul­turelle du prob­lème posé, illus­trée ici par la force de la référence à des mod­èles, et de soulign­er par con­tre­coup le dan­ger d’une approche trop rationnalisante.

Les dif­fi­cultés ren­con­trées dans l’ap­pli­ca­tion du proces­sus de Bologne illus­trent bien le risque de voir des dis­cours éminem­ment rationnels buter sur des réal­ités cul­turelles, façon­nées sur des péri­odes de l’or­dre de la généra­tion, de vingt-cinq années au moins, voire plus, avec la ques­tion de la porta­bil­ité de solu­tions éprou­vées dans des con­textes cul­turels très différents.

Le troisième est d’ob­serv­er que le développe­ment des for­ma­tions supérieures d’ingénierie s’est fait générale­ment dans un cadre rel­a­tive­ment pro­tégé, ten­ant compte de leurs spé­ci­ficités, et d’une ” juste ” dis­tance main­tenue entre l’art de la con­cep­tion et le souci d’ac­croisse­ment du savoir. Il n’est sans doute guère pens­able de pro­longer aujour­d’hui cet isole­ment relatif, puisque tout pousse à rechercher des ouver­tures sur les autres champs dis­ci­plinaires, mais cette leçon de l’his­toire doit être prise en compte.

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