Un code de bonne conduite pour les fonds spéculatifs

Dossier : Gestion d'actifsMagazine N°630 Décembre 2007Par Jean-Pierre BOUCHART (81)Par Jan-Willem DEURVORST

REPÈRES

REPÈRES
L’activité des fonds spécu­lat­ifs (hedge funds) a con­nu une crois­sance très impor­tante au cours des dernières années. Au niveau mon­di­al, les act­ifs détenus par l’ensemble des hedge funds ont presque dou­blé au cours des cinq dernières années pour attein­dre un peu plus de deux mille mil­liards de dol­lars. En Europe, cette crois­sance s’est traduite par un vol­ume d’actifs supérieur à 450 mil­liards de dol­lars. La France compte plus de 500 hedge funds, avec un total d’actifs gérés supérieur à 100 mil­liards de dollars.

La crois­sance rapi­de des hedge funds attire l’at­ten­tion des gou­verne­ments, des instances de régu­la­tions, des autorités fis­cales. Divers­es études sur l’im­pact économique et la néces­sité de lim­iter ou non la capac­ité d’in­ter­ven­tion des hedge funds font débat.

Cer­tains hedge funds ont choisi de devancer l’ap­pel en émet­tant récem­ment un pro­jet de code de bonne con­duite qu’ils vont s’autoappliquer.

Les régu­la­teurs sont amenés à veiller à la pro­tec­tion des investis­seurs et des marchés

Les hedge funds réalisent un nom­bre crois­sant de trans­ac­tions avec des instru­ments com­plex­es, non liq­uides, et sou­vent sur un cer­tain type d’in­stru­ments financiers tels que les instru­ments financiers négo­ciés de gré à gré, les CFD (con­tracts for dif­fer­ences), les instru­ments de place­ment de cap­i­taux (privés), les instru­ments de cap­i­tal investisse­ment, et des instru­ments dérivés très peu échangés sur les marchés, des titres de cap­i­tal, des oblig­a­tions, sans oubli­er les prêts aux ban­ques, et d’autres sources de levi­er financier, autrement dit sur les instru­ments échangés sur la base de négo­ci­a­tion entre les parties.

Et ce sont en fait ces instru­ments « négo­ciés » qui posent les plus gros risques d’é­val­u­a­tion à la fois aux investis­seurs, aux con­trepar­ties, aux régu­la­teurs, et créent le plus de dif­fi­cultés aux organes et aux entre­pris­es qui sont con­fron­tés à leur valorisation.

Cela a amené la pro­fes­sion à éla­bor­er ses pro­pres codes de con­duite, que ce soit au sein de l’AIMA (Alter­na­tive Invest­ment Man­age­ment Asso­ci­a­tion) ou de l’OICV (Organ­i­sa­tion inter­na­tionale des com­mis­sions de valeurs).

Un guide des bonnes pratiques de valorisation

Les objec­tifs prin­ci­paux du guide de l’AIMA sur les bonnes pra­tiques de val­ori­sa­tion des hedge funds sont de refléter les change­ments observés dans ce secteur, de met­tre à jour et ren­forcer les recom­man­da­tions déjà existantes.

Le guide a une portée mon­di­ale. Il con­tient quinze recom­man­da­tions qui s’ap­puient sur des principes et pro­posent les grandes lignes à suiv­re pour met­tre en œuvre une val­ori­sa­tion appro­priée. Ce guide cou­vre tous les aspects relat­ifs à la val­ori­sa­tion, depuis la gou­ver­nance, la trans­parence, les procé­dures, les proces­sus et les sys­tèmes d’in­for­ma­tion, jusqu’aux sources de don­nées et les mod­èles util­isés pour la val­ori­sa­tion des act­ifs d’un hedge fund. Il com­prend égale­ment un mod­èle de doc­u­men­ta­tion de la méthode de val­ori­sa­tion des­tiné aux hedge funds et qui peut être exam­iné par les investisseurs.

Par­mi les divers sujets abor­dés dans ce guide, l’at­ten­tion s’est portée sur la déf­i­ni­tion d’une méthodolo­gie de val­ori­sa­tion d’ac­t­ifs qui donne une indi­ca­tion sur les sources util­isées, la péri­ode con­sid­érée pour la val­ori­sa­tion et la marge d’er­reur tolérable.

D’autres aspects abor­dés dans le guide trait­ent de la déf­i­ni­tion des respon­s­abil­ités des dif­férents acteurs dans le proces­sus de val­ori­sa­tion, des prob­lé­ma­tiques de con­trôle, et de la mise en place d’une procé­dure de réso­lu­tion de « lit­iges », qui pour­raient notam­ment inter­venir lorsque la val­ori­sa­tion fournie par la con­trepar­tie, « à titre indi­catif », est remise en cause à l’oc­ca­sion d’une trans­ac­tion. La clar­i­fi­ca­tion des respon­s­abil­ités est un point clef pour les hedge funds, les ges­tion­naires s’at­ten­dant à ce que la val­ori­sa­tion soit effec­tuée par les prestataires de services.

Bien que l’AIMA recon­naisse qu’une approche unique val­able pour tous et pour tous les cas est inap­pro­priée pour les hedge funds, elle vise néan­moins, à tra­vers ce guide, à fournir une ori­en­ta­tion pra­tique, avec des illus­tra­tions claires pour chaque recommandation.

Des principes de valorisation de portefeuilles

De nom­breux hedge funds et leurs gérants adhèrent aux pra­tiques qui sont com­pat­i­bles avec leur activité

Les principes élaborés par l’OICV sur la val­ori­sa­tion des porte­feuilles de hedge funds, soumis à con­sul­ta­tion publique, abor­dent ces ques­tions de façon rel­a­tive­ment sim­i­laire. Les neuf principes ont pour objet d’être un out­il pra­tique pour les gérants de hedge funds, les organes de sur­veil­lance, et toutes les per­son­nes inter­venant dans le proces­sus de val­ori­sa­tion. Ils peu­vent égale­ment être utiles pour cer­tains types d’in­vestis­seurs insti­tu­tion­nels et leurs représentants.

Ces principes décrivent des tech­niques qui doivent ren­forcer le proces­sus de val­ori­sa­tion, afin d’aboutir à une val­ori­sa­tion beau­coup plus fiable. Ils insis­tent en par­ti­c­uli­er sur l’im­por­tance d’avoir des procé­dures écrites, claires, cohérentes dans leur fonc­tion­nement, qui sont revues régulière­ment, et qui four­nissent un degré suff­isant d’indépen­dance afin de per­me­t­tre des véri­fi­ca­tions et con­trôles efficaces.

La réglementation française

D’une manière générale, les principes édic­tés tant par l’AIMA que par l’OICV cor­re­spon­dent sur le fond aux principes applic­a­bles actuelle­ment aux OPCVM de droit français. Ces principes, mod­i­fiés par le décret du 10 août 2007, inclu­ent notamment :

  • l’af­fir­ma­tion du principe général de moyens et d’une organ­i­sa­tion, au sein de la société de ges­tion, adap­tés aux véhicules gérés et à la nature de la clien­tèle visée ;
  • l’in­té­gra­tion, dans les con­di­tions d’éli­gi­bil­ité des instru­ments financiers, au-delà de critères de liq­uid­ités, de principes de disponi­bil­ités d’in­for­ma­tions per­me­t­tant la val­ori­sa­tion fiable de ces instruments ;
  • des principes organ­i­sa­tion­nels spé­ci­fiques en ce qui con­cerne la val­ori­sa­tion des instru­ments financiers à terme, basés de manière générale sur le principe que la val­ori­sa­tion est effec­tuée par l’OPCVM, ne se fonde pas unique­ment sur les prix de marché don­nés par la con­trepar­tie, est basée sur la valeur de marché actuelle, elle-même établie de manière fiable pour l’in­stru­ment, ou sur une méthode de val­ori­sa­tion recon­nue et appropriée.

Vers plus de transparence

Sous la pres­sion des investis­seurs, notam­ment insti­tu­tion­nels, les hedge funds pro­gressent vers plus de transparence.

Le fait d’énon­cer un ensem­ble de principes ou de recom­man­da­tions relat­ifs à la val­ori­sa­tion est posi­tif, certes ; mais ils n’au­ront d’im­pact sur l’ac­tiv­ité des hedge funds que dans la mesure où ils seront mis en œuvre. Ces principes et recom­man­da­tions représen­tent de bonnes pra­tiques dans ce secteur, et de nom­breux hedge funds avec leurs gérants adhèrent déjà aux pra­tiques qui sont com­pat­i­bles avec leur activité.

L’at­ten­tion soutenue accordée à la val­ori­sa­tion, et spé­ciale­ment l’i­den­ti­fi­ca­tion des con­flits poten­tiels au cours du proces­sus, reste un aspect qui, sans doute, fera l’ob­jet d’une révision.

Une collaboration à l’échelle mondiale

L’AIMA a affir­mé qu’elle con­tin­uera à tra­vailler en col­lab­o­ra­tion étroite avec l’OICV et d’autres organes de régu­la­tions à l’échelle mon­di­ale, sur ce sujet de la val­ori­sa­tion, et sur d’autres sujets qui émer­gent avec l’évo­lu­tion des hedge funds.

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