Un budget dans la moyenne de celui des pays de l’OCDE

Dossier : Le financement de l'enseignement supérieur et de la rechercheMagazine N°634 Avril 2008
Par Jacques LESOURNE (48)

REPÈRES
Pour sépar­er recherche et enseigne­ment dans le supérieur, on a décidé con­ven­tion­nelle­ment que les enseignants-chercheurs pas­saient la moitié de leur temps en recherche et l’autre moitié en enseigne­ment, une con­ven­tion arbi­traire qui recou­vre une réal­ité très hétérogène (et ne par­lons pas des pro­fesseurs des CHU qui recherchent, enseignent et tra­vail­lent dans des ser­vices hospitaliers).

En matière de recherche-développe­ment, les dépens­es des entre­pris­es représen­tent plus de la moitié du total, la par­tie publique se décom­posant elle-même entre ce qui relève des étab­lisse­ments de l’enseignement supérieur et des grands organ­ismes. Quant à l’enseignement supérieur, il réu­nit les uni­ver­sités et les grandes écoles (qui ont ten­dance à se rap­procher mais restent encore très séparées), mais surtout inclut le supérieur pro­pre­ment dit et ce que je préfère appel­er le « post­bac­calau­réat » (le niveau L) qui, lorsqu’il est effi­cace, a recours à des péd­a­go­gies du secondaire.

Ce sys­tème est en pleine évo­lu­tion, du côté des entre­pris­es avec comme con­séquence des change­ments de la struc­ture pro­duc­tive, du côté du secteur pub­lic par l’européanisation et la mon­di­al­i­sa­tion qui ten­dent lente­ment à rap­procher notre organ­i­sa­tion de celle des grands pays étrangers. D’ailleurs, deux lois ont été votées par le Par­lement : en 2005, une loi sur la recherche et en 2007, une loi sur les uni­ver­sités. Elles mod­i­fieront sen­si­ble­ment le paysage à terme.

Venons-en main­tenant aux chiffres. Les seuls facile­ment disponibles sont ceux étab­lis en appli­ca­tion de règles inter­na­tionales, la compt­abil­ité publique française reposant sur des bases qui facili­tent le con­trôle, mais sont presque inutil­is­ables pour la ges­tion. Les don­nées citées provi­en­nent de l’État de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, édité par le Min­istère et du dernier livre de Futuris pub­lié en 20071.

Le financement de l’enseignement supérieur

La DIE (Dépense inter­mé­di­aire d’éducation) s’élève en euros 2006 à 121 mil­liards env­i­ron, la part pour le supérieur représen­tant 17,7 mil­liards. La com­para­i­son inter­na­tionale n’est disponible que pour 2004. Elle mon­tre que la France dépense 1,3 % de son PIB pour l’enseignement supérieur, soit sen­si­ble­ment la moyenne de l’OCDE (1,4 %), plus que l’Allemagne et le Roy­aume-Uni, mais beau­coup moins que les pays nordiques, la Corée du Sud et surtout les États-Unis (3,0 %).

Une grande part de financement public


Plus de la moitié des dépens­es con­cer­nent le per­son­nel enseignant.

Au sein de l’OCDE, la répar­ti­tion de l’effort entre finance­ment pub­lic et finance­ment privé s’étage entre la Grèce où le finance­ment privé est qua­si nul et la Corée du Sud où le finance­ment privé dépasse large­ment le finance­ment pub­lic. Les États-Unis et le Japon sont les deux grands pays où le finance­ment privé est plus impor­tant que le pub­lic. Avec un finance­ment pub­lic de 84,0 % et un finance­ment privé de 16,0 %, le finance­ment pub­lic français est de 9 points supérieur à la moyenne de l’OCDE (75,7 %). Il est très proche de la struc­ture alle­mande, mais avec une part publique un peu plus forte qu’en Ital­ie, Espagne et Roy­aume-Uni. Dans la par­tie privée, les ménages d’une part, les entre­pris­es et les Cham­bres con­sulaires d’autre part comptent cha­cun pour env­i­ron la moitié. 

Une explosion des effectifs

En euros con­stants, la dépense par étu­di­ant a crû de 33% depuis 1980

Une fois fixé l’ordre de grandeur des dépens­es, il est naturel de le rap­porter aux effec­tifs du supérieur. Ceux-ci ont explosé, notam­ment entre 1990 et 1995 avec près de 600 000 étu­di­ants sup­plé­men­taires. Néan­moins, en euros con­stants, la dépense par étu­di­ant qui s’est élevée à 9 370 euros en 2006 a crû de 33 % de 1980 à 2006. Ce mon­tant place la France dans la moyenne de l’OCDE au 14e rang.

À ces don­nées glob­ales, j’ajouterai quelques élé­ments plus spé­ci­fiques qui sont néces­saires pour com­pren­dre la struc­ture des financements :
• sur l’ensemble des dépens­es, 53 % con­cer­nent les dépens­es de per­son­nel enseignant et 18 % les dépens­es de per­son­nel non enseignant, le fonc­tion­nement représen­tant 19 % et le « cap­i­tal » (un terme bien ambigu) 19 % ;
• le nom­bre d’inscrits dans l’enseignement supérieur, chiffre de valeur très rel­a­tive pour les uni­ver­sités (hors IUT), est égal pour 2006–2007 à 2,254 mil­lions. Chiffre qui ne croît plus depuis plusieurs années et a récem­ment dimin­ué. Sur ce total, les uni­ver­sités (hors IUT) sco­larisent 1,285 mil­lion et les autres for­ma­tions un peu moins de 1 mil­lion, dont 76 000 pour les class­es pré­para­toires et les grandes écoles ;
• à la ren­trée 2006, plus de 500 000 étu­di­ants, soit 30 % de la pop­u­la­tion de l’année, ont béné­fi­cié d’une aide finan­cière directe sous forme de bours­es, mais la France se situe bien au-dessous de la moyenne OCDE quant au mon­tant total des bourses ;
• enfin, la dépense moyenne par étu­di­ant oscille en 2006 entre 7 840 euros à l’université, hors IUT, et 13 940 dans l’ensemble des class­es pré­para­toires-grandes écoles.

Le maillon faible

Ces élé­ments – et dans le para­graphe qui suit, je m’exprimerai à titre per­son­nel – ne me parais­sent pas en con­tra­dic­tion avec le diag­nos­tic suiv­ant assez générale­ment partagé :
• le mail­lon faible de l’enseignement supérieur français est con­sti­tué par le pre­mier cycle (hors IUT) où les tech­niques péd­a­gogiques sont très éloignées de celles du sec­ondaire pour con­venir à une par­tie des inscrits ;
• l’éparpillement sur le ter­ri­toire d’universités en général petites et traitées de manière trop homogène les con­duit à assumer des tâch­es sou­vent à la lim­ite de leurs moyens financiers (aus­si le regroupe­ment actuel dans le cadre de PRES con­stitue une évo­lu­tion favorable) ;
• si, comme cer­tains le deman­dent, les frais d’inscription à l’université doivent être relevés, une refonte pro­fonde du sys­tème des bours­es est indispensable ;
• les réformes récentes offrent des per­spec­tives favor­ables, mais leur impact ne pour­ra être jugé que dans les prochaines années.

Le financement de la recherche

REPÈRES
En points de PIB, le pour­cent­age de la DIRD, qui était descen­du à 2,15 % en 2000 (et même à 2,13%en 2005), est remon­té à 2,20 en 2007, l’augmentation provenant prin­ci­pale­ment de la par­tie publique (de 0,81 à 0,84).

Les dons des ménages con­stituent un apport faible, mais sont pré­cieux par leur sig­ni­fi­ca­tion sociale

Abor­dons main­tenant le finance­ment de la recherche-développe­ment. La DIRD (Dépense intérieure de recherche-développe­ment) est l’équivalent de la DIE. On lui adjoint naturelle­ment, comme en compt­abil­ité nationale, la DNRD (Dépense nationale de recherche-développe­ment). Tan­dis que la pre­mière cou­vre l’ensemble des travaux exé­cutés sur le sol français, la sec­onde porte sur les activ­ités financées par des insti­tu­tions français­es. La dif­férence représente évidem­ment le sol­de des flux financiers avec l’étranger dans ce domaine.

Pour com­mencer, je me lim­it­erai aux chiffres de la DIRD. Elle se monte en 2007 (esti­ma­tion de Futuris) à 40,82 mil­liards d’euros 2007, 15,56 de DIRD publique et 25,26 de DIRD des entre­pris­es, soit respec­tive­ment 38,12 et 61,88 %.

Le rôle croissant des régions


La dépense intérieure de recherche-développe­ment dépasse les 40 mil­liards d’euros.

Si l’on regarde d’un peu plus près la par­tie publique (DIRDA et DNRDA) les élé­ments majeurs à con­naître sont les suivants.

Pour le finance­ment (DNRDA), le mon­tant de 19,09 mil­liards en 2007 provient prin­ci­pale­ment de l’État (89,74 %), puis des pro­grammes inter­gou­verne­men­taux (4,70 %), de l’Union européenne (3,69 %) et enfin des régions et col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales (1,87 %) dont le pour­cent­age a dou­blé depuis 2000 et qui jouent un rôle croissant.

Pour l’exécution (DIRDA), le mon­tant de 15,56 mil­liards en 2007 provient de ressources budgé­taires récur­rentes (11,54), de finance­ments publics sur pro­jet (1,65), de com­man­des publiques de RD (1,47), de con­trats des entre­pris­es (0,74) et de finance­ment d’institutions sans but lucratif (0,17). On con­state à quel point les dons des ménages con­stituent un apport faible, même s’ils sont pré­cieux par leur sig­ni­fi­ca­tion sociale et leur facil­ité d’emploi.

En com­para­i­son inter­na­tionale, la DIRD française est en chiffre 2005 dans la moyenne de l’OCDE, mais au-dessous de l’Allemagne (2,46 %), des États-Unis (2,62 %), du Japon (3,33 %) et, en Europe, de la Fin­lande et de la Suède (chiffres 2005).
 


Don­ner aux lab­o­ra­toires une plus grande liber­té de gestion.

Pour la même année, la part de la DIRD exé­cutée par les entre­pris­es est en France de 63 % con­tre 37 % pour les admin­is­tra­tions, soit le même pour­cent­age qu’au Roy­aume-Uni, mais moins qu’en Alle­magne (69 %), aux États-Unis (70 %) et au Japon (76 %).

Le tableau indique com­ment se décom­pose la DIRDA entre les dif­férents acteurs publics. Il faut rap­pel­er que le chiffre de l’enseignement supérieur résulte de la con­ven­tion appor­tant à la recherche 50 % du temps des enseignants-chercheurs.

Il n’est guère pos­si­ble d’aller au-delà, dans le cadre de cet arti­cle, mais depuis quelques années, les travaux du Min­istère, de l’OST et de Futuris éclairent des ques­tions comme les suiv­antes : pour la DIRD, com­ment se répar­tit la recherche par dis­ci­pline, par branche indus­trielle ou par domaine technologique ?
Pour la DIRDA, com­ment se dis­tribuent les ressources par finance­ment récur­rent et finance­ment par pro­jet ain­si que par objec­tif (pro­duc­tion de con­nais­sances, appui à l’innovation indus­trielle, défense, grands projets…) ?

Tableau 1 : Quelques don­nées sur le finance­ment de l’enseignement supérieur (2006) Tableau 2 : La part des dif­férents acteurs dans la recherche publique (2005) (en % de la DIRDA)
DIE par étudiant 9370 € Enseigne­ment supérieur 33%
Struc­ture du financement Organ­ismes de recherche 53%
État 76 % dont EPST2 (CNRS, INRA) 27%
Col­lec­tiv­ités territoriales 6,5% dont EPIC3 (CEA, CNES) 26%
Autes adm. publiques 1,7% Défense 9%
Entreprises 6,5% Autres 5%
Ménages 9,3%
Total 100% Total 100%


Au niveau nation­al, le pilotage de l’ensemble laisse à désir­er ain­si que la déf­i­ni­tion des choix stratégiques. Émet­tre des avis sur ces sujets est la mis­sion con­fiée au HCST (le Haut Con­seil de la sci­ence et de la tech­nolo­gie) créé par la loi de 2005. Cette action venue d’en haut doit aller de pair avec la mise en place des mesures envis­agées pour don­ner aux lab­o­ra­toires une plus grande liber­té de ges­tion et faciliter la col­lab­o­ra­tion entre le secteur pub­lic et les entreprises.

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1. J. Lesourne et Denis Ran­det, La Recherche et l’Innovation en France, Futuris 2007, Odile Jacob, 2007.
2. Étab­lisse­ment pub­lic à car­ac­tère sci­en­tifique et technologique.
3. Étab­lisse­ment pub­lic à car­ac­tère indus­triel et commercial.

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