Une énergie 100 % solaire est possible

« Un avenir énergétique 100 % solaire est possible »

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°775 Mai 2022
Par Michael COUDYSER (98)

Aujourd’hui, le solaire s’impose de plus en plus comme une com­posante incon­tourn­able du mix énergé­tique mon­di­al. C’est, d’ailleurs, la con­vic­tion intime de Michael Coudyser (98), directeur général et fon­da­teur de Cor­si­ca Sole, une entre­prise française spé­cial­isée dans la pro­duc­tion et le stock­age de l’énergie pho­to­voltaïque. Il nous en dit plus dans cet entretien. 

Créé 2009, Corsica Sole a fait le choix de devenir un acteur incontournable du photovoltaïque. Comment la société a évolué au cours des dernières années ?

Depuis sa créa­tion, Cor­si­ca Sole a tou­jours eu la volon­té de se posi­tion­ner comme un acteur de la tran­si­tion énergé­tique en se con­cen­trant sur l’énergie solaire. Au fil des années, Cor­si­ca Sole est ain­si devenu le pre­mier pro­duc­teur indépen­dant (i.e. non affil­ié à EDF) de Corse avec une énergie 100 % solaire. 

Depuis ses débuts, la société a aus­si con­nu trois évo­lu­tions majeures. Ini­tiale­ment basée en Corse, Cor­si­ca Sole opère doré­na­vant dans l’ensemble des îles français­es, y com­pris la Guyane qui est un ter­ri­toire isolé sur le plan élec­trique, mais égale­ment sur le ter­ri­toire con­ti­nen­tal français et en Europe. Sur le plan tech­nologique, nous avons diver­si­fié notre activ­ité et faisons, en plus de la pro­duc­tion, du stock­age d’énergie. Sur les îles où nous opérons, les réseaux ne sont pas inter­con­nec­tés comme cela est le cas sur la plaque con­ti­nen­tale. Il faut donc pou­voir pro­duire et con­som­mer sa pro­pre énergie. 

Très vite, les ter­ri­toires insu­laires ont été con­fron­tés au défi de pou­voir inté­gr­er plus d’énergies renou­ve­lables (par­fois plus de 30 % de leur mix), qui sont par déf­i­ni­tion inter­mit­tentes. Ain­si, dès 2015, nous avons équipé l’ensemble de nos cen­trales pho­to­voltaïques avec des unités de stock­age pour faire l’adéquation entre la pro­duc­tion et le besoin des con­som­ma­teurs. Enfin, nous avons aus­si créé le con­cept de mobil­ité solaire à tra­vers notre fil­iale DRIVECO pour offrir la pos­si­bil­ité aux per­son­nes qui optent pour un véhicule élec­trique de rouler avec une énergie 100 % solaire.

Pour accom­pa­g­n­er sa crois­sance, Cor­si­ca Sole a fait récem­ment ren­tr­er à son cap­i­tal, le fonds d’investissement Miro­va Tran­si­tion Ener­gy 5, fil­iale de NATIXIS.

Aujourd’hui, le stockage est un des principaux leviers pour accompagner le déploiement des énergies renouvelables. Pourquoi ? 

Les éner­gies renou­ve­lables sont inter­mit­tentes. Il y a très sou­vent un décalage entre le pic de pro­duc­tion en milieu de journée et le pic de la demande de con­som­ma­tion en début de soirée : les unités de stock­age d’énergie per­me­t­tent donc de rétablir l’équilibre entre la pro­duc­tion et la con­som­ma­tion. Les unités de pro­duc­tion par­ticipent égale­ment à la régu­la­tion de la fréquence sur le réseau élec­trique : en cas de chute bru­tale de la pro­duc­tion (suite à une panne d’une unité de pro­duc­tion par exem­ple) les unités de stock­age peu­vent com­penser cette perte en moins d’une sec­onde pour que la fréquence reste con­stante sur le réseau. 

Après avoir dévelop­pé et éprou­vé les tech­nolo­gies de stock­age dans les îles, nous déployons à présent ces solu­tions sur le con­tient. Nous con­stru­isons, en ce moment même en Bel­gique, la plus impor­tante unité de stock­age d’énergie d’Europe con­ti­nen­tale, qui sera mise en ser­vice l’été prochain. 

Le solaire a vocation à jouer un rôle de plus en plus important dans le mix énergétique. Pourquoi ne pas aller plus vite ? 

En effet, depuis env­i­ron 5 ans, l’énergie solaire est la moins chère au monde. Elle est notam­ment 2 fois moins chère que le nucléaire et 30 % moins chère que l’éolien. Comme précédem­ment men­tion­né, il existe des solu­tions de stock­age qui per­me­t­tent de com­penser tech­nique­ment l’intermittence et donc d’envisager le déploiement du pho­to­voltaïque à grande échelle. Même cou­plée à des bat­ter­ies de stock­age, elle reste moins chère que le nucléaire. Et parce qu’elle est très bien dis­tribuée sur l’ensemble de la planète, elle per­met de résoudre la ques­tion de la sou­veraineté énergé­tique, un sujet d’actualité en plein con­fit ukrainien. Pour toutes ces raisons, je suis per­son­nelle­ment con­va­in­cu que le pho­to­voltaïque va jouer un rôle cen­tral à l’avenir.

Pour accélér­er le déploiement du solaire, nous devrons com­bat­tre des idées fauss­es qui se répan­dent dans le débat poli­tique et finis­sent par ralen­tir les pro­jets. Des chercheurs du CNRS vien­nent juste­ment de pub­li­er un rap­port1 pour rétablir le vrai du faux et par exem­ple : non, les cen­trales solaires ne vont pas rem­plac­er les champs cul­tivés ! Chez Cor­si­ca Sole, nous priv­ilé­gions les ter­rains déjà arti­fi­cial­isés (comme les car­rières ou les sites indus­triels) mais il est égale­ment pos­si­ble de faire cohab­iter une cen­trale pho­to­voltaïque avec du pâturage sur une terre agri­cole. Même dans un scé­nario 100 % énergie renou­ve­lable à l’horizon 20502, le pho­to­voltaïque occu­perait moins de 2 500 km2 soit moins de 0,5 % des ter­res agri­coles, et soit 4 fois moins que les sur­faces aujourd’hui dédiées aux biocarburants.

Aujourd’hui, le déploiement de cen­trales pho­to­voltaïques en France est ralen­ti unique­ment par des con­sid­éra­tions poli­tiques et admin­is­tra­tives : les per­mis de con­stru­ire pren­nent main­tenant plus de deux ans d’instruction alors que la procé­dure durait trois mois il y a dix ans… cela devient ubuesque.

Quels sont les principaux projets qui vous mobilisent ?

Nous avons plusieurs pro­jets en cours en France et dans les îles. Cor­si­ca Sole est en recherche per­ma­nente de fonci­er pour déploy­er de nou­velles cen­trales solaires et de stock­age afin de con­tribuer à notre échelle à la tran­si­tion énergé­tique française. 

Nous pré­parons aus­si d’ores et déjà l’avenir. Cor­si­ca Sole tra­vaille ain­si sur des pro­jets visant à pro­duire de l’hydrogène vert à par­tir du solaire. 

Et quelles sont vos ambitions ? Comment vous projetez-vous sur le marché ?

Sur le marché du pho­to­voltaïque (pro­duc­tion, stock­age, pro­duc­tion d’hydrogène vert, mobil­ité solaire), notre ambi­tion est de ren­forcer notre lead­er­ship en Corse et d’accélérer notre développe­ment en France et en Europe. D’ici les huit prochaines années, nous visons 1 gigawatt de puis­sance instal­lée et notre fil­iale DRIVECO va devenir le leader français de la mobil­ité élec­trique en déploy­ant le plus vaste réseau de bornes de recharge pour accom­pa­g­n­er la for­mi­da­ble dynamique du marché du véhicule électrique.

Pour poursuivre votre développement, quels sont les talents et compétences que vous recherchez ?

Cor­si­ca Sole est avant tout une entre­prise d’ingénieurs, com­posée de femmes et d’hommes qui ont une appé­tence pour les défis intel­lectuels, tech­niques dans le domaine de l’énergie verte. Nous sommes tou­jours à la recherche de tal­ents et de com­pé­tences pour nous rejoin­dre afin de tra­vailler sur l’ensemble des sujets que j’ai déjà évo­qués : la pro­duc­tion, le stock­age, l’hydrogène vert… Plus pré­cisé­ment, nous cher­chons des tech­ni­ciens pour les aspects relat­ifs à l’exploitation et à la main­te­nance et des ingénieurs pour la con­cep­tion et le pilotage de projets. 

Et pour conclure ? 

Il y a dans la sphère publique un débat qui tend à oppos­er les tech­nolo­gies. De manière car­i­cat­u­rale, les pronu­cléaires sont anti-éner­gies renou­ve­lables et inverse­ment. C’est une façon de voir les choses qui débouche sur des débats stériles. 

En effet, face à l’urgence cli­ma­tique et la néces­sité de réus­sir la tran­si­tion énergé­tique, toutes les éner­gies décar­bonées sont impor­tantes. Il faut cap­i­talis­er sur les avan­tages de cha­cune de ces éner­gies pour attein­dre durable­ment un monde neu­tre en car­bone à hori­zon 2050.


1 Le solaire pho­to­voltaïque en France : réal­ité, poten­tiel et défis. Mars 2022

2 Rap­port RTE, Futurs 2050, Prin­ci­paux résul­tats. Octo­bre 2021


En bref

  • Créa­tion en 2009
  • Implan­ta­tion en Corse, à la Réu­nion, en Guade­loupe, en Mar­tinique, à la Guyane, à Paris, à Mar­seille, à Lyon, à Bor­deaux et à Toulouse 
  • 120 col­lab­o­ra­teurs
  • Une très forte croissance 

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