Un atome de silicium en plus pour créer des térahertz

Dossier : ExpressionsMagazine N°699 Novembre 2014
Par Holger VACH
Par Alice TSCHUDY

Entre infrarouge et microon­des, les ondes téra­hertz ont longtemps été inex­plorées. Aujourd’hui, leurs appli­ca­tions se mul­ti­plient, des scan­ners cor­porels à l’agroalimentaire en pas­sant par la san­té ou les ordi­na­teurs de l’avenir.

Cepen­dant, génér­er des téra­hertz reste com­plexe, coû­teux, et impose de recourir par­fois à des dis­posi­tifs immenses comme les synchrotrons.

En util­isant une panoplie de méth­odes théoriques (sim­u­la­tions de dynamique molécu­laire, cal­culs ab ini­tio, etc.), Hol­ger Vach, du Lab­o­ra­toire de physique des inter­faces et couch­es minces (LPICM, École poly­tech­nique-CNRS), a mon­tré qu’il est pos­si­ble d’obtenir spon­tané­ment un ray­on­nement téra­hertz grâce aux pro­priétés mécaniques d’un nanocristal de sili­ci­um aromatique.

Le potentiel des ondes térahertz est important. Contrairement aux rayons X, elles sont nonionisantes, ce qui préserve les tissus vivants et la matière. Les débouchés sont nombreux : médecine, sécurité, télécommunications à haut débit, caractérisation des matériaux, observation astronomique, ordinateurs du futur, etc.
Mais le problème de la miniaturisation des dispositifs et du coût de fabrication reste un frein important à leur développement.

La simulation précède la démonstration

L’avancée majeure de son tra­vail réside dans l’étude des pro­priétés de cette molécule par­ti­c­ulière mesurant moins d’un nanomètre : son atome cen­tral de sili­ci­um oscille spon­tané­ment sur une ligne droite à une fréquence de 3 THz. Hol­ger Vach a d’abord démon­tré la pos­si­bil­ité de créer une molécule de sili­ci­um dite aro­ma­tique, recher­chée depuis plus de cent ans.

“ Ce type de nanocristal a déjà été observé par hasard ”

« Tout ceci a été ren­du pos­si­ble grâce aux sim­u­la­tions ab ini­tio qui m’ont per­mis d’analyser les pro­priétés physiques de cette struc­ture, explique Hol­ger Vach. Ce type de nanocristal a déjà été observé par hasard lors d’expériences, mais les chercheurs ne s’y étaient pas intéressés, igno­rant ces car­ac­téris­tiques. La prochaine étape est d’en pro­duire de façon contrôlée. »

Une révolution de la chimie

Ces nanocristaux ont de nom­breuses qual­ités. D’un diamètre de 0,8 nm, ils peu­vent être inté­grés dans des sys­tèmes nanométriques. Com­posés unique­ment d’atomes de sili­ci­um non tox­ique et de faible coût, ils pour­raient être util­isés comme nano-fours dans le traite­ment hyper­ther­mique du can­cer ou comme nano-oscil­la­teurs dans les sys­tèmes informatiques.

Autre exem­ple : ils absorbent la lumière dans les ultra­vi­o­lets, le vis­i­ble et l’infrarouge, c’est-à-dire dans un champ bien plus large que les nanocristaux clas­siques util­isés dans les cel­lules pho­to­voltaïques actuelles, ce qui prédit des pan­neaux pho­to­voltaïques plus efficaces.

À l’instar de la décou­verte du ben­zène et de son car­ac­tère aro­ma­tique, ce nanocristal de sili­ci­um pour­rait révo­lu­tion­ner la chimie inor­ganique tant au niveau théorique qu’industriel.

Un exem­ple typ­ique d’oscillations spon­tanées à basse tem­péra­ture dans un nanocristal aromatique :

Struc­ture du nanocristal : les atom­es de sili­ci­um sont représen­tés par des sphères gris­es et des atom­es d’hydrogène par des sphères blanches

• Notez que l’atome de sili­ci­um cen­tral a six voisins au lieu de qua­tre habituels.

Oscillations d'atomes

Courbe rouge : mou­ve­ment ordon­né de l’atome de sili­ci­um intérieur,

Courbe verte : mou­ve­ment aléa­toire de l’un des dix-huit autres atom­es de silicium,

Courbe vio­lette : mou­ve­ment de l’atome cen­tral de Si dans un nanocristal com­pa­ra­ble, mais non-aro­ma­tique sous les mêmes conditions ;

fréquence d’oscillation de l’atome de silicium interne en fonction de la température du nanocristal.

Fréquence d’oscillation de l’atome de sili­ci­um interne en fonc­tion de la tem­péra­ture du nanocristal.

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