Onde de sillage créée par une impulsion laser

Une nouvelle imagerie pour dépister les cancers

Dossier : ExpressionsMagazine N°707 Septembre 2015
Par Victor MALKA

L’interaction entre une impul­sion laser de très grande inten­sité et un gaz pro­duit un plas­ma qui, maîtrisé, peut être util­isé pour accélér­er, de façon com­pacte et effi­cace, des particules.

Imag­iné il y a 30 ans, ce nou­veau con­cept d’accélérateur est aujourd’hui devenu une réal­ité dans les laboratoires.

Faisceaux d’électrons

Les travaux de recherche menés ces dernières années nous ont per­mis d’obtenir des fais­ceaux d’électrons aux pro­priétés inédites.

“ Le contraste de phase permettra une détection très précoce avec une dose minimale ”

Très énergé­tiques, extrême­ment bril­lants et accord­ables en énergie, ils lais­sent entrevoir de grandes per­spec­tives d’application en radio­thérapie et en imagerie médicale.

Les accéléra­teurs laser-plas­ma sont très intéres­sants pour l’imagerie médi­cale car ils per­me­t­tent de pro­duire des fais­ceaux de rayons X cohérents et de petites dimen­sions, indis­pens­ables à l’obtention de clichés d’intérêt médi­cal avec une réso­lu­tion spa­tiale sans précédent.

Nos recherch­es por­tent actuelle­ment sur de nou­velles approches per­me­t­tant le con­trôle des champs élec­triques, l’idée étant de faire osciller les élec­trons accélérés et ain­si de les « faire émet­tre » un ray­on­nement énergé­tique dans le domaine des rayons X.

Détecter le plus tôt possible

Vic­tor Mal­ka, directeur de recherche CNRS au Lab­o­ra­toire d’optique appliquée (LOA), unité mixte de recherche (ENSTA Paris­Tech, CNRS, École poly­tech­nique), et son équipe, vien­nent d’être récom­pen­sés pour leurs travaux de recherche par la pres­tigieuse bourse d’excellence européenne du Con­seil européen de la Recherche (ERC) pour la sub­ven­tion Proof of Con­cept. Cette bourse vise à ren­forcer des recherch­es sur le développe­ment de tech­nolo­gies inno­vantes pour la détec­tion du can­cer à un stade précoce.

Il est cru­cial de détecter un can­cer le plus tôt pos­si­ble afin de le traiter rapi­de­ment et effi­cace­ment, et cela, avant qu’il ne se développe. Pour détecter les tumeurs can­céreuses, il existe, dans le domaine des rayons X, deux types d’imagerie : l’imagerie par absorp­tion, et l’imagerie par con­traste de phase.

L’imagerie par absorp­tion, méth­ode d’imagerie X dite « con­ven­tion­nelle », utilise les pro­priétés d’absorption des tis­sus. Elle per­met par exem­ple de visu­alis­er des tis­sus osseux dont la den­sité est très dif­férente de celle des tis­sus environnants.

En revanche, il n’est pas pos­si­ble avec cette tech­nique de dis­tinguer, par exem­ple, des cel­lules can­céreuses de cel­lules non can­céreuses puisqu’elles pos­sè­dent des den­sités très proches.

Cent fois moins épais qu’un cheveu

L’imagerie X par con­traste de phase néces­site une source spa­tiale­ment cohérente. Cette méth­ode intro­duit un change­ment de phase qui peut être impor­tant même quand les dif­férences en atténu­a­tion sont faibles ou absentes. Le con­traste d’image peut être con­sid­érable­ment aug­men­té, notam­ment pour les tis­sus mous biologiques. La dimen­sion de la source X étant par ailleurs très petite, cette tech­nique per­met la détec­tion de tumeur can­céreuse à un stade par­ti­c­ulière­ment précoce.

Les pro­priétés de nos sources per­me­t­tent d’obtenir des réso­lu­tions de quelques micromètres, c’est-à-dire dix à cent fois moins épais qu’un cheveu. Appliquée au cas des can­cers du sein, l’imagerie par con­traste de phase per­me­t­tra une détec­tion très pré­coce avec une dose minimale.

Onde de sil­lage créée par l’im­pul­sion laser (en blanc) per­me­t­tant la réal­i­sa­tion de champs élec­triques accéléra­teurs de l’or­dre de plusieurs cen­taines de giga­volts par mètre.

Au sein du Lab­o­ra­toire d’optique appliquée, nous tra­vail­lons sur cette tech­nique. Pour le moment, l’imagerie par con­traste de phase pour la détec­tion du can­cer fait l’objet d’intenses recherch­es mais n’est pas encore util­isée cliniquement.

Un cliché instantanné

Nous tra­vail­lons sur l’optimisation de cette tech­nique d’imagerie par con­traste de phase.

À l’heure actuelle, avec les clichés par imagerie médi­cale, il n’est pas pos­si­ble d’empêcher que le patient bouge, même très légère­ment. À cause de ce mou­ve­ment, l’image est floutée. En amélio­rant la tech­nique de l’imagerie par con­traste de phase, l’objectif est d’avoir un cliché instan­ta­né qui ne sera pas flouté par ce mouvement.

La bourse ERC va nous per­me­t­tre de financer ces recherch­es et d’étudier avec entre autres la Spin-off Source­LAB issue d’une précé­dente bourse ERC la per­ti­nence indus­trielle de l’approche.

Du concept à l’application

C’est avant tout un tra­vail d’équipe, avec de jeunes doc­tor­ants, post­doc­tor­ants et chercheurs, tous extrême­ment bril­lants et motivés, qui est récom­pen­sé. C’est aus­si la con­ti­nu­ité de nos recherch­es qui ont débuté il y a une dizaine d’années.

“ Un travail d’équipe, avec de jeunes doctorants, postdoctorants et chercheurs brillants et motivés ”

Grâce à cette bourse d’une durée de dix-huit mois, nous allons met­tre en place un arse­nal de tech­niques inno­vantes basées sur la tech­nolo­gie laser-plas­ma pour la détec­tion des can­cers, et notam­ment le can­cer du sein.

Ces tech­nolo­gies pour­raient, je l’espère, être appliquées d’ici quelques années.

À terme, l’objectif est de met­tre en place des instal­la­tions expéri­men­tales dédiées au médi­cal au sein même du Lab­o­ra­toire d’optique appliquée, où imagerie et traite­ment seront con­join­te­ment poursuivis.

Cette bourse vient en com­plé­ment d’autres bours­es « ERC Advanced Grants » qui m’ont per­mis de réalis­er des avancées plus fon­da­men­tales ; elle per­met donc cette tran­si­tion vertueuse entre un con­cept fon­da­men­tal et son appli­ca­tion sociétale.

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