Expérience astrophysique en laboratoire

Expliquer la collimation des jets astrophysiques

Dossier : ExpressionsMagazine N°701 Janvier 2015
Par Alessandra RAVAZIO (D2007)

Les jets astro­physiques sont l’un des plus beaux phénomènes observés dans l’univers. Ces flux de matière éjec­tée à grande vitesse sont émis par de jeunes étoiles venant juste d’être for­mées, par des étoiles binaires « X » et même par des trous noirs présents au cen­tre des grandes galaxies.

On observe qu’ils sont « col­li­matés », c’est-à-dire qua­si par­al­lèles, ce qui veut dire que la lumière émise ne se dis­perse pas avec la dis­tance. Cette car­ac­téris­tique, extrême­ment intri­g­ante, n’est pas encore com­plète­ment expliquée.

Des lasers de forte puissance

DES VENTS ET DES CHOCS

Les chercheurs ont mis en évidence la collimation associée aux « chocs » prédits par la théorie.
Ces chocs apparaissent dans l’univers comme un changement brusque de densité, de vitesse et de direction d’un écoulement et peuvent être générés dans l’impact avec un « vent » environnemental, ce qui était reproduit dans l’expérience.
Selon la théorie, et en accord avec cette nouvelle expérience en laboratoire, ils peuvent être à l’origine de l’importante collimation des jets astrophysiques.

Depuis des années, des mod­èles théoriques exis­tent pour expli­quer ce phénomène, mais aucune expéri­ence n’avait encore réus­si à les valid­er. Une équipe fran­co-améri­caine, dont le Lab­o­ra­toire d’utilisation des lasers intens­es de l’École poly­tech­nique est l’acteur prin­ci­pal, a réus­si à con­firmer expéri­men­tale­ment l’un des mécan­ismes pro­posés pour créer ces jets col­li­matés, en util­isant des lasers de très forte puissance.

La théorie et les sim­u­la­tions numériques sug­géraient que les jets pou­vaient être créés par le con­fine­ment iner­tiel asso­cié à des ondes de choc créées par l’interaction avec un « vent ambiant ».

L’expérience réal­isée con­firme ce mod­èle, même si d’autres effets peu­vent inter­venir. Les résul­tats expéri­men­taux ont pu aus­si être véri­fiés avec un code numérique sophis­tiqué, dénom­mé Flash, dévelop­pé par l’université de Chicago.

Tester la théorie

« Ces résul­tats mon­trent qu’il est pos­si­ble de tester en lab­o­ra­toire les mécan­ismes théorisés pour expli­quer les phénomènes que nous obser­vons dans l’univers », déclare Éric Black­man, pro­fesseur de physique et d’astronomie à l’université de Rochester.

“ Obtenir expérimentalement des jets unidirectionnels ”

Avec ses col­lab­o­ra­teurs et une équipe du Lab­o­ra­toire d’utilisation des lasers intens­es (École poly­tech­nique, CNRS, CEA, UPMC), qui a mené l’expérience, ils ont voulu repro­duire les con­di­tions qui per­me­t­tent de lim­iter la diver­gence des flots générés et obtenir ain­si des jets unidirectionnels.

« Nous avons focal­isé un fais­ceau laser très énergé­tique sur une cible de fer à peine plus mince qu’un cheveu humain. De cette façon, nous avons pu créer un flux de plas­ma super­son­ique », explique Alessan­dra Rava­sio, chercheuse au Laboratoire.

« La nou­veauté dans notre expéri­ence réside dans la façon dont nous dis­tribuons spa­tiale­ment l’énergie du laser. Avec une géométrie par­ti­c­ulière, nous avons pu génér­er deux plas­mas, l’un dans l’autre, pour pou­voir étudi­er leur inter­ac­tion et ses effets collimateurs. »

L’astrophysique de laboratoire

“ Créer un flux de plasma supersonique ”

Cette expéri­ence est un exem­ple de l’astrophysique de lab­o­ra­toire, un domaine de la physique à haute den­sité d’énergie en plein développe­ment. Ces recherch­es néces­si­tent la col­lab­o­ra­tion entre astro­physi­ciens, physi­ciens des plas­mas et spé­cial­istes de la sim­u­la­tion numérique.

Les chercheurs du lab­o­ra­toire LULI sont impliqués sur plusieurs fronts dans cette nou­velle discipline.

Propos recueillis par Alice Tschudy

Une expéri­ence en lab­o­ra­toire pour expli­quer des phénomènes astrophysiques.

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