astrophysique observationnelle

De la physique à l’astrophysique

Dossier : PolytechniciennesMagazine N°712 Février 2016
Par Anne-Marie LAGRANGE (X82)

Anne-Marie Lagrange (82), direc­trice de recherche au CNRS, Insti­tut de plané­tolo­gie et d’astrophysique de Greno­ble, mem­bre de l’Académie des sci­ences, nous fait part de son par­cours et des dif­fi­cultés qu’elle a pu ren­con­tr­er en tant que femme issue d’un milieu modeste.

Issue d’un milieu mod­este, je ne con­nais­sais rien à l’enseignement supérieur. Au lycée, j’envisageais de faire médecine car je pen­sais que c’était une bonne manière de con­tin­uer à étudi­er les maths et la physique.

J’ai eu la chance d’être repérée par le Rotary Club de ma ville et d’être mise en con­tact avec un élève au pro­fil sem­blable au mien et qui avait inté­gré l’X quelques années auparavant.

J’ai décou­vert que les class­es pré­para­toires et les grandes écoles répondaient sans doute mieux à mes attentes.

Grâce à une bourse et au sou­tien financier du Rotary, j’ai suivi cette voie.

Des débuts difficiles

Mes débuts en pré­pa, au lycée du Parc à Lyon, ont été dif­fi­ciles. Plongée dans un sys­tème incon­nu, avec des élèves de très bon niveau et des pro­fesseurs très exigeants, j’avais très peur de l’échec.

Au début de Maths sup, j’ai plusieurs fois envis­agé d’abandonner. Puis je me suis habituée et j’ai retrou­vé le plaisir d’étudier les sci­ences, la physique en particulier.

Le goût de l’exploration

Ma for­ma­tion à l’X a été clas­sique, ori­en­tée vers les math­é­ma­tiques. J’ai prof­ité des options pour appro­fondir la physique et la chimie. C’est dans ce cadre que j’ai décou­vert l’astrophysique, qui m’a tout de suite fascinée car elle exploitait large­ment ces matières et revê­tait un aspect exploratoire très attirant.

Après une thèse à l’Institut d’astrophysique de Paris, je suis par­tie en post­doc­tor­at à Munich. M’étant ori­en­tée vers l’astrophysique obser­va­tion­nelle, j’ai vite été amenée à pass­er beau­coup de temps à l’étranger : Chili, États-Unis, Aus­tralie, pour des mis­sions cour­tes (quinze-trente jours) mais très fréquentes.

Vie de famille et vie professionnelle

Je me suis mar­iée et j’ai eu mon pre­mier enfant entre mes deux années sur le plateau de Palaiseau. Mon sec­ond enfant est arrivé l’année suiv­ante, pen­dant mon DEA (M2 actuel). Dès lors, ma vie de famille a été mêlée à ma vie professionnelle.

Mes enfants se sou­vi­en­nent de ma sou­te­nance de thèse ; ils m’ont accom­pa­g­née au moins une fois dans la plu­part des obser­va­toires dans lesquels je travaillais.

Ain­si pou­vaient-ils mieux imag­in­er, visu­alis­er ce que je fai­sais quand j’allais observ­er. C’était d’autant plus impor­tant qu’il n’existait pas les moyens actuels de garder un lien visuel à distance.

Oser et s’accrocher

Un mes­sage à une jeune bache­lière ou à une élève de pré­pa ? Oser les études sci­en­tifiques si celles-ci l’attirent. Peu de poly­tech­ni­ciens et de poly­tech­ni­ci­ennes choi­sis­sent la recherche au terme de leurs études, et en par­ti­c­uli­er dans les sci­ences dites « dures ». C’est un peu dommage.

À mon avis, les dif­fi­cultés que j’ai ren­con­trées au cours de mon par­cours sco­laire étaient plus liées à mon milieu social d’origine qu’à ma sit­u­a­tion de fille, puis de jeune mère. Peut-être parce que cette ques­tion n’était pas si impor­tante pour moi à l’époque, même si je voy­ais bien que la pro­por­tion de filles était très faible en pré­pa comme à l’X.

“Mes enfants m’ont accompagnée au moins une fois
dans la plupart des observatoires”

J’ai bien plus souf­fert du manque d’information sur les études supérieures, du manque d’une forme de cul­ture par rap­port aux autres élèves (mon seul accès à la cul­ture étant livresque), de la mécon­nais­sance des codes, du manque de fig­ures d’exemples.

Je con­seillerais donc aux jeunes gens dans cette sit­u­a­tion, et plus encore aux jeunes filles, de trou­ver des référents et référentes prêts à les soutenir dans leur par­cours, et de s’accrocher.

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