Le tricorne des polytechnicienne

Métamorphoses et exigences du Grand Uniforme féminin

Dossier : Le quarantième anniversaire des polytechniciennesMagazine N°677 Septembre 2012
Par Diane DESSALLES-MARTIN (76)
Par Alexandra MANNAÏ (2003)

Une femme se doit de ne pas porter de pan­talon lors des céré­monies. Cette cou­tume a con­duit les écoles mil­i­taires à faire con­fec­tion­ner une jupe dès l’entrée des femmes dans les rangs des élèves.
En 1972, le nou­v­el uni­forme des poly­tech­ni­ci­ennes est décliné en ver­sion fémi­nine. Le goût français pour le raf­fine­ment et l’esprit de la mode con­duiront à l’ajout de détails pour créer aujourd’hui un uni­forme adap­té, de la veste à la laval­lière, en pas­sant par les bottes et le chou­chou rouge.

L’uniforme de 1972 a été sélectionné parmi plusieurs propositions

En 1972, quand les pre­mières jeunes filles entrent à l’École poly­tech­nique, tout est bien prévu pour les recevoir. On leur des­sine un Grand Uni­forme plus féminin avec une jupe et un tri­corne. Compte tenu de l ’ expéri­ence acquise à l’occasion de l’habillement des élèves féminines des pro­mo­tions 1972 et 1973, qua­tre notices tech­niques sont établies en 1974, décrivant les effets entrants dans la com­pos­tion du Grand Uni­forme de ces élèves : jaque­tte et jupe, coif­fure, pèler­ine et chemisier.


REPÈRES

Quelques dates ont mar­qué la mode du siè­cle dernier. En 1915, Coco Chanel : la ligne libérée par le jer­sey. En 1947, Chris­t­ian Dior : le « Newlook ». En 1967 : Yves Saint-Lau­rent : le smok­ing pour femme. En 1972, enfin, École poly­tech­nique : le « GU » au féminin.


Un Grand U avec une jupe

L’uniforme a été sélec­tion­né par­mi plusieurs propo­si­tions : c’est celle de Paul Vau­clair, ancien cou­turi­er du général de Gaulle, qui a été retenue.

La tunique est légère­ment plus courte que celle des garçons. Le col ren­ver­sé est orné de chaque côté d’un écus­son en losange sur lequel est brodée une grenade dorée. Une pat­te d’épaule en dou­ble chaînette en can­netille d’or mat est fixée à un bou­ton près du col. La tunique croise sur la poitrine, se ferme par six bou­tons dorés à gauche. Six autres bou­tons dorés sont en symétrie à droite. Trois bou­tons sur chaque manche : en tout donc vingt bou­tons sur la tunique.

La jupe d’origine s’arrête légère­ment au-dessus du genou, c’est la longueur à la mode en ce début des années 1970. Plus tard, la jupe sera allongée pour recou­vrir le genou, la mode a changé.

Une pio­nnière
« J’ai été la seule femme admise cette année-là. Imag­inez qu’aucun uni­forme n’avait été prévu et que c’est moi qui ai décidé en cat­a­stro­phe com­ment je devais m’habiller : mélange de tenue d’officier marinier féminin (parce qu’il y avait des uni­formes en stock), pas de survête­ment pour le sport (j’ai donc pioché chez les hommes), pas de tri­corne pour mon (petit) tour de tête (on a calé avec du jour­nal à l’intérieur du gros-grain interne), pas de col­lants pour com­mencer, car les textes con­cer­nant les femmes dans la marine (c’est-à-dire à l’occasion de guer­res passées) prévoy­aient des bas en fil gris introu­vables en dehors des armoires de grands-mères. J’ai décidé de met­tre des galons plus étroits que ceux des hommes car je n’ai pas de très grands bras, et je craig­nais qu’en avançant dans la car­rière cela fasse un peu “plac­ard”.»

Anne-Marie Bamas, pre­mière femme à avoir accédé
au corps des officiers de la Marine nationale en 1977

Du tricorne au bicorne

Jusqu’en 1996, les jeunes filles por­tent un tri­corne de feu­tre. Il est entouré d’un galon de laine noire avec une cocarde tri­col­ore en soie main­tenue par des fils dorés. Depuis 1996, les jeunes filles de la pro­mo­tion 1994 ont demandé et obtenu de porter le bicorne, comme les garçons, à la place du tricorne.

L’IK de l’époque en témoigne : « Le fait est, tout sim­ple­ment, que le bicorne est le prin­ci­pal sym­bole de l’École (voire l’unique), sa sig­na­ture pour ain­si dire ; et il nous a sem­blé naturel que les poly­tech­ni­ci­ennes, qui sont des élèves comme les autres, le portassent.

Ce change­ment n’espère pas non plus représen­ter une amélio­ra­tion esthé­tique quel­conque, sinon on se serait bien attaqué aux bottes. »

Bicorne de polytechnicienne

Finalement les polytechniciennes portent l'épéeL’épée à la traîne
Les pre­mières poly­tech­ni­ci­ennes n’ont pas d’épée. On leur donne en con­trepar­tie un sac à main noir, qui n’est pour­tant pas util­isé lors des défilés. Quelques années plus tard, les poly­tech­ni­ci­ennes auront une épée et, de ce fait, cein­dront le cein­tur­on porte-épée, iden­tique à celui des garçons.

À propos de bottes

En 1972, les jeunes filles por­tent des escarpins. Le pre­mier défilé, celui du 11 Novem­bre est par­ti­c­ulière­ment fris­quet. Les jeunes filles deman­dent à être chaussées plus chaudement.

Des bottes en hiv­er… et en été

La déci­sion est prise : les jeunes filles auront des bottes en hiv­er… et en été, pour le défilé du 14 Juil­let. Les pre­mières bottes sont moulantes et présen­tent un talon de qua­tre cen­timètres. Quelques années plus tard, on change pour des bottes plus larges. C’était sans compter avec le four­reau de l’épée qui vient frap­per la botte à chaque enjam­bée du pied gauche. Les bottes seraient facile­ment abîmées. Mais une astuce se trans­met de pro­mo en pro­mo : entour­er le bas du four­reau avec un morceau de ruban adhésif. Le tour est joué : défilez, jeunesse !

Un chouchou coquet

Les cheveux ne doivent jamais touch­er la veste

Le chouchou des polytechniciennesSi, con­traire­ment aux hommes, la coupe courte des cheveux n’est pas une oblig­a­tion, les femmes doivent néan­moins respecter une règle com­mune de coif­fure, quelle que soit la tenue mil­i­taire portée : les cheveux ne devront jamais touch­er la veste.

Il est donc de rigueur de réalis­er une coif­fure suff­isam­ment haute et com­pacte (queue-de-cheval si cheveux courts, chignon ou assim­ilé si la longueur le per­met), et de nouer le tout avec un élas­tique neu­tre. Les chou­c­hous fan­taisie ou élas­tiques fluo sont bannis.

Con­duire le quadrille
« Son cœur bat­tait folle­ment à l’idée d’être de nou­veau le cen­tre de tous les regards, d’être la femme la plus désirée et, surtout, surtout à l’idée de se remet­tre à danser. Alors elle se trou­va au milieu de la salle de bal. Fen­dant la foule, Rhett But­ler s’avança vers elle.
Elle allait danser. Elle allait con­duire le quadrille. Elle grat­i­fia son cav­a­lier d’une pro­fonde révérence et d’un sourire radieux. »
Mar­garet Mitchell,
Autant en emporte le vent

Le chou­chou, du même rouge que le galon dou­ble qui orne la tranche de la jupe, appa­raît donc pour har­monis­er la coif­fure des jeunes filles, et ajouter par la même occa­sion une touche de coquet­terie qui fera sourire bon nom­bre d’élèves lors de la per­cep­tion de l’uniforme.

Une histoire de danse

L’art choré­graphique est à l’honneur au Bal de l’X. À 19 heures, ouver­ture par un spec­ta­cle du corps de Bal­let et des Étoiles de l’Opéra nation­al de Paris. À 22 heures, le fameux Quadrille des Lanciers (32 élèves sélec­tion­nés) mar­que l’ouverture offi­cielle du Bal, dan­sé cette fois-ci par un pub­lic impa­tient de décou­vrir les mul­ti­ples ambiances musi­cales et choré­graphiques nichées dans les coins et recoins du Palais Garnier.

La danse du quadrille (Le quadrille des Lanciers)Le Quadrille des Lanciers

Héri­ti­er de l’an­ci­enne con­tredanse française du XVIIIe siè­cle, le quadrille est une danse de bal et de salon en vogue dès le début du XIXe siè­cle et jusqu’à la Pre­mière Guerre mon­di­ale. Il est for­mé d’une suite de cinq fig­ures : le pan­talon, l’été, la poule, la pas­tourelle (ou la tré­nis), la finale (ou la saint-simoni­enne).
Les musiques ini­tiale­ment com­posées pour les fig­ures du quadrille ont vite été rem­placées par de nou­velles com­po­si­tions adap­tées aux fig­ures préex­is­tantes : par­mi les com­pos­i­teurs les plus nota­bles se dis­tinguent Isaac Strauss (1806- 1888) et Olivi­er Métra (1830–1889). À par­tir du Sec­ond Empire on vit appa­raître de nou­veaux quadrilles. Le seul qui s’imposa est le Quadrille des Lanciers, apparu vers 1856 ; il est for­mé de cinq fig­ures (tiroirs, lignes, saluts, vis­ites, lanciers) et fut dan­sé régulière­ment jusqu’à la Sec­onde Guerre mondiale.

Bal de l'X 2011

La tenue de la danseuse

372 heures pour réalis­er 18 robes, avec quelques nuits cour­tes, voire blanches

Si les cav­a­liers por­tent le Grand Uni­forme tra­di­tion­nel, deux gants, deux escarpins et une robe (rouge de préférence) devi­en­nent les atours insé­para­bles de la poly­tech­ni­ci­enne pour la soirée du Bal.

Chaque année, une nou­velle robe est choisie pour habiller les seize jeunes filles (et deux rem­plaçantes) qui auront l’honneur de danser le quadrille.

De grands noms du prêt-à-porter ont ain­si par­ticipé à la « col­lec­tion print­emps-été du Bal de l’X », avec pour mot d’ordre : faire beau et pra­tique. La tenue doit per­me­t­tre d’exécuter tous les mou­ve­ments du quadrille, et notam­ment d’éviter de faire gliss­er son cav­a­lier. Chaque robe est donc ajustée en longueur selon les escarpins choisis.

Robe rouge pour le bal de l'X
Robe rouge et longs gants noirs, les atours de la poly­tech­ni­ci­enne le soir du Bal de l’X.

Quelques tenues remarquées

Bal 2002 – Vin­cent Dupon­treué reprend un mod­èle qu’il avait déjà créé et en l’adaptant pour le Bal. Les robes rouges et les galons noirs sur fond rouge font écho au rouge sur noir de l’uniforme des garçons. Le tis­su en velours fin est superbe et très agréable à porter pour une danse telle que le quadrille. Toute­fois, la coupe très ajustée en fait un « étalon tour de taille » pour les jeunes filles qui l’ont portée.
Bal 2005 – Tara Jar­mon choisit une relec­ture d’une robe de cat­a­logue, retra­vail­lée dans une belle soie sauvage rouge vif. Le mod­èle sim­ple et clas­sique de la robe busti­er à fines bretelles ajusta­bles est orné d’un nœud sur la hanche gauche. Les danseuses béné­fi­cient de la dex­térité de Mme Séron, cou­turière à l’X pour sa dernière année, qui retouche la longueur et fait du sur-mesure pour cha­cune des dix-huit jeunes filles.
Bal 2010 – Don­na Risky conçoit une robe de style Empire à cein­ture noire. Robe 100% mous­se­line et cein­ture 100% coton.
Bal 2011 – Aranel choisit des bretelles larges en mous­se­line rouge. Motifs de den­telle noire sous la poitrine, large ruban rouge pas­sant dans le cœur des fleurs. Voile en mous­se­line rouge, en porte­feuille, ouvert sur le côté.
Bal 2012 – Don­na Risky des­sine une robe à pro­fond décol­leté et fines bretelles, 50 % soie et 50% polyester.

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© Pho­tos, DR, Col­lec­tions École polytechnique.

3 Commentaires

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Suzannerépondre
2 novembre 2016 à 13 h 53 min

Une jupe et des bottes ridicules
Respec­tons un peu nos jeunes femmes polytechniciennes !…
Com­ment faire évoluer cet ensem­ble aus­si dis­gra­cieux que ridicule ?
Pourquoi impos­er une jupe si elle doit être importable ?
Et des bottes aus­si lour­des associées ?
Ne pour­rait-on pas rapi­de­ment sol­liciter l’avis des élèves, pre­mières con­cernées, et mod­i­fi­er avant la prochaine pro­mo­tion ce qui apporte honte et incon­fort au lieu de la fierté appelée et légitime ?
Ce GU féminin ne risque pas de faire naître les vocations…

Del­phine répondre
11 août 2018 à 11 h 54 min
– En réponse à: Suzanne

Bottes et jupe
Pourquoi les bottes avec la jupe seraient elles ridicules . les bottes actuelles le sont , les affreuses Paraboot . 

L’as­so­ci­a­tion bottes jupe avait été voulue pour plusieurs raisons , la pre­mière était la pre­mière représen­ta­tion des féminines de l’école a la céré­monie du 11 novem­bre . A cet époque il ne fai­sait pas 15 degrés ce jour là , mais plutôt 5 …

La sec­onde rai­son , qui a fait que les bottes sont restées aux pieds des poly­tech­ni­ci­ennes et par la suite des saint cyri­enne était le fait de don­ner aux féminines un air plus mil­i­taire, en s’af­fran­chissant du pantalon . 

Cette tenue me parait par­faite­ment adap­tée du fait qu’elle est copiée sur les codes des tenues de venerie . 

Pour ce qui con­cerne les bottes , je serai favor­able a un retour en arrière avec des bottes a talons de 4 cm , par exem­ple plats et larges, ce qui est idéal pour les longues march­es de défilé . Une bote qui reprend les codes de la ” Saumur ” , a savoir , le col ellip­tique asymétrique et la coupe haute , de façon a ce que le col de la botte effleure le genoux . Une tige droite et légère­ment gal­bée en arrière afin d’éviter les plis en accordéon au niveau de la cheville . Pas de fer­me­tures éclair , ni de formes moulantes , ce qui har­monise l’esthétique dans un groupe de défilé . Au niveau du talon en par­tie inter­mé­di­aire pour­rait être instal­lé un faux éper­on doré ou argen­té ou sim­ple­ment une barrette . 

Sinon pour sim­pli­fi­er les choses et éviter de tomber dans des bud­gets exor­bi­tants , opter pour une botte d’équitation en cuir fin et sou­ple du marché courant …

Pour ce qui est de la jupe , un poli plus court oui sans doute , mais atten­tion de na pas tomber dans le ridicule comme dans la gen­darmerie ou les jupes décou­vrent les genoux . Ça fait tres moche pour des mil­i­taires … Sans doute que la prochaine étape sera la mini jupe pour les ” gen­darmettes ” . J’en reste là pour la plaisanterie …

Pour la jupe , je suis favor­able a cacher les genoux et le col de la botte doit venir se con­fon­dre sous l’ourlet . Pourquoi ne pas opter pour une jupe type porte­feuille avec un pli ouvert , ce qui per­me­t­trai une aisance a la marche , sans pour autant tout mon­tr­er. ( j’en suis adepte … )

Pour ce qui est des col­lants des fins , 20 deniers en mousse , qui ne bril­lent pas et de ton neu­tre avec la peau … 

bernardin des Hautdits répondre
11 août 2018 à 5 h 55 min

Les bottes a Poly­tech­nique
Bon­jour a tous . 

Per­me­t­tez moi de rédi­ger un com­men­taire , con­cer­nant les bottes pour les féminines de l’école poly­tech­niques et autres écoles de ce genre . 

Les pre­mières séries de bottes et les suiv­antes étaient con­fec­tion­nées sur mesure par un maître bot­ti­er de Sato­ry . Elles étaient basée sur la mode des bottes tube de l’époque 70/80 et avaient tres belle allure a la coupe par­faite . Tige haute et gal­bée , col coupé de façon asymétrique en ellipse , trèfle de jonc­tion entre la tige et le pied . bref , hormis les hauts talons de 4 ou 5 cm , elles respec­taient par­faite­ment les codes de la botte cav­al­ière française , car basé sur le style d’une botte d’équitation .

ers la fin des années 90 , les poly­tech­ni­ci­ennes ont reçues une dota­tion de bottes plus plates , plus sages et au style plus mil­i­taires , ce qui sied par­faite­ment avec leur uni­forme . J’avais enten­du dire que la mar­que ARCUS les aurait fournies , mais sans pou­voir le vérifier . 

A ce jour et depuis le début des années 2000 , c’est PARABOOT de Roman qui a le marché de ces affreuses bottes en cuir mou , avec la fer­me­ture éclair et les gross­es semelles , qui don­nent l’im­pres­sion que les filles chaussent deux poin­tures au dessus . Pour ne rien cacher , je les trou­ves exe­cive­ment moches et grossières . Cela casse l’es­the­tique des filles qui les portent . 

Je me sou­viens avoir lu un post , con­cer­nant les bottes dans les années 70 , lorsque les pre­mières féminines de l’école sont arrivées . elles souhaitaient en effet porter des bottes pour le défilé du 11 novem­bre , mais ne trou­vaient pas dans la garde robe des femmes qui étaient déjà a l’ar­mée a cette époque , la botte qui pou­vait se mari­er avec leur tenue . 

A cette époque les chaus­sures basse pour les femmes de l’ar­mée étaient les mocassins avec le talon et pour les bottes , cela suiv­ait le ten­dance sev­en­tie’s avec des bottes a fer­me­tures éclair et élas­tique , au style aus­si vul­gaire que celles qu’elles por­tent a ce jour . 

Bien enten­du on me répon­dra que les bottes fab­riquées par le maître bot­ti­er de Sato­ry , valaient prés de 1000 euros . Pourquoi ne pas revenir a un style plus con­ven­tion­nel , en les dotant de bottes d’équitation aigle par exem­ple dont le coût est faible et le style indémodable …

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