Simulation à N-corps

Nouveaux horizons en astrophysique

Dossier : La PhysiqueMagazine N°721 Janvier 2017
Par Francis BERNARDEAU (85)
Par Catherine DOUGADOS (84)
Par Anne-Marie LAGRANGE (X82)

L’astrophysique a con­nu récem­ment d’énormes avancées, essen­tielle­ment dues aux pro­grès tech­niques instru­men­taux ou infor­ma­tiques, téle­scopes spa­ti­aux, mais aus­si les grands téle­scopes au sol. Le pre­mier prob­lème est celui de de la struc­tura­tion de l’U­nivers, flu­ide grumeleux en évo­lu­tion dynamique. Ensuite on recherche le scé­nario des orig­ines. Par ailleurs la recherche des exo­planètes se pour­suit, on en est aujour­d’hui à plus de 3 500 détections.

Les avancées de l’astrophysique cou­vrent des domaines allant de l’Univers loin­tain, aux galax­ies, aux étoiles, aux planètes du sys­tème solaire ou aux planètes extra­so­laires, aux petits corps du sys­tème solaire et au milieu interstellaire. 

L’APPORT ESSENTIEL DES TÉLESCOPES SPATIAUX

Les téle­scopes spa­ti­aux, comme Hub­ble (NASA/ESA), XMM-New­ton (ESA), Planck (ESA), Her­schel (ESA), Spitzer (NASA) ont per­mis des obser­va­tions dans des domaines de longueurs d’onde inac­ces­si­bles depuis le sol : X, UV, infrarouge. 

Ces instru­ments son­dent entre autres l’Univers très loin­tain, l’Univers froid (milieu inter­stel­laire), les étoiles très froides, etc. D’autres téle­scopes spa­ti­aux effectuent des mesures bien plus pré­cis­es que l’atmosphère ne le per­met depuis le sol : GAIA (ESA) mesure en ce moment la posi­tion de mil­liards d’étoiles avec une pré­ci­sion de quelques microsec­on­des d’angle ; grâce à la pré­ci­sion pho­tométrique des satel­lites Corot (Cnes) et Kepler (NASA), on a pu détecter des cen­taines de planètes extra­so­laires, dont cer­taines très peu massives. 

Les mis­sions vers les planètes et comètes du sys­tème solaire ont per­mis de son­der in situ le sol de Titan (Cassi­ni-Huy­gens), de Mars (Mars Express, Exo­Mars), de la comète 67P/ Churyu­mov-Gerasi­menko (Roset­ta, ESA).

REPÈRES

L’astrophysique doit largement son récent développement aux progrès de l’informatique : les nombreuses données collectées ne peuvent être analysées que grâce au formidable développement des moyens de calcul. Ces moyens accrus permettent aussi de réaliser les simulations numériques très lourdes indispensables pour tester des scénarios proposés sur la base des observations.
Là encore, tous les domaines de l’astrophysique sont concernés : évolution de l’Univers, formation des grandes structures, effondrement des nuages moléculaires, formation des étoiles et des planètes, évolution stellaire, etc.

LES GRANDS TÉLESCOPES AU SOL NE SONT PAS EN RESTE

Les très grands téle­scopes optiques au sol (10 m de diamètre) se sont équipés d’instruments aux per­for­mances qui dépassent de plusieurs ordres de grandeur celles des généra­tions précédentes. 

L’utilisation de l’optique adap­ta­tive extrême com­binée à des corono­graphes (voir plus loin) de nou­velle généra­tion per­met désor­mais de faire l’image de planètes extra­so­laires. Des spec­tro­graphes 3D de nou­velle généra­tion com­bi­nant imagerie grand champ et spec­tro­scopie son­dent l’espace en trois dimen­sions (image dans le plan du ciel et dis­tance) simultanément. 

La com­bi­nai­son cohérente de la lumière de plusieurs téle­scopes optiques (inter­férométrie optique, ESO) nous donne des images de la sur­face de cer­taines étoiles. L’interféromètre radio (sub)millimétrique ALMA (ESO, NSF, Japon, Cana­da) com­posé de 66 antennes répar­ties sur 16 km dans le désert d’Atacama nous per­met d’observer le ciel « froid » (nuages inter­stel­laires, dis­ques pro­to­plané­taires, galax­ies loin­taines, univers jeunes) avec une réso­lu­tion angu­laire iné­galée à ces longueurs d’onde.

COSMOLOGIE ET GRANDES STRUCTURES DE L’UNIVERS

La ques­tion de la struc­tura­tion de l’Univers com­mence quand, dans les années 1920, les astronomes iden­ti­fient les « nébuleuses » comme autant d’îlots d’étoiles extérieurs à notre Voie lac­tée. Très vite, ces astronomes et, pour nom­mer le plus fameux d’entre eux, Edwin Hub­ble, mesurent les spec­tres de ces « galax­ies » et se ren­dent compte qu’elles ont ten­dance à s’éloigner de nous. 

LE FOND DIFFUS COSMOLOGIQUE

La découverte du fond diffus cosmologique par Penzias et Wilson en 1965 a conduit à un projet scientifique de recherche et de caractérisation des anisotropies de température de ce fond micro-onde pour tester les modèles cosmologiques, qui se poursuit aujourd’hui tant du point de vue théorique qu’observationnel avec l’analyse des résultats du satellite Planck (voir article précédent).

C’est une révo­lu­tion dans notre con­cep­tion de l’Univers : il n’est plus un champ d’étoiles immuable et sta­tique, mais un flu­ide grumeleux en évo­lu­tion dynamique. 

C’est à Georges Lemaître qu’on doit la mise en équa­tion de cette expan­sion de l’Univers et d’avoir posé les pre­miers jalons d’un domaine de recherche qui nous occupe encore aujourd’hui : com­ment pass­er d’un Univers qua­si homogène à un Univers présen­tant de grands con­trastes de den­sité, ceux que l’on ren­con­tre dans les amas de galax­ies, les galax­ies, les étoiles, etc. 

Il s’agit en somme de réc­on­cili­er deux visions du monde ; d’inscrire dans un même for­mal­isme l’espace-temps homogène et isotrope des géomètres et celui des den­sités et des éner­gies extrêmes des astro­physi­ciens. La clé, le mécan­isme d’instabilité grav­i­ta­tion­nelle, s’appuie sur le jeu croisé de la grav­ité et des inter­ac­tions matière-rayonnement. 

Beau­coup d’éléments du scé­nario nous échap­pent encore, qu’ils con­cer­nent la physique fon­da­men­tale, la dynamique non-linéaire ou encore l’astrophysique des objets formés. 

À LA RECHERCHE DU SCÉNARIO DES ORIGINES

Les inves­ti­ga­tions visant à explor­er les pro­priétés des grandes struc­tures de l’Univers s’inscrivent donc dans un vaste pro­jet sci­en­tifique qui vise à établir le scé­nario de for­ma­tion et d’évolution de ces struc­tures, la manière dont la matière se répar­tit aux plus grandes échelles de l’Univers en galax­ies, amas de galax­ies, fil­a­ments, grands murs, etc. 


Exem­ple de réal­i­sa­tion de sim­u­la­tion N‑corps décrivant les struc­tures de matière noire de l’U­nivers. © PROJET HORIZON

Les élé­ments du mod­èle actuel se sont mis en place à par­tir des années 1980, avec l’identification du mécan­isme d’instabilité grav­i­ta­tion­nelle comme moteur de la for­ma­tion des grandes struc­tures et la con­struc­tion théorique des mod­èles dits d’inflation. Cette pre­mière idée a été validée à la fois par le développe­ment des grands relevés cos­mologiques (on pour­ra men­tion­ner SDSS, BOSS) et le développe­ment des sim­u­la­tions numériques. 

Une belle illus­tra­tion en est l’observation de sig­na­tures du cou­plage grav­i­ta­tion­nel dans un flu­ide de pous­sière auto­grav­i­tant ou encore l’observation des oscil­la­tions dites acous­tiques dans les fluc­tu­a­tions de den­sité dans les grands relevés cosmologiques. 

De plus, les résul­tats récents obtenus avec le satel­lite Planck démon­trent main­tenant que les fluc­tu­a­tions de métrique vues sur la sur­face de dernière dif­fu­sion (c’est-à-dire la région où a été émis le ray­on­nement le plus ancien de l’Univers qui nous parvient aujourd’hui), à un moment où l’Univers était très jeune, sont bien les précurseurs des grandes struc­tures de l’Univers local. 

Ces mesures offrent un autre résul­tat fasci­nant : ces fluc­tu­a­tions de métrique n’ont pas pu être obtenues par un mécan­isme causal. La seule expli­ca­tion aujourd’hui pos­si­ble invoque un mécan­isme dit d’inflation. Cela reste cepen­dant plus un sim­ple par­a­digme qu’une théorie et notre con­nais­sance de cette époque pri­mor­diale est encore très parcellaire. 

DE LA MATIÈRE NOIRE ET DE L’ÉNERGIE NOIRE

Le pro­gramme sci­en­tifique entre­pris à la fin des années 1960 n’est donc pas achevé. Out­re l’identification du mécan­isme à l’origine de la phase infla­tion­naire, deux ingré­di­ents indis­pens­ables au mod­èle, la « matière noire » et l’« énergie noire » – respon­s­able de l’accélération tar­dive de l’expansion de l’Univers – n’ont pas été iden­ti­fiés dans le mod­èle stan­dard de physique des hautes énergies. 

Le prob­lème posé par l’existence d’une énergie noire est plus cri­tique et sug­gère des mod­i­fi­ca­tions plus rad­i­cales du mod­èle : une nou­velle forme de la matière ? Une mod­i­fi­ca­tion de la grav­ité ? Essay­er d’en savoir davan­tage est l’enjeu de nom­breux développe­ments visant à utilis­er les grandes struc­tures de l’Univers comme laboratoire. 

C’est le volet le plus impor­tant du pro­gramme sci­en­tifique du satel­lite Euclid dont le lance­ment est prévu en 2020. Nous pour­rons alors peut-être com­pren­dre la phase d’inflation pri­mor­diale pen­dant laque­lle sont nées les fluc­tu­a­tions de métrique. Le mécan­isme pro­posé, et le seul aujourd’hui cor­roboré par les obser­va­tions, met en œuvre la théorie quan­tique des champs et la rel­a­tiv­ité générale dans un régime inédit : l’ensemble des grandes struc­tures de l’Univers serait né des fluc­tu­a­tions quan­tiques d’un champ scalaire primordial. 

La portée de cette idée est véri­ta­ble­ment révo­lu­tion­naire et, si elle devait être con­fir­mée par les obser­va­tions futures, boule­verserait notre con­cep­tion du monde physique. 

MATIÈRE NOIRE

On connaît déjà l’existence de matière noire sous forme de neutrinos – mais en nombre insuffisant pour rendre compte des observations — et la détection de nouvelles particules de matière noire est peut-être imminente, que ce soit par détection directe, indirecte ou auprès des accélérateurs de particules comme le LHC.
Étoile HL TauriÉtoile HD 135344B.
Image de gauche : image à 1,3 mm obtenue avec l’interféromètre ALMA du disque autour de l’étoile HL Tauri située à environ 450 années-lumière dans la constellation du Taureau. La résolution de cette image est de 5 fois la distance Terre-Soleil (= 5 unités astronomiques ou ua). La taille du disque de HL Tau est de 3 fois la distance Neptune-Soleil.
Image de droite : image obtenue avec SPHERE/VLT dans l’infrarouge proche du disque autour de l’étoile HD 135344B. La lumière de l’étoile centrale a été supprimée. Deux bras spiraux sont clairement détectés. L’extension radiale du disque est environ de 100 ua soit 3 fois la distance Neptune-Soleil.
© ALMA (ESO / NAOJ / NRAO) / ESO, T. STOLKER ET AL.

DISQUES ET FORMATION DES PLANÈTES

Com­pren­dre le proces­sus de for­ma­tion des étoiles et de leur cortège plané­taire con­stitue l’un des grands enjeux de l’astrophysique. Une étoile telle que notre Soleil se forme par con­trac­tion grav­i­ta­tion­nelle d’un nuage de gaz inter­stel­laire froid et dense. Lors de cet effon­drement, par con­ser­va­tion du moment angu­laire ini­tial, une par­tie de la matière forme un disque en rota­tion képléri­enne autour d’une con­den­sa­tion cen­trale, la pro­toé­toile en formation. 

Dans ce disque, dit pro­to­plané­taire, des grains de pous­sières micro­scopiques vont pro­gres­sive­ment se coag­uler pour for­mer des planétési­maux (corps solides de taille kilo­métrique, con­sti­tu­ant les briques de base de la for­ma­tion des planètes tel­luriques et des noy­aux solides des planètes géantes) et éventuelle­ment des cœurs planétaires. 

DISQUES PROTOPLANÉTAIRES

Les premières images des disques protoplanétaires ont été obtenues ˆ la fin des années 1990 avec le télescope spatial Hubble et les premières générations d’interféromètres millimétriques comme celui situé sur le plateau de Bure dans le Dévoluy.

Ces cœurs plané­taires, lorsqu’ils sont assez mas­sifs, peu­vent attir­er suff­isam­ment de gaz pour for­mer une planète géante. Bien que ce scé­nario ait été pro­posé dès la fin du XVIIIe siè­cle, entre autres par Pierre-Simon de Laplace, pour la for­ma­tion de notre pro­pre sys­tème solaire, les dif­férentes étapes de ce proces­sus sont encore large­ment incomprises. 

L’observation directe des dis­ques pro­to­plané­taires est cru­ciale pour pro­gress­er sur ces ques­tions. Toute­fois, ce n’est pas chose aisée. La rai­son en est leur très petite taille angu­laire sur le ciel : typ­ique­ment moins d’une sec­onde d’arc (= 1/3 600 deg.) à la dis­tance des régions les plus proches de for­ma­tion d’étoiles.

À LA CHASSE AUX PROTOPLANÈTES

Même avec le téle­scope spa­tial, les images obtenues restaient floues et ne four­nis­saient pas beau­coup de détails. Il a fal­lu atten­dre encore près de deux décen­nies pour lever enfin le voile sur les détails de la for­ma­tion plané­taire dans ces disques. 

Deux instru­ments sont en train de révo­lu­tion­ner ce domaine de recherche : le grand inter­féromètre mil­limétrique inter­na­tion­al ALMA et dans le domaine optique/ infarouge proche la caméra chas­seuse de planètes SPHERE du Very Large Tele­scope (VLT), tous deux situés au nord du Chili dans le désert d’Atacama à l’observatoire de l’European South­ern Obser­va­to­ry (ESO).

UNE IMAGE DE LA FORMATION DE NOTRE SYSTÈME SOLAIRE ?

L’image spec­tac­u­laire du disque autour de l’étoile jeune HL Tau­ri obtenue avec l’interféromètre ALMA en 2014 a dévoilé pour la pre­mière fois à quoi pou­vait ressem­bler notre pro­pre sys­tème solaire il y a plus de 4 mil­liards d’années, lors de sa formation. 

Une planète extrasolaire, HD 95098
Image d’une planète extra­so­laire, HD 95098 b, obtenue dans le proche infrarouge, avec l’instrument NAOS sur le Very Large Tele­scope de l’ESO. La planète indiquée par une flèche fait env­i­ron 5 fois la masse de Jupiter et orbite à 60 unités astronomiques de son étoile. L’étoile située au cen­tre de l’image (mar­qué d’une croix) est cachée. © RAMEAU / ESO

Cette image trace l’émission ther­mique des grains de pous­sière de taille mil­limétrique et révèle une série d’anneaux con­cen­triques bril­lants séparés par des sil­lons som­bres. Les cal­culs hydro­dy­namiques prédi­s­aient l’existence de tels sil­lons creusés dans le disque de gaz par une planète rel­a­tive­ment mas­sive lors de sa révo­lu­tion autour de l’étoile centrale. 

L’image ALMA de HL Tau­ri a fourni une con­fir­ma­tion écla­tante que de telles struc­tures exis­tent bien. Elle a aus­si révélé que la for­ma­tion de planètes démarre sans doute bien plus tôt qu’il n’avait été envis­agé précédemment. 

L’étoile HL Tau­ri est en effet âgée d’à peine un mil­lion d’années, une échelle de temps très courte, selon les mod­èles actuels, pour for­mer des planètes mas­sives. Des sys­tèmes d’anneaux et de sil­lons sim­i­laires ont main­tenant été détec­tés dans une demi-douzaine de disques. 

Les images SPHERE et ALMA ont égale­ment révélé une var­iété inat­ten­due de struc­tures, par­mi lesquelles des bras spi­raux et asymétries, qui sont aus­si très prob­a­ble­ment le résul­tat de la for­ma­tion de corps planétaires. 

L’image obtenue par l’instrument SPHERE du disque autour de l’étoile HD 135344B dévoile la struc­ture de ce disque avec une finesse de détails jamais atteinte jusque-là. Le disque de cette étoile mon­tre une cav­ité cen­trale et deux bras spi­raux qui peu­vent s’expliquer par la présence d’une ou plusieurs pro­to­planètes mas­sives, futures planètes géantes sem­blables à Jupiter. 

Les obser­va­tions spec­tac­u­laires issues des instru­ments SPHERE et ALMA com­men­cent à nous révéler la manière dont les planètes sculptent les dis­ques dans lesquels elles se for­ment. La détec­tion directe de ces planètes en for­ma­tion va con­stituer un enjeu impor­tant pour les années à venir. 

LES PLANÈTES EXTRASOLAIRES : AUTRES MONDES ?

La décou­verte dans les années 1990 des pre­mières planètes en orbite autour d’étoiles autres que le Soleil, les planètes extra­so­laires, a sus­cité un pro­fond intérêt dans la com­mu­nauté sci­en­tifique et bien au-delà. L’existence d’autres « Mon­des » avait été certes envis­agée, imag­inée depuis plusieurs siè­cles, mais ces planètes extra­so­laires, ou exo­planètes, restaient hors de portée de nos moyens de détection. 

Une fois prou­vée l’existence de ces exo­planètes, on pou­vait désor­mais les étudi­er afin d’explorer leur diver­sité éventuelle, de com­pren­dre leurs mécan­ismes de for­ma­tion et d’évolution, et l’on pou­vait espér­er chercher un jour des signes de vie sur cer­taines d’entre elles. 

LES PLANÈTES DE PETITE TAILLE SERAIENT LES PLUS NOMBREUSES

Les pre­mières planètes extra­so­laires détec­tées étaient des planètes géantes gazeuses. Ces planètes mas­sives et volu­mineuses sont en effet plus faciles à détecter que les planètes tel­luriques (rocheuses), bien moins mas­sives et plus petites. Depuis, la sen­si­bil­ité améliorée des instru­ments au sol et la mise en ser­vice de téle­scopes spa­ti­aux comme Corot et Kepler ont per­mis de décou­vrir des planètes de mass­es de plus en plus faibles, et finale­ment, des planètes telluriques. 

Ces planètes de petite masse se révè­lent bien plus fréquentes que les géantes. On estime aujourd’hui qu’environ 10 % des étoiles de type solaire abrit­eraient une planète géante, alors que 100 % pour­raient abrit­er au moins une planète de type tellurique. 

DÉTECTION INDIRECTE

La plupart des 3 500 détections faites à ce jour reposent sur des méthodes indirectes, dans lesquelles l’exoplanète n’est pas vue, mais sa présence est inférée de l’étude de l’étoile autour de laquelle elle tourne. Il s‘agit par exemple de l’étude des variations temporelles de la luminosité de l’étoile (phénomène d’éclipse quand la planète passe entre l’étoile et l’observateur), ou encore de l’étude des variations de la vitesse de l’étoile par rapport à un observateur terrestre.

Les pre­mières planètes détec­tées se trou­vaient sur des orbites très proches de leur Soleil. 51 Pegase b, décou­verte en 1995, se situe à seule­ment 0,05 ua de son étoile, c’est-à-dire à un vingtième de la dis­tance séparant la Terre du Soleil. Elle tourne donc en 4 jours seule­ment autour de son étoile, à com­par­er aux 365 jours pour la Terre et 12 ans pour Jupiter autour du Soleil. 51 Pegase b est dev­enue le pro­to­type d’une nou­velle classe d’exoplanètes, appelées les « Jupiters chauds » (la tem­péra­ture de leur atmo­sphère excé­dant 1 000 degrés). 

Pour expli­quer l’existence de tels mon­stres, on a pro­posé que ces géantes s’étaient, comme les géantes du sys­tème solaire, for­mées loin de leur étoile (à quelques unités astronomiques) et avaient migré vers l’étoile à la suite d’interactions avec le disque pro­to­plané­taire dans lequel elles se sont formées. 

D’autres obser­va­tions ont révélé des class­es de planètes sans équiv­a­lent dans le sys­tème solaire : des « super-Ter­res », planètes tel­luriques de mass­es plus grandes que la Terre, des « planètes océans ». Aus­si, on a décou­vert des planètes évolu­ant sur des tra­jec­toires inat­ten­dues : orbites inclinées par rap­port à l’écliptique, orbites rétrogrades. 

Cela indique que les planètes, une fois for­mées, ont subi des inter­ac­tions avec leur envi­ron­nement (disque pro­to­plané­taire, autres planètes) sus­cep­ti­bles de mod­i­fi­er grande­ment leur orbite. 

Les tech­niques de détec­tion indi­rectes souf­frent toute­fois d’une lim­i­ta­tion impor­tante : elles ne peu­vent détecter que des planètes rel­a­tive­ment proches de leur étoile, car les vari­a­tions – péri­odiques – étudiées ont des péri­odes égales à la péri­ode de rota­tion de la planète. La péri­ode aug­men­tant forte­ment avec la dis­tance de la planète (loi de Kepler), il faudrait une ou plusieurs décen­nies pour détecter des planètes sem­blables à Jupiter, Sat­urne, Uranus, Neptune. 

L’imagerie des planètes per­met, en théorie, d’observer des planètes éloignées de leur étoile. Mais voir une planète juste à côté de son étoile, qui est des mil­lions ou des mil­liards de fois plus bril­lante, est par­ti­c­ulière­ment difficile. 

Ce n’est que depuis 2004 que des exo­planètes ont été imagées, grâce à des tech­niques com­plex­es util­isant d’une part la cor­rec­tion en temps réel des défor­ma­tions des tra­jec­toires des rayons lumineux se pro­duisant lors de tra­ver­sée de l’atmosphère, et d’autre part des corono­graphes, dis­posi­tifs optiques occul­tant la lumière provenant d’un objet situé sur l’axe optique du sys­tème, de manière à voir l’environnement de cet objet. 

Les planètes imagées directe­ment ont, elles aus­si, révélé des pro­priétés inat­ten­dues : elles peu­vent être très mas­sives, jusqu’à plus de dix fois la masse de Jupiter ; elles peu­vent tourn­er très loin de leur étoile, à plusieurs cen­taines ou même mil­liers d’unités astronomiques. 

Cela a con­duit à envis­ager l’existence de mécan­ismes physiques de for­ma­tion des sys­tèmes plané­taires alter­nat­ifs au mécan­isme qui a don­né lieu, pense-t-on, au sys­tème solaire et sans doute à la plu­part des sys­tèmes détec­tés par les méth­odes indirectes. 

Ain­si, les obser­va­tions au cours de ces dernières années de recherche ont révélé une diver­sité que nul astronome n’aurait soupçon­née. Diver­sité dans les archi­tec­tures des sys­tèmes plané­taires extra­so­laires, dans les pro­priétés des exo­planètes (pro­priétés orbitales, atmo­sphériques), et dans leurs mécan­ismes de for­ma­tion et d’évolution.

Nous sommes cepen­dant encore loin sans doute d’en avoir exploré les lim­ites, et les décen­nies à venir seront cer­taine­ment aus­si pas­sion­nantes et rich­es en sur­pris­es que les précé­dentes. À la clé, cer­taine­ment une meilleure com­préhen­sion des orig­ines des sys­tèmes plané­taires, et peut-être des indi­ca­tions sur l’existence de la vie sur une ou quelques très loin­taines jumelles de la Terre. 

La diversité des systèmes planétaires extrasolaires
Illus­tra­tion de la diver­sité des sys­tèmes plané­taires extra­so­laires détec­tés par le satel­lite Kepler. Le satel­lite mesure la lumière en prove­nance de mil­liers d’étoiles et détecte des baiss­es de lumières stel­laires dues à des occul­ta­tions par­tielles par d’éventuelles planètes pas­sant entre les étoiles et l’observateur. © NASA

En SAVOIR PLUS

Le fond dif­fus cos­mologique vu par Planck
www.planck.fr
http://www.euclid-ec.org

Liens vers les com­mu­niqués de presse de l’ESO et ALMA :
http://www.eso.org/public/france/news/eso1640/
http://www.almaobservatory.org/en/press-room/press-releases/771-revolutionary-alma-image-reveals-planetary-genesis

Les exo­planètes
A.M. Lagrange & P. Léna, Ency­clopédie Universalis
http://exoplanet.eu/

Vue d’artiste des planètes du système solaire
Vue d’artiste des planètes du sys­tème solaire, avec près du Soleil, Mer­cure, Venus, la Terre, Mars, puis au-delà de la cein­ture d’astéroides, Jupiter, Sat­urne, Uranus, Neptune.

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