La formation des jets stellaires à grande échelle

Dossier : ExpressionsMagazine N°703 Mars 2015
Par Julien FUCHS

Les jets astro­physiques sont d’étroits pinceaux de matière qui peu­vent se propager sur de grandes dis­tances (des cen­taines de fois la dis­tance Terre-Soleil).

Ils sont omniprésents dans l’Univers, émergeant d’objets célestes aus­si var­iés que les étoiles en for­ma­tion, les naines blanch­es, les étoiles à neu­trons, ou les trous noirs, dont le point com­mun est d’amasser active­ment de la matière depuis leur proche environnement.

Des phénomènes mystérieux

“ Des pinceaux de matière omniprésents dans l’Univers ”

Bien que spec­tac­u­laires, les jets ont longtemps été con­sid­érés comme de sim­ples sous-pro­duits de ce proces­sus d’accrétion de matière. Les physi­ciens ont peu à peu réal­isé qu’ils jouent en réal­ité un rôle crucial.

Les jets qui s’échappent des pôles d’une étoile nais­sante ralen­tis­sent la rota­tion du gaz en train de s’effondrer sur le noy­au cen­tral, per­me­t­tant à la matière de con­tin­uer à s’agréger. Leur action sur le milieu inter­stel­laire peut y faire naître de nou­velles étoiles.

Cepen­dant, les jets restent par­mi les phénomènes les plus mys­térieux de l’astronomie mod­erne. En par­ti­c­uli­er, les théories actuelles ont du mal à expli­quer com­ment la matière peut se propager sur de si longues dis­tances tout en restant con­finée en un jet étroit.

UN MODÈLE D’ÉTOILE JEUNE

Le modèle, qui fait intervenir le champ magnétique interstellaire, a été élaboré dans le cadre d’une collaboration internationale comprenant des équipes françaises, en particulier du Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses (LULI), du Laboratoire d’études du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (LERMA) et du Laboratoire national des champs magnétiques intenses (LNCMI, CNRS). Leurs travaux ont été publiés dans un récent numéro de la revue Science.

Confinés par un champ magnétique

Grâce à une pre­mière sim­u­la­tion de ce phénomène en lab­o­ra­toire, et à des mod­éli­sa­tions numériques en trois dimen­sions, les chercheurs ont com­pris que les jets émis par les très jeunes étoiles sont con­finés par un champ mag­né­tique à large échelle, qui est aligné avec l’axe des jets, comme l’ont récem­ment pré­cisé des mesures par télescope.

Dis­posi­tif expéri­men­tal util­isé dans cette étude. La struc­ture cen­trale de cette cham­bre per­met d’étudier le cou­plage laser-matière en présence des forts champs mag­né­tiques et dans le vide. © JULIEN FUCHS / LULI

Le mécan­isme que les chercheurs pro­posent est donc en très bon accord avec les obser­va­tions astro­physiques actuelles. Il rend compte notam­ment de mys­térieuses émis­sions de rayons X observées par des satel­lites spa­ti­aux le long des jets.

Astrophysique et fusion nucléaire

Dans cette étude, les sci­en­tifiques se sont penchés spé­ci­fique­ment sur les jets de plas­ma des étoiles nais­santes, mais le même mécan­isme pour­rait être à l’œuvre dans les autres types de jets astro­physiques. Ce tra­vail ouvre la voie pour étudi­er, de manière con­crète, le rôle des champs mag­né­tiques en astrophysique.

Les chercheurs souhait­ent notam­ment, à l’aide de la future grande instal­la­tion laser Apol­lon du plateau de Saclay, se pencher sur le mécan­isme d’accumulation de matière par les jeunes étoiles, les rayons cos­miques et les arch­es de plas­ma éjec­tées lors des érup­tions solaires.

Enfin, le dis­posi­tif con­stru­it au LULI pour­rait servir aux recherch­es sur la fusion nucléaire, où les champs mag­né­tiques sont évo­qués depuis longtemps pour pou­voir con­fin­er les ions au sein d’un com­bustible et aug­menter leur tem­péra­ture, ce qui est le paramètre clé pour par­venir à la fusion.

Jet émis par l’étoile en formation HH47
Jet émis par l’étoile en for­ma­tion HH47, située dans la con­stel­la­tion des Voiles. Ce type de jet de plas­ma est émis à une vitesse de plusieurs cen­taines de kilo­mètres par sec­onde, et ne sub­siste que 100 000 ans environ.
© NASA, ESA, P. HARTIGAN (RICE UNIVERSITY)

Des jets bipolaires émis par l’étoile en formation HH30
Des jets bipo­laires émis par l’étoile en for­ma­tion HH30, située au cen­tre d’un disque d’accrétion qui l’alimente en gaz. © NASA, A. WATSON (UNIVERSIDAD NACIONAL AUTONOMA DE MEXICO), K. STAPELFELDT (JPL), J. KRIST, C. BURROWS (ESA / STSCI)

DES LASERS ET DES BOBINES

Les résultats ont été obtenus grâce à un dispositif expérimental unique, récemment breveté, couplant lasers de puissance et champs magnétiques intenses.
En arrachant des électrons à un échantillon de plastique à l’aide de faisceaux laser, les physiciens du LULI ont produit un plasma représentatif, à échelle réduite, de l’atmosphère des jeunes étoiles.
Des bobines, fabriquées au LNCMI, ont produit un champ magnétique assez intense pour reproduire, dans quelques centimètres cubes et pendant quelques millionièmes de secondes, l’environnement interstellaire.
Des physiciens du LERMA et du LULI, aidés par des collaborateurs étrangers, ont ensuite modélisé, au moyen de supercalculateurs, de jeunes étoiles en formation.

Propos recueillis par Alice Tschudy

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