Un antique oublié : Eugène VERLANT (1867–1958)

Dossier : ExpressionsMagazine N°528 Octobre 1997Par : Jean HUET (40)

dans une famille d’a­gricul­teurs de la Somme, Eugène Ver­lant, reçu sec­ond à l’X en 1887, sort major de sa promotion.

Après quelques années au ser­vice des Mines, il entre en 1898 à la Com­pag­nie des Chemins de Fer du PLM dont il devient en 1919 le directeur de l’ex­ploita­tion ; pro­mu au grade de com­man­deur de la Légion d’hon­neur, il prend sa retraite en 1932.

Le nom d’Eugène Ver­lant est attaché à l’u­ni­fi­ca­tion de la sig­nal­i­sa­tion des réseaux fer­rés français, selon des principes qui, comme nous le ver­rons, sont tou­jours val­ables et sont d’ap­pli­ca­tion qua­si uni­verselle, au-delà même du chemin de fer.

La guerre de 1914–1918, qui avait mul­ti­plié les inter­péné­tra­tions de trains entre réseaux, avait mon­tré la néces­sité de l’u­ni­fi­ca­tion de leur sig­nal­i­sa­tion. Telle est l’o­rig­ine de la com­mis­sion créée en mai 1926 sous la prési­dence d’Eugène Ver­lant, dont la haute autorité était recon­nue dans le monde fer­rovi­aire. Cette com­mis­sion déposa, fin 1927, son rap­port, qui reçut l’ap­pro­ba­tion défini­tive du min­istre des Travaux publics le 1er août 1930.

La mise en oeu­vre du nou­veau code des sig­naux — dit Code Ver­lant — ne pou­vait être que pro­gres­sive ; retardée pour des raisons finan­cières, elle ne fut achevée que fin 1936, quelques années plus tard sur le réseau d’Al­sace-Lor­raine, dont la sig­nal­i­sa­tion était très dif­férente de celle des autres réseaux français.

La tâche de la Com­mis­sion Ver­lant n’é­tait pas facile : d’une part, on ne pou­vait faire table rase des sit­u­a­tions exis­tantes sans dépens­es con­sid­érables et sans com­pli­quer l’adap­ta­tion du per­son­nel, d’autre part il fal­lait ten­ter un début d’u­ni­fi­ca­tion sur le plan européen et se mon­tr­er prospec­tif en pro­posant des mesures pro­pres à faciliter le développe­ment de la sig­nal­i­sa­tion lumineuse, encore embry­on­naire ; Ver­lant avait en effet pressen­ti que, notam­ment par l’ex­ten­sion du bloc automa­tique, la sig­nal­i­sa­tion lumineuse sup­planterait la sig­nal­i­sa­tion mécanique (par cibles de forme car­ac­téris­tique), alors d’ap­pli­ca­tion très générale.

Il n’est pas pos­si­ble, dans ce court arti­cle, d’en­tr­er dans le détail des mesures pro­posées, qui ne con­cer­naient pas seule­ment l’aspect des sig­naux, mais aus­si leur implan­ta­tion et leurs con­di­tions d’u­til­i­sa­tion. Citons sim­ple­ment deux principes por­tant sur la sig­nal­i­sa­tion lumineuse (et la sig­nal­i­sa­tion mécanique de nuit) :

1) l’adop­tion des trois couleurs de base, vert, jaune, rouge,

  • vert pour l’indi­ca­tion de voie libre,
  • jaune pour l’indi­ca­tion d’an­nonce d’ar­rêt et de ralentissement,
  • rouge pour l’indi­ca­tion d’arrêt,


cette trilo­gie nous paraît aller de soi de nos jours ; elle n’é­tait pas évi­dente il y a soix­ante-dix ans. En France, la voie libre était le plus sou­vent indiquée par le feu blanc lunaire (elle le sera pen­dant de longues années encore sur le métro de Paris), tan­dis que le feu vert était util­isé pour l’avertissement ;

2) la général­i­sa­tion du groupe­ment des sig­naux et l’adop­tion de la com­bi­nai­son des feux, c’est-à-dire la présen­ta­tion de la seule indi­ca­tion la plus impéra­tive (ou, excep­tion­nelle­ment, des deux les plus impéra­tives), afin de faciliter l’ob­ser­va­tion des sig­naux par le per­son­nel de conduite.

Il est remar­quable que ces principes demeurent val­ables dans le code actuel des sig­naux de la SNCF ; celui-ci n’a apporté au Code Ver­lant que des mod­i­fi­ca­tions mineures, sauf en ce qui con­cerne l’in­tro­duc­tion du clig­note­ment des feux — que l’on ne savait pas réalis­er de façon fiable à l’époque de Verlant.

Il est égale­ment remar­quable que les principes défi­nis par la Com­mis­sion Ver­lant ont été repris par la qua­si-total­ité des réseaux fer­rovi­aires mon­di­aux et que cer­tains de ces principes, notam­ment l’u­til­i­sa­tion des trois couleurs, vert, jaune, rouge, ont été adop­tés pour la sig­nal­i­sa­tion routière sur le plan international.

On peut donc dire qu’Eugène Ver­lant a été un précurseur ; à ce titre, l’oeu­vre de cet homme mod­este méri­tait d’être rap­pelée à la com­mu­nauté polytechnicienne.

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