Trois axes de lutte contre le cancer : prévention, dépistage, optimisation de l’organisation des soins

Dossier : La santé en questionsMagazine N°599 Novembre 2004Par : Jean-Léon Lagrange et Jean-Paul Le Bourgeois, Service d’oncologie radiothérapie, AP-HP hôpital Henri Mondor, Créteil

Tous les aspects de la lutte con­tre le can­cer ne peu­vent être abor­dés. La recherche, l’en­seigne­ment, les soins, la prise en charge sociale ont cha­cun une part impor­tante, avec des trans­ferts de l’un vers l’autre. Plutôt que de les déclin­er, trois grands chapitres de la lutte con­tre le can­cer parais­sent être des pri­or­ités car leur impact est vraisem­blable rapi­de­ment. Il s’ag­it de la préven­tion, du dépistage et de l’or­gan­i­sa­tion en réseaux autrement dit de l’op­ti­mi­sa­tion de la prise en charge des patients une fois le diag­nos­tic fait.

Une évolution contrastée

Le suivi de la pop­u­la­tion depuis les années cinquante mon­tre la pro­gres­sion des can­cers dans notre pays. Cette évo­lu­tion est dif­férente selon les sex­es. Chez l’homme la mor­tal­ité est passée de 200/100 000 à 300/100 000 en 1990 pour redescen­dre à 260 env­i­ron au milieu des années qua­tre-vingt-dix. Chez la femme le taux de mor­tal­ité est passé de 150/100 000 à 130 env­i­ron dans le même inter­valle. Cette évo­lu­tion glob­ale ne doit pas cacher l’évo­lu­tion spé­ci­fique selon les local­i­sa­tions tumorales. Ain­si chez l’homme, le can­cer du poumon n’a cessé de pro­gress­er jusque dans les années qua­tre-vingt-dix pour ensuite stag­n­er. Par con­tre chez la femme il a con­tin­ué à pro­gress­er pour devenir la troisième cause de mor­tal­ité. Il représente 28 000 cas env­i­ron dont la majorité trou­ve son orig­ine dans la con­som­ma­tion de tabac.

Pour d’autres l’évo­lu­tion est dif­férente. Ain­si chez l’homme la mor­tal­ité par can­cer de l’ensem­ble bouche-phar­ynx-lar­ynx-œsophage est par­tie d’un taux de 35 env­i­ron pour attein­dre un pic à 60 au milieu des années soix­ante-dix et redescen­dre à 35 à la fin des années qua­tre-vingt-dix. De même le can­cer de l’estom­ac n’a cess­er de décroître depuis les années cinquante. Chez la femme la mor­tal­ité par can­cer de l’utérus et de l’estom­ac a con­sid­érable­ment dimin­ué. Par con­tre celle par can­cer du sein s’est accrue, pas­sant de 20/100 000 à 30/100 000 env­i­ron mais ce chiffre tend à se sta­bilis­er. Cette évo­lu­tion con­trastée n’est pas pro­pre à la France. Il n’est pas inutile de men­tion­ner l’évo­lu­tion du can­cer du poumon très dif­férente selon que l’on s’adresse à des pays où une lutte con­tre le tabag­isme est menée et les autres.

Le mélanome, bien que peu fréquent en France, au 9e rang chez la femme et au 13e chez l’homme, atteint env­i­ron 7 200 per­son­nes par an. Son inci­dence aug­mente d’en­v­i­ron 5 % par an.

Ces quelques chiffres peu­vent être l’o­rig­ine d’une réflex­ion à plusieurs dimen­sions car d’une part des fac­teurs envi­ron­nemen­taux ont un rôle dans la genèse de cer­tains can­cers et d’autre part il est pos­si­ble qu’une inter­ven­tion humaine puisse mod­i­fi­er le développe­ment de cer­tains d’en­tre eux.

Des éléments d’action

Le mélanome est notoire­ment lié à l’ex­po­si­tion solaire. Son impact est d’au­tant plus impor­tant que les pop­u­la­tions ont un phéno­type clair comme dans les pays du nord de l’Eu­rope. La manière dont l’ex­po­si­tion a lieu et l’âge de début ont une influ­ence impor­tante. Ain­si les expo­si­tions inter­mit­tentes, bru­tales, trau­ma­ti­santes dès l’en­fance sont par­ti­c­ulière­ment à risque. Depuis longtemps les UVB ont été incrim­inés mais de nom­breux argu­ments plaident aus­si con­tre les UVA util­isés dans les cab­ines de bronzage.

La con­som­ma­tion de tabac, anci­enne, s’est accen­tuée avec l’usage de la cig­a­rette. Il a fal­lu de nom­breuses années pour démon­tr­er sur le plan épidémi­ologique le par­al­lélisme entre la con­som­ma­tion de tabac et l’in­ci­dence du can­cer du poumon. En effet plusieurs fac­teurs sont en cause : l’âge de début, le nom­bre de cig­a­rette fumées par jour, la durée de l’ex­po­si­tion au risque. Par ailleurs le temps de latence peut attein­dre une dizaine d’an­nées. De nom­breux car­cinogènes sont présents dans la fumée du tabac et leur rôle démon­tré in vit­ro ou sur des mod­èles animaux.

Dans l’in­dus­trie de nom­breux agents sont util­isés dont le rôle dans le développe­ment des can­cers est recon­nu. Dans cer­taines sit­u­a­tions il s’ag­it de patholo­gie pro­fes­sion­nelle. L’ex­em­ple le plus con­nu est l’ami­ante qui a été très large­ment util­isée avant que l’on ait mon­tré qu’elle pou­vait provo­quer des can­cers du poumon. L’u­til­i­sa­tion d’une cer­taine essence de bois dans la menuis­erie est respon­s­able du développe­ment d’une tumeur très par­ti­c­ulière de l’eth­moïde au niveau de la face.

Ces quelques exem­ples mon­trent que le can­cer n’est pas une fatal­ité et qu’il est pos­si­ble de mod­i­fi­er son développe­ment. La préven­tion met en œuvre toutes les actions qui agis­sent avant que les car­cinogènes n’aient agi sur la cel­lule en sup­p­ri­mant ou en min­imisant les sources d’ex­po­si­tion. Après l’i­den­ti­fi­ca­tion par des études épidémi­ologiques ou en lab­o­ra­toires de fac­teurs de risque, une réflex­ion poli­tique et de san­té publique doit être menée pour définir les axes et iden­ti­fi­er les leviers d’ac­tion. L’Eu­rope a pro­posé un code sim­ple avec sept actions indi­vidu­elles qui peut amélior­er la san­té et éviter le développe­ment de cer­tains can­cers. Citons-les briève­ment : ne pas fumer, éviter l’obésité, avoir une activ­ité physique quo­ti­di­enne, lim­iter la con­som­ma­tion d’al­cool, éviter les expo­si­tions solaires exces­sives, prévenir l’ex­po­si­tion aux sub­stances can­cérigènes connues.

La prévention : une place primordiale dans la lutte contre les cancers, éviter les cancers évitables

Plutôt que d’a­gir une fois que le can­cer s’est dévelop­pé, il a été pro­posé d’a­gir en amont et de met­tre en place une poli­tique de préven­tion pri­maire. L’é­d­u­ca­tion et l’ex­clu­sion de fac­teurs de risque en sont les deux fers de lance.

Pour les can­cers cutanés, et en par­ti­c­uli­er le mélanome, plusieurs études inter­na­tionales ont décrit les fac­teurs de risque. Aux États-Unis, on éval­ue à env­i­ron 30 % le nom­bre d’adultes qui rap­por­tent avoir eu dans l’an­née des brûlures liées à l’ex­po­si­tion solaire. Chez les ado­les­cents de 11 à 18 ans : 72 % d’en­tre eux ont présen­té au moins une brûlure liée au soleil et 40 % env­i­ron des enfants âgés de moins de 11 ans ont présen­té le même type d’ac­ci­dent. À l’op­posé, l’é­tude de ces pop­u­la­tions vis-à-vis de la pro­tec­tion solaire mon­tre que seule­ment un tiers des adultes utilisent des crèmes solaires ou por­tent des vête­ments pro­tecteurs. Chez les ado­les­cents, il en est de même. Seule­ment, 20 % env­i­ron recherchent l’om­bre ou por­tent des vête­ments pro­tecteurs. Chez les enfants de 1 an, l’u­til­i­sa­tion de la crème pro­tec­trice est retrou­vée chez 62 % d’en­tre eux, 26 % recher­chant de l’om­bre. Cepen­dant, l’u­til­i­sa­tion de crèmes solaires à titre de pro­tec­tion doit être dis­cutée car il n’y a pas actuelle­ment de preuve que leur util­i­sa­tion influ­ence directe­ment le risque de can­cers cutanés mais, à l’op­posé, peut induire des com­porte­ments ” à risque “, car elles sont générale­ment sous-utilisées.

La préven­tion doit donc être basée sur l’é­d­u­ca­tion, d’au­tant plus effi­cace qu’elle est pré­coce. Les recom­man­da­tions du ” Code européen de lutte con­tre le can­cer ” sont d’éviter les expo­si­tions exces­sives au soleil, par­ti­c­ulière­ment chez l’en­fant et les ado­les­cents. Le fait que la stratégie de dépistage pré­coce soit en échec devant des mélanomes à crois­sance très rapi­de est un élé­ment de plus pour jus­ti­fi­er la néces­sité de cam­pagne de préven­tion en con­tra­dic­tion avec le souhait de cha­cun de présen­ter ” un bron­zage par­fait “. Les effets de cette stratégie ne seront vis­i­bles qu’à long terme.

Ces cam­pagnes s’op­posent aux com­porte­ments com­muns qui, d’une part, ter­gi­versent entre les béné­fices immé­di­ats, comme celui d’être bronzé, val­orisé par notre société, et celui d’un dan­ger à long terme incer­tain, dif­fi­cile à pré­cis­er indi­vidu­elle­ment. Elles s’ap­puient sur tous les acteurs per­ti­nents dans les domaines médi­caux mais aus­si de l’é­d­u­ca­tion, utilisent les relais des médias, et s’adressent en pri­or­ité aux per­son­nes les plus jeunes dont les com­porte­ments ne sont pas fixés, et peu­vent être infléchis. Cette préven­tion doit aus­si pren­dre en compte l’u­til­i­sa­tion des UVA, con­sid­érés jusqu’à présent comme moins dan­gereux que les UVB.

Le can­cer du poumon a une évo­lu­tion dis­so­ciée selon les pays, les sex­es et les âges. Celle-ci se com­prend si l’on prend en compte les com­porte­ments vis-à-vis du tabag­isme et les poli­tiques de san­té qui ont été con­duites depuis plusieurs décen­nies. Aux États-Unis l’in­ci­dence chez l’homme de ce can­cer a dimin­ué depuis une dizaine d’an­nées env­i­ron, du fait de la poli­tique agres­sive menée vis-à-vis du tabag­isme. En Europe une évo­lu­tion con­trastée est retrou­vée. Pour les hommes une diminu­tion du can­cer du poumon est notée dans la plu­part des pays, au moins chez les jeunes, alors que chez les sujets âgés un plateau est atteint voire un léger déclin. En Grande-Bre­tagne cette diminu­tion existe depuis plusieurs décen­nies dans toutes les tranch­es d’âge alors qu’en France ou en Espagne la réduc­tion est moins nette.

Chez les femmes il y a une claire aug­men­ta­tion du taux chez les jeunes et les femmes âgées de plus de 65 ans à l’ex­cep­tion de la Grande-Bre­tagne et de l’Ir­lande où le taux de décès par can­cer du poumon dimin­ue chez les pre­mières et atteint un plateau chez les sec­on­des. Cette évo­lu­tion est à met­tre en per­spec­tive des mod­i­fi­ca­tions de la con­som­ma­tion de tabac. Plusieurs axes ont été mis en œuvre pour attein­dre ce but, l’é­d­u­ca­tion ain­si que la mod­i­fi­ca­tion de la lég­is­la­tion d’une part mais aus­si des con­traintes économiques dont l’aug­men­ta­tion du prix du tabac d’autre part. Il a été mon­tré en effet que cette aug­men­ta­tion, si elle atteignait un cer­tain seuil, entraî­nait une lim­i­ta­tion de la consommation.

Les fac­teurs de risque quant au com­porte­ment vis-à-vis du tabag­isme ont été résumés plus haut, et la meilleure préven­tion du can­cer du poumon est l’ar­rêt du tabag­isme mais aus­si, et surtout, d’éviter de devenir fumeur. Le rôle de l’é­d­u­ca­tion et de l’ex­em­ple à cet égard est impor­tant à soulign­er. Rap­pelons que la lég­is­la­tion actuelle lim­ite la lib­erté de fumer en dif­férents lieux, tels que les lieux publics, les étab­lisse­ments de soins mais aus­si les écoles, qu’il s’agisse de lieux cou­verts ou non couverts.

La préven­tion repose donc sur l’é­d­u­ca­tion et l’ex­em­ple, l’ap­pren­tis­sage des effets tox­iques et la remise en cause des béné­fices éventuels du tabac, la mise en œuvre de règles et le respect de celles-ci. Il est impor­tant, alors que les per­son­nal­ités ne sont pas encore défini­tive­ment fixées et mal­léables, que les adultes respon­s­ables de l’é­d­u­ca­tion respectent les règles, en ne fumant pas dans les lieux inter­dits et en infor­mant des risques.

Dans le milieu pro­fes­sion­nel et indus­triel, un cer­tain nom­bre de can­cers pro­fes­sion­nels a été décrit, liés à la mise en con­tact avec des agents cancérogènes.

Il n’est pas inutile de rap­pel­er l’ex­em­ple de l’ami­ante dont l’u­til­i­sa­tion a été inter­dite et qui doit être élim­inée de tous les lieux. Dans les lab­o­ra­toires, cer­tains agents, tels que le ben­zène ou la ben­zi­dine sont inter­dits, et sont rem­placés par des sub­sti­tuts ou d’autres techniques.

Dépistage : diagnostiquer des tumeurs guérissables

Le dépistage du can­cer ou préven­tion sec­ondaire a pour objec­tif la détec­tion d’un can­cer à un stade pré­coce, c’est-à-dire qui per­met d’e­spér­er une plus grande effi­cac­ité des traite­ments et donc, a pri­ori, une survie plus longue. Il s’ag­it de pro­pos­er à des per­son­nes en apparence bien por­tantes un test diag­nos­tique afin d’i­den­ti­fi­er une mal­adie à un stade asymp­to­ma­tique. Si des béné­fices sont à atten­dre d’une telle poli­tique, par con­tre, on ne peut éviter un cer­tain nom­bre d’ef­fets indésir­ables sur la pop­u­la­tion, à qui est pro­posée cette stratégie. Avant de décider d’une poli­tique de dépistage, il y a donc lieu d’é­val­uer mais aus­si de présen­ter les béné­fices ain­si que les risques poten­tiels, afin que cha­cun puisse indi­vidu­elle­ment décider de sa par­tic­i­pa­tion active aux cam­pagnes de dépistage.

Sur le plan des principes généraux, un dépistage doit être effec­tué dans le cadre d’un pro­gramme organ­isé per­me­t­tant d’avoir un degré d’as­sur­ance de qual­ité impor­tant à tous les niveaux, une bonne infor­ma­tion, une éval­u­a­tion rigoureuse et une opti­mi­sa­tion des moyens mis à dis­po­si­tion. Les béné­fices ne peu­vent être atteints que si la cou­ver­ture de la pop­u­la­tion est suff­isante, ce qui ne peut être obtenu par un dépistage indi­vidu­el ou spontané.

Ce dépistage s’adresse à des pop­u­la­tions cibles pour lesquelles la mal­adie représente un prob­lème impor­tant de san­té publique, ayant un stade latent recon­naiss­able, et un traite­ment effi­cace. De même, le test util­isé doit être per­for­mant et accept­able. Il doit, en out­re, être analysé en inté­grant les fac­teurs économiques. Ces critères ont été pro­posés par l’OMS.

Il y a lieu de pren­dre en con­sid­éra­tion les effets délétères, en par­ti­c­uli­er sur le plan psy­chologique, un dépistage pou­vant induire un état d’anx­iété inutile en rai­son de faux diag­nos­tics posi­tifs ou négat­ifs. De plus il n’é­carte pas la pos­si­bil­ité de la sur­v­enue d’un can­cer entre deux exa­m­ens pro­gram­més. Actuelle­ment, le dépistage des can­cers est recom­mandé dans le pro­gramme européen de lutte con­tre le can­cer pour trois tumeurs : le can­cer du sein, le can­cer du col de l’utérus et le can­cer colorectal.

Plutôt que d’ex­pos­er ces trois sit­u­a­tions, il appa­raît oppor­tun de se cen­tr­er sur le dépistage du can­cer du sein qui donne lieu actuelle­ment à une cam­pagne nationale, sous l’égide du min­istère de la Santé.

Son intérêt a été démon­tré par plusieurs essais con­trôlés, réal­isés dans dif­férents pays. Les auteurs ont mon­tré une diminu­tion de 30 % de la mor­tal­ité par can­cer du sein chez les femmes de 50 à 69 ans. Il sem­ble, en out­re, que cette tra­duc­tion sur la mor­tal­ité puisse béné­fici­er aux femmes de 40 à 49 ans. La mam­mo­gra­phie est la méth­ode diag­nos­tique de référence ce qui implique des prob­lèmes d’or­gan­i­sa­tion. En effet, il est fon­da­men­tal qu’elle soit réal­isée dans des con­di­tions repro­ductibles et définies. Des règles ont été éditées par les sociétés savantes :

  • lec­ture organ­isée avec si besoin con­fir­ma­tion par un ou deux obser­va­teurs indépendants,
  • résul­tats remis aux per­son­nes avec une expli­ca­tion médi­cale afin de les ori­en­ter si besoin est, vers les struc­tures de soins appropriées,
  • for­ma­tion des radi­o­logues et niveau d’ac­tiv­ité suffisant,
  • appareils con­trôlés sur le plan de la radioprotection.


La mise en œuvre de ces pro­grammes en France a été pro­gres­sive. En effet, dès 1989, le Fonds nation­al de préven­tion, d’é­d­u­ca­tion et d’in­for­ma­tion san­i­taire a mis en place six pro­grammes départe­men­taux expéri­men­taux puis qua­tre autres en 1991, et en 1994, le min­istre de la San­té a décidé de l’é­ten­dre. Un cahi­er des charges pré­cis a été élaboré et deux pro­grammes ont fait par­tie comme pro­jet pilote du pro­gramme ” Europe con­tre le Can­cer “. La stratégie diag­nos­tique et l’ar­bre déci­sion­nel ont été étab­lis, en cas de pos­i­tiv­ité ou de néga­tiv­ité. En 1996, les pro­grammes ont été éval­ués. Les taux de par­tic­i­pa­tion vari­aient selon les départe­ments de 21 à 46 %. Par­al­lèle­ment le taux de dépistage s’est pro­gres­sive­ment amélioré et le pour­cent­age de can­cers invasifs de petite taille diag­nos­tiqués a aug­men­té. En 1999, des recom­man­da­tions ont été établies par l’ANAES (Agence nationale d’ac­crédi­ta­tion et d’é­val­u­a­tion en san­té) : un nou­veau cahi­er des charges a été pub­lié au Jour­nal Offi­ciel en 2001, définis­sant les niveaux d’or­gan­i­sa­tion, la pop­u­la­tion cible ain­si que les modal­ités et impose un débit min­i­mum annuel de mam­mo­gra­phies par radi­o­logue, ain­si que le con­trôle du matériel radi­ologique afin de lim­iter l’ir­ra­di­a­tion. Ce dépistage s’adresse aux femmes de 50 à 74 ans. Le taux de par­tic­i­pa­tion est vari­able suiv­ant les départe­ments, et atteint env­i­ron 40 % de la pop­u­la­tion cible. Env­i­ron 10 000 can­cers ont été détec­tés, dont les 2/3 au cours de la pre­mière mam­mo­gra­phie. Dans 14 % des cas il s’agis­sait de tumeurs non inva­sives, et dans 70 % des cas le can­cer était invasif mais n’é­tait pas asso­cié à un envahisse­ment gan­glion­naire c’est-à-dire majori­taire­ment de pronos­tics favor­ables. Ce pro­gramme a per­mis la général­i­sa­tion du dépistage sur tout le ter­ri­toire français depuis le pre­mier trimestre 2004.

Soulignons cet exem­ple de col­lab­o­ra­tion réussie entre l’É­tat, les caiss­es d’as­sur­ance mal­adie et les pro­fes­sion­nels de san­té. Les résul­tats devront être analysés afin d’op­ti­miser l’or­gan­i­sa­tion des soins en cancérologie.

Une organisation de soins en réseau pour un accès équitable aux meilleurs soins

Dans le Plan can­cer, l’or­gan­i­sa­tion des soins autour des patients est l’ob­jet de nom­breuses propo­si­tions de mesures afin de ren­dre le sys­tème trans­par­ent, d’amélior­er la coor­di­na­tion des struc­tures de soins, de don­ner un accès équitable à cha­cun à l’in­for­ma­tion, aux inno­va­tions thérapeu­tiques et à une prise en charge glob­ale et per­son­nal­isée. Cette organ­i­sa­tion doit per­me­t­tre à cha­cun de par­ticiper à des essais thérapeu­tiques clin­iques, seule manière d’é­val­uer et de faire évoluer rapi­de­ment les modal­ités de prise en charge. En effet la qual­ité du résul­tat thérapeu­tique obtenu en can­cérolo­gie dépend, en par­tie, de la qual­ité des soins mais aus­si de l’or­gan­i­sa­tion de ces derniers.

De nom­breux textes ont déjà été élaborés par le min­istère de l’Em­ploi et de la Sol­i­dar­ité afin de pré­cis­er l’or­gan­i­sa­tion des soins en can­cérolo­gie avec, en par­ti­c­uli­er, la pro­mo­tion de la pluridis­ci­pli­nar­ité impli­quant la par­tic­i­pa­tion des dif­férents acteurs selon leurs com­pé­tences, à la déci­sion thérapeu­tique et à l’op­ti­mi­sa­tion de la séquence proposée.

Cette organ­i­sa­tion repo­sait, jusqu’à présent, sur la recon­nais­sance de sites ori­en­tés vers la prise en charge de patients por­teurs de can­cers ou de sites de référence ain­si que d’étab­lisse­ments de prox­im­ité. Les critères d’i­den­ti­fi­ca­tion reposent sur la présence de prati­ciens ayant une com­pé­tence en can­cérolo­gie, de plateaux tech­niques et de moyens adap­tés et sur une activ­ité de soins mais aus­si d’en­seigne­ment et de recherche.

L’or­gan­i­sa­tion de ces réseaux a été pré­cisée dans une cir­cu­laire de 1999, une réflex­ion plus aboutie est en cours au min­istère de la Santé.

Le Plan can­cer a ampli­fié cette poli­tique afin que la total­ité des nou­veaux patients atteints de can­cers puisse béné­fici­er d’une con­cer­ta­tion pluridis­ci­plinaire, que son par­cours thérapeu­tique prévi­sion­nel lui soit présen­té sous la forme d’un pro­gramme per­son­nal­isé au cours d’une con­sul­ta­tion d’annonce.

Les étab­lisse­ments devront met­tre en place des Cen­tres de coor­di­na­tion en can­cérolo­gie (3C) et tous les patients devront béné­fici­er très prochaine­ment d’un dossier com­mun com­mu­ni­quant au sein de chaque réseau de cancérologie.

Cette organ­i­sa­tion ne pour­ra être fonc­tion­nelle sans que l’ensem­ble des inter­venants, et en par­ti­c­uli­er les médecins général­istes, ne par­ticipent aux soins afin de garan­tir la qual­ité, des référen­tiels devront être élaborés. Cela implique la mise en œuvre d’outils nouveaux.

En conclusion

À côté de la recherche fon­da­men­tale, qui amène une meilleure con­nais­sance des proces­sus tumoraux indis­pens­able à l’élab­o­ra­tion de nou­velles straté­gies et de l’amélio­ra­tion des résul­tats des traite­ments, il est impor­tant d’a­gir dès main­tenant afin de ralen­tir le développe­ment des can­cers dans notre société. Des actions de san­té publique, d’or­gan­i­sa­tion, d’amélio­ra­tion de la prise en charge glob­ale peu­vent per­me­t­tre d’obtenir des résul­tats. Amélior­er et dévelop­per la préven­tion, dépis­ter les tumeurs à un stade pré­coce, pro­pos­er aux patients des soins de qual­ité opti­male sont trois dimen­sions qui devraient avoir un impact rapi­de­ment mesurable.

Références

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