TREIZE ANNÉES DE CHRONIQUES THÉÂTRALES

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°649 Novembre 2009Par : Philippe OBLIN (46)

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Tout com­mença en 1995. J’avais alors pub­lié quelques arti­cles dans La Jaune et la Rouge et j’entretenais d’amicaux rap­ports avec Gérard Pilé, rédac­teur en chef à l’époque. Il me télé­phone un jour pour me dire qu’il souhaitait me présen­ter à Jean Duquesne, son suc­cesseur. Me voilà donc dans son bureau de la Boîte à Claque, le mar­di 21 novem­bre 1995 si j’en crois ma col­lec­tion d’agendas. Nous bavar­dons à trois et, tout soudain, Pilé me dit que je devais bien aller de temps en temps au théâtre, et qu’ayant la plume agréable, je pour­rais essay­er de tenir une chronique théâ­trale dans la revue. Il ajou­ta que, pour une fois, cela ferait quelque chose à y lire par les épous­es des camarades.

Libér­er un week-end par mois
L’idée m’amusa. J’acceptai, un peu imprudem­ment car, si j’aimais bien le théâtre – mais qui ne l’aime pas ? – je ne me sen­tais aucune com­pé­tence par­ti­c­ulière dans ce domaine. Dans le train de ban­lieue de retour, j’imaginai un titre, Allons au théâtre, et, deux mois après, j’envoyai un pre­mier texte. Il con­cer­nait un spec­ta­cle de la Comédie ital­i­enne du cher Attilio Mag­guil­li. Peu attiré par la glo­ri­ole et surtout soucieux de préserv­er ma tran­quil­lité, je le sig­nai Sganarelle. « Sans intérêt » me répon­dit la nou­velle rédaction.

Après quelques petites péripéties la pompe fut toute­fois amor­cée et le débit devint réguli­er, mais sous mon nom. Je décou­vris assez vite que l’affaire n’était pas de tout repos. Habi­tant en ban­lieue parisi­enne, j’excluais de venir au théâtre en soirée, c’est-àdire avec une voiture à gar­er. Les mat­inées n’existant que le same­di ou le dimanche, il fal­lait libér­er un week-end.

Une dure soirée
Il m’est pour­tant bien arrivé une fois d’assister à une soirée. Mal m’en prit. Un auteur, après m’avoir écrit pour me dire com­bi­en il avait appré­cié l’analyse d’une de ses pièces, m’avait fait envoy­er deux places pour son nou­veau spec­ta­cle, en soirée bien évidemment.

Nous voilà donc en voiture, ma femme et moi. Nous pen­sions avoir pris assez large­ment de mou pour pou­voir dîn­er vite fait. C’était sans compter sur les con­séquences de la poli­tique urbaine du moment en matière de cir­cu­la­tion. Il a fal­lu trou­ver un park­ing et sauter dans le métro, tout cela pour arriv­er, tout essouf­flés, juste dans le temps que reten­tis­sait la son­ner­ie. La pièce était très bonne mais, ven­tre vide et vessie pleine, ce fut quand même dur. Que ne sup­port­erait- on pour la Patrie, les Sci­ences et la Gloire !

Sept cents fidèles
Quelque sept ans après le démar­rage de la rubrique fut organ­isée une enquête auprès des lecteurs de la revue. Ma chronique obtint de curieuses appré­ci­a­tions : 14% des lecteurs en igno­raient jusqu’à l’existence, 42% ne la lisaient jamais et 6 % seule­ment, tou­jours. La Jaune et la Rouge comp­tant dix à douze mille lecteurs, j’avais à peu près sept cents fidèles. C’était déjà quelque chose et il ne con­ve­nait pas de les décevoir. Ce d’autant que l’on ne doit jamais décevoir une femme, alors que let­tres reçues et con­ver­sa­tions divers­es me mon­traient que j’étais lu par bien des épouses.

Il y avait pour­tant un hic. Les chroniques rendaient le plus sou­vent compte de spec­ta­cles parisiens et, lorsqu’elles parais­saient, il était fréquent que la pièce eût quit­té l’affiche, soit pour dis­paraître, soit pour par­tir en tournée. C’était fâcheux mais inévitable. Non-pro­fes­sion­nel, je n’assistais que rarement aux pre­mières, d’autant que, soucieux de ma pro­pre sat­is­fac­tion, je tendais à me lim­iter à des pièces dont j’avais enten­du dire du bien.

Me restait à ten­ter de com­penser cette com­bi­nai­son d’embarras en don­nant à mes papiers un car­ac­tère quelque peu intem­porel, par évo­ca­tion de l’histoire, l’évolution des arts du théâtre, leur enseigne­ment, et autres. Il fal­lait essay­er d’intéresser, à défaut de bien informer.

Le poids de la régularité
À la longue pour­tant, le Comité édi­to­r­i­al s’inquiéta de la chose et je crus com­pren­dre qu’il souhaitait plus « d’actualité ». Un de ses mem­bres, ren­con­tré par hasard en jan­vi­er dernier, prof­i­ta de la cir­con­stance pour m’expliquer ce que devrait être une chronique théâ­trale. Il fut péremp­toire, et je lui en suis fort recon­nais­sant : il leva mes hési­ta­tions. Le poids de la con­trainte de régu­lar­ité com­mençait en effet de l’emporter de loin dans mon esprit sur le plaisir du bien dire.

Je ne voudrais cepen­dant pas ter­min­er sans remerci­er les lec­tri­ces et les lecteurs qui m’ont trop aimable­ment exprimé le regret que leur inspi­rait ma déci­sion, sans oubli­er non plus tous ceux qui, au long de ces treize années, m’auront écrit pour me dire l’agrément qu’ils trou­vaient à mes papiers.

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