Thales et les systèmes terrestres : une stratégie internationale

Dossier : L'armement terrestreMagazine N°615 Mai 2006
Par Bruno RAMBAUD (70)

Le multidomestique : un modèle original

Le multidomestique : un modèle original

Être mul­tido­mes­tique, c’est d’abord répon­dre aux attentes de clients nationaux qui souhait­ent dis­pos­er, sur leur sol, des moyens tech­niques et indus­triels néces­saires à leur poli­tique de défense. Pour cela, dans chaque pays où il pos­sède des implan­ta­tions, fil­iales à 100 % ou joint ven­tures, le groupe organ­ise le développe­ment d’en­tités authen­tique­ment nationales, favorise le ren­force­ment des com­pé­tences et la créa­tion de valeur ajoutée locale qui peut aller jusqu’au sou­tien au réex­port. Chaque entité est capa­ble de traiter des dossiers con­fi­den­tiels nationaux, à l’in­su du reste du groupe et sous le con­trôle étroit de ses autorités.

Être mul­tido­mes­tique, c’est aus­si organ­is­er les syn­er­gies au sein de l’en­tre­prise : c’est un réseau inter­na­tion­al d’échanges croisés entre les dif­férentes entités du groupe : échanges d’idées, de savoir-faire et de tech­nolo­gies de base, partage­ables ; échanges d’ex­péri­ences pour une plus grande sol­i­dar­ité des équipes face à des enjeux tou­jours plus globaux.

Dans ces mécan­ismes, nous sommes aidés par l’ac­croisse­ment du car­ac­tère dual des tech­nolo­gies stratégiques des com­mu­ni­ca­tions et des sys­tèmes d’in­for­ma­tion. Dans ce domaine, l’im­plan­ta­tion locale n’a pas besoin de maîtris­er 100 % de la tech­nolo­gie, elle doit en maîtris­er l’in­té­gra­tion, la sécuri­sa­tion, l’adap­ta­tion, la main­te­nance, l’évo­lu­tion, ce qui, dans un cer­tain nom­bre d’ap­pli­ca­tions sen­si­bles, est suffisant.

Com­par­a­tive­ment à d’autres secteurs indus­triels moins sen­si­bles et devenus totale­ment inter­na­tionaux, les syn­er­gies entre entités sont par­fois moins poussées pour respecter les con­traintes locales de trans­ferts de tech­nolo­gie. C’est le prix à pay­er au car­ac­tère nation­al de ces activ­ités. Mais le résul­tat est spec­tac­u­laire dans le domaine des arme­ments terrestres.

En effet, ce mod­èle mul­tido­mes­tique a été appliqué aux sys­tèmes ter­restres. Avec des équipes dans 20 pays tra­vail­lant pour plus de 100 armées de terre, le groupe est un acteur de tout pre­mier plan dans ce domaine, générant plus de 3 mil­liards d’eu­ros de revenu annuel. Au-delà des 10 pays européens, nos activ­ités sys­tèmes ter­restres dis­posent d’im­plé­men­ta­tions indus­trielles en forte crois­sance en Amérique du Nord, Aus­tralie, Corée du Nord, Afrique du Sud et Malaisie.

L’évolution technologique du secteur

Le secteur des sys­tèmes ter­restres est mar­qué par une pro­fonde muta­tion. En effet, les nou­velles tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion (“NTIC”) boule­versent les modes opéra­toires et les chaînes de com­man­de­ment militaire.

Recueil­lir, traiter et dif­fuser l’in­for­ma­tion a tou­jours été le nerf de la guerre. Avec les pro­grès expo­nen­tiels des “NTIC”, la maîtrise de l’in­for­ma­tion prend une dimen­sion nou­velle. Les cap­teurs, les moyens de déci­sion et les sys­tèmes d’armes peu­vent être mis en réseau en temps réel, le partage de l’in­for­ma­tion peut se généralis­er pour faciliter l’en­gage­ment coopératif inter­ar­mées, inter­al­liés ou interministériels.

Que représentent les activités terrestres du groupe THALES ?

Il décline son offre en plusieurs grands métiers.

1) Maître d’œuvre, intégrateur de grands systèmes terrestres et interarmées

Il four­nit tous les sys­tèmes déployés sur les théâtres d’opéra­tion et intè­gre ces solu­tions sur toutes les plates-formes (sol­dats, véhicules, robots ter­restres, drones) :
• ren­seigne­ment, sur­veil­lance, reconnaissance,
• sys­tèmes de com­man­de­ment et contrôle,
• réseaux d’in­fra­struc­ture et sys­tèmes de com­mu­ni­ca­tions spatiales,
• sécu­rité des informations,
• sys­tèmes de com­bat et d’armement,
• défense aérienne.
Le groupe apporte à ses clients la supéri­or­ité infor­ma­tion­nelle par la mise en réseau de l’ensem­ble des acteurs engagés sur l’e­space de bataille.

2) Fournisseur d’équipements critiques

Con­cep­tion et développe­ment des moyens de détec­tion et de trans­mis­sions sécurisées qui garan­tis­sent l’in­teropéra­bil­ité indis­pens­able dans la con­duite des mis­sions situées dans le cadre nation­al ou multinational :
• les com­mu­ni­ca­tions tactiques,
• les équipements optron­iques, notam­ment infrarouges,
• les équipements du type cap­teur de guerre élec­tron­ique ou radar de surveillance.

3) Fournisseur de services associés.

Les grands États investis­sent large­ment dans les grands pro­grammes dits de guerre info­cen­trée telle que la Bulle aéroter­restre française (BOA) décrite par ailleurs dans ce numéro. Dès aujour­d’hui, la capac­ité à tra­vailler en réseau peut être plus déter­mi­nante que le nom­bre de plates-formes engagées.

D’autres révo­lu­tions tech­nologiques sont en marche, telles que la pro­tec­tion active des véhicules (détec­tion-destruc­tion rap­prochée des men­aces), les muni­tions intel­li­gentes, l’ar­chi­tec­ture élec­tron­ique des véhicules…

Tout cela mod­i­fie le méti­er des acteurs indus­triels tra­di­tion­nels, plates-formistes, sys­témiers, équipemen­tiers, avec des enjeux stratégiques renou­velés autour de la capac­ité d’in­té­gra­teur glob­al des sys­tèmes de défense, et des débats sur les lim­ites de la ver­ti­cal­i­sa­tion de ces activ­ités. Les clients, quant à eux, inci­tent à tou­jours plus de trans­fert de respon­s­abil­ité glob­ale tant au niveau de la con­cep­tion glob­ale des sys­tèmes qu’au sou­tien dans la durée de ces systèmes.

Dans cette pré­pa­ra­tion du futur, notre groupe est large­ment présent ; deux exem­ples l’il­lus­trent. L’un en Grande-Bre­tagne, FIST pour “Future Inte­grat­ed Sol­dier Tech­nol­o­gy”, où nous pré­parons l’in­té­gra­tion de toutes les tech­nolo­gies pour l’équipement des sol­dats du futur : com­mu­ni­ca­tion, optron­ique, énergie, vête­ments, l’autre en France, la BOA, Bulle aéroter­restre, qui vise à pré­par­er la mise en réseau de tout ce qui con­tribue au com­bat de l’a­vant (robo­t­ique, blind­és, véhicules infan­terie, drones, etc.).

La consolidation industrielle du secteur des armements terrestres

Con­traire­ment aux domaines naval et aérospa­tial qui s’ar­tic­u­lent autour de grandes plates-formes, les bar­rières d’en­trée pour les équipements ter­restres sont glob­ale­ment plus faibles : la palette des véhicules est beau­coup plus large, depuis le blindé lourd, apanage d’un petit nom­bre d’in­dus­triels, mais pour lequel on ne voit pas de nou­veau pro­jet dans les deux prochaines décen­nies, jusqu’aux blind­és légers qui parta­gent de nom­breuses tech­nolo­gies avec l’in­dus­trie des véhicules util­i­taires civils.

En con­séquence, le paysage indus­triel de l’arme­ment ter­restre mon­di­al reste encore morcelé, mais il com­mence à bouger. Deux grands mon­di­aux du secteur, Gen­er­al Dynam­ics et BAe Systems/United Defense, ont com­mencé à inté­gr­er des plates-formes et de l’élec­tron­ique, par acqui­si­tions successives.

En Europe con­ti­nen­tale, ce qui n’a pas été acquis par les deux grands reste encore très éclaté. Sans con­sol­i­da­tion européenne, le reste pour­rait se faire pro­gres­sive­ment absorber par les deux grands pôles déjà existants.

L’essen­tiel des enjeux va tourn­er main­tenant autour de l’Alle­magne, de la France et de l’I­tal­ie où les jeux sont ouverts. C’est parce que Thales a su dévelop­per, grâce à son mod­èle mul­tido­mes­tique, des com­pé­tences orig­i­nales en matière de parte­nar­i­at, de com­préhen­sion de l’autre et de sa valeur ajoutée, que nous sommes par­ti­c­ulière­ment bien placés pour par­ticiper active­ment à ce mou­ve­ment de con­sol­i­da­tion prévis­i­ble, dans lequel la dimen­sion inté­gra­tion de sys­tèmes va pren­dre une place croissante.

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