L’ouverture à la concurrence des télécommunications locales : du miroir aux allouettes à la réalité ?

Dossier : Télécommunications : la libéralisationMagazine N°585 Mai 2003
Par Fleur THESMAR (92)
Par Olivier ANSTETT (86)

2000 : le local est le nouvel eldorado des télécoms et de la concurrence
 
Janvier 2003 : France Télécom a toujours 95 % à 99 % des parts de marché !

Été 2000 : les représen­tants de plus de 150 opéra­teurs se ruent vers l’Au­torité de régu­la­tion des télé­com­mu­ni­ca­tions pour obtenir d’elle la con­cur­rence sur la boucle locale, prévue pour le 1er jan­vi­er 2001 par les direc­tives. Une foule dense s’ar­rache les strapontins

…Jan­vi­er 2003 : qua­tre opéra­teurs exis­tent encore sur le marché des infra­struc­tures locales, et pour le grand pub­lic, seuls des opéra­teurs comme Tele2 (avec 3,5 mil­lions de clients) ou Cege­tel dis­posent d’un nom­bre d’abon­nés et de moyens suff­isants pour entr­er en con­cur­rence avec France Télécom.

Et France Télé­com con­trôle aujour­d’hui sans partage l’abon­nement, à 34 mil­lions de lignes télé­phoniques, soit 40 % du marché de la télé­phonie en valeur, et 95 % du marché ADSL.

Aujour­d’hui, nous dit-on, plus de 130 pro­jets locaux menés par des col­lec­tiv­ités publiques se pro­posent de repren­dre le flambeau.

Récem­ment, les deux com­mis­saires européens de la con­cur­rence et des télé­com­mu­ni­ca­tions se reje­taient la respon­s­abil­ité, selon le pre­mier, de la lenteur de l’ou­ver­ture à la con­cur­rence, et selon le sec­ond, de l’ex­is­tence de déséquili­bres con­cur­ren­tiels qui la ralentissent.

Que s’est-il passé ?

Où en sommes-nous réelle­ment dans l’ou­ver­ture à la con­cur­rence sur le local ?Com­ment est-on arrivé, en 2003, à 1 700 000 clients ADSL en France ?

Que doit-on faire pour qu’une con­cur­rence saine et durable s’in­stalle en France au béné­fice des consommateurs ?

Marché et technologie : la victoire du fixe pour fournir l’Internet haut débit

“Ce que nous savions dès le début : l’el­do­ra­do du local, c’est la télé­phonie et les abon­nements télé­phoniques, mais aus­si le haut débit en émer­gence, deux marchés équiv­a­lents en valeur.”

La demande est mas­sive : en Europe du Nord, plus de 75 % des foy­ers sont déjà équipés en Inter­net, plus du tiers en haut débit. Seules les tech­nolo­gies fix­es per­me­t­tent un véri­ta­ble “haut débit”, au-delà de 512 kb/s : le fixe restera la solu­tion pri­or­i­taire, large­ment devant le mobile de 3e génération.

Or les tech­nolo­gies XDSL néces­si­tent une sim­ple amélio­ra­tion du réseau exis­tant et pas la créa­tion ex nihi­lo d’un nou­veau réseau ; les autres tech­nolo­gies parais­sent donc bien plus coûteuses.

Il s’ag­it, tout en util­isant les lignes télé­phoniques exis­tantes de France Télé­com, de met­tre à niveau les cen­traux télé­phoniques en y instal­lant des DSLAM ; de rac­corder ces cen­traux en fibre optique au réseau région­al. Enfin, il faut ven­dre : les clients doivent s’équiper en infor­ma­tique et en modems ADSL pour plus de 800 euros, et accepter une dépense men­su­elle de plusieurs dizaines d’eu­ros pour de l’Internet…

Ain­si l’AD­SL a l’a­van­tage d’avoir des coûts d’équipement proches de ceux du télé­phone, hormis les plus impor­tants, ceux des lignes télé­phoniques ; même l’in­stal­la­tion d’une fibre optique à la cam­pagne ne devrait jamais coûter plus cher qu’une série de poteaux téléphoniques.

En résumant cal­culs et hypothès­es, à terme, le coût d’un abon­nement ADSL devrait être équiv­a­lent au coût moyen du télé­phone local inclu­ant l’abon­nement et les con­som­ma­tions. On peut espér­er que le prix pour le client final de l’AD­SL, une fois toute la France cou­verte, soit à terme proche de celui du téléphone.

Ce marché de l’AD­SL, poten­tielle­ment de la même taille que celui du télé­phone local avec 30 mil­lions de lignes et des revenus moyens de l’or­dre de 30 euros TTC (selon la con­som­ma­tion), motive dès 2000 beau­coup de can­di­da­tures, et beau­coup d’at­tentes de la part des Français, en “emplois” (et même en “métiers” !), en investisse­ments, et surtout en ser­vices. En 2000 en tout cas, l’AD­SL est très loin de ce prix de 30 euros par mois, et plutôt plus proche de 80 euros…

Le choix de la bonne technologie

Le prob­lème prin­ci­pal de l’AD­SL pour un opéra­teur alter­natif est d’ac­céder au réseau de France Télé­com. L’ou­ver­ture à la con­cur­rence doit donc être soutenue poli­tique­ment : par la loi, par le régu­la­teur (ART), par les autorités de la con­cur­rence, et par le gou­verne­ment qui homo­logue les prix de détail de France Télé­com… ce qui représente beau­coup de monde.

Cer­tains opéra­teurs ten­tèrent donc de se libér­er de ces con­traintes régle­men­taires en tes­tant d’autres tech­nolo­gies, quitte à devoir con­stru­ire entière­ment leurs réseaux locaux.

Mais, tan­dis que l’AD­SL prend son essor depuis trois ans en Europe, ce qui fait baiss­er les coûts d’équipement, les tech­nolo­gies mar­ginales restent très coû­teuses pour l’opéra­teur et donc le client.

Elles cumu­lent beau­coup de défauts qui restreignent leur com­mer­cial­i­sa­tion en masse1.

L’échec de ces tech­nolo­gies n’est pas encore défini­tif, mais jus­ti­fie la volon­té farouche des opéra­teurs d’ac­céder comme les opéra­teurs his­toriques européens à l’AD­SL, reine du haut débit, grâce à une régu­la­tion appropriée.

2000–2002 : une résistance totale de l’opérateur historique

À l’au­tomne 2002, un peu plus de 1 000 lignes
ont été dégroupées.

“www.art-telecom.fr”

Avec plus d’1,4 mil­lion de clients
rac­cordés à l’AD­SL à fin 2002,
France Télé­com dépasse son objectif.

“www.francetelecom.fr

De la difficulté de réguler un marché émergent

Retour en 2000… France Télé­com, déjà con­va­in­cu par l’AD­SL, avait pris de l’a­vance en investis­sant et en com­mençant sa com­mer­cial­i­sa­tion, et en met­tant en avant l’im­por­tance des tech­nolo­gies alter­na­tives, pour les autres surtout2.

His­torique

1998 : direc­tives européennes prévoy­ant le dégroupage au 1er jan­vi­er 2001.

1999 : France Télé­com com­mer­cialise de l’ADSL.

2000 : pre­miers tests expéri­men­taux avec France Télé­com, dis­cus­sions avec l’ART, et fin 2000, pub­li­ca­tion du décret dégroupage, prévoy­ant sa mise en oeu­vre au 1er jan­vi­er 2001.

2001 : pre­miers investisse­ments. Fin 2001, nous tirons la son­nette d’alarme avec le Livre noir sur Inter­net. Nous prédis­ons l’ADSL 512kb/s à 30 euros TTC par mois.
Au cours du dernier trimestre 2001 et pre­mier semes­tre 2002, LDCom rachète huit de ses con­cur­rents, placés dans des sit­u­a­tions finan­cières difficiles.

Avril et juil­let 2002 : déci­sions de l’ART per­me­t­tant de ren­dre opéra­tionnel le dégroupage.

Décem­bre 2002 : boom de l’ADSL dans les ventes de fin d’année. L’ADSL est à 30 euros TTC.

En pra­tique, ce n’est qu’en décem­bre 2000 que paraît le décret d’ac­cès à la boucle locale, le “dégroupage”, un mois avant l’ou­ver­ture prévue à la con­cur­rence. Et mal­heureuse­ment il s’avère que les prix de gros de France Télé­com sont supérieurs aux prix de vente au détail (45 euros TTC par mois pour une ligne ADSL)… Inve­stir, c’est per­dre de l’argent.

Mais atten­dre, c’est ris­quer que le dégroupage, inutil­isé, dis­crédité, soit défini­tive­ment enterré.

Et il y a 12 000 cen­traux télé­phoniques en France à cou­vrir3 ! Le retard se creuse de jour en jour… L’ad­di­tion est salée : l’en­trée dans cha­cun de ces cen­traux est fac­turée par France Télé­com aux opéra­teurs alter­nat­ifs quelques mil­lions de francs pièce, alors qu’une salle de télé­com­mu­ni­ca­tions leur coûte habituelle­ment entre 15 000 et 30 000 euros… un prix de gros pro­hibitif des­tiné, avec suc­cès, à asséch­er les opérateurs !

La sit­u­a­tion de prix pré­da­teurs sub­siste pen­dant un an et demi, avec comme con­séquence une con­cen­tra­tion dras­tique du secteur. En sep­tem­bre 2001, l’opéra­teur d’in­fra­struc­tures LDCom com­mence à racheter 8 de ses con­cur­rents, dont 9Telecom…, con­cur­rents qui avaient pris le risque d’in­ve­stir dans le dégroupage, voire de com­mer­cialis­er de l’AD­SL. Cinq mille emplois directs seraient con­cernés. En 2001, la DG IV réag­it à une plainte de prix pré­da­teurs, mais le prob­lème reste tou­jours, et com­ment ? d’obtenir des prix de vente en gros de l’AD­SL ori­en­tés vers les coûts de France Télécom.

Fin 2001, bien­tôt la péri­ode élec­torale… Il faut agir sinon le dégroupage sera défini­tive­ment enter­ré. Le col­lec­tif LibreAD­SL (Tele2 et LDCom) pub­lie un Livre noir sur Inter­net, disponible sur www.libreadsl.org dont le mes­sage est sim­ple : oui, la con­cur­rence régulée promeut la con­som­ma­tion en faisant baiss­er les prix publics4.

Oui, elle incite à l’in­no­va­tion tech­nologique5 et com­mer­ciale (réseaux de dis­tri­b­u­tion, logis­tique, cen­tres d’ap­pels). Oui, les tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion peu­vent représen­ter jusqu’à 20 % de la crois­sance totale en France, près de 1 point de PIB sup­plé­men­taire par an et plusieurs dizaines de mil­liers d’emplois…6 tant que le secteur est en phase d’in­vestisse­ment… et comme ce fut le cas de 1997 à 2001 dans les télé­coms. Oui, l’en­jeu et l’op­por­tu­nité sont con­sid­érables pour la France, tournée de plus en plus vers les ser­vices. Et c’est urgent : l’AD­SL n’est pas un luxe, il est pos­si­ble à 30 euros par mois (quel que soit le débit ou à peu près…).

Juillet 2002 : la concurrence peut commencer

En avril et juil­let 2002 enfin, après des mois de tra­vail inten­sif, l’ART prend deux déci­sions vitales, qui per­me­t­tent aux opéra­teurs privés de dégrouper le réseau, et de reven­dre l’AD­SL fab­riqué par France Télé­com comme Wanadoo le fait (offre de revente IP/ADSL) ; l’ART véri­fie que les prix de gros cou­vrent les coûts de France Télécom.

Six mois plus tard, c’est enfin l’e­uphorie de l’AD­SL : pro­mo­tions et cadeaux de Noël 2002, l’AD­SL est à enfin à 30 euros par mois, dans les zones ouvertes à la con­cur­rence (grandes villes) ! Et France Télé­com n’est pas en reste car il se taille la part du lion avec plus de 95 % de 1 700 000 lignes con­tre moins de 800 000 l’an­née précédente !

Essai réus­si, mais qu’il fau­dra trans­former : sans con­trôle con­tinu des risques con­cur­ren­tiels par l’ART, et le Min­istre (qui homo­logue les tar­ifs de France Télé­com, après avis de l’ART), ain­si que le Con­seil de la con­cur­rence (dont les délais de déci­sion peu­vent être trop courts pour éviter des sit­u­a­tions extrêmes), les opéra­teurs alter­nat­ifs peu­vent être très rapi­de­ment élim­inés. Pour les avoir expéri­men­tés dans le télé­phone ou l’AD­SL, les opéra­teurs et ISP craig­nent notam­ment l’usage de don­nées tech­niques à des fins com­mer­ciales ou les prix pré­da­teurs, pra­tiques pour­tant pro­hibées par la loi (con­cur­rence ou télé­coms). Ain­si, l’ART a dû récem­ment7 met­tre en demeure France Télé­com de mod­i­fi­er cer­tains de ses sys­tèmes d’information…

2003 : pérenniser la concurrence : ardente mission du régulateur

Aie con­fi­ance…
Fais un somme
Sans méfi­ance
Je suis là
Aie con­fi­ance
Le silence prop­ice te berce
Souris et sois complice
Laisse tes sens gliss­er vers ces délices tentatrices.
Tu dors petit ? 
La chan­son de Kâa
(Le Livre de la Jungle 
de Walt Dis­ney)

Ain­si, qu’on ne s’y trompe pas, les débuts sont extrême­ment frag­iles, et s’en sat­is­faire serait illu­soire. L’ob­jec­tif doit être de con­stru­ire un marché des télé­coms per­me­t­tant aux opéra­teurs d’of­frir tous les ser­vices (télé­phonie fixe, accès et com­mu­ni­ca­tions, haut débit) à tous les Français, sur des infra­struc­tures elles-mêmes en concurrence.

La concurrence sur les infrastructures

France Télé­com cherche pre­mière­ment à lim­iter le développe­ment de réseaux alter­nat­ifs, donc à ren­dre peu attrac­t­if le dégroupage, l’ac­cès à son réseau par de nou­velles infra­struc­tures DSL. Les four­nisseurs d’ac­cès à Inter­net seront incités par France Télé­com, si le régu­la­teur n’y prend garde, à prof­iter d’of­fres de revente de l’AD­SL (IP/ADSL) ven­dues à un prix inférieur au dégroupage (créant un effet de ciseaux tar­i­faires sur le marché de gros). Quoi de plus ten­tant, mis à part que le dégroupage est tué au pas­sage, et qu’une fois assuré du mono­pole, France Télé­com haussera ses tarifs…

Il faut donc rap­pel­er ici que le 1er jan­vi­er 2002 a eu lieu l’ou­ver­ture à la con­cur­rence du marché de la télé­phonie locale : c’est-à-dire que pour appel­er votre voisin, vous pou­vez com­pos­er le 4 à la place du 0. C’est cette ouver­ture qui a per­mis aux opéra­teurs fix­es comme Tele2, Cege­tel et 9Telecom d’a­cheter des infra­struc­tures locales util­is­ables pour le dégroupage et de créer une con­cur­rence sur les infra­struc­tures. Tele2 a rac­cordé 300 cen­traux télé­phoniques. Ain­si, l’ex­is­tence d’opéra­teurs offrant à la fois des ser­vices de télé­phonie et d’In­ter­net est vitale pour créer un marché alter­natif des infra­struc­tures et une baisse des prix sur l’ADSL.

Des menaces d’étouffement : le monopole sur l’abonnement téléphonique

France Télé­com s’ap­puie de plus sur son mono­pole sur l’abon­nement télé­phonique pour recon­quérir le marché des com­mu­ni­ca­tions fix­es et impos­er Wanadoo sans partage sur l’AD­SL ; il est le seul opéra­teur dis­posant de l’ensem­ble des infor­ma­tions liées à l’abon­nement et aux com­mu­ni­ca­tions télé­phoniques de tous les usagers du télé­phone (encore néces­saire­ment ses clients). L’a­van­tage con­féré sur le marché est énorme !8

L’abon­nement fixe est un lien oblig­a­toire des clients avec France Télé­com qui en fait un out­il d’une puis­sance incom­pa­ra­ble pour lim­iter la con­cur­rence sur le télé­phone fixe. De plus, ce lien oblig­a­toire hypothèque grave­ment la con­cur­rence sur l’AD­SL car les offres de vente en gros d’AD­SL économique­ment viables (dégroupage par­tiel et IP/ADSL) imposent de con­serv­er son abon­nement chez France Télé­com : des offres groupées qui désta­bilisent la concurrence.

Un équilibre à construire, avec les services de téléphonie

Le marché a bien changé. Les opéra­teurs privés ne peu­vent plus compter sur des investis­seurs ent­hou­si­astes, qui financeraient sur la seule foi d’un “busi­ness plan” les cen­taines de mil­lions d’eu­ros néces­saires au dégroupage d’une par­tie de la France. Par ailleurs, le déploiement de nou­velles infra­struc­tures pren­dra du temps, temps pen­dant lequel aucune con­cur­rence ne sera pos­si­ble sur la plus grande par­tie du territoire.

Dans le domaine de l’AD­SL, l’of­fre de revente (IP/ADSL) de France Télé­com a été un élé­ment clé dans la pos­si­bil­ité pour les FAI et les opéra­teurs de jus­ti­fi­er le dégroupage en démon­trant leur capac­ité à attir­er une clien­tèle dès aujour­d’hui. Les opéra­teurs ne pour­ront d’ailleurs opti­miser leurs coûts com­mer­ci­aux qu’avec une large cou­ver­ture com­mer­ciale du territoire.

Dans le domaine de l’abon­nement au télé­phone, se con­tenter du dégroupage total pour créer de la con­cur­rence serait donc illu­soire : sans pos­si­bil­ité d’of­frir un ser­vice au plus grand nom­bre, pas de finance­ment d’in­fra­struc­tures donc pas de con­cur­rence. Une offre de revente par les opéra­teurs alter­nat­ifs de l’abon­nement et des com­mu­ni­ca­tions qui lui sont liées est donc indis­pens­able à une con­cur­rence pérenne.

En con­séquence, le dégroupage, mais aus­si la revente des ser­vices ADSL offerte par France Télé­com (offre IP/ADSL), et la revente d’abon­nement télé­phonique, prévue par la nou­velle direc­tive en cours de trans­po­si­tion, sont trois mesures qui s’im­posent selon nous si on souhaite une vraie con­cur­rence per­me­t­tant des ser­vices inno­vants, con­ver­gents et viables économiquement :

  • impos­er la revente de l’abon­nement à France Télé­com, pour que les opéra­teurs alter­nat­ifs offrent à tous les Français des offres inno­vantes sur l’abon­nement et les com­mu­ni­ca­tions (et l’AD­SL), et afin de rétablir l’équili­bre con­cur­ren­tiel sur le marché des com­mu­ni­ca­tions et de l’ADSL ;
  • rap­procher les prix du dégroupage total vers les vrais coûts : ain­si les offres inno­vantes, une fois lancées sur le marché, pour­ront s’ap­puy­er sur des infra­struc­tures nou­velles au rythme de leur déploiement ;
  • con­trôler fer­me­ment les tar­ifs de revente (IP/ADSL), pour éviter les effets de ciseaux tar­i­faires, la recon­sti­tu­tion d’un mono­pole durable sur l’in­fra­struc­ture et la vas­sal­i­sa­tion éter­nelle des opéra­teurs et FAI alternatifs.

Les collectivités, opérateurs télécoms ?

L’Assem­blée nationale vient d’adopter un amende­ment inti­t­ulé “Pour la con­fi­ance dans l’é­conomie numérique”.

Les col­lec­tiv­ités locales sont autorisées à devenir opéra­teurs, en cas de carence du secteur privé. Il sem­ble cepen­dant encore tôt, six mois seule­ment après le “top départ”, pour établir défini­tive­ment et où que ce soit un con­stat de carence du secteur privé.

L’ex­péri­ence des opéra­teurs privés décédés nous mon­tre une seule chose : qu’il faut se hâter lente­ment. Le sou­tien des col­lec­tiv­ités répond cepen­dant à un besoin réel du secteur privé : il est dif­fi­cile de rat­trap­er l’a­vance de France Télé­com9. D’ailleurs, preuve en sont les travaux pio­nniers du Sip­perec, réu­nis­sant 80 com­munes de la région parisi­enne, qui per­me­t­tent le dégroupage avec un réseau de fibres optiques alter­natif mis à la dis­po­si­tion des opérateurs.

Nous pen­sons que le plus dif­fi­cile pour créer le haut débit en zone peu rentable est le rac­corde­ment en fibre optique et le coût d’équipement des clients.

Le rac­corde­ment en fibre optique est la clef d’en­trée d’un opéra­teur sur la zone, et jus­ti­fie donc l’in­ter­ven­tion de la col­lec­tiv­ité locale : n’est-ce pas une infra­struc­ture qui, comme d’autres, devrait ou pour­rait être créée par la col­lec­tiv­ité et ouverte au plus grand nombre ?

Le coût d’équipement des clients est en revanche une prob­lé­ma­tique nationale, qui jus­ti­fierait l’in­ter­ven­tion de l’État.

Grâce à des mesures appro­priées (équipement des col­légiens en infor­ma­tique), la Suède dis­pose ain­si d’un taux de con­nex­ion record de sa population.

En con­clu­sion, la con­cur­rence ne débute sur le haut débit qu’au dernier trimestre 2002 : le marché a un poten­tiel de crois­sance de 100 % par an.

Le marché de la télé­phonie locale a été ouvert le 1er jan­vi­er 2002 avec succès.

Cette con­cur­rence n’est viable que si la poli­tique d’ou­ver­ture est main­tenue par l’ART, le Con­seil de la con­cur­rence et le gou­verne­ment ; elle doit être éten­due, lors de la trans­po­si­tion en cours de la nou­velle direc­tive, à la revente de l’abon­nement téléphonique.

L’ou­ver­ture du réseau de fibre optique exis­tant de France Télé­com peut égale­ment être envis­agée pour éviter la mul­ti­pli­ca­tion d’in­fra­struc­tures de transmission.

Enfin, la crois­sance du haut débit peut être accélérée par des moyens publics : créa­tion d’in­fra­struc­tures ouvertes aux opéra­teurs privés dans les zones peu renta­bles, inci­ta­tion à l’équipement des ménages en informatique.

_______________________________________
1. Le grand pub­lic se mon­tre de plus en plus méfi­ant vis-à-vis des tech­nolo­gies radio en général. La boucle locale radio a besoin d’être instal­lée dans des points hauts… Pour les immeubles d’habi­ta­tion, avec une réu­nion de copro­priété par an, il ne faut pas être pressé. La sécuri­sa­tion des réseaux peut être plus facile­ment réal­isée sur des réseaux fix­es que, par exem­ple, des réseaux WiFi ; le satel­lite ne per­met pas une com­mer­cial­i­sa­tion en vol­ume et ne sem­ble pas robuste, etc.
2. France Télé­com a déposé un quart d’heure trop tard sa demande de licence de boucle locale radio en 1999, s’ex­clu­ant ain­si de la sélection.
3. 3 000 équipés aujour­d’hui par France Télé­com en ADSL cou­vrant 80 % de la population.
4. Les mécan­ismes de con­cur­rence dans les télé­com­mu­ni­ca­tions ont pour effet une baisse des prix et une hausse de la con­som­ma­tion. Les télé­com­mu­ni­ca­tions ont en effet une économie par­ti­c­ulière : “ren­de­ments crois­sants” (coûts fix­es très impor­tants, coûts vari­ables rel­a­tive­ment faibles), et “exter­nal­ités pos­i­tives” (pos­si­bil­ité de partager une seule infra­struc­ture entre con­cur­rents). Sans régle­men­ta­tion, le secteur est naturelle­ment monop­o­lis­tique, à prix publics élevés, en sous-con­som­ma­tion. Voir les bilans sur la con­cur­rence de l’Au­torité de régu­la­tion des télécommunications.
5. L’ADSL est une tech­nolo­gie adap­tée plus spé­ci­fique­ment à la struc­ture des réseaux télé­phoniques européens, qu’asi­a­tiques, ou américains.
6. Études du Ses­si (2000) notamment.
7. Voir arti­cle de J. Hen­ni dans Les Échos de décem­bre 2002, ou encore Le Monde, fin jan­vi­er début févri­er 2002, sur les opéra­tions “Blanche-Neige, Lus­tu­cru et Clafoutis”, “L’of­fen­sive con­tro­ver­sée de France Télé­com pour regag­n­er ses anciens abonnés”.
8. Exploita­tion inten­sive des don­nées de con­som­ma­tion, envoi de pub­lic­ité à coût mar­gin­al avec la fac­ture de l’abon­nement, démar­chage télé­phonique des clients util­isant un opéra­teur con­cur­rent, accès gra­tu­it aux noms, adresse et numéro de télé­phone de TOUS les Français, alors que le coût de loca­tion (à usage unique) d’une seule adresse est de 10 cen­times, etc.
9. De plus, France Télé­com demande peut-être de façon légitime un sou­tien pub­lic pour la cou­ver­ture de zones non rentables.

Poster un commentaire