L’énergie mondiale face à la pénurie ou Colbert et les leçons du ” peak wood ”

Dossier : ÉnergieMagazine N°638 Octobre 2008
Par Jean BOSCHAT (86)
Par Philippe BIHOUIX

Depuis le démar­rage de l’ex­ploita­tion indus­trielle du char­bon au XVIIIe siè­cle ou le pre­mier puits de pét­role de Penn­syl­vanie en 1859, toutes les pro­duc­tions d’én­ergie fos­sile sont en crois­sance. Le choc pétroli­er des années soix­ante-dix n’a pas réduit, même tem­po­raire­ment, la con­som­ma­tion de pét­role. Le nucléaire et l’hy­droélec­trique n’ont fait qu’ab­sorber une par­tie de la crois­sance de la demande. Le char­bon reste la deux­ième source mon­di­ale d’én­ergie, et n’est pas réservé aux pays en développe­ment : la pro­duc­tion élec­trique et les indus­tries du monde dévelop­pé en dépen­dent large­ment. À ce jour, la pro­duc­tion mon­di­ale d’én­er­gies renou­ve­lables, hors hydroélec­trique, reste nég­lige­able (moins de 1 %).

La con­som­ma­tion annuelle mon­di­ale d’én­ergie pri­maire avoi­sine les 12 mil­liards de tep (tonnes équiv­a­lent pét­role). Elle a été mul­ti­pliée par 5 depuis la Sec­onde Guerre mon­di­ale, sous le dou­ble effet de l’aug­men­ta­tion de la pop­u­la­tion (mul­ti­pliée par 2 dans les quar­ante dernières années) et de la con­som­ma­tion par per­son­ne (mul­ti­pliée par 7 en moins d’un siècle).

Une demande en forte croissance

Récupér­er plus qu’on investit
Il y a une lim­ite physique à l’aug­men­ta­tion mécanique des réserves : il faut dans tous les cas récupér­er plus d’én­ergie qu’on en investit dans les opéra­tions d’ex­trac­tion. La pro­duc­tion off­shore con­somme 10 à 15 % de son énergie pro­duite (15 bar­ils con­som­més pour 100 pro­duits). On monte à 25 %, voire 50 % (investis sous forme de gaz) dans le cas des sables asphal­tiques de l’Al­ber­ta (Cana­da) : il faut con­som­mer l’équiv­a­lent d’un bar­il pour en extraire deux ! Cette con­trainte incon­tourn­able ne per­me­t­tra pas d’ex­ploiter plus de 15 % (donc moins de 100 mil­liards de tep) de ces pétroles non con­ven­tion­nels. Sans compter les con­traintes de mise en pro­duc­tion. Seuls 7 à 9 mil­lions de bar­ils par jour seraient pro­duits en 2030 par cette voie (6 à 8 % de la demande).

Les prévi­sions de crois­sance de la demande sont très fortes pour plusieurs raisons : les 12 mil­liards de tep de con­som­ma­tion annuelle mon­di­ale (soit 1,8 tep par ter­rien) sont très iné­gale­ment répar­tis (8 tep aux États-Unis, 4 tep en Europe, 1,3 tep en Chine et 0,5 tep en Inde). Align­er la pop­u­la­tion mon­di­ale sur la moyenne européenne de 4 tep con­duirait à tripler la demande mon­di­ale. La con­som­ma­tion d’én­ergie pro­gresse de manière cor­rélée avec la crois­sance du PIB et chaque dol­lar de PIB sup­plé­men­taire aug­mente de 100 à 400 grammes d’équiv­a­lent pét­role la demande mon­di­ale. De même, la mon­di­al­i­sa­tion dope la crois­sance des échanges et accroît d’au­tant le besoin en pét­role. Si le besoin en marchan­dis­es trans­portées par per­son­ne reste remar­quable­ment sta­ble dans les pays dévelop­pés (autour de 70 kg par jour et par per­son­ne), le nom­bre de kilo­mètres à par­courir pro­gresse forte­ment. L’ar­bi­trage entre coût du tra­vail et coût de l’én­ergie a été jusqu’à présent favor­able aux délocalisations.

Les dif­férents scé­nar­ios de l’A­gence inter­na­tionale de l’én­ergie (AIE) tablent ain­si sur une demande annuelle de 15 à 17 mil­liards de tep à l’hori­zon 2030, et env­i­ron 20 mil­liards de tep à l’hori­zon 2050.

Aux limites des réserves fossiles

La notion de réserve pour les éner­gies fos­siles est un sub­til mélange d’élé­ments tech­niques et économiques mais aus­si affaire d’ap­pré­ci­a­tion. Les réserves prou­vées sont celles ” dont l’ex­is­tence est physique­ment prou­vée, et pro­ductibles de manière raisonnable­ment cer­taine, au niveau de tech­nolo­gie actuel, au prix actuel “. Les réserves prob­a­bles et pos­si­bles font appel à une dose d’ap­pré­ci­a­tion encore supérieure.

Com­ment aug­menter les réserves ? Prenons l’ex­em­ple du pétrole.

Décou­vrir de nou­veaux champs
Il reste de nou­velles réserves à décou­vrir (les géo­logues s’ac­cor­dent sou­vent sur env­i­ron 150 mil­liards de tep). Mais l’off­shore trou­vera bien­tôt ses lim­ites, puisque au-delà de 3 000 m d’eau on quitte le plateau con­ti­nen­tal et ses dépôts sédi­men­taires. Et depuis la fin des années qua­tre-vingt, on décou­vre moins de pét­role qu’on n’en con­somme (1 bar­il décou­vert pour 4 con­som­més actuelle­ment). La pro­duc­tion repose large­ment sur une soix­an­taine de champs ” supergéants ” (plus de 700 mil­lions de tep), qui représen­tent 40 % des réserves. 70 % à 80 % de la pro­duc­tion d’Ara­bie Saou­dite, d’I­rak et du Koweït reposent sur 8 champs décou­verts avant 1970.

Les ressources ultimes
La notion de ” ressources ultimes ” per­met de s’af­franchir des quelques incer­ti­tudes liées au cal­cul des réserves prou­vées, prob­a­bles ou pos­si­bles. Il y aurait env­i­ron 4 200 mil­liards de tep (Gtep) de réserves ultimes, dont 3 000 Gtep de char­bon, 600 Gtep de pétrole/gaz con­ven­tion­nels et 600 Gtep de pétrole/gaz non con­ven­tion­nels. Large­ment de quoi emballer le cli­mat, mal­heureuse­ment, puisque la con­som­ma­tion de ces ressources ultimes mon­terait la con­cen­tra­tion en CO2 à plus de 2 000 ppm (par­ties par mil­lion), soit 4 fois le niveau max­i­mal pré­con­isé par le GIEC. Au taux de crois­sance actuel, soit 2 %, l’in­té­gral­ité de ces ressources ultimes serait con­som­mée avant un siè­cle. On peut éloign­er cette échéance en réduisant le taux de crois­sance (c’est ce qu’on fait pour se ras­sur­er en par­lant de réserves ” en années de con­som­ma­tion ” comme si celle-ci était sta­ble alors qu’elle n’a fait que croître par le passé). On peut aus­si la rap­procher en prenant en compte la lim­ite extractible au lieu des réserves ultimes (2 300 à 2 500 Gtep au lieu de 4 200).

Mieux récupér­er
Le taux de récupéra­tion est actuelle­ment d’en­v­i­ron 35 %. Puits déviés, injec­tion d’eau ou de gaz, etc., devraient per­me­t­tre de con­tin­uer à gag­n­er quelques points dans le futur, soit quelques dizaines de mil­liards de tep. Les pro­priétés physiques des roches-mères et des hydro­car­bu­res ne per­me­t­tent pas d’en­vis­ager beau­coup plus.

Aug­menter les prix
Les réserves sont ce qui est ” pro­ductible au prix actuel “, donc toute élé­va­tion du prix aug­mente mécanique­ment les réserves. On peut aller chercher du pét­role et du gaz plus loin à un coût plus élevé (off­shore pro­fond, huiles lour­des, sables asphal­tiques, schistes bitumineux).

Revoir les évaluations
On peut aus­si aug­menter ” virtuelle­ment ” les réserves, en révisant le niveau d’ap­pré­ci­a­tion : c’est dif­fi­cile pour les com­pag­nies pétrolières cotées et assez sur­veil­lées, mais plus sim­ple pour cer­tains pays pro­duc­teurs. Plusieurs pays majeurs de l’OPEP ont ain­si fait un bond dans leurs réserves prou­vées (sans nou­velles décou­vertes) suite à la mise en place des quo­tas cal­culés sur les réserves en 1985.

Pro­duire du pét­role de synthèse

Align­er la con­som­ma­tion moyenne mon­di­ale sur l’Europe con­duirait à tripler la demande

N’at­ten­dons pas trop des procédés ” Coal to Liq­uid ” et ” Gas to Liq­uid ” : pour pro­duire ce car­bu­rant de syn­thèse, 50 % du con­tenu énergé­tique d’o­rig­ine est per­du, et il s’ag­it tou­jours de réserves fos­siles… En pra­tique, le phénomène du ” peak oil ” inter­vient. Sché­ma­tique­ment, une fois la moitié des réserves sor­ties de terre, la pro­duc­tion va pass­er par un max­i­mum puis déclin­er (plus ou moins vite, ce qui per­met d’ap­pel­er le pic ” pla­fond ” ou ” plateau ”). Le pic est déjà là pour le pét­role (hier selon l’En­er­gy Watch Group, 2010 selon l’ASPO, avant 2020 selon Total) : 33 des 48 pays pro­duc­teurs y sont déjà passés. Il inter­vien­dra dans quelques années pour le gaz, à peine quelques décen­nies pour le char­bon, selon l’usage que nous en ferons.

Vivre sans énergies fossiles ?

Con­fron­té à cette aug­men­ta­tion de la demande et aux réserves lim­itées d’én­ergie fos­sile, le réflexe naturel est de rechercher des sources d’én­ergie alter­na­tives. Com­mençons par le plus com­plexe, mais qui a sou­vent la faveur des médias quand il s’ag­it des alter­na­tives dans les trans­ports : l’hydrogène.

L’hy­drogène
Séduisant sur le papi­er comme moyen de stock­age de l’én­ergie, notam­ment pour les sources inter­mit­tentes comme l’éolien et le solaire, son ren­de­ment laisse cepen­dant à désir­er, sans compter les prob­lèmes de déploiement d’un réseau de dis­tri­b­u­tion et de stockage.

Au taux de crois­sance actuel l’intégralité des « ressources ultimes » serait con­som­mée avant un siècle

À titre d’or­dre de grandeur, la pro­duc­tion de 2 mil­liards de tep sous forme d’hy­drogène (soit env­i­ron 600 mil­lions de tonnes) pour cou­vrir 80 % des besoins mon­di­aux actuels de mobil­ité néces­sit­erait 30 000 TWh de pro­duc­tion élec­trique, soit une mul­ti­pli­ca­tion par 10 du parc nucléaire exis­tant. En France, il nous ” suf­fi­rait ” d’a­jouter 48 GW (34 EPR) pour nos 25 mil­lions de tep util­isés dans les trans­ports ! Dif­fi­cile poli­tique­ment et indus­trielle­ment. L’hy­drogène restera donc mar­gin­al. Voyons main­tenant les autres alter­na­tives aux éner­gies fos­siles : renou­ve­lables et nucléaire. Nous avons con­stru­it un scé­nario théorique, très extrémiste, pour voir si nous pour­rions ” vivre sans les éner­gies fos­siles ” avec nos habi­tudes actuelles. Sur quoi est-il construit ?

Les lim­ites du nucléaire
Mul­ti­pli­er le parc nucléaire par 25 est dif­fi­cile­ment imag­in­able, pour au moins deux raisons :
• il faudrait impéra­tive­ment pass­er à la généra­tion IV (les surgénéra­teurs util­isant l’u­ra­ni­um 238 ou le tho­ri­um comme com­bustible), car les réserves d’u­ra­ni­um 235 sont de l’or­dre du siè­cle au rythme actuel, et toute crois­sance du parc réduira les réserves (le prix de l’u­ra­ni­um aug­mente d’ailleurs actuelle­ment dans le sil­lage du pét­role). Celle-ci ne devrait pas être prête au déploiement indus­triel avant 2040 ;
• la capac­ité indus­trielle est lim­itée : il fau­dra déjà renou­vel­er le parc vieil­lis­sant de la généra­tion II dans les décen­nies qui vien­nent, avant de songer à l’aug­men­ta­tion de capac­ité ; 50 % d’aug­men­ta­tion de capac­ité à l’hori­zon 2040 sem­ble déjà très ambitieux, donc 2 500 % à l’échelle d’un siè­cle, par exem­ple, paraît irréaliste.

L’hy­droélec­trique
Env­i­ron 700 mil­lions de tep (Mtep) sont pro­duits actuelle­ment (pour les spé­cial­istes, nous avons pris un fac­teur de con­ver­sion des 3 000 TWh sem­blable au ther­mique et au nucléaire). Cette pro­duc­tion pour­rait encore presque dou­bler (au prix de quelques arbi­trages envi­ron­nemen­taux douloureux).

Le solaire photovoltaïque
En mul­ti­pli­ant la pro­duc­tion actuelle par 200 (9 fois les prévi­sions de l’AlE à 2030, plusieurs cen­taines d’an­nées de pro­duc­tion au rythme actuel de fab­ri­ca­tion des pan­neaux pour fournir les 20 mil­liards de mètres car­rés de pan­neaux), on atteint 450 Mtep. Dif­fi­cile mal­heureuse­ment d’en faire autre chose qu’un appoint (sauf le solaire ther­mique en appli­ca­tion décentralisée).

L’éolien
Nous pou­vons pro­duire 2,3 mil­liards de tep (Gtep) en mul­ti­pli­ant la pro­duc­tion par 60, soit 7 fois les prévi­sions de l’AIE à 2030.

La géother­mie
Les ressources sont très local­isées mais non nég­lige­ables. Nous retenons 5 fois les prévi­sions de l’AIE à 2030 comme hypothèse de tra­vail, soit 230 Mtep.

Les bio­car­bu­rants
En y dédi­ant 10 % des ter­res arables (au prix d’ar­bi­trages dif­fi­ciles avec les besoins agri­coles ali­men­taires) on atteindrait 140 Mtep à rai­son d’une tep par hectare (en y dédi­ant l’in­té­gral­ité des ter­res arables, on pro­duirait moins de 40 % du pét­role con­som­mé actuellement).

La bio­masse
La mise en coupe réglée d’un quart des forêts mon­di­ales à usage énergé­tique unique­ment (arbi­trages douloureux en per­spec­tive avec les zones pro­tégées, le bois d’oeu­vre et la pâte à papi­er) rap­porterait env­i­ron 3 Gtep. Tous ces efforts gigan­tesques, tant en déploiement indus­triel (a‑t-on réelle­ment les ressources en hommes et en métaux pour cela ?) qu’en arbi­trages envi­ron­nemen­taux et socié­taux déli­cats, nous per­me­t­traient d’at­tein­dre ” seule­ment ” 7,5 Gtep, soit deux tiers de la con­som­ma­tion actuelle.

Le nucléaire
Compte tenu de ce qui précède, en prenant 20 Gtep comme con­som­ma­tion future (hypothèse ” réal­iste ” de 8 mil­liards d’habi­tants à ” seule­ment ” 2,5 tep/an), il nous faudrait, pour com­pléter notre pro­duc­tion renou­ve­lable avec du nucléaire, pro­duire autour de 80 000 TWh (en y dédi­ant la moitié à la pro­duc­tion d’hy­drogène pour les usages de trans­port), donc mul­ti­pli­er le parc actuel par 25 ! Et les autres tech­nolo­gies ? Là encore, on se heurte à l’or­dre de grandeur ou à la matu­rité technologique.

Les vagues
Out­re le fait que les régions du monde intéres­santes sont assez lim­itées, elle restera mar­ginale. Un sys­tème comme Pelamis, déployé sur 1 000 km de côtes, pro­duirait… moins de 4 % de la pro­duc­tion élec­trique française.

Les courants marins
Les hydroli­ennes présen­tent l’in­térêt d’être des sources moins inter­mit­tentes que les éoli­ennes… mais le bilan des opéra­tions (main­te­nance sous-marine, etc.) reste à démon­tr­er et le poten­tiel est limité.

Le prix de l’énergie va inex­orable­ment mon­ter pour ajuster la demande à l’offre contrainte

La fusion
La fusion ne présente stricte­ment aucun intérêt par rap­port à la fis­sion généra­tion IV. Elle pro­duit aus­si des déchets, et tant que le tri­tium est pro­duit à par­tir du lithi­um, elle n’of­fre pas une source illim­itée, mais com­pa­ra­ble à la surgénéra­tion (soit quelques mil­liers d’années).

Les nou­veaux biocarburants
Les bio­car­bu­rants de généra­tion 2 (déchets verts) et 3 (algues) offrent l’in­térêt de ne pas être en com­péti­tion avec la pro­duc­tion ali­men­taire. Mais on se heurte encore à des lim­ites physiques : pro­duc­tion pri­maire nette (généra­tion 2) ou com­péti­tion dans l’usage des sur­faces (les algues doivent recevoir les rayons du soleil pour croître).

Une décrois­sance inexorable
Lâchons le mot : à moyen terme, la pro­duc­tion mon­di­ale d’én­ergie va donc entr­er en décrois­sance. La con­som­ma­tion mon­di­ale devra s’y adapter. Nous ne par­lons pas néces­saire­ment de choc pétroli­er ou énergé­tique. Mais dans un mécan­isme de marché, le prix va inex­orable­ment mon­ter pour ajuster la demande à l’of­fre con­trainte. Nous aurons égale­ment des prob­lèmes liés à la pénurie pour les appli­ca­tions non énergé­tiques des ressources fos­siles (matéri­aux, lubri­fi­ants, engrais…). À par­tir de ce con­stat sim­ple, nous pou­vons dress­er quelques con­séquences prob­a­bles pour les entre­pris­es, et d’abord les change­ments de par­a­digme que vivront sans doute les généra­tions actuelles ou futures.

Relo­calis­er
Le renchérisse­ment de l’én­ergie aidant, les arbi­trages local-glob­al finiront par s’in­vers­er. Après la vague des délo­cal­i­sa­tions, nous devri­ons assis­ter à une relo­cal­i­sa­tion de l’é­conomie, à une ” réin­dus­tri­al­i­sa­tion “, les échanges dépen­dant forte­ment du pétrole.

Stock­er et moins transporter
Une recon­fig­u­ra­tion com­plète de la chaîne logis­tique s’im­posera dans de nom­breux secteurs : le juste à temps est très con­som­ma­teur d’én­ergie (c’est du stock sur la route ou dans les airs) et l’ar­bi­trage devrait rede­venir favor­able à des sché­mas de stock­age plus per­ti­nents pour des modes de trans­port moins éner­gi­vores, mais plus con­traig­nants (bateau, train).

Répar­er et réutiliser
La réap­pari­tion du réu­til­is­able et du répara­ble se fera au détri­ment du jetable : retour des con­signes pour les bois­sons, mod­u­lar­ité dans la con­cep­tion des objets, etc. Le jetable est très (trop) con­som­ma­teur d’én­ergie et de matières pre­mières pour tenir face à une ten­sion énergétique.

Col­bert et le ” peak wood ” du XVIIe siècle
Un seul moment dans l’his­toire de l’hu­man­ité est com­pa­ra­ble à ce qui s’an­nonce. À par­tir du milieu du XVIIe siè­cle se pro­file une crise énergé­tique grave en Europe occi­den­tale, notam­ment en Angleterre et en France. La source d’én­ergie prin­ci­pale est le bois, la déforesta­tion pour l’a­gri­cul­ture et la sur­ex­ploita­tion le ren­dent de plus en plus rare et cher.
Les forêts du Nou­veau Monde sont à portée de main, mais con­stru­ire des bateaux en bois pour aller chercher du bois n’est pas physique­ment rentable (il faudrait met­tre plus d’une unité pour récupér­er une unité… comme pour une par­tie du pét­role non conventionnel !).
Le ” peak wood ” est là ! L’Eu­rope s’en sor­ti­ra grâce à la mise en place de régle­men­ta­tions fortes (restric­tions éta­tiques, plans de ges­tion) et une dou­ble révo­lu­tion tech­nologique. En France, Col­bert établit en 1669 l’or­don­nance rel­a­tive à la créa­tion et à l’en­tre­tien des bois et forêts. Il replante mas­sive­ment pour pré­par­er l’avenir (en tant qu’an­cien min­istre de la Marine, il sait qu’il faut 3 000 chênes cen­te­naires pour con­stru­ire un bateau de guerre). Nous lui devons une bonne par­tie de nos forêts.
La dou­ble révo­lu­tion tech­nologique vien­dra d’An­gleterre. Vers 1700–1710, Thomas Sav­ery invente la pompe à vapeur, Thomas New­comen la machine à vapeur. La com­bi­nai­son des deux per­me­t­tra l’ex­ploita­tion des mines de char­bon souter­raines, en pom­pant les nappes phréa­tiques. La révo­lu­tion indus­trielle pou­vait démarrer.

Faire dur­er et conserver
On devrait voir la fin de la cul­ture de l’ob­so­les­cence pro­gram­mée, qui nous fait con­som­mer tou­jours plus et rem­plac­er nos pro­duits de con­som­ma­tion courante (pro­duits bruns, télé­phonie, infor­ma­tique, etc.) à un rythme jamais atteint auparavant.

Ceux qui se pré­pareront à temps à ces change­ments, en ter­mes d’in­no­va­tion pro­duits et ser­vices, de réflex­ion sur la con­cep­tion, la fab­ri­ca­tion, la dis­tri­b­u­tion et la fin de vie de leurs pro­duits, de posi­tion­nement mar­ket­ing, de ges­tion du risque, seront les gag­nants de cette muta­tion énergé­tique mon­di­ale. Bien enten­du tous les secteurs ne seront pas logés à la même enseigne, entre la capac­ité plus ou moins grande à sor­tir de ” l’oléodépen­dance ” et la per­cep­tion, par des clients ten­dus sous ambiance infla­tion­niste, de l’u­til­ité réelle des biens et ser­vices ren­dus. Mais c’est d’abord la capac­ité à regarder la réal­ité en face et l’an­tic­i­pa­tion qui fer­ont les gag­nants et les per­dants de demain.

Faut-il con­tin­uer sur notre lancée en atten­dant un improb­a­ble suc­cesseur de Col­bert et une hypothé­tique révo­lu­tion tech­nologique ? Il paraît plus réal­iste d’in­té­gr­er d’ores et déjà dans nos com­porte­ments, mais aus­si dans l’évo­lu­tion de l’é­conomie et des entre­pris­es, la néces­saire baisse de la con­som­ma­tion d’én­ergie et les con­séquences pour les entre­pris­es aus­si bien en ter­mes d’of­fre et de mod­èle économique qu’en ter­mes de choix opérationnels.

12 Commentaires

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Claude THIEBAUTrépondre
3 octobre 2010 à 15 h 49 min

Audi­teur
“À moins d’une très hypothé­tique révo­lu­tion technologique”

Cette hypothé­tique révo­lu­tion est déjà sur les rails.Les nou­velles machines arriveront sur le marché avant la fin de cette décennie. 

Donc pas de panique, la pénurie d’én­ergie est impossible.

Thomasrépondre
7 août 2013 à 13 h 51 min
– En réponse à: Claude THIEBAUT

Mon­sieur Thiebaut, vous avez
Mon­sieur Thiebaut, vous avez l’air très bien infor­mé. Dites-nous en un peu plus ! C’est frustrant.

Sébastien Mar­recrépondre
9 août 2013 à 0 h 09 min
– En réponse à: Claude THIEBAUT

Ah oui, et quel genre de
Ah oui, et quel genre de machines ? Votre réponse n’est qu’une esquisse bien mystérieuse…

Jean-Paul Boeldieu répondre
8 août 2016 à 12 h 12 min
– En réponse à: Claude THIEBAUT

Défaitisme mil­i­taire
Je souscris à ce com­men­taire réal­iste. Le malthu­sian­isme énergé­tique ne sied pas à des ingénieurs. Leur capac­ité d’in­ven­tion est lim­itée par les tech­nocrates qui ont peur du risque et pilo­tent les politiques.
Pour les hydro­car­bu­res, deux remarques :
Les réserves prou­vées sont celles dont la pro­duc­tion est effec­tive ou financée. Sinon, il s’ag­it de ressources, qui ne sont jamais compt­abil­isées pour une rai­son finan­cière. Elles ne peu­vent per­me­t­tre les emprunts du fait que les com­pag­nies privée et publiques ne finan­cent pas les mis­es en production.
La doxa sur le rôle cli­ma­tique du CO 2 ne tient pas sci­en­tifique­ment. Le seul gaz à effet de serre effec­tif est la vapeur d’eau.

Bastienrépondre
7 août 2013 à 15 h 01 min

Hum pas si sûr…

“la pro­duc­tion mon­di­ale d’én­er­gies renou­ve­lables, hors hydroélec­trique, reste nég­lige­able (moins de 1 %).”… bizarre, j’avais pour­tant le sou­venir que l’én­ergie bio­masse (prin­ci­pale­ment du bois) représen­tait encore 10% de l’én­ergie mon­di­ale, surtout dans les pays en développe­ment.. Aurais-je tort ? Dif­fi­cile d’aller plus loin si dès le 1er para­graphe je trou­ve une erreur.

Patrickrépondre
17 août 2013 à 3 h 48 min

Bon­jourEx­cel­lent arti­cle, je

Bon­jour Excel­lent arti­cle, je ne savais pas pour le peak wood et Col­bert. On apprend tous les jours 🙂 Par con­tre au niveau des unités c’est une véri­ta­ble soupe inutil­is­able pour le com­mun des mor­tels : Mtep, tep par hectare, GTep, TWh, com­ment voulez-vous qu’on s’y retrou­ve ? Il faudrait vrai­ment trou­ver un moyen de ren­dre ces unités énergé­tiques com­préhen­si­bles pour tout le monde. Per­son­nelle­ment j’u­tilise le kWh pour l’én­ergie et le kWh/jour pour la puis­sance, habi­tude que j’ai prise suite à la lec­ture de l’ex­cel­lent ouvrage de David mcK­ay (http://www.jklm.cc/0/798765235.php?pdf=ac228182). Je ne sais pas si c’est plus effi­cace, en tout cas pour moi tout est devenu plus clair !

Dani­lo B. répondre
7 août 2016 à 14 h 31 min

Energie
Excel­lent papi­er ! Quand vous men­tion­nez la hausse du prix qui s’adapte à la débande par report à l’of­fre, j’a­jouterais que la dette et l’ap­pro­pri­a­tion des ressources par la force (comme en Irak) évite une hausse des prix… 

19550180répondre
7 août 2016 à 16 h 49 min

Pénurie

Comme d’habi­tude vous oubliez le poten­tiel du nucléalre. Vous le rejetez d’un revers de main avec quelques banal­ités. Je vous ren­voie à l’article :
http://sauvonsleclimat.org/images/articles/pdf_files/etudes/Motivation‑s
La tech­nolo­gie existe (En Russie, en Inde et en cours, en Chine) La France était passé à 75% de nucléaire en 15 ans. Tout les grands pays indus­triels peu­vent le faire, c’est une ques­tion de volonté. 

Hervé Nifenecker

Lau­rent Rouchairolesrépondre
7 août 2016 à 17 h 20 min

290 ppm CO2
Bon­jour, sans remet­tre en cause ce que vous dites, il y a un autre point qui doit être pris en compte. La paléo­cli­ma­tolo­gie nous dit qu’à par­tir de 290 ppm de CO2 nous avons 0.5°c et 5 mètres de niveau d’eau en plus, con­crète­ment cela veut dire que si nous voulons lim­iter le niveau des océans à 5 mètres, il faut revenir à 290ppm dans les plus brefs délais… soit le niveau des années 1870 env­i­ron… donc réab­sorber tout ce qui a été émis depuis (et plus)… A méditer !

David Brépondre
7 août 2016 à 21 h 27 min

Th.
Les pays coopérant effi­cace­ment sur des pro­jets de réac­teurs au Tho­ri­um sor­tiront en tête des ralen­tisse­ments à venir, et ce tant que la fusion ne sera pas maîtrisée commercialement.

On ne remerciera jamais assez les forces armées du monde entier pour avoir focal­isé les bud­gets de recherche sur la fis­sion sale d’iso­topes raris­simes qui était promet­teuse de plu­to­ni­um comme déchet (et toutes les joyeusetés que l’on peut en tir­er) au détri­ment d’une fis­sion sans dan­ger d’un élé­ment abondant.

Patrick Hubertrépondre
9 août 2016 à 13 h 13 min

Solaire
En ali­men­tant des voitures élec­trique avec du solaire, on évite toutes sortes de pertes de ren­de­ment, et l’équiv­a­lence de 450M tep avancée pour le solaire devient plutôt 1Md tep, voire 2Md tep si on par­le du puits à la roue…

D’ac­cord avec les auteurs que l’ef­fi­cac­ité, la sobriété et la fru­gal­ité doivent être les objec­tifs prioritaires.

Con­cer­nant le pho­to­voltaïque, toute­fois, la capac­ité annuelle instal­lée en 2015 a été de 50GW (http://www.solarpowereurope.org/insights/new-global-market-outlook-2016/), soit 50millions de kW. Si on compte 10m² par kW (en fait plutôt 7 et bien­tôt 5), cela représente déjà 500 mil­lions de m². Pour 20 mil­liards, il faudrait donc compter 40 ans au rythme actuel, et pas “plusieurs cen­taines d’an­nées”. De plus, 1°) la capac­ité de pro­duc­tion de mod­ules solaires con­tin­ue d’aug­menter chaque année, et 2°) une fois instal­lée, cette capac­ité pro­duira pour plusieurs dizaines d’an­nées. Ce ne sont donc pas 450M tep que le solaire PV génèr­era en 2030, mais prob­a­ble­ment bien plus.

On ne peut donc cer­taine­ment pas bal­ay­er d’un revers de main le pho­to­voltaïque comme con­tribu­teur majeur au bou­quet énergé­tique des décen­nies à venir. 

Math­ieurépondre
10 août 2016 à 10 h 37 min

Excel­lent papi­er, toute­fois
Excel­lent papi­er, toute­fois un peu bru­tal pour les analy­ses et les diag­nos­tiques. Quoiqu’il en soit nous sommes à l’aube d’un boul­verse­ment économique qui entrain­era un boul­verse­ment poli­tique et leurs con­séquences sur nos modes de vie. On peut crain­dre, comme cer­tains l’an­nonce, que les insta­bil­ités engen­drées se traduisent par des guerres .….… 

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