Portrait de Sophie Germain

Sophie Germain X 1795 ? La femme cachée des maths

Dossier : ExpressionsMagazine N°615 Mai 2006
Par Gilbert LAMBOLEY (50)

Traduit de l’améri­cain par Gilbert LAMBOLEY (50)
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Le théorème de Pythagore est asso­cié à une des équa­tions les mieux com­pris­es en mathématiques :

a2 + b2 = c2

Il existe de nom­breux entiers qui véri­fient cette équa­tion, par exemple :

32 + 42 = 52

Au XVI­Ie siè­cle, le math­é­mati­cien français Pierre de Fer­mat lança un défi aux futures généra­tions de math­é­mati­ciens : démon­tr­er qu’il n’existe pas de nom­bres entiers pour la suite des équa­tions suivantes :

a3 + b3 = c3
a4 + b4 = c4
a5 + b5 = c5
a6 + b6 = c6

etc.

Bien que ces équa­tions soient sem­blables à l’équation de Pythagore, le grand théorème de Fer­mat affirme que ces équa­tions n’ont pas de solu­tion. La dif­fi­culté de la démon­stra­tion tourne autour du fait qu’il existe une infinité de telles équa­tions, et une infinité de valeurs pos­si­bles pour a, b et c. La démon­stra­tion doit prou­ver qu’il n’existe pas de solu­tion par­mi cette infinité d’infinis. Néan­moins, Fer­mat affir­ma qu’il déte­nait une démon­stra­tion. La démon­stra­tion ne fut jamais écrite, si bien que le défi fut de retrou­ver la démon­stra­tion du grand théorème de Fermat.

Monsieur Le Blanc

Au début du XIXe siè­cle, le grand théorème de Fer­mat s’était déjà imposé comme le prob­lème le plus red­outable de la théorie des nom­bres. Il n’y eut pas d’avancée jusqu’à ce qu’une jeune femme française relance la recherche de la démon­stra­tion per­due de Fermat.

Sophie Ger­main est née le 1er avril 1776, fille d’un négo­ciant, Ambroise François Ger­main. En dehors de son tra­vail, sa vie fut dom­inée par les tour­bil­lons de la Révo­lu­tion française. L’année où elle se décou­vrit cet amour des nom­bres, la Bastille fut enlevée, et son étude de l’arithmétique fut assom­brie par le règne de la Terreur.

Bien que son père ait réus­si dans les affaires, les mem­bres de la famille de Sophie n’appartenaient pas à l’aristocratie. Fut-elle née dans la haute société, que son étude des math­é­ma­tiques eût pu être plus accept­able. Bien que les femmes de l’aristocratie ne fussent pas active­ment encour­agées à l’étude des math­é­ma­tiques, elles étaient sup­posées avoir une con­nais­sance suff­isante du sujet pour être capa­bles de suiv­re, si ce sujet inter­ve­nait dans une con­ver­sa­tion polie.

À cette fin, une série de livres avaient été écrits qui per­me­t­taient à la jeune femme de com­pren­dre les derniers développe­ments des math­é­ma­tiques et des sci­ences. Francesco Algar­ot­ti était l’auteur d’une Philoso­phie d’Isaac New­ton dévelop­pée à l’usage des dames. Parce que Algar­ot­ti croy­ait que les femmes ne s’intéressaient qu’à la romance, il essayait d’expliquer les décou­vertes de New­ton à tra­vers le dis­cours galant d’une mar­quise et de son inter­locu­teur. L’interlocuteur souligne la loi de l’inverse du car­ré des dis­tances dans l’attraction grav­i­taire, tan­dis que la mar­quise donne sa pro­pre inter­pré­ta­tion de cette loi de la physique : “ Je ne puis m’empêcher de penser… que cette pro­por­tion des car­rés des dis­tances entre les lieux… soit observée même en amour. Ain­si, après huit jours d’absence, l’amour deviendrait 64 fois moins fort qu’il ne l’était le pre­mier jour.

Il n’est pas sur­prenant que ce genre d’écrit n’ait été en rien respon­s­able de l’intérêt de Sophie Ger­main pour les math­é­ma­tiques. L’événement qui changea le cours de sa vie survint un jour où elle par­courait les livres de la bib­lio­thèque de son père et où elle tom­ba sur le livre de Jean Éti­enne Mon­tu­cla sur l’His­toire des Math­é­ma­tiques. Le chapitre qui frap­pa son imag­i­na­tion était une étude de Mon­tu­cla sur la vie d’Archimède. Sa nar­ra­tion des décou­vertes d’Archimède était sans nul doute intéres­sante, mais ce qui provo­qua le plus sa fas­ci­na­tion fut l’histoire qui entourait sa mort.

Archimède avait passé sa vie à Syra­cuse, étu­di­ant les math­é­ma­tiques dans une rel­a­tive tran­quil­lité, mais peu avant ses qua­tre-vingts ans, la paix vola en éclats suite à l’invasion de l’armée romaine. Selon la légende, pen­dant cette inva­sion, Archimède était telle­ment absorbé dans l’étude d’une fig­ure géométrique tracée sur le sable qu’il ne put répon­dre à l’interrogation d’un sol­dat romain. Le résul­tat fut qu’il en mou­rut transper­cé d’une lance.

Ger­main en con­clut que si quelqu’un pou­vait être assez pas­sion­né par un prob­lème de géométrie pour que cela le con­duise à la mort, alors les math­é­ma­tiques devaient être le sujet le plus cap­ti­vant au monde. Elle se mit immé­di­ate­ment à l’étude des fonde­ments du cal­cul et de la théorie des nom­bres, et bien­tôt, elle tra­vail­la tard dans la nuit, étu­di­ant les travaux d’Euler et de New­ton. Mais ce soudain intérêt pour un sujet si peu féminin cau­sait du souci à ses par­ents et ils essayèrent dés­espéré­ment de la détourn­er de sa pas­sion. Un ami de la famille, le comte Gugliel­mo Lib­ri-Caruc­ci dal­la Som­ma­ja, écriv­it com­ment le père de Sophie con­fisquait chan­delles et vête­ments et reti­rait tout chauffage afin de la décourager.

Quelques années plus tard, en Angleterre, la jeune math­é­mati­ci­enne Mary Som­merville voy­ait aus­si ses chan­delles con­fisquées par son père qui main­te­nait “ Que l’on devait met­tre fin à cela, si l’on ne voulait pas retrou­ver Mary dans une camisole de force, l’un de ces jours. ” Quant à Ger­main, elle se défendait en entre­tenant une cache de chan­delles et en s’enveloppant dans la literie. Lib­ri-Caruc­ci affir­ma que les nuits d’hiver étaient si glaciales que l’encre gelait dans l’encrier, mais Sophie con­tin­u­ait, impas­si­ble. Cer­tains la décrivaient comme timide et gauche, mais elle avait sans nul doute une immense déter­mi­na­tion. En fin de compte, ses par­ents se lais­sèrent fléchir et don­nèrent leur béné­dic­tion à Sophie.

Ger­main ne se maria jamais et tout au long de sa car­rière son père soutint finan­cière­ment ses recherch­es et appuya ses efforts pour pénétr­er dans la com­mu­nauté des math­é­mati­ciens. Pen­dant des années, ce fut le seul encour­age­ment qu’elle reçut. Il n’y avait pas de math­é­mati­cien dans la famille qui puisse lui apporter les plus récentes idées et ses instruc­teurs refusèrent de la pren­dre au sérieux.

En 1794, l’École poly­tech­nique ouvrit ses portes à Paris. Elle fut fondée en tant qu’école d’excellence pour entraîn­er les math­é­mati­ciens et savants de la Nation. C’eût été une place idéale pour Ger­main dans le développe­ment de son savoir math­é­ma­tique, sauf que cette insti­tu­tion était réservée aux hommes. Sa timid­ité naturelle l’empêcha de se présen­ter au corps gou­ver­nant l’école, si bien qu’au lieu de cela elle recou­rut à des études clan­des­tines à l’école en emprun­tant l’identité d’un ancien élève de l’école, Mon­sieur Antoine Auguste Le Blanc.

L’administration ne sut pas que le vrai Mon­sieur Le Blanc avait quit­té Paris et elle con­tin­ua à imprimer des feuilles de cours et des prob­lèmes pour lui. Ger­main s’arrangea pour obtenir ce qui était des­tiné à Le Blanc, et chaque semaine elle soumet­tait sous son nou­veau pseu­do­nyme ses répons­es aux prob­lèmes posés.

Tout se pas­sait con­for­mé­ment à son plan jusqu’à ce que le directeur des études, Joseph Louis Lagrange, ne puisse plus ignor­er la qual­ité des com­po­si­tions de Mon­sieur Le Blanc. Non seule­ment les solu­tions de Mon­sieur Le Blanc étaient mer­veilleuse­ment ingénieuses mais elles révélaient la remar­quable méta­mor­phose d’un élève qui avait aupar­a­vant acquis la notoriété d’un savoir math­é­ma­tique au néant abyssal. Lagrange, qui était un des meilleurs math­é­mati­ciens du XIXe siè­cle, con­vo­qua l’étudiant méta­mor­phosé et Ger­main fut oblig­ée de révéler sa véri­ta­ble iden­tité. Lagrange fut éton­né et heureux de ren­con­tr­er la jeune femme et devint son men­tor et son ami. Enfin Sophie Ger­main avait un pro­fesseur digne de l’inspirer, et avec qui elle put s’ouvrir de son savoir et de ses ambitions.

Ger­main prit de l’assurance et elle pas­sa de la réso­lu­tion des prob­lèmes du pro­gramme des études à l’étude de champs inex­plorés des math­é­ma­tiques. Le fait plus impor­tant est qu’elle se prit d’intérêt pour la théorie des nom­bres et qu’inévitablement elle finit par enten­dre par­ler du grand théorème de Fer­mat. Elle tra­vail­la plusieurs années sur ce prob­lème, atteignant à la fin le stade où elle esti­ma avoir fait une impor­tante per­cée. Elle avait besoin de dis­cuter de ses idées avec un autre théoricien des nom­bres et elle déci­da d’aller droit au som­met et de con­sul­ter le plus grand théoricien au monde, le math­é­mati­cien alle­mand Carl Friedrich Gauss.

Gauss est large­ment recon­nu comme le plus bril­lant math­é­mati­cien qui ait jamais existé. Ger­main avait d’abord eu con­nais­sance de ses travaux à tra­vers l’étude de sa pièce maîtresse Dis­qui­si­tiones arith­meti­cae, la plus impor­tante et la plus vaste analyse depuis les Élé­ments d’Euclide. Les travaux de Gauss influ­encèrent chaque domaine des math­é­ma­tiques, mais assez étrange­ment, il ne pub­lia rien sur le grand théorème de Fermat.

Dans cer­taine let­tre, il mon­tra même quelque mépris pour ce prob­lème. Son ami, l’astronome alle­mand Hein­rich Olbers, avait écrit à Gauss l’encourageant à con­courir à un prix offert par l’Académie de Paris pour la solu­tion du défi Fer­mat : “Il me sem­ble, cher Gauss, que vous devriez vous occu­per de cela. ” Deux semaines plus tard, Gauss répondait : “ Je vous suis très obligé de vos nou­velles con­cer­nant le prix de Paris. Mais j’avoue que j’éprouve très peu d’intérêt pour le grand théorème de Fer­mat qui est une propo­si­tion isolée, car je pour­rais aisé­ment pro­pos­er une mul­ti­tude de telles pro­priétés qui ne pour­raient être ni démon­trées ni infirmées. ”

Gauss avait droit à son opin­ion, mais Fer­mat avait claire­ment affir­mé qu’il exis­tait une démon­stra­tion. Les his­to­riens soupçon­nent que, par le passé, Gauss aurait essayé et échoué à mar­quer quelque point sur le prob­lème, et sa réponse à Olbers était tout sim­ple­ment un cas de raisins verts intel­lectuels. Quoi qu’il en soit, quand il reçut les let­tres de Ger­main, il fut suff­isam­ment impres­sion­né par sa per­cée pour qu’il oublie momen­tané­ment son atti­tude ambiguë envers le grand théorème de Fermat.

Ger­main avait adop­té une nou­velle approche du prob­lème dont le car­ac­tère était beau­coup plus général que celui des straté­gies précé­dentes. Son but immé­di­at n’était pas de démon­tr­er que l’une de ces équa­tions n’avait pas de solu­tion, mais de dire quelque chose à pro­pos de plusieurs équa­tions. Dans sa let­tre à Gauss elle insis­tait sur un cal­cul qui se focal­i­sait sur les équa­tions pour lesquelles l’exposant n était égal à un type par­ti­c­uli­er de nom­bre premier.

Les nom­bres pre­miers sont ceux qui n’acceptent aucun diviseur. Par exem­ple, 11 est pre­mier parce que 11 n’a pas de diviseur, c’est-à-dire qu’aucun nom­bre ne pour­ra divis­er 11 sans laiss­er un reste (sauf 11 et 1). Par con­tre 12 n’est pas pre­mier parce que plusieurs nom­bres divisent 12, tels que 2, 3, 4 et 6. Ger­main était intéressée par les nom­bres pre­miers p tels que 2p + 1 soit aus­si un nom­bre pre­mier. Ain­si, la liste des nom­bres pre­miers de Ger­main com­prend 5 parce que 11 = 2 x 5 + 1 est aus­si un nom­bre pre­mier ; mais elle ne com­prend pas 13 parce que 27 = 2 x 13 + 1 n’est pas premier.

Pour les nom­bres n égaux aux nom­bres pre­miers de Ger­main, elle pou­vait démon­tr­er qu’il n’y avait prob­a­ble­ment pas de solu­tion à l’équation : an + bn = cn.

Par “prob­a­ble­ment” Ger­main voulait dire qu’il était apparem­ment invraisem­blable qu’une solu­tion existe, parce que, s’il y avait une solu­tion, alors, soit a, soit b, soit c serait un mul­ti­ple de n. Cela impo­sait une restric­tion ser­rée à toute solu­tion. Ses pairs exam­inèrent sa liste de nom­bres pre­miers un à un, essayant de prou­ver que a, b ou c ne pou­vait être un mul­ti­ple de n, mon­trant ain­si que pour cette valeur par­ti­c­ulière de n, il ne pou­vait y avoir de solution.

Les travaux de Ger­main sur le grand théorème de Fer­mat furent sa plus grande con­tri­bu­tion aux math­é­ma­tiques, mais ini­tiale­ment, sa per­cée ne fut pas recon­nue. Quand Ger­main écriv­it à Gauss, elle avait encore moins de 30 ans, et, bien qu’elle eût acquis une cer­taine répu­ta­tion à Paris, elle craig­nait que le grand homme ne la prenne pas au sérieux parce que femme. Afin de se pro­téger Ger­main recou­rut à nou­veau à son pseu­do­nyme, sig­nant ses let­tres du nom de Mon­sieur Le Blanc.

Sa crainte et son respect de Gauss appa­rais­sent dans l’une de ses let­tres : “ Mal­heureuse­ment, la pro­fondeur de mon intel­lect n’atteint pas la vorac­ité de mon appétit, et je me trou­ve une sorte de témérité à déranger un homme de génie alors que je n’ai pas d’autre droit à son atten­tion qu’une admi­ra­tion néces­saire­ment partagée par tous ses lecteurs. ” Gauss, qui ne se doutait pas de la véri­ta­ble iden­tité de son cor­re­spon­dant, voulut met­tre Ger­main à l’aise et répon­dit : “ Je suis heureux que l’arithmétique ait trou­vé en vous un ami si compétent. ”

La con­tri­bu­tion de Ger­main aurait été à jamais attribuée à tort au mys­térieux Mon­sieur Le Blanc sans l’empereur Napoléon. En 1806, Napoléon envahis­sait la Prusse et l’armée française fonçait à tra­vers les villes alle­man­des, les unes après les autres. Ger­main eut peur que le même des­tin qui avait emporté Archimède ne soit fatal à son autre grand héros qu’était Gauss ; aus­si envoya-t-elle un mes­sage à son ami, le général Joseph Marie Per­ne­ty, lui deman­dant de garan­tir la sécu­rité de Gauss. Le général n’était pas un sci­en­tifique, mais mal­gré tout, il con­nais­sait l’existence du plus grand math­é­mati­cien du monde, et, comme on le lui demandait, il prit un soin par­ti­c­uli­er de Gauss, expli­quant à ce dernier qu’il devait sa vie à Made­moi­selle Ger­main. Gauss fut recon­nais­sant mais sur­pris, car il n’avait jamais enten­du par­ler de Sophie Germain.

La par­tie était ter­minée. Dans la let­tre suiv­ante de Ger­main à Gauss, elle révéla à con­tre­coeur sa véri­ta­ble iden­tité. Loin d’être furieux et déçu, Gauss lui répon­dit avec joie :

Mais com­ment vous décrire mon admi­ra­tion et mon éton­nement à voir mon estimé cor­re­spon­dant Mon­sieur Le Blanc se méta­mor­phoser en cet illus­tre per­son­nage qui donne un si bril­lant exem­ple de ce que j’aurais trou­vé dif­fi­cile à croire. Un tel goût des sci­ences abstraites en général et par-dessus tout des mys­térieux nom­bres pre­miers est exces­sive­ment rare ; on ne s’en étonne pas ; les charmes enchanteurs de cette sci­ence sub­lime ne se révè­lent qu’à ceux qui ont le courage de s’y plonger pro­fondé­ment. Mais quand une per­son­ne du sexe qui, selon nos cou­tumes et préjugés, doit ren­con­tr­er infin­i­ment plus de dif­fi­cultés que les hommes à se famil­iaris­er avec ces épineuses recherch­es, quand cette per­son­ne réus­sit cepen­dant à sur­mon­ter ces obsta­cles et à pénétr­er leurs côtés les plus obscurs, alors sans aucun doute, elle doit avoir le plus noble des courages, des tal­ents tout à fait extra­or­di­naires et un génie supérieur.

La cor­re­spon­dance de Sophie Ger­main avec Carl Gauss inspi­ra beau­coup de son tra­vail ultérieur mais, en 1808, leurs rela­tions con­nurent une fin abrupte. Gauss avait été nom­mé pro­fesseur d’astronomie à l’université de Göt­tin­gen ; son intérêt se repor­ta de la théorie des nom­bres vers des math­é­ma­tiques plus appliquées, et il ne se sou­cia plus de répon­dre aux let­tres de Ger­main. Sans son men­tor, la con­fi­ance de cette dernière com­mença à s’évanouir et en une année elle aban­don­na les math­é­ma­tiques pures.

Bien qu’elle ne pro­duisît plus d’autre con­tri­bu­tion à la démon­stra­tion du grand théorème de Fer­mat, d’autres devaient con­stru­ire à par­tir de son tra­vail. Elle avait ouvert l’espoir que l’on puisse s’attaquer à ces équa­tions dans lesquelles n est égal à un nom­bre pre­mier de Ger­main ; cepen­dant les valeurs restantes de n restaient intraitables.

Après Fer­mat, Ger­main s’embarqua dans une car­rière mou­ve­men­tée de physi­ci­enne, une dis­ci­pline dans laque­lle elle devait à nou­veau réus­sir à se con­fron­ter aux préjugés du sérail (estab­lish­ment). Sa plus impor­tante con­tri­bu­tion fut son Mémoire sur les vibra­tions des plaques élas­tiques, une pub­li­ca­tion de péné­tra­tion bril­lante qui devait jeter les bases de la théorie mod­erne de l’élasticité.

Pour résul­tat de son tra­vail sur le grand théorème de Fer­mat, elle reçut une médaille de l’Institut de France et devint la pre­mière femme, qui ne soit pas la femme d’un académi­cien, à assis­ter aux con­férences de l’Académie des sci­ences. Puis, vers la fin de sa vie, elle rétablit ses rela­tions avec Carl Gauss, qui con­va­in­quit l’université de Göt­tin­gen, de lui accorder un grade hon­o­raire de cette uni­ver­sité. Trag­ique­ment, avant que l’université pût lui en octroy­er l’honneur, Sophie Ger­main mou­rut d’un can­cer du sein.

H. J. Mozans, his­to­rien et auteur de Femmes dans la Sci­ence, dit de Ger­main, en 1913 :

Toutes choses bien pesées, elle fut prob­a­ble­ment la femme douée de l’intellect le plus pro­fond que la France ait jamais pro­duite. Et pour­tant, aus­si étrange qu’il puisse paraître, quand l’officier d’état civ­il vint à établir son cer­ti­fi­cat de décès, il la désigna en tant que “ ren­tière-annu­i­tante ” (femme céli­bataire sans pro­fes­sion) et non pas en tant que “ math­é­mati­ci­enne ”. Et ce n’est pas tout. Quand la tour Eif­fel fut érigée, furent inscrits sur cette struc­ture altière les noms de soix­ante­douze savants. Mais on ne trou­vera pas sur cette liste le nom de cette enfant du génie, dont les recherch­es ont tant con­tribué à l’élaboration de la théorie de l’élasticité des métaux… Sophie Ger­main. Fut-elle exclue de cette liste pour la sim­ple rai­son qu’elle était inéli­gi­ble à l’Académie française… parce qu’elle était une femme ? Si, en vérité, tel fut le cas, honte à ceux qui furent respon­s­ables d’une telle ingrat­i­tude envers quelqu’un qui avait si bien servi la sci­ence, et qui par ses travaux avait con­quis une envi­able place au pan­théon de la gloire.

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Traduit par Gilbert LAMBOLEY (50), le 22 mars 2004, à par­tir de :
www.pbs.org/wgbh/nova/proof/germain.html
Nota : les tra­duc­tions de tra­duc­tions devraient être rem­placées par les textes orig­in­aux dont je ne dis­pose pas.

Illus­tra­tion : Sophie Ger­main, while memo­ri­al­ized today as a lumi­nary in the his­to­ry of math­e­mat­ics, was rel­a­tive­ly unrec­og­nized in her own day.
Pho­to cred­it : Archives de l’A­cad­e­mie des Sciences

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