Editorial : La Chine, une nouvelle frontière

Dossier : Regards sur la ChineMagazine N°589 Novembre 2003
Par Carlos GHOSN (74)

La Chine, une nouvelle frontière

La Chine, une nouvelle frontière

Ren­dons d’abord hom­mage aux Chi­nois dont tous les con­tribu­teurs à ce numéro spé­cial Chine ont pu mesur­er la pugnac­ité et la déter­mi­na­tion en affaires. Ils sont en train de trans­former la Chine en un acteur économique majeur au plan mon­di­al. Une crois­sance soutenue depuis plus d’une dizaine d’an­nées, une entrée remar­quée dans l’OMC, une mon­naie sta­bil­isée sont autant d’indi­ca­teurs d’une économie vigoureuse, dont les fon­da­men­taux recè­lent un poten­tiel con­sid­érable. Le niveau des investisse­ments directs étrangers très élevé, autre indi­ca­teur sig­ni­fi­catif d’une économie en pleine expan­sion, est le signe d’une con­fi­ance des investis­seurs étrangers mais il mon­tre aus­si l’at­tache­ment des Chi­nois de l’ex­térieur (60 mil­lions de per­son­nes) à la vital­ité de leur pays d’o­rig­ine. C’est aus­si un signe très encourageant.

La Chine est entrée dans une péri­ode de réforme durable et d’une mag­ni­tude incom­pa­ra­ble : la force de la cul­ture et de la cohé­sion du peu­ple chi­nois dou­blée de la vision stratégique que son gou­verne­ment a su éla­bor­er pour bâtir une grande économie du XXIe siè­cle sont leurs prin­ci­paux atouts.

Les Chi­nois sont d’abord et avant tout prag­ma­tiques. Avant d’abor­der avec Nis­san les dis­cus­sions qui ont con­duit à la sig­na­ture d’un accord his­torique en sep­tem­bre 2002, ils ont d’abord observé avec beau­coup d’at­ten­tion l’ex­péri­ence que nous étions en train de con­duire, et atten­du de voir des résul­tats con­crets. Au print­emps 2001, les résul­tats de la pre­mière année fis­cale du plan de renais­sance de Nis­san mon­traient que l’en­tre­prise était rede­v­enue prof­itable au bout d’un an. Alors seule­ment, les représen­tants du gou­verne­ment chi­nois ont souhaité entamer des dis­cus­sions en vue d’un parte­nar­i­at stratégique de long terme. Ce parte­nar­i­at fut une pre­mière, dans l’in­dus­trie auto­mo­bile : par cet accord, Nis­san et Dongfeng sont asso­ciés à 50 % dans une joint ven­ture pour la pro­duc­tion et la dis­tri­b­u­tion d’une gamme com­plète de véhicules par­ti­c­uliers et util­i­taires, de camions et de bus. Le but de cet accord est de créer un con­struc­teur com­péti­tif au plan mon­di­al capa­ble de pro­duire et de ven­dre 550 000 véhicules par an à par­tir de 2006 et 900 000 à l’hori­zon 2010.

Pourquoi Nis­san a‑t-il été choisi pour met­tre en œuvre ce parte­nar­i­at d’un type nou­veau, pour la Chine ? D’abord parce que Nis­san a con­duit des change­ments auda­cieux et a obtenu des résul­tats sig­ni­fi­cat­ifs. Ensuite parce que c’est une entre­prise de cul­ture japon­aise, dont les pro­duits sont japon­ais, mais qui a un man­age­ment glob­al, capa­ble de respecter la cul­ture chi­noise. “Si un man­age­ment non exclu­sive­ment japon­ais a réus­si à trans­former de l’in­térieur, et sans trou­bles par­ti­c­uliers, une entre­prise japon­aise, il doit nous per­me­t­tre de mod­erniser notre indus­trie auto­mo­bile” nous ont dit nos inter­locu­teurs. Ils ont appré­cié notre approche directe et sim­ple du man­age­ment inter­na­tion­al, et par-dessus tout le respect absolu des iden­tités, que nous avons instau­ré, sans forcer au mélange des cul­tures. Les Chi­nois sont sen­si­bles à de nou­velles approches. Ils com­pren­nent que le pays a beau­coup à gag­n­er à l’ou­ver­ture de son économie et à l’adap­ta­tion des meilleures pra­tiques mon­di­ales. Mais ils ne sont pas prêts à le faire aux dépens de leur pro­pre cul­ture et de leur sens des affaires qui, il faut le recon­naître, est remarquable.

Dans nos échanges nous avons donc priv­ilégié un man­age­ment qui a fait ses preuves au Japon, dont je rap­pelle les grandes lignes directrices :

  • une vision stratégique à long terme for­mulée sim­ple­ment et partagée avec les intéressés, afin qu’ils se con­sid­èrent par­ties prenantes,
  • une cul­ture de la performance,
  • la recon­nais­sance des con­tri­bu­tions à leur juste valeur,
  • des objec­tifs con­crets et quan­tifiés, assor­tis d’engagements,
  • une grande trans­parence sur les actions entre­pris­es, grâce à une com­mu­ni­ca­tion pré­cise et éval­uée en permanence,
  • la moti­va­tion des salariés comme base de la performance.


Ces principes per­me­t­tent d’asseoir les piliers d’une entre­prise prof­itable sur le long terme :

  • des pro­duits attrac­t­ifs et com­péti­tifs, cor­re­spon­dant aux goûts et aux besoins de clients, qui devi­en­nent de plus en plus exigeants,
  • une mar­que forte et cohérente avec les valeurs de l’entreprise,
  • une ges­tion rigoureuse et effi­cace des coûts…


Les dirigeants chi­nois étaient con­scients du déficit de leurs entre­pris­es en matière de stan­dards mon­di­aux de man­age­ment et de ges­tion. Dans ce con­texte, ils ont con­sid­éré l’ex­péri­ence de renais­sance de Nis­san comme un bench­mark en matière de repo­si­tion­nement d’une entre­prise auto­mo­bile dans un cadre com­péti­tif mon­di­al. Ils l’ont saisie comme une oppor­tu­nité d’apprentissage.

Le “vent d’est” (tra­duc­tion de Dongfeng) souf­fle depuis la Chine ; il impactera sans aucun doute nos économies occi­den­tales au-delà de ce que l’on imag­ine aujour­d’hui. À notre tour, ne le prenons pas comme une men­ace mais comme une oppor­tu­nité pour faire pro­gress­er nos économies en sachant tous tir­er prof­it de nos expéri­ences chinoises.

La con­sti­tu­tion d’un réseau X‑Asie de plus de 200 cama­rades et en son sein d’X‑Chine mon­tre une prise de con­science de notre com­mu­nauté sur cette fan­tas­tique évo­lu­tion et con­stituera sans aucun doute un fac­teur de développe­ment des coopéra­tions indus­trielle et sci­en­tifiques qui ne sont pas encore au niveau où elles devraient être.

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