Tara, un voilier au service de l’écologie

Dossier : MerMagazine N°706 Juin/Juillet 2015
Par Romain TROUBLÉ

Nos mis­sions se décli­nent en trois pro­grammes : océan et homme, océan et bio­di­ver­sité, océan et cli­mat. Nous avons ain­si organ­isé notam­ment trois grandes expédi­tions pour étudi­er et com­pren­dre l’impact des change­ments cli­ma­tiques et de la crise écologique sur nos océans.

Ces expédi­tions, majori­taire­ment sci­en­tifiques, sont menées en col­lab­o­ra­tion avec des lab­o­ra­toires et insti­tu­tions sci­en­tifiques inter­na­tionales prestigieuses.

REPÈRES

Tara, depuis 2003, c’est 300 000 kilomètres parcourus, 350 participants chercheurs, artistes, marins et journalistes de 40 nationalités, 2 000 jours en expédition, 40 pays traversés, 75 laboratoires et instituts scientifiques impliqués et 21 domaines de recherche scientifique impliqués : biologie marine, biologie moléculaire, taxonomie, océanographie, bio-informatique, biogéochimie, génomique, imagerie, écologie, modélisation, microbiologie (bactériologie et virologie), météorologie, bilan radiatif, nivologie, glaciologie, zoologie, ornithologie, archéologie, géologie, chimie.

L’Arctique de 2006 à 2008

L’expédition Tara Arc­tic 2006–2008 s’est inscrite dans le cadre de l’Année polaire inter­na­tionale 2007–2009, sous l’égide du pro­gramme sci­en­tifique européen Damo­cles. Dans une région si dif­fi­cile d’accès, où les mis­sions sci­en­tifiques sont le plus sou­vent rares et brèves, en été seule­ment, Tara fut un poste avancé au cœur de la machine climatique.

“ L’expédition a collecté 35 000 échantillons de biodiversité marine ”

La goélette s’est livrée à l’emprise des glaces déri­vantes sur la ban­quise arc­tique pen­dant plus de dix-huit mois pour y étudi­er à la fois l’air, l’atmosphère, et la banquise.

Cette mis­sion a con­tribué à l’étude des change­ments cli­ma­tiques en Arc­tique. Un tiers des résul­tats du pro­gramme sci­en­tifique européen Damo­cles en est directe­ment issu. L’expédition a notam­ment démon­tré l’accélération de la dérive des glaces arc­tiques et a don­né lieu à vingt et une pub­li­ca­tions scientifiques.

Tara, voili­er mythique. © F. LATREILLE

UN LIEN ENTRE GRAND PUBLIC ET SCIENCE

Le bateau, l’aventure, l’universalité du projet créent des liens entre le grand public et la science. Près de 35 000 élèves en France ont suivi les aventures de Tara depuis plus de dix ans grâce au dispositif éducatif Tara Junior. 17 500 enfants ont pu visiter le bateau à travers le monde. Six documentaires et huit livres ont été réalisés pour partager les expéditions de la goélette. Une trentaine d’artistes ont été accueillis à bord en résidence. Neuf numéros du Journal Tara ont été tirés et distribués en français, anglais, espagnol, portugais, chinois et japonais. Près de 2 millions de personnes ont eu l’occasion de voir une exposition sur les missions de Tara et plus de 80 conférences ont été organisées.

Les océans de 2009 à 2013

Tara a ensuite réal­isé une expédi­tion de plus de trois ans sur tous les océans du monde dont l’océan Arc­tique, avec de pres­tigieux lab­o­ra­toires et insti­tu­tions inter­na­tionales. L’expédition Tara Océans est la toute pre­mière étude plané­taire du planc­ton marin et a égale­ment entre­pris une étude de récifs coralliens.

“ Près de 35 000 élèves en France ont suivi les aventures de Tara depuis plus de dix ans ”

L’expédition a col­lec­té 35 000 échan­til­lons de bio­di­ver­sité marine, créant ain­si une large banque de don­nées open-source acces­si­bles à la com­mu­nauté sci­en­tifique. Les analy­ses de ces don­nées inédites sont en cours par les chercheurs et devraient les occu­per une dizaine d’années.

Ce tra­vail, qui devrait débouch­er sur une vision inté­grée de l’écosystème planc­tonique mon­di­al et ses rela­tions avec l’environnement, a déjà per­mis dix pub­li­ca­tions sci­en­tifiques. Les pre­miers résul­tats probants de ces analy­ses sont imminents.

La Méditerranée en 2014

TROIS QUESTIONS À ROMAIN TROUBLÉ

Pouvez-vous nous parler de vous et de Tara Expéditions ?
Je suis avant toute chose un marin, un régatier plutôt puisque j’ai participé, en tant qu’équipier d’avant, aux deux campagnes de la Coupe de l’America à Auckland en Nouvelle-Zélande, en 2000 et 2003. Et ma formation – un Master 2 en biologie moléculaire et un Master à HEC – m’a amené à rejoindre l’aventure Tara dès le début. L’océan recouvre 71 % de notre planète et pourtant, selon l’expression d’Éric Tabarly, toujours vraie de nos jours, nous lui tournons le dos. Tara Expéditions est très humaniste, c’est une organisation à but non lucratif fondée par Étienne Bourgois et Agnès Troublé – la styliste Agnès B – en 2003. Nous avons l’ambition d’intéresser les publics à l’environnement, à l’océan, à travers les expéditions scientifiques de la goélette de 36 mètres Tara, ex-Antarctica. Ces expéditions, qui sont aussi des aventures humaines, éveillent en chacun de nous les épopées de nos livres d’enfance et permettent de partager les enjeux majeurs de l’océan et de cet environnement si important pour l’humanité.
Quelles ont été les contributions scientifiques de Tara à la connaissance des océans ?
Depuis huit ans, nous déployons des programmes scientifiques ambitieux à bord de Tara puis dans les laboratoires associés aux projets. La dérive arctique de Tara, entreprise de 2006 à 2008, a surpris par sa rapidité puisque nous avons dérivé à travers l’océan Glacial Arctique sur 5 200 kilomètres en 500 jours, soit deux fois plus vite que les modèles du climat ne le prédisaient. Par ailleurs, une série de publications est sous presse à propos de la vie microscopique océanique collectée à travers le monde par la mission Tara Océans de 2009 à 2013. Certains spécialistes n’hésitent pas à dire que ces données et résultats changeront vraisemblablement notre façon de considérer la vie marine et son rôle dans le climat. Je salue au passage l’engagement des scientifiques, des fondations d’entreprises et mécènes qui ont permis ce saut dans l’inconnu. Ces résultats seront partagés par la presse et sur notre site.
Quels sont les objectifs scientifiques et les enjeux de la prochaine campagne ?
Nous consacrerons Tara en 2016–2018 à l’étude des récifs coralliens du Pacifique à travers cet incroyable gradient croissant de diversité de Panama au Sud-Est asiatique. Et puis nous retournerons sur le « toit du monde », en Arctique, en 2019 pour une seconde dérive polaire. Nous avons aussi de nouveaux projets dans les cartons, comme une base polaire dérivante, et même un nouveau Tara d’environ 45 mètres que nous rêvons de financer et de construire en France. On me dit parfois à l’étranger qu’il n’y a que des Français pour imaginer des projets pareils. Nous pouvons tous en être fiers, à nous de les mener à bon port.
Propos recueillis par Dominique de Robillard (74)

Tara a réal­isé une expédi­tion en Méditer­ranée, de mai à novem­bre 2014, afin de mieux com­pren­dre les impacts du plas­tique au niveau de l’écosystème méditer­ranéen, en analysant les frag­ments de plas­tique qui se répan­dent en mer et en explo­rant les dynamiques et la fonc­tion des com­mu­nautés micro­bi­ennes qui vivent sur le plastique.

Autre but de cette expédi­tion : pro­mou­voir les efforts d’associations locales et régionales sur les nom­breux enjeux envi­ron­nemen­taux liés à cette mer qua­si fermée.

Le prob­lème est iden­ti­fié, il est réversible, les solu­tions pour le résoudre sont devant nous.

Sensibiliser, une priorité

Nous agis­sons aus­si con­crète­ment pour ren­forcer la con­science envi­ron­nemen­tale du grand pub­lic et des jeunes, notam­ment à tra­vers le dis­posi­tif Tara Junior. Enfin, nous dévelop­pons un plaidoy­er pour mobilis­er la société et inciter les décideurs à iden­ti­fi­er les solu­tions dont nous tous avons besoin pour la planète.

Des projets pour des années

Durant la con­férence sur le cli­mat qui aura lieu à Paris à la fin de 2015, la goélette sera l’ambassadeur de l’Océan aux côtés du pavil­lon Océan et Cli­mat situé sur les quais de Seine, pont Alexandre-III.

Puis, jusqu’en 2018, Tara va men­er un pro­jet d’étude sci­en­tifique des récifs coral­liens de sur­face et de pro­fondeur dans le Paci­fique et en Asie du Sud-Est.

De 2019 à 2021, nous pro­je­tons d’entreprendre une nou­velle dérive arc­tique sci­en­tifique et péd­a­gogique près de dix ans après sa pre­mière dérive arc­tique historique.

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