Sur la technologie

Dossier : Le Sursaut, 2e partieMagazine N°621 Janvier 2007
Par Claude LAIGLE (53)

Je ne saurais trop féliciter et remerci­er mon cher cama­rade de casert Hubert Lévy-Lam­bert d’avoir pris l’ini­tia­tive de faire se pencher la com­mu­nauté poly­tech­ni­ci­enne sur une ques­tion ô com­bi­en cap­i­tale (Quel sur­saut pour notre pays ?) et de me per­me­t­tre ain­si de m’ex­primer sur ce sujet dans le numéro spé­cial de La Jaune et la Rouge. Ma con­tri­bu­tion con­sis­tera à intro­duire le texte ci-après

Mon par­cours ini­tial sur le tas à la Sereb, à la Sagem, à deux repris­es au CNES, m’a fait con­naître sur le fond le proces­sus de R & D et m’in­ter­roger : com­ment met­tre pleine­ment ce for­mi­da­ble out­il au ser­vice de tous les hommes alors que le marché n’y suf­fit pas ?

Nous vivons un boule­verse­ment sans précé­dent his­torique. Le risque serait de nous enfon­cer davan­tage dans l’im­passe sociale et écologique où l’évo­lu­tion nous pré­cip­ite, au lieu d’en sor­tir vers l’ère nou­velle, sci­en­tifique, qui n’est pas loin devant nous mais à côté de nous.

La ques­tion que se pose X‑Sursaut réha­bilite de fait le volon­tarisme poli­tique. Il me sem­ble que dans ce sens le groupe ne doit pas hésiter à aller plus avant.

La technologie : une ” ressource ” inépuisable et sous-exploitée

La ressource tech­nologique est exploitée spon­tané­ment dans la sphère de l’ini­tia­tive privée par la machine économique mon­di­al­isée de plus en plus en mesure de le faire, partout où exis­tent des marchés suff­isants à court ou moyen terme. Par con­tre cette ressource dans le temps inépuis­able est lais­sée en jachère face aux gigan­tesques besoins non sat­is­faits con­sid­érés comme essen­tiels, alors que, pour ren­dre ces besoins solv­ables dans la durée, on peut penser qu’elle pour­rait être exploitée pleine­ment dans tous ses avan­tages à l’ini­tia­tive de la volon­té col­lec­tive et dans des cas de plus en plus fréquents. À con­di­tion évidem­ment de les chercher pour les trouver.

L’hu­man­ité a accu­mulé des con­nais­sances qui lui don­nent un pou­voir absol­u­ment con­sid­érable sur la matière. Après avoir pu se dot­er des moyens surabon­dants d’un sui­cide col­lec­tif, elle a même su et pu con­quérir la Lune. Il y a longtemps déjà. Pour­tant les besoins essen­tiels du plus grand nom­bre sont encore loin d’être sat­is­faits. Bien pis : les dis­par­ités s’ac­crois­sent, les ten­sions, la mis­ère, la faim, la vio­lence s’é­ten­dent dans le monde ! Com­ment sor­tir d’une sit­u­a­tion aus­si absurde et désespérante ?

En réal­ité le prob­lème posé est d’or­gan­i­sa­tion : le pro­grès tech­nique n’est pas ce qu’il pour­rait être. Les élé­ments de réflex­ion esquis­sés ci-après insis­teront ain­si non pas sur les entre­pris­es en soi, mais sur ce qu’elles créent arti­fi­cielle­ment, pro­duisent et échangent, à savoir des pro­duits, procédés et ser­vices, et prin­ci­pale­ment sur « l’art et la manière » dont ceux-ci sont conçus. En effet face aux besoins et con­traintes (le « cahi­er des charges ») à sat­is­faire des util­isa­teurs, des con­som­ma­teurs, com­ment les pro­duits, les procédés, les ser­vices sont-ils conçus ? Il s’ag­it là d’une ques­tion fon­da­men­tale, qui touche au cœur même de l’é­conomie et de la société, mais qui para­doxale­ment dans nos régions est peu étudiée et mal con­nue. Elle con­cerne avant tout en tant qu’en­tités respon­s­ables, d’une part les entre­pris­es pro­duc­tives (à tra­vers des ser­vices d’é­tude et de recherche), et d’autre part, un milieu pro­fes­sion­nel très étroit, celui des ingénieurs, des ingénieurs d’é­tude et de conception.

De la science à la technologie : un potentiel naturellement illimité

La sci­ence, c’est l’ac­croisse­ment de la con­nais­sance. La tech­nolo­gie, c’est-à-dire les pro­duits, procédés et ser­vices disponibles, c’est aujour­d’hui de plus en plus l’ap­pli­ca­tion de la sci­ence. De plus en plus les pro­duits, procédés et ser­vices sont conçus à par­tir de l’ac­quis sci­en­tifique des tech­niques de base en tant que sys­tèmes com­plex­es, à l’is­sue d’un proces­sus d’é­tude, de développe­ment et éventuelle­ment de recherche, que l’on peut con­sid­ér­er de manière sim­pli­fiée avec, en phase finale, la réal­i­sa­tion et la mise au point (la qual­i­fi­ca­tion) de pro­to­types, et à l’o­rig­ine, des études de fais­abil­ité tech­nique. Ces méth­odes per­me­t­tant à la tech­nolo­gie d’in­té­gr­er sys­té­ma­tique­ment les acquis de la con­nais­sance ont com­mencé à appa­raître à la fin du XIXe siè­cle (cf. le lab­o­ra­toire de Thomas Alva Edi­son). Elles furent défini­tive­ment mis­es au point durant la guerre « froide » avec les grands pro­grammes d’arme­ment améri­cains des années cinquante (Min­ute­man, Polaris…).

Aujour­d’hui à tra­vers cette activ­ité de « recherche-développe­ment » l’ap­pli­ca­tion tech­nologique des acquis de la sci­ence est dev­enue non seule­ment l’équiv­a­lent d’une « ressource », exploitable en tant que telle, mais la ressource disponible la plus grande. Et dans la guerre « civile et économique », qui s’est dévelop­pée depuis trente ans et rav­age par sa vio­lence sournoise­ment le monde en faisant « vol­er en éclats la société du tra­vail et l’É­tat social » (J. Haber­mas), la capac­ité à exploiter cette ressource est dev­enue peu à peu le fac­teur essen­tiel de la com­péti­tiv­ité des entre­pris­es. Ne serait-ce que pour sur­vivre, celles-ci ont dû, doivent ou devront s’or­gan­is­er en con­séquence (le reengi­neer­ing).

La sci­ence, la con­nais­sance sont neu­tres. Leurs appli­ca­tions, la tech­nolo­gie ne le sont pas.

Toute inno­va­tion apporte avec elle des avan­tages, des effets béné­fiques et posi­tifs (sinon, quelle rai­son d’être aurait-elle ?). On peut citer : la sat­is­fac­tion de besoins, l’ou­ver­ture de nou­veaux espaces de lib­erté, l’aug­men­ta­tion de la pro­duc­tiv­ité, la créa­tion d’emplois, etc. Elle pro­duit égale­ment à des degrés divers des effets négat­ifs et per­vers, des incon­vénients : accroisse­ment des dis­par­ités, effets de dom­i­na­tion, con­som­ma­tion d’én­ergie et de matières pre­mières, pol­lu­tion et atteinte à l’en­vi­ron­nement, rup­tures cul­turelles, dégra­da­tion des con­di­tions de tra­vail, diminu­tion de l’emploi, etc.

C’est bien la nature de l’ensem­ble des pro­duits, procédés et ser­vices disponibles dans une société, en d’autres ter­mes les effets mul­ti­ples de sa tech­nolo­gie, qui con­di­tion­nent et façon­nent en pre­mier lieu, non seule­ment sa richesse, mais aus­si son type de con­som­ma­tion, son mode de vie, sa cul­ture, le « con­tenu » de sa crois­sance, son mod­èle de développement.

Alors qu’autre­fois la tech­nolo­gie était une don­née du hasard et de la néces­sité, aujour­d’hui et con­traire­ment à la pen­sée com­mune il n’en est plus de même. La tech­nolo­gie, faible par­tie d’un champ de « fais­able » main­tenant immense et crois­sant sans cesse, naît avec cer­taines car­ac­téris­tiques et avec un cer­tain rythme et un cer­tain chem­ine­ment dans le temps, qui sont déter­minés par les sys­tèmes pro­duc­tifs et économiques qui l’engendrent.

Le prin­ci­pal est celui de l’é­conomie de marché, l’é­conomie libérale, effi­cace dans le court terme et pos­sé­dant une dynamique pro­pre très élevée, mais inca­pable par nature de pren­dre con­ven­able­ment en compte des con­sid­éra­tions de long terme ou rel­a­tives aux caté­gories non marchan­des. L’É­tat et les col­lec­tiv­ités publiques ont été amenés de ce fait à intervenir.

Le sec­ond sys­tème est ain­si celui au sens large de la volon­té col­lec­tive, qui a fait la preuve de son effi­cac­ité entre autres en matière de défense ou dans la con­quête de la Lune, déjà citées.

La technologie déterminée par le marché

En économie de marché les entre­pris­es ne peu­vent con­sacr­er sur leurs fonds pro­pres qu’une part évidem­ment lim­itée de leurs activ­ités à la recherche-développe­ment. Les taux « d’in­ten­sité de R & D » sont typ­ique­ment de l’or­dre du pour cent (com­pris entre quelques dix­ièmes de pour cent et quelques pour cent).

Or innover coûte cher, par­ti­c­ulière­ment en ce qui con­cerne la réal­i­sa­tion et la mise au point des pro­to­types. Des lab­o­ra­toires, des équipements d’es­sais doivent être instal­lés, des équipes pluridis­ci­plinaires doivent être entretenues. On rap­pellera ici la boutade : « Le meilleur moyen de se ruin­er, ce sont les ingénieurs ! » Les entre­pris­es exploitent ain­si la « ressource tech­nologique », non pas pleine­ment mais juste suff­isam­ment pour être au moins aus­si com­péti­tives que leurs concurrentes.

De ce fait l’ac­quis de la sci­ence et de la tech­nique, aujour­d’hui déjà con­sid­érable, est dans l’ensem­ble sous-exploité. La con­science de cette sous-exploita­tion est générale pour cer­tains domaines, comme l’in­for­ma­ti­sa­tion et l’au­toma­tion ou les biotech­nolo­gies, où le sen­ti­ment des pos­si­bil­ités immenses d’ap­pli­ca­tion non encore mis­es en œuvre est large­ment répan­du. Mais la sous-util­i­sa­tion du gise­ment accu­mulé du savoir et du savoir-faire, exis­tant ou poten­tielle­ment à venir, est pra­tique­ment une réal­ité pour presque tous les secteurs, à des excep­tions près sur lesquelles nous revien­drons parce qu’elles sont primordiales.

Cette con­stata­tion a inspiré l’idée qu’une « révo­lu­tion de l’in­tel­li­gence » est à portée de nous. Mais une telle révo­lu­tion n’émerg­era pas spon­tané­ment. Elle devrait être organisée.

En stricte économie de marché, c’est-à-dire dans la sphère de l’ini­tia­tive privée, l’in­no­va­tion appa­raît le plus sou­vent quand « l’écré­mage du marché » per­met une rentabil­ité à court terme.

Elle s’ac­com­pa­gne ain­si qua­si automa­tique­ment de la créa­tion d’un nou­veau besoin non sat­is­fait pour le plus grand nom­bre, c’est-à-dire en par­ti­c­uli­er d’un effet d’ac­croisse­ment des dis­par­ités. Comme de toutes autres sortes d’ef­fets négat­ifs, qui n’ont pas de rai­son de ne pas être, sauf exis­tence de régle­men­ta­tions, inter­dic­tions et normes divers­es, instau­rées par la collectivité.

La tech­nolo­gie et l’ac­tion publique (ou la démoc­ra­tie) : une liai­son tumultueuse
En ce début du troisième mil­lé­naire l’ac­tion publique est à la fois idéologique­ment dis­créditée et finan­cière­ment de moins en moins pos­si­ble (cf. le chapitre suiv­ant). Pour­tant la tech­nolo­gie ne serait pas ce qu’elle est aujour­d’hui sans l’ac­tion publique. Un retour sur le passé s’im­pose, sur lequel l’âge de l’au­teur de ces lignes lui per­met de porter témoignage.

Le pre­mier rap­pel con­cern­era les grands pro­grammes tech­nologiques engagés en France du fait de la volon­té publique dans les années soix­ante et peu après : la force de frappe, le nucléaire civ­il, Con­corde puis Air­bus, le plan cal­cul, le spa­tial et Ari­ane, le TGV, le plan Théry de « rat­tra­page » du télé­phone, etc. Ces grands pro­jets ont presque tous été des réus­sites. Ils ont façon­né dans la durée la capac­ité tech­nologique de notre pays. Il est bien vrai que les choix sec­to­riels auraient pu être autres, mais il n’est nié par per­son­ne que c’est en grande par­tie grâce à ces pro­grammes publics que notre pays tient encore sa place dans la com­péti­tion inter­na­tionale. Dans les secteurs en ques­tion ils ont per­mis d’ex­ploiter pleine­ment et non pas par­tielle­ment ce que j’ap­pelle la « ressource tech­nologique », c’est-à-dire d’at­tein­dre des taux d’in­ten­sité de R & D dépas­sant les 10 voire les 20 %. Des taux aus­si élevés ne peu­vent être obtenus que grâce à la volon­té publique : « La tech­nolo­gie, c’est l’ar­gent pub­lic », dis­ait-on juste­ment. Avec au pas­sage une remar­que : les secteurs d’ac­tiv­ité ne se trou­vent pas être « avancés », « de pointe » ou « à haute tech­nolo­gie » par nature ou on ne sait par quel mir­a­cle, il appar­tient bien à la volon­té publique, si elle en a les moyens, de pou­voir faire de tout secteur civ­il (sans par­ler bien sûr de la défense) un secteur tech­nologique­ment très avancé.

Le sec­ond point touche au prob­lème cen­tral de la tech­nolo­gie : ses effets négat­ifs, autrement dit ses défauts. Com­ment les prévoir, les restrein­dre, les éviter, les gér­er ? Un rap­pel his­torique est là aus­si instruc­tif. Au début des années soix­ante-dix peu avant la fin bru­tale et inat­ten­due de la dernière péri­ode de forte crois­sance des pays indus­tri­al­isés — les trente glo­rieuses des Français ou l’âge d’or des Anglo-Améri­cains — trois types de griefs étaient émis à l’en­con­tre de la tech­nolo­gie de ces pays, avec laque­lle, par la force des choses, par mimétisme ou en igno­rant que d’autres voies sont pos­si­bles, l’ensem­ble du monde se dévelop­pait ou ten­tait de le faire.

Le pre­mier, sur lequel le Club de Rome son­na l’alerte dès 1971, était que l’ex­ten­sion de cette tech­nolo­gie au béné­fice de tous les hommes de la planète se heurterait imman­quable­ment aux exi­gences de préser­va­tion des ressources naturelles et de l’en­vi­ron­nement : la tech­nolo­gie des pays indus­tri­al­isés n’est pas « uni­ver­sal­is­able », « mon­di­al­is­able », même à terme.

Le sec­ond est que cette tech­nolo­gie con­vient en out­re mal à court terme aux pays en développe­ment. Elle est sou­vent dif­fi­cile­ment « trans­férable ». Les procédés indus­triels des pays indus­tri­al­isés sont avant tout conçus pour pro­duire de grandes séries, avec beau­coup de cap­i­tal, avec des matières élaborées et peu de main-d’œu­vre mais très qual­i­fiée. Leurs biens d’équipement ont des per­for­mances quan­ti­ta­tives très élevées, mais sont d’une main­te­nance dif­fi­cile et fort con­som­ma­teurs en énergie. C’est tout le con­traire qui est le plus sou­vent néces­saire à ces pays, qui devraient met­tre en œuvre, pour se dévelop­per mieux et plus rapi­de­ment, une autre tech­nolo­gie, « appro­priée », « adap­tée », « sur mesure », qui n’ex­iste pas et serait elle-même à développer.

Le troisième enfin est qu’au sein même des pays indus­tri­al­isés la tech­nolo­gie exis­tante com­mençait à être remise en ques­tion pour, out­re ses atteintes à l’é­cosphère déjà vues et dénon­cées par les écol­o­gistes, l’am­pleur de cer­tains de ses autres effets per­vers, qu’il s’agisse des « alié­na­tions de la société de con­som­ma­tion » (plus de besoins arti­fi­ciels créés que de besoins exis­tants sat­is­faits), des con­di­tions de tra­vail, etc., imposant de nou­velles tech­nolo­gies « alter­na­tives », « douces », « soutenables ».

À l’époque les réac­tions et pris­es en compte poli­tiques furent immé­di­ates. Dès 1972 le Con­grès améri­cain pro­mul­guait le « Tech­nol­o­gy Assess­ment Act » et créait auprès de lui-même l’Of­fice of Tech­nol­o­gy Assess­ment (OTA) comme pre­mier out­il démoc­ra­tique d’in­for­ma­tion, de con­cer­ta­tion et d’ap­proche de l’é­val­u­a­tion glob­ale des effets de la tech­nolo­gie en vue d’une cer­taine maîtrise col­lec­tive de cette dernière. La même année une Con­férence des Nations unies adop­ta à Stock­holm une Charte de l’En­vi­ron­nement en 26 points. La France s’as­so­cia au mou­ve­ment. On peut citer par exem­ple : en 1975 la sor­tie de l’ou­vrage La Tech­nolo­gie incon­trôlée de Jean-Claude Der­ian et André Staropoli ; en 1978 la créa­tion de l’ONG « Inno­va­tion Tiers-monde » ; en 1983 la créa­tion de l’Of­fice par­lemen­taire d’é­val­u­a­tion des choix sci­en­tifiques et tech­nologiques sur le mod­èle de l’O­TA, etc.

Mais il était déjà trop tard. Entre-temps les chocs pétroliers (c’est-à-dire en fait la « pre­mière crise mon­di­ale de l’én­ergie et de la tech­nolo­gie ») et l’en­gage­ment dans un libre-échangisme inté­gral, qui s’en­suiv­it, avaient rad­i­cale­ment changé la face du monde et relégué au sec­ond plan, c’est-à-dire aux oubli­ettes, ces bonnes dis­po­si­tions pour­tant cap­i­tales pour l’avenir du genre humain. L’OTA a dis­paru en 1995 dans l’in­dif­férence générale.

Le con­cept de « développe­ment durable » a été vidé de sens. Le pro­to­cole de Kyoto, pour­tant stip­u­lant des « mesurettes » à la marge, est mori­bond, etc., trente ans après Stock­holm ! L’hu­man­ité s’est vrai­ment acculée d’elle-même au cat­a­strophisme, mais, comme l’a fait observ­er le philosophe Jean-Pierre Dupuy, à un « cat­a­strophisme éclairé » !

Et maintenant ?

Jamais le fos­sé n’a été aus­si grand entre le monde réel, tel qu’il est et tel qu’il va on ne sait où, mené par la « main invis­i­ble », et le monde poten­tiel que per­me­t­trait la pleine exploita­tion de la ressource tech­nologique par un volon­tarisme démoc­ra­tique. Jamais non plus n’ont paru mieux rem­plies, à l’ex­cep­tion d’une seule, les con­di­tions pour que se réalise juste­ment cette révo­lu­tion de l’in­tel­li­gence, ce pas­sage après l’ère indus­trielle à une fan­tas­tique ère nou­velle, celle de la con­nais­sance, l’ère sci­en­tifique, capa­ble, entre autres dans la durée et avec des struc­tures adap­tées, de ren­dre solv­ables d’im­menses besoins aujour­d’hui non sat­is­faits et, pourquoi pas, d’éradi­quer la pau­vreté. En effet d’une part l’ac­quis de la sci­ence et de la tech­nique, du savoir et du savoir-faire, d’ores et déjà con­sid­érable s’ac­croît sans cesse, tout au moins tant que la recherche fon­da­men­tale con­tin­ue à être financée par la col­lec­tiv­ité. D’autre part grâce à la cure per­ma­nente de con­cur­rence vio­lente qu’elles subis­sent, les entre­pris­es sont de plus en plus en capac­ité d’ex­ploiter cet acquis. La seule ques­tion en sus­pens est de savoir com­ment le volon­tarisme peut retrou­ver les moyens financiers de s’exercer.

Un pays en par­ti­c­uli­er comme la France, seul face aux effets nocifs de ce qu’on appelle « la mon­di­al­i­sa­tion libérale », ne peut rien. Mais au sein de l’Eu­rope dotée d’un min­i­mum de pro­tec­tion douanière négo­ciée, assuré­ment oui. Les ini­tia­tives qui ont été dernière­ment lancées, les États généraux de la recherche, l’ap­pel de Jean-Louis Bef­fa, le PDG du groupe Saint-Gob­ain, pour « un retour à une poli­tique de grands pro­grammes tech­nologiques », etc., ont abouti à un pre­mier résul­tat. Elles doivent être poursuivies.

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