Servir le développement durable et l’agriculture

Dossier : Géo-information et SociétéMagazine N°662 Février 2011
Par Philippe CROS (64)
Par Francis MERRIEN (68)

REPÈRES

REPÈRES
L’in­for­ma­tion géo­graphique sus­cite un intérêt crois­sant, tant de la part des par­ti­c­uliers et des entre­pris­es que des autorités publiques. Les besoins de don­nées géo­graphiques ont bien sûr tou­jours existé, mais ils étaient dif­fi­ciles à sat­is­faire, car ce n’est que de façon récente que les sys­tèmes d’in­for­ma­tion ont pu traiter ces don­nées effi­cace­ment et mas­sive­ment, ce qui a per­mis à quelques grands acteurs de dif­fuser des infor­ma­tions géo­graphiques sur Inter­net : en par­ti­c­uli­er Google, Microsoft (Bing Maps) et en France l’IGN avec le Géo­por­tail. Con­crète­ment il s’ag­it de pub­li­er, grâce aux tech­nolo­gies du Web 2.0, des cartes inter­ac­tives et les don­nées qui leur sont associées.

La pos­ses­sion de cartes a longtemps été un enjeu de pouvoir

L’in­térêt pour les don­nées géo­graphiques a été précédé et favorisé par l’es­sor du GPS. Il est main­tenant ampli­fié par le développe­ment de divers dis­posi­tifs : télé­phones mobiles, aux­quels est asso­cié de plus en plus sou­vent un mod­ule GPS, tablettes tac­tiles telles que l’i­Pad, qui peu­vent accueil­lir des appli­ca­tions géographiques.

Ain­si alors que la pos­ses­sion de cartes a longtemps été un enjeu de pou­voir et une néces­sité pour se déplac­er, l’in­for­ma­tion géo­graphique est main­tenant dev­enue l’une des com­posantes de l’évo­lu­tion socié­tale. La réponse au ” où es-tu ? ” (sou­vent la pre­mière phrase lancée dans un télé­phone portable) ne sera plus ” en Touraine ” mais ” 00°30’22’‘E 47°20’17’’N “. La pré­ci­sion de la local­i­sa­tion est désor­mais à la portée du grand pub­lic dans une société mobile, inter­con­nec­tée, mon­di­al­isée, pour laque­lle les échanges et les flux peu­vent être forte­ment créa­teurs de valeur.

Inventaire des risques naturels


Les risques d’inondation.

On peut http://carmen.developpement-durable.gouv.fr/index.php?map=Risque.map&service_idx=10W accéder à cette carte et l’animer en dévelop­pant le menu comme ci-contre

Attente sociale et économique

Cette onde de choc tech­nologique per­met au grand pub­lic d’être non seule­ment con­som­ma­teur mais aus­si pro­duc­teur d’in­for­ma­tions géo­graphiques, comme le mon­tre bien le pro­jet Open­StreetMap, qui a pour but de créer des cartes libres du monde entier.

De telles évo­lu­tions tech­niques ont entraîné une forte attente sociale et économique pour le développe­ment de ser­vices sur Inter­net, qu’ils soient com­mer­ci­aux, cul­turels ou admin­is­trat­ifs, avec le développe­ment de sites dif­fu­sant des infor­ma­tions publiques ou com­mer­ciales et per­me­t­tant d’obtenir des ren­seigne­ments en ligne, d’acheter en ligne, de réalis­er une téléprocé­dure. De nom­breux ser­vices util­isant des don­nées géo­graphiques sont main­tenant offerts au grand pub­lic sur Inter­net : on peut aujour­d’hui visu­alis­er en ligne la local­i­sa­tion d’une adresse postale sur un plan, rechercher des com­merces ou des ser­vices autour de cette adresse, choisir un itinéraire en véhicule par­ti­c­uli­er ou en trans­ports en com­mun pour s’y ren­dre, cal­culer un temps de trans­port, acheter son bil­let de train ou d’avion, réserv­er une cham­bre d’hô­tel après une vis­ite virtuelle de celui-ci et de la ville où il se trou­ve, con­sul­ter le cadas­tre ou un PLU en ligne, procéder à des vis­ites virtuelles de biens immo­biliers à vendre.

Un facteur de croissance

Le développe­ment de l’in­for­ma­tion géo­graphique ne con­cerne pas seule­ment le grand pub­lic et les pro­duc­teurs de don­nées et de ser­vices géo­graphiques, mais aus­si toutes les entre­pris­es dont l’ac­tiv­ité a une dimen­sion ter­ri­to­ri­ale : trans­ports, immo­bili­er, tourisme, grande dis­tri­b­u­tion, ser­vices aux entre­pris­es et aux par­ti­c­uliers. L’in­for­ma­tion géo­graphique représen­tera au cours des prochaines années un impor­tant poten­tiel de crois­sance économique et de créa­tions d’emplois.

L’in­térêt est égale­ment très grand pour les autorités publiques : l’É­tat, les col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales, les ser­vices publics. Par­mi les nom­breuses appli­ca­tions pos­si­bles, on peut penser en par­ti­c­uli­er à l’of­fre de téléprocé­dures dans les domaines de l’ur­ban­isme, du fonci­er, de la main­te­nance d’équipements publics, à la dif­fu­sion d’é­tudes d’amé­nage­ment, à des enquêtes en ligne sur l’im­plan­ta­tion d’in­fra­struc­tures nou­velles et leur étude d’im­pact, etc. L’in­for­ma­tion géo­graphique est déjà très utile notam­ment pour étudi­er l’im­plan­ta­tion d’équipements en fonc­tion de divers critères (pop­u­la­tion, emplois, envi­ron­nement, temps de transport).

Directive européenne

L’in­for­ma­tion géo­graphique est très utile pour étudi­er l’im­plan­ta­tion d’équipements

Un autre fac­teur expli­quant l’in­térêt des autorités publiques pour l’in­for­ma­tion géo­graphique réside dans la direc­tive européenne Inspire, qui tire les con­séquences des avancées tech­niques en imposant aux autorités publiques, d’une part de ren­dre leurs don­nées géo­graphiques acces­si­bles au pub­lic en les pub­liant sur Inter­net, d’autre part de les partager entre elles. La direc­tive ne con­cerne que le domaine de l’en­vi­ron­nement, mais avec une con­cep­tion exten­sive de ce dernier (34 thèmes assez larges, pré­cisés dans ses annexes).

Dans la ligne tracée en 1999 par le rap­port Lengagne, l’É­tat s’é­tait doté dès le début des années 2000 du Référen­tiel à grande échelle (RGE), com­por­tant qua­tre com­posantes : orthopho­togra­phies, topogra­phie, par­cel­laires, adress­es. Le RGE per­met de con­stru­ire des Sys­tèmes d’in­for­ma­tion géo­graphique (SIG) sur des bases com­munes et régulière­ment mis­es à jour. L’É­tat a con­fié à l’In­sti­tut géo­graphique nation­al (IGN) la mis­sion de con­stru­ire, main­tenir et amélior­er ce référen­tiel. Il a demandé au Con­seil nation­al de l’in­for­ma­tion géo­graphique (CNIG), instance regroupant les dif­férentes autorités publiques pro­duc­tri­ces et util­isatri­ces d’in­for­ma­tion géo­graphique, de suiv­re sa mise en œuvre.

Création du Géoportail

Un out­il essen­tiel pour la réal­i­sa­tion des objec­tifs du Grenelle de l’environnement

Il a ensuite demandé à l’IGN et au BRGM de créer le Géo­por­tail (www.geoportail.fr), lieu priv­ilégié de recherche et de visu­al­i­sa­tion en ligne des don­nées des dif­férentes admin­is­tra­tions et d’aigu­il­lage vers leurs pro­duc­teurs pour réu­til­i­sa­tion. L’IGN assure la visu­al­i­sa­tion des don­nées et le BRGM le cat­a­lo­gage des méta­don­nées et le ser­vice de recherche (Géo­cat­a­logue). Depuis juin 2006, le Géo­por­tail met à la dis­po­si­tion des inter­nautes des pho­tos aéri­ennes et des cartes du ter­ri­toire français, à divers­es échelles. Ces don­nées peu­vent être util­isées comme fonds de plan par les sites Web des entre­pris­es, des asso­ci­a­tions, des particuliers.

Les min­istères sont tous con­cernés par l’in­for­ma­tion géo­graphique, et en par­ti­c­uli­er les deux min­istères chargés du Développe­ment durable et de l’A­gri­cul­ture, qui, sans don­nées géo­graphiques, ne pour­raient con­cevoir, appli­quer, suiv­re ni éval­uer leurs poli­tiques. En effet l’in­for­ma­tion géo­graphique est indis­pens­able pour la con­nais­sance et l’analyse des ter­ri­toires, leur amé­nage­ment, le suivi des activ­ités agri­coles et forestières, l’é­val­u­a­tion des impacts envi­ron­nemen­taux, l’é­tude des risques naturels et tech­nologiques, la ges­tion de crise, le suivi de la bio­di­ver­sité. Elle con­stitue un out­il essen­tiel pour la réal­i­sa­tion des objec­tifs du Grenelle de l’en­vi­ron­nement. Depuis de nom­breuses années, les ser­vices des min­istères chargés de l’É­colo­gie, de l’Équipement et de l’A­gri­cul­ture pro­duisent et trait­ent des don­nées géographiques.

Politique d’information

L’a­gri­cul­ture et les forêts occu­pant env­i­ron 80 % du ter­ri­toire mét­ro­pol­i­tain, le min­istère qui en a la charge (MAAPRAT : min­istère de l’A­gri­cul­ture, de l’Al­i­men­ta­tion, de la Pêche, de la Rural­ité et de l’Amé­nage­ment du ter­ri­toire) a éprou­vé le besoin de stan­dard­is­er les objets géo­graphiques dès 2003. Il a créé la Com­mis­sion nationale de val­i­da­tion des don­nées de l’in­for­ma­tion géo­graphique. Il y a rapi­de­ment asso­cié, tant c’é­tait naturel, le min­istère en charge de l’É­colo­gie puis celui en charge de l’Équipement. Il a voulu éviter tout de suite l’en­fer­me­ment dans ses métiers.

Le MEDDTL (min­istère de l’É­colo­gie, du Développe­ment durable, des Trans­ports et du Loge­ment), en charge notam­ment de l’en­vi­ron­nement, des infra­struc­tures, des trans­ports, de l’amé­nage­ment et de l’ur­ban­isme, de la con­struc­tion, a évidem­ment de grands besoins en matière d’in­for­ma­tion géo­graphique. Il a créé la Mis­sion de l’in­for­ma­tion géo­graphique (MIG), chargée d’éla­bor­er et de pro­mou­voir la poli­tique de l’in­for­ma­tion géo­graphique du Min­istère, d’as­sur­er la trans­ver­sal­ité des approches sec­to­rielles et notam­ment de veiller à la cohérence des SIG à l’in­térieur du Min­istère et au niveau interministériel.

Le Sys­tème d’in­for­ma­tion sur l’eau
Acces­si­ble via Eaufrance, por­tail nation­al de l’eau http://www.eaufrance.fr, le Sys­tème d’in­for­ma­tion sur l’eau (SIE) regroupe les prin­ci­paux acteurs publics du domaine de l’eau pour organ­is­er la col­lecte, le stock­age, la val­ori­sa­tion et la dif­fu­sion des don­nées sur l’eau, les milieux aqua­tiques et leurs usages. Il per­met le partage et la mise à dis­po­si­tion des mul­ti­ples don­nées pro­duites par ces acteurs, tant en métro­pole qu’outre-mer. Il a été con­stru­it en 2003 faisant suite au Réseau nation­al des don­nées sur l’eau (RNDE), issu de la loi sur l’eau de 1992.
Le SIE prend en compte les besoins exprimés par les dif­férents deman­deurs de don­nées que sont les ser­vices de l’É­tat, les maîtres d’ou­vrage, les ges­tion­naires, les experts, les citoyens. Ses objec­tifs sont de dif­fuser l’in­for­ma­tion envi­ron­nemen­tale publique (con­ven­tion d’Aarhus), de ren­dre compte aux autorités nationales et com­mu­nau­taires des avancées de la poli­tique de l’eau pour la mise en oeu­vre de la lég­is­la­tion envi­ron­nemen­tale et d’aider à la déci­sion tech­nique, admin­is­tra­tive ou économique dans le cadre d’ac­tions de restau­ra­tion, de déf­i­ni­tion de pro­grammes de mesures, du con­trôle des usages de l’eau et de prise en compte des risques liés à l’eau.
Il est aus­si un out­il pour éval­uer les poli­tiques publiques dans le domaine de l’eau, des milieux aqua­tiques et des ser­vices publics d’eau et d’as­sainisse­ment et pour analyser les pres­sions dues aux activ­ités humaines, les analy­ses économiques et l’é­val­u­a­tion de l’é­tat des eaux, par les autorités de bassin et les ser­vices locaux.

Infrastructure commune

Géoportail, le portail des territoires et des citoyens


Reg­istre par­cel­laire graphique : îlots de culture.

En 2008 le MAAPRAT et le MEDDTL créaient ensem­ble la Com­mis­sion de val­i­da­tion des don­nées de l’in­for­ma­tion spa­tial­isée (Covadis), chargée de stan­dard­is­er les don­nées géo­graphiques (ces stan­dards sont pub­liés sur Inter­net et peu­vent être réu­til­isés). Dans le cadre de la mise en place com­mune des futures direc­tions départe­men­tales des ter­ri­toires, ils ont en même temps décidé d’adopter une infra­struc­ture com­mune pour l’in­for­ma­tion géo­graphique : serveurs locaux, réseau, répertoire.

Ils ont entre­pris de faire con­verg­er leur organ­i­sa­tion, leurs méth­odes, leurs out­ils. Ils ont signé avec l’IGN un pro­to­cole pour l’ac­qui­si­tion de ses référen­tiels et notam­ment du RGE. Ils se sont dotés d’une maîtrise d’ou­vrage com­mune qui ori­ente et coor­donne leurs actions dans le domaine de l’in­for­ma­tion géo­graphique. Ces actions sont menées en cohérence avec celles de l’IGN, dans le cadre du COP (Con­trat d’ob­jec­tifs et de per­for­mances) négo­cié entre cet étab­lisse­ment et l’État.

Convergence et cohérence

Un dis­posi­tif glob­al pour répon­dre aux attentes de la société et de l’é­conomie françaises

Le dis­posi­tif issu de la con­ver­gence des sys­tèmes d’in­for­ma­tion géo­graphique du MEEDDM et du MAAP a été bap­tisé Geo-IDE (Infra­struc­ture de don­nées élec­tron­iques) et sera opéra­tionnel en 2011. Les out­ils logi­ciels dévelop­pés par les deux min­istères sont open source, pub­liés sur Inter­net (sur le site de l’Adul­lact : https://adullact.net/) et mis à la dis­po­si­tion des col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales notam­ment (appli­ca­tion Prodi­ge). Ils per­me­t­tent de partager les don­nées géo­graphiques et de les pub­li­er sur Inter­net, afin de répon­dre aux pre­scrip­tions de la direc­tive européenne Inspire (cf. en par­ti­c­uli­er cartorisque.prim.net, carmen.ecologie.gouv.fr).

Le 11 juin 2009 le Secré­tari­at général du gou­verne­ment a décidé, dans le cadre de la réforme des ser­vices départe­men­taux de l’É­tat, d’é­ten­dre aux autres min­istères à implan­ta­tion ter­ri­to­ri­ale le dis­posi­tif mis en place par le MEDDTL et le MAAPRAT pour les direc­tions départe­men­tales des territoires.

Ain­si l’É­tat a mis en place un dis­posi­tif glob­al pour répon­dre aux attentes de la société et de l’é­conomie français­es, en tirant par­ti des pro­grès tech­niques et en sat­is­faisant aux exi­gences de la direc­tive Inspire.

Le Sys­tème d’in­for­ma­tion sur les risques
Car­torisque est la pub­li­ca­tion sur l’In­ter­net (http://cartorisque.prim.net/) de l’ensem­ble des cartes des risques naturels et tech­nologiques majeurs. Les infor­ma­tions pub­liées provi­en­nent des ser­vices décon­cen­trés de l’É­tat, sous l’au­torité des préfets con­cernés. Celles des­tinées à la prise de con­science des pop­u­la­tions sont acces­si­bles dans l’on­glet “Infor­ma­tion préven­tive”. D’autres sont des­tinées à faciliter la mise en oeu­vre de l’oblig­a­tion d’in­for­ma­tion de l’a­cheteur ou du locataire de tout bien immo­bili­er situé en zone de sis­mic­ité ou dans un plan de préven­tion des risques pre­scrit ou approu­vé : c’est l’on­glet “infor­ma­tion acquéreur locataire”. Enfin, d’autres sont des représen­ta­tions de servi­tudes d’u­til­ité publique, les plans de préven­tion des risques, qui imposent des inter­dic­tions et des pre­scrip­tions dans cer­taines zones du territoire.

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