Roland Lescure X87

Roland Lescure (X87) Audace et fidélité

Dossier : TrajectoiresMagazine N°786 Juin 2023
Par Pierre LASZLO

Roland Les­cure (X87) est min­istre délégué chargé de l’Industrie depuis une petite année. Mais aupar­a­vant il avait tra­vail­lé dans la banque, d’abord en France, puis au Cana­da où il a redressé de façon remar­quable la Caisse de dépôt et place­ment du Québec. Séduit par Emmanuel Macron, il fig­ure par­mi ses tout pre­miers sou­tiens, devient député et prési­dent de la Com­mis­sion des affaires économiques ; il fut rap­por­teur général de la loi Pacte.

L’audace est son fort. La tient-il de son grand-père, Pierre de Les­cure (1891–1963), grand résis­tant et cofon­da­teur en 1941 avec Ver­cors (Jean Bruller, 1902–1991) des Édi­tions de Minu­it ? La fidél­ité est un autre atout. « C’est impor­tant de savoir d’où on vient. » Il en est con­va­in­cu. Son père, François Les­cure (1920–1992), autre grand résis­tant, fut jour­nal­iste à L’Humanité, cinquante ans durant ; sa mère, Paulette Bau­doin, syn­di­cal­iste CGT à la RATP. 

Un début de carrière prometteur

Il entre à l’École en 1987, dans la sec­tion de vol­ley-ball, après un ser­vice nation­al dans l’armée de l’Air. Durant sa sco­lar­ité à Palaiseau, il ani­me avec Cyrille Sautereau la radio « Jazz à l’X ». Il y goûte les cours, entre autres, de Thier­ry de Mont­br­i­al (X63) en économie et de Jacques Neveu (1932–2016) en math­é­ma­tiques appliquées. À la sor­tie de l’X, il opte pour l’Ensae (1990–1992) et se per­fec­tionne en économie à la Lon­don School of Eco­nom­ics. Fidél­ité à ses for­ma­teurs : il retourne à Palaiseau le ven­dre­di 17 févri­er 2023 et le même jour à l’Ensae. Il tra­vaille au min­istère de l’Économie et des Finances, notam­ment au moment de la créa­tion de l’euro, puis à l’Institut nation­al de la sta­tis­tique et des études économiques (Insee) et à la Caisse des dépôts et consigna­tions. En 2005, il est nom­mé directeur général délégué de Natix­is Asset Man­age­ment. En 2006, il devient directeur général adjoint et directeur des ges­tions de Groupa­ma AM.

Départ pour le Québec

Pour Roland Les­cure, l’audace con­sista tout par­ti­c­ulière­ment, en 2009, à pos­er sa can­di­da­ture à un poste majeur, loin de Paris, loin de la France : à un fonds de pen­sion nord-améri­cain, comme vice-prési­dent et chef des place­ments de la Caisse de dépôt et place­ment du Québec (CDPQ), dont il super­vis­era 80 % de l’activité, après avoir été choisi par­mi trois cents candidats.
La CDPQ, lorsqu’il y est nom­mé, est en pos­ture cri­tique : entre 2007 et 2008, la Caisse de dépôt et place­ment du Québec voy­ait son act­if net fon­dre de 35,2 mil­liards de dol­lars et accu­sait une perte nette de 40 mil­liards de dol­lars. En 2007, soit un an avant que la crise ne sévisse, l’actif de la Caisse se chiffrait à 227 mil­liards de dol­lars. Elle lui doit son redresse­ment. Roland Les­cure pas­sa donc, avec les siens – son épouse Susie, enseignante de yoga, et lui ont trois enfants – huit années au Québec : il y goûte pro­fes­sion­nelle­ment « une vraie cul­ture entre­pre­neuri­ale ». Ses loisirs, out­re sa vie famil­iale, sont occupés par la lec­ture (romans, dont des polars), l’écoute de la musique (prin­ci­pale­ment jazz, rap et rock) et le vision­nement de films de ciné­ma. Pourquoi et com­ment la France a‑t-elle récupéré ce ges­tion­naire de pre­mier plan ? Du fait de son audace, cou­plée à son ent­hou­si­asme ; et d’une con­vic­tion, « je préfère large­ment le prag­ma des résul­tats au dog­ma de l’idéologie ».

“Je préfère largement le pragma des résultats au dogma de l’idéologie.”

Une nouvelle grande aventure

En 2012, il ren­con­tra Emmanuel Macron, alors secré­taire général adjoint de l’Élysée, lors d’une réu­nion avec des investis­seurs. Il devien­dra l’un des pre­miers con­tribu­teurs financiers de sa cam­pagne prési­den­tielle. Il est l’un des pre­miers adhérents à En Marche. C’est avec déter­mi­na­tion qu’il décide de chang­er de vie, de car­rière, et de se porter can­di­dat à la dépu­ta­tion, comme représen­tant des Français de l’étranger – en Amérique du Nord donc. Il est élu député (Marcheur) en 2017, avec près de 80 % des voix. « Je suis devenu plus poli­tique dans le sens où j’ai appris à nav­iguer dans un envi­ron­nement que je ne maîtri­sais pas. J’espère avoir gardé mon ancrage dans le secteur privé – l’efficacité est pour moi une valeur car­di­nale – et con­servé une spon­tanéité nord-améri­caine. Les Français de la cir­con­scrip­tion m’y aident. Ils n’hésitent pas à me dire quand ils me trou­vent un peu trop langue de bois ! » À l’Assemblée nationale, où il va présider la Com­mis­sion des affaires économiques : « J’ai eu l’honneur d’être rap­por­teur général de la loi Pacte, que j’ai étudiée en pro­jet avant d’en pilot­er l’équipe de rap­por­teurs, en duo avec Olivia Gré­goire qui présidait la com­mis­sion spé­ciale et en parte­nar­i­at avec Bruno Le Maire, un des meilleurs min­istres des Finances de la Ve République. » Puis, le 4 juil­let 2022, il est nom­mé min­istre délégué chargé de l’Industrie, dans le gou­verne­ment d’Élisabeth Borne (X81). Dans ses nou­velles fonc­tions – déli­cates du fait de la désin­dus­tri­al­i­sa­tion de notre pays depuis plusieurs décen­nies – il donne la pri­or­ité à la décar­bon­a­tion, change­ment cli­ma­tique oblige.

Pour pleine­ment appréci­er sa lucid­ité – que dis-je ? la fraîcheur de son regard, sa volon­té de con­tribuer à met­tre notre pays à niveau, en dépit de notre con­ser­vatisme vis­céral –, lisez son livre : Nos totems et nos tabous : dépas­sons-les ! édi­tions de l’Aube, 2021.

Commentaire

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Alain Bra­chon (X63)répondre
30 juin 2023 à 9 h 31 min

La mère de Roland Les­cure n’est pas Paulette Bau­doin, mais Jeanne Cather­ine Kernéis , syn­di­cal­iste CGT, mem­bre du con­seil d’ad­min­is­tra­tion de la RATP (Décret du 10 novem­bre 1998 por­tant pro­mo­tion et nom­i­na­tion : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000002006440).
Son frère aîné est Jean-François Les­cure (Cf. Jef Kernès : https://jefkerneis.com/).

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