Nicolas ZWEIBAUM (2007) - Dessin : Laurent Simon

Nicolas Zweibaum (2007), un nucléariste à Berkeley

Dossier : TrajectoiresMagazine N°738 Octobre 2018
Par Pierre LASZLO

Lorsque nous nous sommes ren­con­trés, Nico­las Zwei­baum ren­trait d’un séjour de ski avec sa femme, dans le Colo­ra­do (Bre­cken­ridge et Vail). Ils se sont épou­sés il y a un an, après s’être connus dans le groupe de recherche où ils tra­vaillaient l’un et l’autre, à Ber­ke­ley. Anne-Per­rine Avrin, ingé­nieure des Arts et Métiers, y avait effec­tué un pre­mier stage avant de pré­pa­rer un Ph.D. sur l’optimisation du mix éner­gé­tique chi­nois à l’horizon 2050.

C’est un gar­çon très ouvert, pro­lixe et cha­leu­reux, un enthou­siaste. À la dif­fé­rence de nombre d’expatriés fran­çais de la Bay Area, que leur inser­tion mue en des créoles amé­ri­ca­no-fran­çais, il est res­té fran­çais à 100 %. Le carac­té­ri­ser ? J’emprunte sa propre for­mu­la­tion, rela­tive à Jean Dali­bard, qui lui ensei­gna la méca­nique quan­tique à l’École : il est « humble et vif ».

De qui tenir

Ses parents se sont eux aus­si ren­con­trés dans un labo­ra­toire, de l’Inserm. Alain Zwei­baum, né en 1933, réfu­gié à Roche­chouart dans le Limou­sin de 1942 à 1944, devint méde­cin. Durant la guerre d’Algérie, en 1960–1961, après avoir soi­gné la popu­la­tion d’un vil­lage du Sud-Algé­rois, il fut affec­té à l’hôpital Maillot, à Alger, où, ancien externe des hôpi­taux de Paris dans le ser­vice de Ham­bur­ger, il ins­tal­la le pre­mier rein arti­fi­ciel. Arri­vée à Paris en 1970, de la Réunion, Monique de Bal­mann-Rous­set y ter­mi­na ses études, une maî­trise de chi­mie-bio­lo­gie à Jussieu.

Alain Zwei­baum diri­gea l’unité Inserm 178, « Immu­no­lo­gie de la dif­fé­ren­cia­tion » (1977−1979), puis « Méta­bo­lisme et dif­fé­ren­cia­tion des cel­lules en culture » (1980−1984) à l’hôpital Brous­sais à Paris. Cette uni­té migra ensuite à l’hôpital Paul-Brousse, à Vil­le­juif, sous les inti­tu­lés « Dif­fé­ren­cia­tion et neu­roen­do­cri­no­lo­gie des cel­lules diges­tives » (1985−1991), puis « Dif­fé­ren­cia­tion cel­lu­laire intes­ti­nale » (1992−1999). Les parents de Nico­las ont tou­jours tra­vaillé ensemble au sein de l’unité 178 de l’Inserm. Depuis sa retraite, Alain Zwei­baum écrit ses sou­ve­nirs, plus qu’attachants.

L’appel du lointain

Nico­las Zwei­baum fit sa sco­la­ri­té au lycée Hen­ri-IV, tant secon­daire qu’en pré­pa (MP). Il inté­gra l’École en 32.

Pour son ser­vice mili­taire, « une cou­pure monu­men­tale », il rejoi­gnit à Tahi­ti un patrouilleur de la Marine natio­nale, avec un effec­tif d’une tren­taine de per­sonnes, qui effec­tuait entre autres des mis­sions de ravi­taille­ment et d’aide huma­ni­taire, tant dans les Mar­quises que dans les Australes.

Autre des­ti­na­tion loin­taine, il fit son stage ouvrier, deux mois durant, à Kyo­to, dans un ate­lier fami­lial de tein­ture de papier d’origami ; puis Tokyo.

Après avoir décli­né le corps des Ponts, encou­ra­gé à le rejoindre aux États-Unis par un oncle qui y vivait déjà, il par­tit faire son doc­to­rat à Ber­ke­ley. Avec une voca­tion pour le nucléaire, il s’y don­na une for­ma­tion d’ingénieur dans ce domaine, où il conti­nue à tra­vailler. Deux de ses pro­fes­seurs de Ber­ke­ley – dont son ancien direc­teur de thèse, Per Peter­son – quit­tèrent l’enseignement à la fin de l’année 2016 pour créer une start-up, Kai­ros Power, où sont conçus des réac­teurs pré­vus pour une ins­tal­la­tion vers la fin des années 2020. Pour­quoi une échéance aus­si éloi­gnée ? « Le nucléaire est une indus­trie avec beau­coup d’inertie. »

Renouveler le nucléaire

Si la Cali­for­nie est tiède à l’égard du nucléaire, le gou­ver­ne­ment fédé­ral, le Depart­ment of Ener­gy plus pré­ci­sé­ment, mise sur cette filière et finance géné­reu­se­ment les recherches. Les réac­teurs sur les­quels Nico­las tra­vaille usent de com­bus­tible sous forme d’inclusion de l’uranium dans des bou­lets de gra­phite. Une autre de leurs carac­té­ris­tiques est le recours à des sels fon­dus, des fluo­rures, per­met­tant les échanges ther­miques à plus haute tem­pé­ra­ture que l’eau. Ils sont conçus pour une sûre­té maxi­male en cas d’accident, trem­ble­ment de terre en particulier.

Nico­las Zwei­baum a un don d’amitié. Il reste très proche de bien de ses cama­rades, de l’École comme de la pré­pa, est très actif au sein de la ­com­mu­nau­té fran­çaise de la Bay Area. Sa sen­si­bi­li­té poli­tique de gauche le pous­sa, lors de son pas­sage sur le Pla­teau, à ­res­sus­ci­ter le binet Poli­tiX, qui orga­ni­sait réunions et débats avec des pro­fes­sion­nels de la politique.

Bref, avec des per­son­na­li­tés de son calibre, la tran­si­tion éner­gé­tique est dans de bonnes mains.


Pour en savoir plus

Zwei­baum (Alain), « Rue Mortemart »,
http://www.rochechouart-nostalgie.fr/rue-mortemart.pdf

Zwei­baum (N.) and Avrin (A.-P.), “La tran­si­tion éner­gé­tique en France vue par les Fran­çais de la région de San Fran­cis­co”, June 2013, https://goo.gl/E7sGuK

Zwei­baum (N.) et al., “Phe­no­me­no­lo­gy, Methods and Expe­ri­men­tal Pro­gram for Fluo­ride-Salt-Cooled, High-Tem­pe­ra­ture Reac­tors (FHRs)”, Pro­gress in Nuclear Ener­gy, Novem­ber 2014.

Zwei­baum (N.), “Expe­ri­men­tal Vali­da­tion of Pas­sive Safe­ty Sys­tem Models : Appli­ca­tion to Desi­gn and Opti­mi­za­tion of Fluo­ride-Salt-Cooled, High-Tem­pe­ra­ture Reac­tors”, Ph.D. Dis­ser­ta­tion, Depart­ment of Nuclear Engi­nee­ring, UC Ber­ke­ley (2015), https://goo.gl/QcwbLL

Kai­ros Power, https://kairospower.com

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