Robert Aubinière (33), 1912–2001

Dossier : ExpressionsMagazine N°587 Septembre 2003Par : André LEBEAU et Michel BIGNIER (47)

Robert Aubi­nière est né à Paris en 1912. Tous ceux qui ont eu le pri­vi­lège de tra­vailler à ses côtés savent qu’il avait une per­son­na­li­té hors du commun.

Entré à l’É­cole poly­tech­nique en 1933 , il en sort dans les rangs de l’ar­mée de l’air. À la décla­ra­tion de guerre, il se trouve en Algé­rie où il com­mande, avec le grade de lieu­te­nant, une esca­drille à la tête de laquelle il accom­plit des mis­sions de recon­nais­sance sur la Tri­po­li­taine et deux mis­sions de bom­bar­de­ment sur la Sardaigne.

En juin 1943, il quitte l’Al­gé­rie pour Londres et les ser­vices spé­ciaux. Il est affec­té, à sa demande, au Bureau cen­tral de Résis­tance et d’Ac­tion que dirige le colo­nel Passy.

Le 15 décembre 1943, il est para­chu­té sur la France occu­pée, à Is-sur-Tille près de Dijon, et avec l’aide de la résis­tance, il rejoint Lille comme chef des opé­ra­tions de la région A qui couvre cinq dépar­te­ments du Nord. Il est arrê­té par la Ges­ta­po en avril 1944, empri­son­né à Lille puis dépor­té poli­tique en Alle­magne, à Sach­sen­hau­sen, puis à Ravens­brück, et enfin à Neu­bran­den­burg, un camp de tra­vail où se fabriquent des élé­ments des VI et des V2.

En 1945, Neu­bran­den­burg est libé­ré par les Russes. Les gar­diens SS ont dis­pa­ru quelques jours aupa­ra­vant et ses com­pa­gnons de cap­ti­vi­té l’é­lisent res­pon­sable du camp. Il les repré­sente auprès des Russes ; il publie un jour­nal du camp inti­tu­lé Liber­té qui n’au­ra qu’un seul numé­ro avant d’être inter­dit par les Russes. Il rentre en France fin mai 1945 ; il était por­té dis­pa­ru ; sa famille était sans nou­velle de lui. Il prend trois mois de repos et réin­tègre l’ar­mée de l’air où il pour­suit, pour un temps, une car­rière mili­taire clas­sique : direc­tion des études de l’É­cole de l’air, École de guerre aérienne, état-major de la 5e région aérienne.

En 1949, il est nom­mé com­man­dant de la Base-école de Roche­fort ; il atta­chait beau­coup de prix à l’ac­tion ori­gi­nale de for­ma­tion qu’il avait menée, à Roche­fort, pour les appren­tis méca­ni­ciens ; elle lui avait valu les palmes académiques.

En sep­tembre 1957, il est nom­mé direc­teur du Centre inter­armes d’es­sais d’en­gins spé­ciaux de Colomb- Béchar dont sont venus bon nombre des pre­miers cadres du CNES. Il le quitte en 1960 pour prendre très briè­ve­ment la direc­tion de l’É­cole de l’air de Salon où il accueille le géné­ral de Gaulle.

Le délé­gué géné­ral à l’Air, Jean Blan­cart, le nomme à la Direc­tion tech­nique et indus­trielle de l’aé­ro­nau­tique qu’il quit­te­ra en 1962, au moment de la créa­tion du CNES ; il devient le pre­mier direc­teur géné­ral de l’A­gence spa­tiale natio­nale, fonc­tion qu’il occu­pe­ra jus­qu’en 1971.

Durant cette période, il exer­ce­ra aus­si la pré­si­dence du Conseil de l’EL­DO puis, en 1972, il accep­te­ra la tâche ingrate de Secré­taire géné­ral de cet orga­nisme mori­bond que toute son éner­gie ne pour­ra sau­ver du nau­frage. Mais il aura la joie de voir que sur les ruines de cette pre­mière entre­prise euro­péenne dans le domaine des lan­ceurs, ses anciens col­la­bo­ra­teurs ont su édi­fier le pro­gramme Ariane.

Robert Aubi­nière fait par­tie de ceux, très peu nom­breux, dont on peut être sûr que, sans eux, les choses de l’es­pace ne seraient pas, dans notre pays, ce qu’elles sont aujourd’­hui. Avec le pré­sident Jean Cou­lomb, auquel le liait une entente indé­fec­tible, il a non seule­ment construit une ins­ti­tu­tion spa­tiale capable d’ex­pri­mer la volon­té poli­tique de la France, mais il lui a don­né, dans sa rela­tion avec l’in­dus­trie et avec la com­mu­nau­té scien­ti­fique, les lignes d’ac­tion qui ont assu­ré au pro­gramme spa­tial une large assise nationale.

Au-delà de son intel­li­gence aiguë, au-delà de sa culture, aus­si vaste que dis­crète – pour en don­ner la mesure il fau­drait par­ler de la car­rière qu’il a menée dans le domaine des arts après son départ de l’EL­DO – au-delà de ce qu’il avait accom­pli pour le CNES, ce qui domi­nait chez lui c’est la dimen­sion humaine.

L’at­ta­che­ment émou­vant que lui conser­vait l’é­quipe de sous-lieu­te­nants de réserve qu’il avait assem­blée autour des tâches d’en­sei­gne­ment de la base de Roche­fort témoigne de ce trait per­ma­nent de sa per­son­na­li­té, sa capa­ci­té à s’at­ta­cher dura­ble­ment les hommes et à mobi­li­ser leur énergie.

Il fut au sens plein du terme un homme de carac­tère. Et comme l’a écrit le géné­ral de Gaulle : « Où voit-on qu’une grande œuvre humaine ait été jamais réa­li­sée sans que se soit fait jour la pas­sion d’a­gir par soi-même d’un homme de caractère ? »

Il était grand offi­cier de la Légion d’hon­neur et père de six enfants.

Commentaire

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deniaurépondre
12 février 2017 à 15 h 10 min

sou­ve­nir et respect

Bon­jour jai connu le colo­nel Aubi­niere en 1958 etant simple sol­dat au ciees a Bechar tous les matin je le saluai a son PC qd je suis par­ti de Bechar et quelques longue annees apres l envie de savoir ce qu’il etait deve­nu j’ai recher­ché et suis entre en contact avec sa fille tou­bib a Paris elle m’a dit qu’il etait enterre à Paris et ma donne l’a­dresse cela m’a appai­sé car j’ai recherche de longues annees car la force la bonte et la dou­ceur qui se dega­geait de cet homme etait for­mi­dable Pre­nez contact avec moi ceux qui l’ont connu amitie

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