Les contreforts de l'Illimani vus depuis Nido de Condores dans les Andes

Retour aux Andes

Dossier : Libres ProposMagazine N°533 Mars 1998
Par Vincent GINABAT (90)

Les mon­tag­nards de som­mets d’Afrique 92 (La Jaune et la Rouge n° 482) et de Bolivie 94 (La Jaune et la Rouge n° 500) sont de retour !
En août 1997, Michel Boy­er-Cham­mard, Guil­laume Chalmin (91), François Cham­bon (90), Emmanuel Fritsch (90), Cyrille Train et Vin­cent Gin­abat (90) ont retrou­vé la Bolivie, un pays qui fait par­ler la poudre dans tous ses états.
À lire sur un air de cha­rango, un verre de Pis­co à la main.

au Chachacomani, dans les Andes
Vers 5 000 mètres, au Chachacomani

Les Andes sont cette chaîne de mon­tagnes qui hante les songes des alpin­istes. Ce sont des mon­tagnes jeunes dont cer­taines con­tin­u­ent de se soulever sous l’ef­fet de la con­ver­gence de la plaque océanique paci­fique et de la plaque con­ti­nen­tale sud-améri­caine. Les plus hautes cimes affleurent 7 000 mètres, soit presque deux mille mètres de moins que le Mont Everest.

L’ac­cès des mon­tagnes améri­caines offre l’a­van­tage de n’être pas soumis aux régle­men­ta­tions et tax­es dont l’usage pré­vaut sur d’autres con­ti­nents. Grâce à cette lib­erté d’ac­cès, et à la rel­a­tive désaf­fec­tion où les a relégués l’en­goue­ment touris­ti­co-médi­a­tique pour le toit du monde, les mas­sifs andins ont con­servé pour le voyageur un charme et un par­fum d’aven­ture certains.

Une expédi­tion en Bolivie en 1994 nous avait révélé un pays con­trasté, aux habi­tants accueil­lants et joyeux. Nous avions gravi deux des plus beaux som­mets de la Cordil­lère royale, et mené jusqu’à 6 000 mètres une ten­ta­tive sur un troisième. Il était évi­dent que ces mon­tagnes très sauvages, rel­a­tive­ment mécon­nues, méri­taient plus qu’une visite.

Où l’on s’explique

Dis­sipons un malen­ten­du : la beauté et l’in­térêt d’un som­met ne sont pas pro­por­tion­nels à son alti­tude. En revanche, l’alti­tude induit des con­traintes logis­tiques et phys­i­ologiques sévères qui obèrent sérieuse­ment les chances de suc­cès. Mais l’alpin­iste n’est pas un masochiste et ses moti­va­tions méri­tent d’être évoquées.

Avec les grandes expédi­tions nationales, ont pris fin, dans les années 70, les ascen­sions ” lour­des ” qui ne rec­u­laient ni devant les dépens­es ni devant les risques. Les mas­sifs loin­tains étaient alors le théâtre d’une com­péti­tion dont l’alpin­isme ne sor­tait pas tou­jours gag­nant. ” Gravis­sez cette fichue mon­tagne et lais­sez-nous revenir au véri­ta­ble alpin­isme “, a‑t-on écrit au sujet de l’Éver­est. Quant aux plus philosophes, ils se réclamèrent de la vague de con­tes­ta­tion qui défer­lait sur l’Oc­ci­dent. Ain­si, tan­dis que les uns grim­paient pour la gloire ou pour la patrie, les autres fuyaient une société en déroute et recher­chaient dans le silence des val­lées incon­nues la sérénité perdue.

Le camp de base du Leche Khota
Le camp de base du Leche Kho­ta © VINCENT GINABAT

Les vingt dernières années voient diverg­er deux ten­dances con­traires. D’un côté se sont imposées les ascen­sions très tech­niques ” en style alpin “, c’est-à-dire légères et rapi­des, témoins d’un retour aux valeurs d’en­gage­ment et d’au­tonomie. À l’op­posé, la pro­liféra­tion des expédi­tions com­mer­ciales assistées est sans doute pour beau­coup dans les nom­breux acci­dents de haute alti­tude dont se repais­sent les médias.

Reste une majorité de mon­tag­nards inclass­ables, ni tech­ni­ciens de haut vol, ni con­som­ma­teurs : savants, esthètes, phil­an­thropes, mis­an­thropes, chercheurs de pét­role, pho­tographes, sportifs, anciens dits ” ringards “, mod­ernes ou ” acro­bates “, beat­niks, ascètes, gourmets, sous-mariniers, géo­graphes et pères de famille. Comme, à n’en pas douter, chaque mem­bre de notre équipe se recon­naî­tra dans une ou plusieurs des sus­dites caté­gories, et récipro­que­ment, nous relèverons leur trait d’u­nion dans le chef-d’œu­vre, un ouvrage de Lionel Ter­ray, Les con­quérants de l’inu­tile, dont le titre sug­gère la vraie réponse à la ques­tion posée : ” mais qu’al­laient-ils faire dans cette glacière ? ”

Où l’on s’organise

Nous quit­tons Paris, noyé sous un orage dilu­vien, le 6 août. Le polici­er bolivien n’est pas réputé pour son sens de l’hu­mour, et la ” schnouf ” répar­tie dans nos sacs — huit kilos de lait en poudre recon­di­tion­né — me laisse un peu songeur. En fait de péripéties douanières, nous n’au­rons rien à déclar­er, sinon que le chien polici­er du nar­co­trafi­co reni­fle notre saucis­son ; et que la décou­verte de mon fidèle Laguiole me vaut une fouille exhaustive.

Bâtir un plan d’as­cen­sion s’ap­par­ente à un patient tra­vail d’en­quête, puis à un véri­ta­ble exer­ci­ce stratégique dont la mon­tagne forter­esse est l’en­jeu. Le rythme de mon­tée, jour après jour, déter­mine la qual­ité de l’ac­cli­mata­tion à l’hy­pox­ie. Trop rapi­de, il met l’or­gan­isme en dan­ger ; trop lent, il le fatigue inutile­ment car la capac­ité de récupéra­tion après l’ef­fort décroît avec l’alti­tude. Les moyens de portage employés dans la val­lée (por­teurs, mules ou lamas) et le choix des emplace­ments de bivouac influ­ent sur le chemin d’ap­proche. Enfin, il est pru­dent d’en­vis­ager de promptes voies de retraite en cas d’or­age ou d’ac­ci­dent, car il s’a­gi­rait alors de per­dre de l’alti­tude le plus vite possible.

Ces con­traintes étant posées, il reste à se pencher sur la carte pour y trac­er, d’un geste auguste et d’un regard assuré, un tra­jet que les acci­dents du ter­rain auront tôt fait de boule­vers­er de fond en comble. Qu’im­porte ! Nous quit­tons La Paz le cœur léger, accom­pa­g­nés de Mario, le campesino (paysan) dont les lamas et les con­nais­sances topographiques nous sont indispensables.

Une reconnaissance

Nos pre­miers efforts se por­tent vers le mas­sif le plus isolé de la Cordil­lère royale. Rarement par­cou­ru, à peine décrit, le Chacha­co­mani élève entre 5 500 m et 6 127 mètres une mul­ti­tude de cimes dont les rares pho­togra­phies ne révè­lent pas la complexité.

Quelques lamas dans les Andes
La logis­tique suiv­ra ! © VINCENT GINABAT

Si les dernières décen­nies ont vu la con­quête des plus hauts som­mets par leurs ver­sants les moins dif­fi­ciles, d’im­menses pos­si­bil­ités d’alpin­isme inédit s’of­frent encore sur les parois et arêtes du ver­sant est du mas­sif. L’ap­proche en est longue et passe par des cols à plus de 5 000 mètres. Objec­tif de l’ex­pédi­tion : repér­er un som­met acces­si­ble par­mi les plus élevés, y trac­er une voie élé­gante et mul­ti­pli­er les pris­es de vues stéréo­graphiques afin d’en­richir le Club alpin français d’une carte adap­tée à l’andinisme.

Nous voici engagés sur la piste ver­tig­ineuse qui relie l’Alti­plano à la forêt ama­zoni­enne via Peñas et Amaguaya. Per­chée à flanc de mon­tagne, cette route d’une sauvage beauté ser­pente le long du Kkara Kho­ta et de plusieurs autres lacs. Il est impos­si­ble de s’y crois­er, événe­ment peu prob­a­ble d’ailleurs. Mario et sa famille vivent à 4 775 mètres d’une mai­gre agri­cul­ture et d’un éle­vage abon­dant. Avec leurs cent lamas et autant de mou­tons, ce sont des paysans aisés. S’ils ont l’usufruit de toute la val­lée, la terre en revanche ne leur appar­tient pas : une nuance de poids dans un pays minier dont le sous-sol est extrême­ment riche. Leur vie rude n’a terni ni leur sourire ni leur hos­pi­tal­ité. Leur foi catholique fait bon ménage avec les divinités incas qu’ils révèrent, en par­ti­c­uli­er Pachama­ma, la déesse-mère. La médecine tra­di­tion­nelle du Kol­la­suyo (région de peu­ple­ment aymara), qui intè­gre magie et phy­tothérapie, retient seule leur con­fi­ance. Mario est un mon­tag­nard éton­nant. Il faut voir ce petit homme bur­iné courir après ses lamas ou franchir plusieurs cols en une demi-journée ! Dix jours durant, il partagera avec plaisir notre nour­ri­t­ure mais lui préfère ses pro­pres pommes de terre, bouil­lies sur un feu d’ar­bustes : tuber­cules ter­reux au goût de cendre…

L’approche

Deux étapes con­duisent au Leche Kho­ta ou ” étang de lait “, dont les berges marécageuses abri­tent un rongeur de l’Alti­plano, la vis­cacha, et des myr­i­ades d’oiseaux qui se lais­sent approcher sans crainte. Cet étang per­ché à 4 500 mètres doit sa couleur d’émer­aude lai­teuse aux glac­i­ers du Chacha­co­mani. Il s’avér­era un excel­lent emplace­ment de camp de base.

Ascension en Cordillère royale
Ascen­sion en Cordil­lère royale © VINCENT GINABAT

Au-delà du Leche Kho­ta, nous suiv­ons la moraine puis le glac­i­er qui s’a­van­cent, plein nord, au cœur du mas­sif. L’am­biance est sévère. Les froides parois glaciaires qui nous enser­rent, le gran­ite noir et glis­sant qui perce la neige, le temps qui ne s’améliore pas sont autant de signes d’hos­til­ité. Aver­tis qu’une expédi­tion alle­mande a ren­con­tré ici son des­tin, nous n’étab­lis­sons notre camp d’alti­tude qu’après un exa­m­en atten­tif des lignes de plus grande pente, des séracs sus­pendus et autres cor­nich­es. Con­va­in­cus par un léger replat vers 5 000 mètres, nous y prenons nos quartiers. Mille mètres nous sépar­ent du Chacha­co­mani II, objec­tif du lendemain.

L’ob­scu­rité nous envahit et avec elle, ce sen­ti­ment de soli­tude d’une den­sité presque pal­pa­ble. Une ultime averse de grésil nous a repoussés dans nos tentes. Nos chances de suc­cès sont infimes : une nuit de beau temps, que nous n’e­spérons plus, ne suf­fi­rait pas à trans­former en pro­fondeur le man­teau neigeux lourd et mobile. Dans ces con­di­tions, l’arête ori­en­tale, un moment envis­agée, n’est pas emprunt­able : trop aléa­toire, trop engagée. Les quelques heures de froid intense du petit matin seront mis­es à prof­it pour gravir rapi­de­ment la face sud-est et rejoin­dre la voie nor­male par un couloir redressé.

Assaut et retraite

Jeu­di 14 août : la nuit étoilée ravive l’e­spoir ! Pro­gres­sion rapi­de à tra­vers les péni­tents de glace. Enfin le couloir ; Cyrille Train est en tête. Il s’agite, râle, s’es­souf­fle, nous crie des phras­es volées par le vent. Le mes­sage est clair cepen­dant : c’est de la ” soupe “. Et nous per­dons une heure pré­cieuse à franchir ce petit couloir débon­naire, per­ché vers 5 600 m, dont n’im­porte quel alpin­iste ayant les pieds au chaud vous dira d’un air enten­du qu’il est ” à vach­es “. Voire ! La neige pro­fonde aura eu le dernier mot. Ayant gravi deux pointes ourlées de belles cor­nich­es, nous rebrous­sons chemin. Une bour­rasque de neige nous sur­prend au camp d’alti­tude, évac­ué avec un cer­tain soulage­ment ; et l’in­ter­minable moraine de pier­res noires nous guide jusqu’à Leche Khota.

À notre retour, Mario est heureux de nous faire vis­iter ” sa ” mine d’or. Deux galeries creusées dans un riche filon de quartz vers 5 300 mètres, telle est Mina Nativi­dad. Quelques années plus tôt, soix­ante per­son­nes — hommes, femmes et enfants — bra­vaient quo­ti­di­en­nement le froid et la neige pour extraire à coups de pioche et con­cass­er le pré­cieux min­erai. Pour con­clure, nous allons dévaler à la nuit tombante la piste Amaguaya-Peñas. Val­lées immenses, pentes abruptes, ambiance Le salaire de la peur.

Intermède

Au cœur de l’Alti­plano, à 4 050 mètres d’alti­tude, la ville de Poto­si a dom­iné l’his­toire colo­niale de la Bolivie. Bâtie au pied du Cer­ro Rico, la colline d’ar­gent et d’é­tain, elle fit la for­tune de Charles Quint et de ses suc­cesseurs pen­dant plus de trois siè­cles. Les lin­gots d’ar­gent étaient coulés et lam­inés à la Casa de la Mon­e­da, mas­sive forter­esse rec­tan­gu­laire en pleine ville, d’où les Poto­si frap­pés aux armes impéri­ales irriguaient l’Eu­rope et ser­vaient la grandeur de l’Es­pagne. Du toit du cou­vent San Fran­cis­co, la vue embrasse une mul­ti­tude de clochers baro­ques, par­fois d’in­flu­ence mau­resque, ves­tiges d’un passé glo­rieux. Aujour­d’hui encore, des mil­liers de mineurs fran­chissent nuit et jour quelque 250 entrées de galeries du Cer­ro Rico. Des échoppes dis­pensent le néces­saire du mineur : dyna­mite, cor­dons de mise à feu, lam­pes à car­bu­re, ain­si que des feuilles de coca et de l’al­cool à 95°… pour tenir le choc.

Dynamite en vente libre dans les Andes
Dyna­mite : l’arse­nal du petit chimiste coûte six boli­vianos © VINCENT GINABAT

De 1825 (indépen­dance) à 1935 (guerre du Cha­co) la Bolivie a vu son ter­ri­toire réduit de moitié. Les impor­tantes richess­es naturelles (métaux, pét­role, nitrates, caoutchouc, etc.) ont sus­cité régulière­ment la con­voitise des voisins, tan­dis que la faib­lesse des insti­tu­tions ne per­me­t­tait pas de soutenir un effort de guerre impor­tant. En effet, le pou­voir poli­tique était aux mains d’une oli­garchie puis­sante, qui fondait son assise sur les revenus miniers, et qui priv­ilé­giait l’en­richisse­ment per­son­nel au détri­ment du développe­ment économique et de la sou­veraineté nationale.

Durant cette péri­ode, coups d’É­tat, révo­lu­tions et pro­nun­ci­amien­tos se suc­cé­daient à un rythme effréné. Ni la nation­al­i­sa­tion des mines, ni la réforme agraire, ni les ten­ta­tives de réformes des années 50 n’ont per­mis à la Bolivie de rat­trap­er ses voisins, et la Bolivie est restée le pays le plus pau­vre d’Amérique du Sud.

Mal­gré la crise de l’é­tain, la Bolivie, à l’in­star de ses voisins, con­naît actuelle­ment un développe­ment impor­tant, mais encore frag­ile. Certes le télé­phone cel­lu­laire a fait son appari­tion dans les rues de La Paz, mais la pau­vreté reste omniprésente, et les infra­struc­tures man­quent encore. Privée de façade mar­itime, dému­nie d’in­dus­tries et de moyens de trans­port, la Bolivie compte sur l’ap­port de cap­i­taux étrangers pour ali­menter sa croissance.

À ce titre, les pri­vati­sa­tions récentes présen­tent des traits orig­in­aux : l’É­tat bolivien a décidé de ne céder qu’une par­tie seule­ment des act­ifs des entre­pris­es con­cernées (pri­vati­sa­tion par­tielle) mais a aban­don­né la total­ité des droits de vote pour quelques années. L’ob­jec­tif de cette opéra­tion est d’im­pli­quer les acquéreurs étrangers dans la ges­tion des entre­pris­es nationales, et de les inciter à par­ticiper au développe­ment par l’in­tro­duc­tion de leurs méth­odes de management.

Pour soulign­er le rôle de développe­ment que doivent jouer ces opéra­tions — et peut-être aus­si pour désamorcer les préven­tions des citoyens méfi­ants — les pou­voirs publics ont rem­placé le terme de ” pri­vati­sa­tion ” par celui plus engageant de ” capitalisation “.

Par­al­lèle­ment, une par­tie de l’ar­gent dégagé et des act­ifs con­servés sont venus ali­menter des fonds de pen­sion nou­velle­ment créés. De nom­breux Boliviens âgés ont ain­si décou­vert cette année les joies de la retraite.

La Bolivie a con­nu une année poli­tique­ment mou­ve­men­tée, avec l’élec­tion à la prési­dence de la République du général Hugo Banz­er, ancien dic­ta­teur respon­s­able d’une répres­sion féroce durant les années 70. Chas­sé du pou­voir en 1977 à la suite d’une grève de la faim lancée par les femmes de mineurs et suiv­ie par des mil­liers de per­son­nes, le général Banz­er s’est con­ver­ti à la démoc­ra­tie lors de la tran­si­tion des années 80. Bat­tu aux élec­tions prési­den­tielles de 1993, il a pris sa revanche cette année, mal­gré les appréhen­sions de nom­breux Boliviens qui n’ou­blient pas le passé.

Ses pre­miers mois de gou­verne­ment ont révélé la faib­lesse des alliances sur lesquelles repose sa majorité au par­lement. Ses pre­miers pas sont mar­qués aus­si par le cli­mat de détente sur­venu dans les rela­tions avec le Chili, pre­mière embel­lie depuis la rup­ture des rela­tions diplo­ma­tiques sous la dic­tature de Banz­er… L’en­jeu pour la Bolivie est l’ob­ten­tion d’un accès à la mer, jugé néces­saire au développe­ment économique.

Enfin, sig­nalons que l’an­née 1997 a vu la libéra­tion d’Alain Mesili, guide de haute mon­tagne français, extradé des États-Unis — en vio­la­tion des accords inter­na­tionaux — et empris­on­né sans juge­ment pen­dant trois ans.

Emmanuel Fritsch (90)

Point d’orgue

Sym­bole de la ville de La Paz, l’Il­li­mani domine la Cordil­lère royale de ses 6 438 mètres. Nous en emprun­tons la voie nor­male, ayant renon­cé du fait des con­di­tions nivologiques hasardeuses à un pro­jet plus ambitieux en face est — car les mon­tagnes, comme la lune, entre­ti­en­nent une face cachée pour faire rêver les hommes. Le camp de base, hissé sur les hau­teurs du Rio Pinaya, révèle les vil­lages aux toits de chaume et les champs en ter­rass­es écla­tants de verdeur. Une rude journée le long des moraines fer­rug­ineuses mène au camp d’alti­tude de Nido de Con­dores, un replat bien­venu sur l’éper­on ouest vers 5 500 m. Som­met le lende­main pour toute l’équipe, par grand beau temps. Oserons-nous pré­ten­dre que nous étions accli­matés ? Les enfants du vil­lage d’Un­na se chargèrent de nous ramen­er à l’hu­mil­ité par une par­tie de foot­ball endi­a­blée. La place du vil­lage faisant office de cour de récréa­tion, nous nous y relayâmes, tan­tôt dis­putant le bal­lon dans un con­cert de rires joyeux et de râles asth­ma­tiques, tan­tôt affalés sur nos sacs au bord de la syn­cope. Un match de vol­ley-ball suiv­it et la valeureuse équipe de France, vain­cue par six jeunes Aymaras et 4 000 mètres d’oxygène rare, en fut quitte pour une tournée générale. Gageons qu’au sein de Bolivie 97, cer­tains escomptent fer­me­ment une revanche !

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