Rendre rentable la conversion de la chaleur en électricité

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°751 Janvier 2020
Par Patrick BOUCHARD

Pour répondre aux enjeux de tran­si­tion éner­gé­tique, et plus pré­ci­sé­ment de l’efficacité éner­gé­tique dans l’industrie, HEVATECH a mis au point un nou­veau pro­cé­dé, Tur­bo­sol, un conver­tis­seur inno­vant de cha­leur en élec­tri­ci­té, éco­no­mi­que­ment per­for­mant et aux avan­tages mul­tiples. Le point avec Patrick Bou­chard, Pré­sident d’HEVATECH.

Le sujet de la transition énergétique et plus précisément de l’efficacité énergétique est au cœur des enjeux actuels et des débats. Cependant, on parle assez peu du secteur industriel qui est la cible d’HEVATECH. Pouvez.vous nous en dire plus sur les enjeux ?

Il est aujourd’hui évident pour tous qu’il existe de forts enjeux cli­ma­tiques et éco­no­miques sur­la­tran­si­tion et l’efficacité énergétique.Pour fixer les ordres de gran­deurs, les études faites par le Law­rence Liver­more Labo­ra­to­ry démontrent que plus de 50 % des consom­ma­tions éner­gé­tiques (éner­gies fos­siles, renou­ve­lables, nucléaires…) sont gas­pillées sous forme de cha­leur. Un impact éco­no­mique et éco­lo­gique consi­dé­rable. Si les médias se foca­lisent essen­tiel­le­ment sur les pro­blé­ma­tiques d’efficacité éner­gé­tique dans les trans­ports et l’habitat, l’industrie repré­sente éga­le­ment un enjeu majeur de l’ordre de 30 % des pertes au niveau mon­dial. D’après les études de l’ADEME, l’industrie fran­çaise consomme de l’ordre de 315 TWh, soit un quart de l’énergie totale consom­mée. L’ADEME chiffre ain­siun gise­ment­va­lo­ri­sable dans l’industrie de 51 TWh. HEVATECH se posi­tionne pré­ci­sé­ment sur les pro­cé­dés tech­no­lo­giques et les pro­duits de valo­ri­sa­tion de la cha­leur per­due dans l’industrie. Après s’être inté­res­sé au sto­ckage de la cha­leur, HEVATECH est aujourd’hui foca­li­sée sur la conver­sion de cette cha­leur en élec­tri­ci­té pour une auto­con­som­ma­tion par le client ou une réin­jec­tion sur le réseau élec­trique. L’impact éco­no­mique est une réduc­tion de la fac­ture élec­trique payée par le client. L’impact éco­lo­gique cor­res­pond au conte­nu car­bone de l’électricité éco­no­mi­sée. Soit à titre d’illustration et pour un sys­tème TURBOSOL de 200 kWe pen­dant sa durée de vie, un gain de l’ordre de 16 000 t CO2eq ou l’équivalent de l’émission d’une flotte de véhi­cules sur 100 mil­lions de km !

Dans ce contexte, comment se positionne HEVATECH et avec quels avantages concurrentiels ?

Depuis sa créa­tion, HEVATECH se posi­tionne sur la valo­ri­sa­tion de la cha­leur, qu’il s’agisse de sa cap­ta­tion, de son sto­ckage ou de sa conver­sion. Après avoir déve­lop­pé des solu­tions de sto­ckage de la cha­leur par maté­riaux à chan­ge­ment de phase et par ther­mo­chi­mie, nous sommes aujourd’hui foca­li­sés sur la conver­sion de la cha­leur fatale ou per­due en élec­tri­ci­té par un pro­cé­dé ori­gi­nal. En effet, mal­gré l’importance de ce gise­ment et la néces­si­té éco­no­mique et éco­lo­gique de valo­ri­ser cette cha­leur en élec­tri­ci­té, il y a très peu de réa­li­sa­tions concrètes dans le monde indus­triel. Le frein à la mise en place des tech­no­lo­gies exis­tantes est essen­tiel­le­ment éco­no­mique. Les solu­tions basées sur les Cycles orga­niques de Ran­kine (ORC) offrent des temps de retour sur inves­tis­se­ment sou­vent trop longs par rap­port aux exi­gences indus­trielles. Afin de lever cet obs­tacle, HEVATECH innove sur le pro­cé­dé et les tech­no­lo­gies pour pro­po­ser un sys­tème simple d’emploi, robuste et pré­sen­tant des temps de retour sur inves­tis­se­ment accep­tables pour les clients, typi­que­ment de 2 à 5 ans sui­vant les confi­gu­ra­tions à com­pa­rer à des temps de retour de 5 à 10 ans pour les solu­tions concurrentes.

Vous vous basez sur un procédé innovant pour convertir la chaleur en électricité. Qu’en est-il ? Quels sont les apports de Turbosol dans ce cadre ?

Tur­bo­sol est un pro­cé­dé ori­gi­nal qui per­met de cap­ter la cha­leur per­due ou fatale dans les fumées d’usine ou dans les échap­pe­ments de moteurs avec deux fluides :

  • Un fluide calo­por­teur qui va récu­pé­rer les hautes tem­pé­ra­tures (huile végétale) ;
  • Un fluide ther­mo­dy­na­mique pour les tem­pé­ra­tures inter­mé­diaires (eau) ;

Cette asso­cia­tion de deux fluides per­met d’épuiser au maxi­mum la source de cha­leur tout en res­pec­tant les contraintes du pro­cé­dé du client. Les fluides vont alors être mélan­gés pour créer un fluide dipha­sique (micro­gout­te­lettes d’huile et vapeur d’eau). La détente qua­si-iso­therme de la vapeur d’eau dans une tuyère va pro­vo­quer une forte accé­lé­ra­tion du mélange en entraî­nant les gout­te­lettes d’huile à haute vitesse. Nous avons donc trans­for­mé l’énergie ther­mique et de pres­sion en éner­gie ciné­tique por­tée par l’huile. Le jet dipha­sique va alors impac­ter une tur­bine à action de type Pel­ton connue pour sa robus­tesse et ses bonnes per­for­mances. Cela per­met d’avoir une tur­bine qui va tour­ner à très basse vitesse (1 500 tr/mn) alors que les tur­bines des tech­no­lo­gies concur­rentes tournent au moins 10 fois plus vite. Reste à sépa­rer la vapeur d’eau de l’huile, à conden­ser la vapeur d’eau et à bou­cler les circuits.

Les avan­tages sont multiples :

  • Faibles coûts d’investissement et de main­te­nance, per­met­tant un temps de retour sur inves­tis­se­ment divi­sé par 2 com­pa­ré aux solu­tions direc­te­ment concurrentes ;
  • Machine simple, robuste, non bruyante et facile à implan­ter et à opérer(petit dia­mètre, basse vitesse de rotation) ;
  • Fonc­tion­ne­ment sécu­ri­sant à très faible pres­sion (capa­ci­té et tur­bine à pres­sion atmo­sphé­rique, cir­cuits à 10 bars) et res­pec­tueux de l’environnement (pas de fluide organique) ;
  • Sim­pli­ci­té régle­men­taire et res­pect des normes envi­ron­ne­men­tales (pas d’autorisation ICPE). • Flexi­bi­li­té (diver­si­té des sources de cha­leurs) et modu­la­ri­té (plu­sieurs jets sur une même turbine) ;
  • Opti­mi­sa­tion de la cha­leur cap­tée grâce aux deux fluides ;
  • Source « froide » per­met­tant la conden­sa­tion de la vapeur d’eau à pres­sion atmo­sphé­rique pou­vant atteindre 90 °C et per­met­tant ain­si une valo­ri­sa­tion com­plé­men­taire par cogé­né­ra­tion (réseau de cha­leur, ECS).

La solu­tion TURBOSOL est adap­tée aux cha­leurs supé­rieures à 300 °C et aux puis­sances inter­mé­diaires (20kWe – 500 kWe) et adresse les mar­chés de l’incinération de déchets, de la trans­for­ma­tion de matière dans l’industrie (ver­re­rie, céra­miste, cimen­te­rie, sidé­rur­gie…) et des groupes élec­tro­gènes de puis­sance fonc­tion­nant en base.

HEVATECH est une start-up qui a déjà quelques années d’expérience. Quels sont son parcours et sa réalité aujourd’hui ? Comment voyez-vous son avenir ?

À sa créa­tion en 2010, HEVATECH avait pour cible le sto­ckage de la cha­leur par des maté­riaux à chan­ge­ment de phases et par ther­mo­chi­mie. Mal­gré tout l’intérêt de cette pro­blé­ma­tique et des solu­tions déve­lop­pées, il n’y a pas de busi­ness modèle satis­fai­sant à ce jour. Nous avons donc été ame­nés en 2014 à nous foca­li­ser sur la conver­sion de la cha­leur en élec­tri­ci­té qui sera auto­con­som­mée. L’impact éco­no­mique est direct sur la fac­ture éner­gé­tique du client. Actuel­le­ment, nous sommes en phase de démons­tra­tion de l’intérêt de notre dis­po­si­tif et de sa faci­li­té de mise en œuvre sur les mar­chés visés et nouons des par­te­na­riats avec des acteurs struc­tu­rants pour accé­lé­rer notre déve­lop­pe­ment com­mer­cial, notam­ment à l’export.

Quels sont vos actualités, enjeux et perspectives ?

Nous sommes dans la phase pas­sion­nante de trans­for­ma­tion d’une start-up tech­no­lo­gique en une socié­té indus­trielle ren­table et en forte crois­sance, avec des enjeux majeurs :

  • Avoir les moyens de nos ambi­tions grâce à une aug­men­ta­tion de capi­tal par­tiel­le­ment réa­li­sée et qui reste ouverte à de nou­veaux investisseurs ;
  • Opti­mi­ser et démon­trer l’intérêt de notre pro­cé­dé sur les mar­chés visés ;
  • Indus­tria­li­ser notre gamme de pro­duits et déve­lop­per notre chiffre d’affaires dès mi 2020 ;
  • Nouer les par­te­na­riats tech­niques, de pro­jets et com­mer­ciaux pour conso­li­der notre éco­sys­tème de développement ;
  • Et pour atteindre ces objec­tifs, atti­rer et inté­grer de nou­veaux talents…

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