Régions 2000

Dossier : Les collectivités localesMagazine N°543 Mars 1999
Par Jean-Pierre RAFFARIN

I. Notre bilan : les cinq batailles gagnées

Cette réus­site doit se mesur­er d’un triple point de vue : celui du citoyen, celui de l’usager et celui du contribuable.

L’institution régionale est connue et reconnue

Les enquêtes d’opin­ion menées par l’Ob­ser­va­toire inter­ré­gion­al du poli­tique (OIP) mon­trent que la vis­i­bil­ité et la crédi­bil­ité de l’in­sti­tu­tion régionale se sont ren­for­cées depuis six ans. Plus des deux tiers des Français pensent que le Con­seil région­al est por­teur d’un pro­jet de développe­ment pour sa Région et près de 60 % d’en­tre eux souhait­ent un “développe­ment du pou­voir régional”.

L’in­sti­tu­tion régionale a gag­né la bataille de la légitim­ité.

L’identité régionale est devenue facteur d’optimisme et source d’enrichissement

Si les Régions ont si rapi­de­ment trou­vé cette réso­nance auprès des citoyens, c’est aus­si parce que les iden­tités locales et régionales avaient résisté au “rabot cen­tral­isa­teur”. L’u­nité nationale a longtemps été conçue comme exclu­sive de la diver­sité ressen­tie comme une sur­vivance dépassée ou comme une men­ace. Aujour­d’hui nous sommes dans une autre per­spec­tive. Le ter­ri­toire se vit en même temps à plusieurs échelles. Nous avons le priv­ilège par rap­port aux généra­tions précé­dentes d’être en somme dis­pen­sés de choisir entre l’i­den­tité nationale et l’i­den­tité régionale et c’est une richesse de pou­voir con­cili­er les deux. Une forte majorité de nos citoyens a (aus­si) un petit dra­peau région­al au fond de son cœur puisque 85 % des Français sont “attachés ou très attachés à leur Région” (source OIP).

Les ter­ri­toires régionaux ont pris vie et gag­né en cohérence, y com­pris dans les espaces les moins mar­qués par l’His­toire. Le niveau région­al appa­raît de plus en plus comme le bon niveau de prise de con­science de notre dou­ble dimen­sion : des racines accrochées au ter­roir, fac­teur de ras­sur­ance et un hori­zon de plus en plus large.

Les Régions ont gag­né la bataille de la confiance.

Les Régions ont bien préparé l’avenir de leur jeunesse

Les lois de décen­tral­i­sa­tion ont con­fié aux Régions une série de com­pé­tences dont l’u­nité n’ap­pa­raît pas à la pre­mière lec­ture. Il y a cepen­dant un domaine de cohérence qui émerge, c’est celui con­cer­nant les jeunes.

À tra­vers leurs actions pour la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle et l’ap­pren­tis­sage, leurs oblig­a­tions de con­stru­ire, de rénover et d’en­tretenir les lycées, leur impli­ca­tion dans le pro­gramme “Uni­ver­sité 2000” et selon les Régions un nom­bre crois­sant d’ini­tia­tives en amont, en aval et à côté du cur­sus de for­ma­tion, les Con­seils régionaux auront par leurs déci­sions large­ment con­tribué à façon­ner le paysage édu­catif des années 1990. La Cour des comptes, dans un rap­port remis en 1995, a don­né une “appré­ci­a­tion favor­able” à l’énorme tra­vail réal­isé pour remet­tre à niveau un pat­ri­moine en paupéri­sa­tion croissante.

Ils ont su, dans un délai rapi­de, apporter des répons­es effi­caces et ont mieux réus­si que l’É­tat n’au­rait pu le faire, bilan qui est large­ment partagé par la com­mu­nauté éduca­tive elle-même.

Les Régions ont gag­né la bataille de l’ac­tion dans leurs com­pé­tences éducatives.

Les Régions sont un bon niveau pour “voir clair et agir ensemble”

Face à un dis­posi­tif juridique qui n’a pas claire­ment dis­tribué les tâch­es entre les dif­férentes col­lec­tiv­ités publiques, la seule réponse pos­si­ble et souhaitable est de rechercher les com­plé­men­tar­ités et les coopéra­tions dans le parte­nar­i­at. C’est d’au­tant plus néces­saire que la décen­tral­i­sa­tion a libéré les ini­tia­tives et don­né des marges de manœu­vre aux acteurs locaux. Le dynamisme est partout et c’est une chance pour notre développe­ment et notre démocratie.

Les Régions sont le bon niveau pour rassem­bler les éner­gies, pour mobilis­er les parte­naires, pour “pass­er con­trat”. “Ni trop petites pour les grands prob­lèmes, ni trop grandes pour les petits prob­lèmes”, elles offrent un cadre adap­té pour les actions publiques néces­si­tant à la fois la con­nais­sance du ter­rain et une vision plus large :

  • avec le “supraré­gion­al” (l’Eu­rope ou l’É­tat), les Fonds struc­turels ou les Con­trats de Plan État-Région ont non seule­ment injec­té des ressources dans les ter­ri­toires régionaux mais ils les ont mis en réseau et ouvert sur des espaces plus larges ;
  • avec “l’in­fraré­gion­al” et notam­ment les départe­ments, les pays et les villes, les con­trats de ter­ri­toires ou de développe­ment local mis en œuvre par la qua­si-total­ité des Con­seils régionaux ont créé une dynamique nouvelle.


Europe, État, Région, départe­ments, villes-pays : cette chaîne de la sol­i­dar­ité s’est ren­for­cée ces dernières années grâce au rôle piv­ot de la Région, col­lec­tiv­ité de mis­sion plus que d’ad­min­is­tra­tion, agis­sant dans un espace per­ti­nent pour per­me­t­tre les syn­er­gies, résis­ter aux pres­sions de prox­im­ité et favoris­er la ren­con­tre des partenaires.

Les Régions ont gag­né la bataille des con­trats et de la stratégie.

Les Régions ont maîtrisé leur gestion

La mon­tée en puis­sance des Régions devait, à écouter cer­tains Cas­san­dre, se sol­der par une dérive des coûts de fonc­tion­nement, un endet­te­ment exces­sif et une pres­sion fis­cale démesurée. Ces pré­dic­tions se sont avérées inex­actes : il n’y a pas eu, dans l’ensem­ble, dérive des bud­gets régionaux. Les dépens­es de per­son­nel représen­tent 6 % des dépens­es totales de fonc­tion­nement, la charge sup­port­ée par le con­tribuable pour sa Région pèse 8 % en moyenne du total fis­cal des col­lec­tiv­ités locales et le désendet­te­ment est bien engagé dans la qua­si-total­ité des cas.

L’au­dit des finances publiques réal­isé à la demande du gou­verne­ment de M. Jospin a d’ailleurs con­fir­mé la bonne ges­tion finan­cière des Régions. Les modal­ités retenues pour la mise en œuvre du Plan pour l’emploi des jeunes sont une illus­tra­tion de la pente naturelle de l’É­tat à tir­er prof­it de la bonne ges­tion régionale pour “tax­er” les Con­seils régionaux afin de financer les pro­jets nationaux.

Les Régions ont gag­né la bataille de la ges­tion et du sérieux.

II. Notre ambition : les trois bonnes réponses régionales

David contre Goliath

Les Régions sont encore jeunes. C’est un atout excep­tion­nel. Mais les prochaines années seront décisives :

  • soit les Régions se bureau­cra­tis­eront, gon­flant leur admin­is­tra­tion, alour­dis­sant leur mode d’in­ter­ven­tion, cher­chant à vouloir tout faire. C’est le scé­nario “Goliath” ;
  • soit elles sauront rester fidèles à leur esprit et leur style : cen­trées sur des enjeux-clés, mobiles et réac­tives, “admin­is­tra­teurs” de leurs ter­ri­toires plutôt que ges­tion­naires de leur admin­is­tra­tion. C’est le scé­nario “David”.

Notre volon­té repose sur une dou­ble conviction :

  • libérale : con­tre l’e­sprit de féo­dal­ité, virus mor­tel pour la décen­tral­i­sa­tion, con­tre l’e­sprit de dom­i­na­tion qui empêche les ini­tia­tives d’é­clore, con­tre l’e­sprit bureau­cra­tique qui inhibe les projets ;
  • human­iste pour fonder “l’œu­vre com­mune” seule rai­son d’être des com­pé­tences con­fiées, pour dévelop­per les sol­i­dar­ités au sein de la com­mu­nauté régionale, pour met­tre la volon­té poli­tique au ser­vice de la Cité-Région.


Cette atti­tude, cette morale pour l’ac­tion sup­pose une rela­tion claire avec l’É­tat. Ses rap­ports avec les col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales sont trop sou­vent ressen­tis à tra­vers la focale de la con­fronta­tion comme si ces dernières ne pou­vaient pro­gress­er qu’au détri­ment de l’É­tat. Là n’est pas la bonne voie pour le citoyen et pour le pays qui exi­gent l’ac­com­plisse­ment de l’œu­vre publique par tous les respon­s­ables publics quels qu’ils soient. Ce résul­tat ne peut provenir que de l’ef­fi­cac­ité col­lec­tive des acteurs. C’est dans ce jeu à somme pos­i­tive que nous voulons inté­gr­er la dynamique des Régions.

Cette ori­en­ta­tion n’est pos­si­ble que si l’É­tat affirme et surtout assume ses pro­pres ori­en­ta­tions et respon­s­abil­ités. Il ne peut se débar­rass­er à bon compte des charges qui lui incombent. Il ne peut, sous cou­vert de parte­nar­i­at, provo­quer des actions en cofi­nance­ment pour s’en retir­er peu à peu en lais­sant le parte­naire en posi­tion déli­cate et les béné­fi­ci­aires en sit­u­a­tion impos­si­ble. Il ne peut à tra­vers cer­taines méth­odes, comme le Con­trat de Plan, repren­dre d’une main ce qu’il a décen­tral­isé de l’autre. Enfin, il ne peut aban­don­ner sa fonc­tion de garant de la sol­i­dar­ité nationale, car sans cor­rec­tif, la décen­tral­i­sa­tion laisse les pau­vres à leur pau­vreté et les rich­es à leurs richesses.

Un pacte est plus que jamais néces­saire pour don­ner un fonde­ment éthique à la régionalisation.

Pour définir cette vision d’avenir, il faut repar­tir d’une idée sim­ple : quels sont les prob­lèmes de société aux­quels la Région peut apporter une “bonne réponse” ? Tout le débat autour de la “lis­i­bil­ité” tourne autour de cette ques­tion-clé. Le ren­force­ment du lien entre le citoyen et l’in­sti­tu­tion régionale passe par un pro­jet poli­tique définis­sant ce qu’on peut claire­ment atten­dre d’elle, non pas de manière exclu­sive mais de manière privilégiée.

“Région, la bonne réponse”

Forts de l’ex­péri­ence, nous con­sid­érons que les Régions peu­vent être “une bonne réponse” pour apporter leur active et effi­cace con­tri­bu­tion aux défis qui sont posés aux trois niveaux de nos appar­te­nances ter­ri­to­ri­ales : l’Eu­rope, le Pays, le bassin de vie.

La Région, bonne réponse pour un meilleur équilibre Paris-Province

La Province, à l’im­age “gen­ti­ment rus­tique ou franche­ment retar­dataire”, a per­du ses com­plex­es avec l’émer­gence régionale. La France doit aux Régions un nou­veau rap­port de force entre Paris et Province. Tout ne vient plus d’en haut. L’élan a été don­né, il faut le ren­forcer pour lut­ter con­tre les iné­gal­ités ter­ri­to­ri­ales qui con­cen­trent dans trois ou qua­tre arrondisse­ments et une trentaine d’im­meubles de bureaux le pou­voir et la richesse. Notre pays étouf­fera si l’on ne donne pas à l’ensem­ble de son ter­ri­toire les moyens de respir­er. Il en va de la crédi­bil­ité du dis­cours poli­tique tout entier. Pour être à nou­veau enten­du, il doit être plus nation­al et moins parisien.

Com­ment ?

  • En don­nant la parole aux Régions dans les grands choix nationaux de l’amé­nage­ment du ter­ri­toire autrement que par des procé­dures ressen­ties surtout comme paperas­sières (exem­ple : le sché­ma région­al). Aus­si chaque année au moment de l’élab­o­ra­tion de la loi de finances devrait être organ­isée une con­férence nationale État-Régions. C’est un exem­ple par­mi d’autres du dia­logue à instaurer.
  • En ren­forçant la parole de l’É­tat dans les Régions grâce au Préfet à qui il faut don­ner des délé­ga­tions nou­velles et à son état-major (le SGAR) à qui il faut don­ner des moyens sup­plé­men­taires. Ren­forcer la parole de l’É­tat, c’est aus­si et en pre­mier lieu la respecter et garan­tir son exécution.
  • En dévelop­pant une réelle “con­science géo­graphique” au Gou­verne­ment et dans les Min­istères. Le verbe ne fait pas l’ac­tion ; au-delà des grandes ambi­tions proclamées, l’on est sou­vent sur­pris et déçu de la mod­estie des mis­es en pra­tique. L’im­pact géo­graphique des grandes déci­sions n’est pas suff­isam­ment pris en compte en amont et les organ­ismes nationaux qui ont la charge des ques­tions ter­ri­to­ri­ales (comme la DATAR) ont une grosse tête… à Paris et des petits mem­bres en Province.
  • En inver­sant le mou­ve­ment de con­cen­tra­tion de la matière grise. De toutes les com­pé­tences qui pour­raient être trans­férées aux Régions, celles qui don­neraient un souf­fle nou­veau de vital­ité, de créa­tiv­ité, d’in­no­va­tion sont à met­tre en toute pre­mière pri­or­ité. La meilleure décen­tral­i­sa­tion, c’est celle de l’in­tel­li­gence dev­enue la matière pre­mière du développement.
    Con­traire­ment à cer­taines craintes, le trans­fert de la com­pé­tence “lycées” a con­tribué à réduire les écarts entre Régions en matière de sco­lar­i­sa­tion ou de résul­tats aux exa­m­ens. Para­doxale­ment, ce sont les dynamiques locales qui ont per­mis de restau­r­er une cer­taine unité et homogénéité de l’é­d­u­ca­tion… nationale. Le mou­ve­ment de trans­fert doit être éten­du à l’en­seigne­ment supérieur et à la recherche pour mieux les inté­gr­er à la vie locale sans nuire à leur ouver­ture et à leur universalité.
  • En don­nant aux Régions de nou­velles lib­ertés et de nou­veaux moyens pour le développe­ment économique.


Il ne faut pas se faire d’il­lu­sion quant à l’im­pact économique de l’amé­nage­ment du ter­ri­toire. Il déplace des richess­es, il ne les crée pas. La seule réponse à la crise, c’est le sou­tien aux ini­tia­tives et par­ti­c­ulière­ment aux ini­tia­tives des “Pépites” (Petites entre­pris­es per­son­nelles, indus­trielles et ter­ti­aires). La loi a créé les Comités régionaux du tourisme qui per­me­t­tent aux Régions d’im­pulser et de coor­don­ner une poli­tique régionale dans ce domaine. Elles n’ont pas cette capac­ité de mobil­i­sa­tion en faveur des PME, à défaut d’un out­il du type CRT, per­me­t­tant d’as­soci­er dans une struc­ture indépen­dante, les autres acteurs poli­tiques et les milieux privés, notam­ment financiers, de dévelop­per des pro­grammes globaux et cohérents dans telle ou telle fil­ière, de favoris­er l’in­ser­tion économique des jeunes for­més grâce aux moyens régionaux… La région­al­i­sa­tion d’une par­tie des aides à l’emploi ren­forcerait égale­ment cette dynamique de proximité.

La Région, bonne réponse pour accompagner le changement social

La Région doit se situer dans les courants nou­veaux qui por­tent la vie.

• Le pre­mier de ces courants aujour­d’hui, c’est celui de la proximité.

Le Futuroscope
© FUTUROSCPE DE POITIERS

C’est à par­tir des ter­ri­toires qu’il faut recom­pos­er l’ac­tion publique. Il faut le faire en pri­or­ité dans les domaines où elle est en crise, c’est-à-dire ceux qui con­cer­nent le lien social.

Pro­grès économique et pro­grès social ne se con­juguent plus de manière aus­si “automa­tique” que durant les trente glo­rieuses. Con­cili­er la logique de com­péti­tiv­ité et la logique de cohé­sion, c’est-à-dire la logique de la force et la logique de l’équili­bre ne va plus de soi. Cette ques­tion est au cœur de l’ac­tion poli­tique et admin­is­tra­tive. L’É­tat, en s’ob­sti­nant à garder le pilotage direct d’opéra­tions détail­lées, se prive des com­posantes dynamiques de la société civile. Pour­tant il s’ag­it de génér­er une “nou­velle dynamique de respon­s­abil­ité” asso­ciant tous les acteurs de l’emploi, dont cha­cun a un élé­ment de réponse, et qui col­lec­tive­ment doivent s’engager.

Les phénomènes de l’emploi, de l’ex­clu­sion sont trop com­plex­es pour être maîtrisés à par­tir du seul niveau nation­al. Il y a urgence à inve­stir tous les espaces de prox­im­ité où peut s’en­gager le dia­logue et s’in­ven­ter un pro­jet col­lec­tif. La géo­gra­phie peut créer cette dynamique car “le social vient d’en bas”. Le local sim­pli­fie, mobilise, rap­proche. Il donne un sens et un lien, à con­di­tion qu’il ne soit pas fer­mé sur lui-même. “Penser glob­ale­ment, agir locale­ment” selon le slo­gan anglo-sax­on mais aus­si “penser locale­ment, agir glob­ale­ment”, en décloi­son­nant au plus près des acteurs et des per­son­nes l’ac­tion administrative.

La loi Giraud a con­fié aux Régions de nou­velles respon­s­abil­ités en faveur des jeunes en dif­fi­culté d’in­ser­tion. Elle l’a fait dans une logique con­tractuelle. Nous deman­dons qu’une nou­velle étape soit franchie avec le pub­lic adulte. Il ne s’ag­it pas d’en­lever aux admin­is­tra­tions d’É­tat ce qui serait con­fié à l’ad­min­is­tra­tion régionale, mais d’in­ven­ter dans chaque ter­ri­toire région­al un nou­veau parte­nar­i­at con­stru­it sous l’im­pul­sion de la Région avec l’ensem­ble des acteurs.

• Un autre courant mod­erne, c’est celui de la diversité.

Il faut rompre avec le principe de l’u­ni­for­mité admin­is­tra­tive. Le con­stat selon lequel “l’on ne gou­verne bien que de loin, l’on n’ad­min­istre bien que de près” n’a jamais été aus­si vrai. L’heure n’est plus au “prêt-à-porter” admin­is­tratif reposant sur la repro­duc­tion à l’i­den­tique de dis­posi­tifs conçus au niveau cen­tral mais au con­traire au “sur mesure”.

Notre droit pub­lic reste trop exclu­sive­ment imprégné du culte de l’é­gal­i­tarisme et du refus du droit à la dif­férence qui remon­tent au temps des Jacobins ! Dans une économie-monde, dans une société ouverte, il faut appren­dre à com­bin­er unité et diver­sité. Le récent dis­cours du prési­dent de la République à Rennes a ouvert cette voie.

Trois évo­lu­tions s’imposent :

- le droit à l’ex­péri­men­ta­tion Il a été recon­nu, il faut le dévelop­per à par­tir d’un cadre général et en fonc­tion des sit­u­a­tions régionales. Les prochains Con­trats de Plan pour­raient fournir l’op­por­tu­nité de nou­velles expérimentations ;
- la recon­nais­sance des “dis­crim­i­na­tions pos­i­tives” pra­tiquées dans les pays anglo-sax­ons, notam­ment dans le domaine fis­cal. Le mono­lithisme en niant les dis­par­ités de sit­u­a­tions est inégalitaire ;
- le refus de l’in­fla­tion des normes régle­men­taires qui au-delà d’un cer­tain seuil doré­na­vant franchi ont l’ef­fet inverse de celui atten­du en paralysant l’ac­tion et en entraî­nant des sur­coûts non justifiés.

• Enfin, un troisième courant mod­erne con­cerne la capac­ité d’é­coute de nos organ­i­sa­tions et son corol­laire la citoyenneté.

Mieux for­més, mieux infor­més, les citoyens veu­lent par­ticiper davan­tage aux choix qui les con­cer­nent. Ils expri­ment l’im­périeux besoin d’une organ­i­sa­tion poli­tique, admin­is­tra­tive, sociale, plus ouverte, plus con­viviale, qui encour­age les ini­tia­tives et non l’inverse.

Le niveau région­al est un for­mi­da­ble atout pour pren­dre en compte cette aspi­ra­tion pour une nou­velle citoyen­neté. Il l’a démon­tré en ren­dant pos­si­ble des réformes blo­quées au niveau national.

Ain­si pour l’en­seigne­ment privé, les Régions ont apporté la preuve que ce sujet “impos­si­ble”, brûlot con­stant de la vie poli­tique française, pour­rait être traité en cher­chant des solu­tions à la base. Les Régions ont fait la paix scolaire.

La décen­tral­i­sa­tion, et sin­gulière­ment la région­al­i­sa­tion en prenant en compte l’ex­i­gence de par­tic­i­pa­tion, peut réc­on­cili­er le citoyen avec l’ac­tion publique et l’éloign­er des ten­ta­tions protes­tataires. Car l’ini­tia­tive locale est une addi­tion et non une sous­trac­tion à l’u­nité nationale. Les avancées à faire doivent se fonder sur deux orientations.

• Con­solid­er le fonde­ment poli­tique du Con­seil régional

En 1986, les Régions ont d’une cer­taine manière man­qué “le bap­tême des urnes” car les élec­tions ont été reléguées au sec­ond plan par les élec­tions lég­isla­tives déci­sives qui ont occulté l’en­jeu région­al. En 1992, la poli­ti­sa­tion du ren­dez-vous a priv­ilégié le ter­rain nation­al. En 1998, l’élec­tion des Prési­dents a can­ni­bal­isé les débats régionaux.

La réforme du scrutin est une ardente oblig­a­tion. La loi récente, votée la veille de Noël, devra être revue car elle est trop mar­quée par l’in­térêt par­ti­san de ses auteurs. Avec cette loi, face à la ques­tion du Front nation­al, le Gou­verne­ment Jospin a man­qué de sincérité.

Qui autant que les Régions est à l’é­coute du pays réel et béné­fi­cie d’une représen­ta­tion aus­si fidèle des courants d’opin­ion et des sen­si­bil­ités d’opin­ion ? Mais cette valeur ajoutée poli­tique ne doit pas ren­dre le sys­tème ingouvernable…

La “con­sol­i­da­tion” poli­tique du Con­seil région­al impose égale­ment que son “patron”, le prési­dent du Con­seil région­al, ne puisse cumuler son man­dat avec une autre respon­s­abil­ité exéc­u­tive. Peut-être faut-il même envis­ager que le numéro 1 région­al tire sa légitim­ité directe­ment du ren­dez-vous électoral…

• Mailler dans la Région la démoc­ra­tie poli­tique et la démoc­ra­tie sociale

Les trente glo­rieuses ont priv­ilégié le dia­logue social autour de l’en­tre­prise, avec les accords col­lec­tifs inter­pro­fes­sion­nels nationaux, par branch­es nationales et par entre­prise. Cette organ­i­sa­tion se jus­ti­fie dans une économie tirée par les grandes entre­pris­es indus­trielles. Mais aujour­d’hui, elle doit être com­plétée pour pren­dre en compte une qua­trième dimen­sion : celle des Pépites, des PME et du territoire.

L’ex­is­tence, tout à fait orig­i­nale, d’un Con­seil économique et social placé auprès du Con­seil région­al est un atout pour ce dia­logue par et dans le ter­ri­toire. Mais out­re sa fonc­tion de con­seil, le CESR doit jouer un rôle plus act­if de “parte­naire des parte­naires sociaux”.

La Région, bonne réponse à l’ouverture européenne

La France est con­fron­tée pour la pre­mière fois de son his­toire à cette ques­tion : com­ment organ­is­er son archi­tec­ture ter­ri­to­ri­ale interne pour mieux l’in­sér­er dans le sys­tème européen ?

Désor­mais nous ne nous organ­isons, non plus seule­ment pour nous-mêmes, mais aus­si pour nous-mêmes au sein des autres. Il ne s’ag­it absol­u­ment pas de dimin­uer le poids de l’É­tat : sans États forts, il n’y a pas d’Eu­rope forte, mais de con­sid­ér­er que les Régions sont une chance pour l’Eu­rope et l’Eu­rope une chance pour les Régions car l’Eu­rope prof­it­era à ceux qui auront aidé à la construire.

Pour l’avenir, trois ren­dez-vous vont compter :

  • celui de la redéf­i­ni­tion des enveloppes finan­cières con­sacrées aux Régions. Les aides pour­raient être réduites de près de 25 %, ce qui pénalis­erait en pre­mier lieu les Régions rurales. Le Gou­verne­ment doit faire enten­dre la voix des ter­ri­toires à Brux­elles et ne pas céder à tel ou tel marchandage ;
  • après la bataille — gag­née — des finance­ments, les Régions devront gag­n­er la bataille des pro­jets pour l’après 2000. Cela implique qu’elles se rap­prochent d’autres Régions français­es et européennes dans le cadre de grands ensem­bles inter­ré­gionaux et transna­tionaux qui leur offrent de nou­veaux caps de développement ;
  • enfin et surtout, il fau­dra ren­forcer les pro­grammes d’échanges entre les jeunes d’Eu­rope. Grâce aux Régions et à l’Eu­rope, nos ado­les­cents peu­vent se frot­ter au monde. Dans les prochaines années, chaque jeune devra béné­fici­er d’un “droit de vis­ite” dans le cadre d’un pro­jet édu­catif, cul­turel ou économique.

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