L’éducation, la culture

Dossier : Les collectivités localesMagazine N°543 Mars 1999
Par Jean CALLEWAERT (67)

I. La formation

Se for­mer n’est pas commode.
Se réfor­mer encore moins.

J. Coc­teau

Si l’on prend l’exemple de la for­ma­tion, il faut tout de suite noter que la loi n’a trans­fé­ré qu’une par­tie (et même une faible par­tie) des com­pé­tences ; pour sim­pli­fier : les murs pour les lycées, les jeunes deman­deurs d’emploi pour la for­ma­tion conti­nue. Mais, et c’est ce que je vais m’ef­for­cer de démon­trer sur l’exemple de la Région Basse-Nor­man­die, ceci a suf­fi pour que les régions s’af­firment à cette occa­sion et trans­forment assez sen­si­ble­ment le pay­sage éducatif.

Hos­ti­li­tés ou réserves sur le trans­fert par l’É­tat des lycées aux régions ont lais­sé rapi­de­ment place à une satis­fac­tion assez géné­rale, due pour par­tie aux pre­mières réa­li­sa­tions et pour par­tie sans doute à la façon dont les régions s’ac­quit­tèrent de leur mis­sion de maître d’ouvrage.

Encore fal­lait-il très tôt vou­loir asso­cier aux pro­grammes d’in­ves­tis­se­ment de la région orien­tés sur la créa­tion de nou­velles capa­ci­tés d’ac­cueil que l’aug­men­ta­tion crois­sante des effec­tifs dans l’en­sei­gne­ment secon­daire néces­si­tait une réflexion sur la situa­tion sco­laire de l’A­ca­dé­mie et des pers­pec­tives sociales et éco­no­miques que cette situa­tion réclamait.

La Basse-Nor­man­die, pour sa part, a sui­vi ce che­min et fait en sorte que les efforts finan­ciers consen­tis au titre de l’ex­ten­sion et de la réno­va­tion du patri­moine sco­laire ne soient pas seule­ment en mesure de répondre aux besoins ponc­tuels de la crois­sance des effec­tifs mais viennent par­ti­ci­per au rat­tra­page de l’im­por­tant retard sco­laire de l’A­ca­dé­mie, aider à l’aug­men­ta­tion du niveau de for­ma­tion, favo­ri­ser un rééqui­li­brage des struc­tures sco­laires, appor­ter une impul­sion aux implan­ta­tions de for­ma­tions, plus proches de l’u­sa­ger et davan­tage en phase avec les pos­si­bi­li­tés de l’emploi régio­nal. Enfin, une réflexion appro­fon­die a ame­né le Conseil régio­nal de Basse-Nor­man­die à uti­li­ser sa poli­tique de for­ma­tion comme outil d’a­mé­na­ge­ment de son ter­ri­toire, notam­ment en rai­son­nant en termes de bas­sin de for­ma­tion et d’emploi.

La loi de décen­tra­li­sa­tion de 1983 a donc été le pre­mier point d’an­crage de la Région qui a englo­bé à sa poli­tique d’in­ter­ven­tion sur les lycées de nom­breux fac­teurs socio-éco­no­miques dont il sera fait état plus bas.

Le second point d’an­crage : la paru­tion, dix ans après la décen­tra­li­sa­tion, de la loi quin­quen­nale sur le tra­vail, l’emploi et la for­ma­tion qui, en trans­fé­rant de nou­velles com­pé­tences aux régions (for­ma­tion conti­nue des jeunes deman­deurs d’emploi), leur confie la mis­sion de coor­don­ner tous les sys­tèmes de for­ma­tion à voca­tion ou à orien­ta­tion pro­fes­sion­nelles. La Basse-Nor­man­die, jus­te­ment parce qu’elle avait condi­tion­né les opé­ra­tions d’in­ves­tis­se­ments dans les lycées, a une connais­sance de plus en plus rap­pro­chée de la for­ma­tion des hommes et a pour ain­si dire anti­ci­pé l’es­prit de la loi quin­quen­nale. Dans ses exer­cices de pla­ni­fi­ca­tion (Sché­ma pré­vi­sion­nel des for­ma­tions, Plan d’é­vo­lu­tion des for­ma­tions), la Région avait notam­ment tra­vaillé avec ses par­te­naires dans le sens d’une com­plé­men­ta­ri­té des sys­tèmes de for­ma­tions, pour évi­ter bien enten­du les concur­rences pré­ju­di­ciables, mais sur­tout parce qu’elle avait pres­sen­ti com­bien ces sys­tèmes avaient tous leur néces­si­té, sur­tout à l’heure où la rela­tion formation/emploi s’an­non­çait de plus en plus dif­fi­cile à maî­tri­ser, autant par les jeunes que par les employeurs.

Une approche globale de la conception des lycées qui intègre les aspects économiques et sociaux de la Région

En pre­nant en charge les lycées, le Conseil régio­nal de Basse-Nor­man­die a vou­lu rompre avec une concep­tion trop sou­vent sys­té­ma­tique qui avait pré­va­lu dans le pas­sé pour la construc­tion des éta­blis­se­ments sco­laires : uni­for­mi­sa­tion des locaux, prio­ri­té à l’ap­pli­ca­tion des normes et des plans types lais­sant peu de liber­té à l’in­no­va­tion et à l’a­dap­ta­tion aux condi­tions et aux contraintes locales.

Au contraire, la Région a adop­té une atti­tude plus prag­ma­tique et plus concer­tée avec les usa­gers et ses par­te­naires, pré­lude d’ailleurs au sen­ti­ment de la com­mu­nau­té sco­laire, et qui par la suite ne s’est pas démen­ti, qu’elle avait un inter­lo­cu­teur proche d’elle et capable d’in­ter­ve­nir rapi­de­ment dans le cadre de ses compétences.

Mais ce prag­ma­tisme était accom­pa­gné de cer­tains prin­cipes qui sans être figés devaient conduire la Région à asso­cier l’ef­fort en faveur du pro­grès de sco­la­ri­sa­tion des jeunes à un ren­for­ce­ment des infra­struc­tures et leur juste répar­ti­tion sur le territoire.

Plus concrè­te­ment et concer­nant les charges et obli­ga­tions qui incom­baient à la Région sur les lycées, au moment cru­cial d’un fort besoin en capa­ci­tés d’ac­cueil (évo­lu­tion démo­gra­phique asso­ciée à l’ob­jec­tif des 80 % d’une classe d’âge au niveau IV), la Région a sou­hai­té que :

– les nou­veaux lycées res­tent à une taille humaine (autour de 1 000 élèves),
– les implan­ta­tions dans les villes, et même si pos­sible dans leur centre soient pré­fé­rées à des zones périurbaines,
– les allé­ge­ments d’ef­fec­tifs des anciens et grands lycées soient recherchés,
– les élèves soient main­te­nus au plus près de leur domi­cile ce qui impli­quait la recherche de solu­tions en milieu rural et semi-urbain (47 % de la popu­la­tion bas-nor­mande vit dans une com­mune rurale).

Comme on le voit, ces quatre objec­tifs étaient soli­dai­re­ment liés et cha­cune des approches conduites simul­ta­né­ment devait régu­liè­re­ment per­mettre, non seule­ment de créer des places d’ac­cueil, mais éga­le­ment de faire de « la place » dans les lycées pour qu’on puisse tra­vailler dans de bonnes condi­tions en fonc­tion de la filière ou du type d’en­sei­gne­ment choisi.

Les interventions régionales en matière de construction et de restructuration des lycées ont répondu au volume et à la diversité de la demande de formation ainsi qu’aux possibilités d’utilisation et de rénovation d’un patrimoine local

Une simple lec­ture rétros­pec­tive de l’é­vo­lu­tion des effec­tifs du second cycle en Basse-Nor­man­die confirme l’a­cui­té du pro­blème qui s’est posé à la Région.

Au total, la Région a créé dix lycées et en a recons­truit tota­le­ment deux. Sur les dix éta­blis­se­ments créés, trois ont été implan­tés dans les zones rurales (Centre Manche, Bocage, Perche). Les six autres sont ins­tal­lés ou construits dans les villes intra-muros.

Taux d’augmentation des effec­tifs par ordre d’enseignement en Basse-Nor­man­die entre les ren­trées sco­laires 1986 et 1991
Ensei­gne­ment géné­ral (seconde à CPGE)
Ensei­gne­ment tech­no­lo­gique (seconde à BTS)
Ensei­gne­ment pro­fes­sion­nel (BEP, Bac pro.)
+ 40%
+ 38%
+ 53%

Ces nou­veaux lycées ont per­mis un déles­tage des grands lycées poly­va­lents et donc bien sou­vent une restruc­tu­ra­tion interne des bâti­ments, des ate­liers, des ser­vices de demi-pen­sion et un des­ser­re­ment des effec­tifs par l’ap­port de nou­velles classes et la réno­va­tion des pla­teaux scientifiques.

Par exemple, dans trois cas, le déles­tage des lycées poly­va­lents a été obte­nu par le trans­fert des sec­tions pro­fes­sion­nelles dans des nou­veaux locaux neufs ou réno­vés adap­tés aux types de for­ma­tions dis­pen­sées et pour deux cas, situés à proxi­mi­té de leur ancien lycée. D’un côté, le lycée pro­fes­sion­nel recou­vrait une auto­no­mie admi­nis­tra­tive et fonc­tion­nelle, tout en res­tant asso­cié à l’u­ti­li­sa­tion de cer­tains équi­pe­ments com­muns. De l’autre, le lycée poly­va­lent pou­vait être restruc­tu­ré per­met­tant un des­ser­re­ment des élèves par uti­li­sa­tion de salles, de pla­teaux scien­ti­fiques réno­vés. De plus, place était faite pour ren­for­cer les sec­tions de classes postbaccalauréat.

Autre cas se situant à l’in­verse du pré­cé­dent : trans­for­ma­tion de lycées pro­fes­sion­nels en lycées poly­va­lents par adjonc­tion de sec­tions d’en­sei­gne­ment géné­ral et tech­no­lo­gique, cette situa­tion a conve­nu à des zones fai­ble­ment urba­ni­sées, démo­gra­phi­que­ment fra­giles et dont il était impor­tant que la popu­la­tion jeune demeure sur place et ne vienne pas gros­sir les effec­tifs des lycées urbains.

Enfin, un troi­sième cas de figure : la sépa­ra­tion d’un grand lycée poly­va­lent à pré­pon­dé­rance tech­no­lo­gique et pro­fes­sion­nelle en deux enti­tés dis­tinctes que l’es­pace très vaste d’im­plan­ta­tion ini­tiale a per­mis de réa­li­ser sur le même site. Chaque lycée, l’un orien­té prin­ci­pa­le­ment sur les for­ma­tions du bâti­ment, l’autre sur la pro­duc­tique, la micro­mé­ca­nique, l’élec­tro­tech­nique a ain­si pu se déve­lop­per sans gêne au niveau III.

Les opérations régionales d’investissement dans les lycées en phase avec l’amélioration des conditions de vie lycéenne

À la veille du trans­fert des com­pé­tences, le taux d’ac­cès en seconde dans les lycées ne dépas­sait pas 48 %. Ce taux a pro­gres­sé régu­liè­re­ment (autour de 61 % aujourd’­hui) mais non sans dif­fi­cul­tés. Bien des élèves orien­tés en lycée avaient besoin d’aide et de sou­tien, d’en­sei­gne­ment de rat­tra­page, compte tenu de la fra­gi­li­té de leurs acquis dans le pre­mier cycle. La Région, pour sa part, leur est venue en aide en créant ou en har­mo­ni­sant des struc­tures d’ac­cueil pour faci­li­ter les tra­vaux de groupe, favo­ri­ser une dyna­mique de la vie sco­laire et sociale et accé­lé­rer l’in­ser­tion de ceux qui auraient encore ten­dance, au début des années 1990, à sor­tir du sys­tème sco­laire après une seconde, sans diplôme.

Maté­riel­le­ment, un gros effort a été réa­li­sé sur les lieux de vie, de jour et de nuit. En 2000, 85 % des inter­nats auront été réno­vés, restruc­tu­rés en chambres par groupes de 3 ou 4 élèves, agré­men­tés de foyers, de locaux per­met­tant des acti­vi­tés socio-édu­ca­tives… La Région s’est éga­le­ment employée à par­faire les lieux d’ac­cueil com­po­sés d’es­paces, d’ex­po­si­tions, d’un point de ren­contre, etc., qui jouent un rôle appré­cié de « sas », de détente entre le départ du domi­cile et le début des cours.

On le voit, les sou­cis d’ordre qua­li­ta­tif se sub­sti­tuent aux exi­gences des années anté­rieures prio­ri­tai­re­ment orien­tées sur la créa­tion de capa­ci­tés d’ac­cueil. Consta­tons, par exemple, que les opé­ra­tions réa­li­sées au titre des inves­tis­se­ments spé­ci­fiques (Centres de docu­men­ta­tion et d’in­for­ma­tion, inter­nats, lieux de vie, ser­vices de res­tau­ra­tion, inves­tis­se­ments spor­tifs, restruc­tu­ra­tion des ate­liers…) repré­sentent sur les cinq der­nières années 63 % des dépenses de ce type d’in­ves­tis­se­ment qui ont été pro­gram­mées au cours des douze années sui­vant la décentralisation.

Un nouveau champ de compétence de la Région : la formation continue des jeunes demandeurs d’emploi

À la veille d’a­voir sa com­pé­tence sur la for­ma­tion conti­nue pro­fes­sion­nelle des jeunes, la Région constate que les jeunes deman­deurs d’emploi repré­sentent, en Basse-Nor­man­die, un quart de l’en­semble des chô­meurs… Mal­gré le rat­tra­page sco­laire, le taux de sco­la­ri­sa­tion des 15–24 ans reste encore un peu en des­sous de la moyenne natio­nale. Enfin, on estime à 28 % les jeunes en recherche d’emploi n’ayant pas de diplôme (ou infé­rieur au niveau V). Fait aggra­vant : ceux qui pos­sèdent le niveau V (BEP-CAP), soit 53 % de l’en­semble des jeunes deman­deurs d’emploi ne par­viennent pas à s’employer dans des sec­teurs pro­fes­sion­nels comme l’a­gro-ali­men­taire, le BTP, la manu­ten­tion, le trans­port qui leur sont tra­di­tion­nel­le­ment ouverts… Le bilan n’é­tait pas bon et ris­quait de s’ag­gra­ver. Aus­si, la Région a‑t-elle choi­si de prendre en charge rapi­de­ment et d’or­ga­ni­ser les actions de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle conti­nue des­ti­nées aux jeunes de moins de 26 ans en vue de leur per­mettre d’ac­qué­rir une qua­li­fi­ca­tion. C’est l’ap­pli­ca­tion du cré­dit-for­ma­tion indi­vi­dua­li­sé, dési­gné et per­son­na­li­sé en Basse-Nor­man­die sous le nom de « chèque-formation ».

La seconde com­pé­tence suit de près la pre­mière. Elle concerne le jeune public dému­ni pour lequel il convient de mettre en place des actions pré­pa­ra­toires et des aides à son orien­ta­tion et prendre des mesures d’ac­com­pa­gne­ment. Les moyens finan­ciers que la Région met en place sont impor­tants et opti­misent les cré­dits liés aux trans­ferts des charges par l’É­tat. Mais la Région se rend vite compte qu’une telle mis­sion doit être pilo­tée de façon active avec pré­sence fré­quente sur le ter­rain. Loin de consi­dé­rer ces trans­ferts comme des rup­tures avec les auto­ri­tés ancien­ne­ment com­pé­tentes dans ce domaine, la Région a pas­sé avec elles des accords qui ren­forcent la coopé­ra­tion et donnent éga­le­ment un rôle accru aux mis­sions locales.

En 1998, 3 000 jeunes béné­fi­cient des chèques-for­ma­tion et sont en mesure, après avoir uti­li­sé leur cré­dit d’heures de for­ma­tion, de mieux se pla­cer sur le mar­ché de l’emploi.

Aujourd’­hui, 5 000 jeunes peuvent accé­der aux actions pré­pa­ra­toires à la for­ma­tion ou à l’emploi ; l’ob­jec­tif est de leur per­mettre de construire leur pro­jet pro­fes­sion­nel, d’ac­qué­rir les appren­tis­sages de base et de faci­li­ter leur inser­tion sociale et professionnelle.

Complémentarité des systèmes de formation professionnelle dans le cadre régional

La loi quin­quen­nale de 1993 a vou­lu pla­cer la Région dans une posi­tion cen­trale à l’é­gard des sys­tèmes de for­ma­tions pro­fes­sion­nelles ini­tiales et conti­nues et lui a don­né mis­sion d’ob­ser­ver les évo­lu­tions de la demande de for­ma­tion des jeunes et des besoins des entre­prises. Il conve­nait en effet de repen­ser la rela­tion entre la for­ma­tion et l’emploi sur la base de don­nées quan­ti­ta­tives com­pa­rées et de repé­rer les fac­teurs qua­li­ta­tifs de nature à créer de meilleures condi­tions d’employabilité des jeunes.

Le pilo­tage de cette réflexion et des pré­co­ni­sa­tions régio­nales cou­vraient donc tout le champ public et pri­vé de la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle. La Région pou­vait ain­si don­ner une vue d’en­semble des sys­tèmes de for­ma­tion. Le Plan régio­nal de déve­lop­pe­ment des for­ma­tions pro­fes­sion­nelles des jeunes (PRDFPJ), dont la loi a confié à la Région l’é­la­bo­ra­tion, a donc été l’ins­tru­ment de base des obser­va­tions régio­nales à par­tir d’un recen­se­ment des flux de jeunes sor­tants de la der­nière année de leur cycle de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle, tech­no­lo­gique et agricole.

Ces infor­ma­tions, remises à jour tous les ans, ont per­mis de repé­rer les filières ou les spé­cia­li­tés dont le recru­te­ment bais­sait ou inver­se­ment celles qui avaient la faveur des can­di­dats ; de consta­ter le rythme de pro­gres­sion des niveaux de for­ma­tion ; de véri­fier le défi­cit de for­ma­tion dans cer­tains bas­sins d’emploi. Et par consé­quent, ces don­nées rap­pro­chées des ana­lyses des branches pro­fes­sion­nelles sur leur besoin de renou­vel­le­ment de per­son­nels, leurs plans d’embauche ou de réduc­tion d’ef­fec­tifs, ont inci­té les déci­deurs régio­naux à ins­tal­ler des for­ma­tions de tel ou tel niveau, en fonc­tion du vivier de deman­deurs de for­ma­tion ou des pos­si­bi­li­tés d’in­ser­tion sur le mar­ché de l’emploi. Les concur­rences entre sys­tèmes de for­ma­tion ont pu être évi­tées et trans­for­mées en com­plé­men­ta­ri­tés. Des choix en faveur de l’al­ter­nance ont été faits (adap­ta­tion pré­cise à l’offre d’emploi). Dans d’autres cas ont été choi­sies des for­ma­tions cor­res­pon­dant au temps plein sous sta­tut sco­laire. Glo­ba­le­ment, les stages pro­po­sés aux jeunes en for­ma­tion conti­nue ont paru jouer leur rôle de qua­li­fi­ca­tion ou de ren­for­ce­ment à l’a­dap­ta­tion d’un métier.

Entre 1995 et 1998, les flux de sor­tie des for­ma­tions pro­fes­sion­nelles et tech­no­lo­giques (tous sys­tèmes, tous niveaux confon­dus) ont aug­men­té de 9 % et on remar­que­ra que confor­mé­ment aux recom­man­da­tions de la Région et de ses par­te­naires, les flux de sor­tie du sec­teur ter­tiaire ont bais­sé en 1998. La satu­ra­tion du mar­ché de l’emploi pour plu­sieurs pro­fes­sions, sur­tout pour le niveau V, com­man­dait de limi­ter le nombre d’ou­ver­tures des sec­tions du sec­teur ter­tiaire. En revanche a été recom­man­dé l’en­sei­gne­ment tech­no­lo­gique et pro­fes­sion­nel de type indus­triel où les offres d’emploi res­tent rela­ti­ve­ment importantes.

Enfin, dans tous les cas de figure (ter­tiaire, indus­triel, agri­cole), l’ap­pren­tis­sage connaît un regain auprès des jeunes dont les effec­tifs glo­baux croissent régu­liè­re­ment en Basse-Nor­man­die (1993 : 4 500 appren­tis, 1998 : 9 800). Il est vrai que la Région a aidé au déve­lop­pe­ment et à l’é­lé­va­tion de ce sys­tème de for­ma­tion qui est le plus ancien des modes de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle par alter­nance pour les jeunes allant du niveau V au niveau ingé­nieur (par­te­na­riat avec l’U­ni­ver­si­té, BTS et postBTS, ingé­nieur en plas­tur­gie). Son déve­lop­pe­ment s’est fait dans l’axe des métiers peu ou pas ensei­gnés dans les lycées (pro­thé­siste den­taire, employé en phar­ma­cie, bou­cher, char­cu­tier, fleu­riste). Avec l’ou­ver­ture de CFA indus­triels, des for­ma­tions de ce type ont été ins­tal­lées mais tou­jours dans le res­pect des com­plé­men­ta­ri­tés entre les sys­tèmes de for­ma­tion. L’é­lé­va­tion qua­li­ta­tive de ce type de for­ma­tion est exem­plaire en Basse-Nor­man­die : le déve­lop­pe­ment dans l’ap­pren­tis­sage de niveau IV (BP-Bac Pro) qui a vu ses effec­tifs aug­men­ter de 43 % en cinq ans. Le niveau III (BTS) n’est plus sym­bo­lique, les flux de sor­tie de ce niveau repré­sen­tant aujourd’­hui 5 % de l’en­semble des flux de sor­tie de l’apprentissage.

Une action volontaire et mobilisatrice pour le développement de l’enseignement supérieur

La Région Basse-Nor­man­die a, depuis sa créa­tion, aidé de manière conti­nue et volon­ta­riste le déve­lop­pe­ment de la Recherche fon­da­men­tale sur son ter­ri­toire ; l’im­plan­ta­tion réus­sie à Caen du GANIL (Grand accé­lé­ra­teur natio­nal à ions lourds) en témoigne.

Depuis 1993, le Conseil régio­nal a déci­dé de mener en plus une poli­tique d’é­qui­pe­ment en faveur de l’En­sei­gne­ment supé­rieur qui a per­mis d’in­ves­tir, avec l’É­tat, près de 700 MF en sept ans avec des objec­tifs ambitieux :

– construire à Caen un nou­veau cam­pus scientifique,
– délo­ca­li­ser à Cher­bourg, Alen­çon, Saint-Lô l’en­sei­gne­ment supé­rieur, notam­ment tech­no­lo­gique, par l’im­plan­ta­tion d’an­tennes universitaires,
– por­ter à cinq le nombre d’é­coles d’ingénieurs,
– rat­tra­per notre retard en termes de nombre de dépar­te­ments d’IUT.

Ce pro­gramme est désor­mais ache­vé et les objec­tifs de la Région atteints.

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En résu­mé, cette ana­lyse montre que, mal­gré un faible trans­fert (moins 20 % des dépenses de for­ma­tion passent par la Région), un véri­table « pou­voir régio­nal » est né en dix ans en matière de for­ma­tion et a per­mis pour la Basse-Nor­man­die de tenir les objec­tifs suivants :

– rap­pro­che­ment des acteurs de la for­ma­tion et des acteurs éco­no­miques régio­naux pour une adé­qua­tion per­ma­nente et diver­si­fiée aux besoins des employeurs,
– rap­pro­che­ment des dif­fé­rents sys­tèmes édu­ca­tifs (pri­vé, public, appren­tis­sage, for­ma­tion conti­nue…) au vu d’une com­plé­men­ta­ri­té active sans que­relle sté­rile de chapelle,
– uti­li­sa­tion de la poli­tique de for­ma­tion comme outil d’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire régional,
– meilleure qua­li­té d’une vie lycéenne notam­ment par des lycées « à taille humaine ».

II. La culture

La culture, c’est ce qui demeure dans l’homme
lors­qu’il a tout oublié.

Édouard Her­riot

Domaine où il n’y a eu aucun trans­fert régio­nal de com­pé­tences, la culture est néan­moins un sec­teur auquel les régions ont atta­ché une atten­tion par­ti­cu­lière : en effet, outre ses ancrages mul­tiples, la culture est avant tout un élé­ment déci­sif pour le res­pect d’une notion bien contem­po­raine, « la qua­li­té de vie ». Qua­li­té de vie qui bien enten­du concerne en ces années tous les sec­teurs de notre socié­té : à titre d’exemple, de plus en plus le cri­tère d’en­vi­ron­ne­ment cultu­rel par­ti­cipe à la déci­sion de cer­taines implan­ta­tions industrielles.

Quoi qu’il en soit, per­sonne n’i­gnore plus, à une époque où l’on parle autant de la répar­ti­tion du temps, l’im­por­tance de ce que l’on appelle la culture. Les rami­fi­ca­tions de plus en plus nom­breuses qu’elle sus­cite avec des sec­teurs aus­si divers que l’en­sei­gne­ment et le milieu sco­laire ou la for­ma­tion, l’é­co­no­mie et le social font que la notion même de vie cultu­relle fait désor­mais par­tie des prio­ri­tés du politique.

Les Régions ont entière liber­té dans la défi­ni­tion et la mise en place de leurs poli­tiques cultu­relles. C’est pour cette rai­son que le pay­sage cultu­rel est si divers aus­si bien dans ses fonc­tion­ne­ments que dans ses prio­ri­tés. Cer­taines délèguent à des struc­tures asso­cia­tives pro­fes­sion­nelles, d’autres ins­taurent un sys­tème de régie directe…

La Basse-Nor­man­die, ter­ri­toire fina­le­ment assez petit, dis­pose d’un bud­get cultu­rel impor­tant (50 MF en 1998) ce qui lui per­met d’être atten­tive à l’en­semble des sec­teurs cultu­rels. Dans une région aux réa­li­tés géo­po­li­tiques par­ti­cu­lières (rura­li­té, ter­ri­toire côtier et affluences tou­ris­tiques…), le Conseil régio­nal de Basse-Nor­man­die a défi­ni des prio­ri­tés d’in­ter­ven­tions qui par­ti­cipent au déve­lop­pe­ment d’un véri­table choix poli­tique : la qua­li­té de vie sur le ter­ri­toire régional.

L’in­fluence de plus en plus pré­gnante des acti­vi­tés cultu­relles sur les réa­li­tés sociales et éco­no­miques incite à un posi­tion­ne­ment fort sur deux axes : l’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire et la dyna­mique de la vie cultu­relle en termes de créa­tion et de diffusion.

Une répar­ti­tion « équi­li­brée » des lieux cultu­rels sur un ter­ri­toire don­né est la clé de la cohé­rence et de l’ef­fi­ca­ci­té d’une poli­tique cultu­relle publique. Qu’il s’a­gisse de lieux de dif­fu­sion tra­di­tion­nels (salles de spec­tacles), ou de lieux patri­mo­niaux réha­bi­li­tés, la Basse-Nor­man­die affiche aujourd’­hui une car­to­gra­phie impor­tante et équi­li­brée en termes de fré­quen­ta­tion de public.

L’in­té­rêt crois­sant du public pour le patri­moine incite les Régions à asso­cier de plus en plus la néces­si­té des res­tau­ra­tions à la réuti­li­sa­tion des bâti­ments res­tau­rés. Le patri­moine monu­men­tal est ain­si main­te­nu en état et ouvert au public. En jume­lant de cette manière la sau­ve­garde du patri­moine et la pro­gram­ma­tion d’ac­ti­vi­tés au sein des bâti­ments, une véri­table dyna­mique tou­ris­ti­co-cultu­relle s’ins­taure et se réper­cute sur l’i­mage média­tique d’un site, sur le public local et sur les professionnels.

La conjonc­tion de ces deux enjeux fonc­tionne aus­si pour d’autres réa­li­tés de l’a­mé­na­ge­ment cultu­rel du ter­ri­toire. Le sché­ma régio­nal d’in­ves­tis­se­ment sur les lieux de spec­tacles doit impé­ra­ti­ve­ment être accom­pa­gné d’un sché­ma d’im­plan­ta­tion d’é­quipes artis­tiques. De simples struc­tures, sorte de boîtes vides des­ti­nées uni­que­ment à l’ac­cueil, ne peuvent fon­da­men­ta­le­ment pas jus­ti­fier un inves­tis­se­ment public. En revanche, en asso­ciant des lieux pro­fes­sion­nels, équi­pés et per­for­mants, à des pro­jets artis­tiques péren­ni­sés, il est pos­sible de réa­li­ser un véri­table tra­vail d’é­du­ca­tion artis­tique et une dyna­mi­sa­tion des petites et moyennes villes qui par­ti­cipent au main­tien de la popu­la­tion sur ces ter­ri­toires précis.

La jeu­nesse des Régions et leur impor­tant déve­lop­pe­ment consti­tuent pour elles de réels avan­tages en ce qu’elles peuvent défi­nir leur poli­tique cultu­relle en par­tant de constats et de bilans et ain­si ajus­ter, au plus proche des besoins et des prio­ri­tés, leur implication.

Aujourd’­hui, le Conseil régio­nal de Basse-Nor­man­die consacre 4 % de son bud­get à la culture et ce choix repose sur la conscience des enjeux que la culture peut impli­quer en termes d’emploi, de for­ma­tion, de déve­lop­pe­ment tou­ris­tique et de déve­lop­pe­ment local, voire d’i­mage (comme par exemple l’ac­cord de col­la­bo­ra­tion entre le Conseil régio­nal de Basse-Nor­man­die et les Arts Flo­ris­sants de William Christie).

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Là encore, la modi­ci­té en valeur abso­lue des inter­ven­tions régio­nales se conjugue avec l’ins­tau­ra­tion d’un véri­table « pou­voir régio­nal » en liai­son avec les trois blocs de com­pé­tences cités en intro­duc­tion qui res­sortent dans les faits.

Ces pre­miers résul­tats posi­tifs après quinze ans de décen­tra­li­sa­tion devraient avoir pour consé­quence un accrois­se­ment des pou­voirs locaux par la décen­tra­li­sa­tion et aus­si par la décon­cen­tra­tion. Mais notre pays, jaco­bin par sa culture et son his­toire, a du mal à aller dans ce sens et il est plus facile de mettre en lumière les quelques rares excès ou acci­dents de la vie poli­tique locale que de cal­cu­ler les coûts et de mesu­rer l’i­nef­fi­ca­ci­té d’une admi­nis­tra­tion cen­tra­li­sée. Beau­coup de pro­grès reste à faire en la matière et je remer­cie La Jaune et la Rouge de per­mettre l’ins­tau­ra­tion d’un tel débat.

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