Quelques millénaires de transition énergétique

Dossier : La transition énergétiqueMagazine N°689 Novembre 2013
Par Jean-Marc JANCOVICI (81)

En route pour la tran­si­tion énergé­tique : tel aurait pu être, au fond, le slo­gan d’à peu près n’importe quel monar­que, chef de clan ou prési­dent depuis qu’il existe des hommes, puisque, aus­si loin que remonte notre con­nais­sance, dompter l’énergie a été au cœur des envies humaines.

Cet intérêt n’est pas éton­nant quand on se rap­pelle que l’énergie est, par déf­i­ni­tion même, la trans­for­ma­tion de toute chose. Faire entr­er une nou­velle énergie dans le champ de notre influ­ence, c’est donc, un peu ou beau­coup, mod­i­fi­er notre envi­ron­nement, et donc notre destin.

Domes­ti­quer la com­bus­tion, il y a un mil­lion d’années env­i­ron, nous a fourni un pre­mier avan­tage décisif sur l’environnement, et plus pré­cisé­ment sur nos pré­da­teurs (qui n’aiment pas le feu) et nos proies (par­fois chas­sées avec des incendies).

Puis, il y a dix mille ans, nous avons domes­tiqué la pho­to­syn­thèse, c’est-à-dire une des inter­ac­tions entre matière et ray­on­nement. De l’agriculture est née une foule de choses aujourd’hui encore au cœur de nos vies : la séden­tari­sa­tion, la pro­priété fon­cière, le com­merce, les villes, l’administration, la fis­cal­ité, la compt­abil­ité, etc.

L’exploitation des éner­gies mécaniques déjà présentes autour de nous (force du vent, force de l’eau) a fait franchir un pas sup­plé­men­taire à l’industrie et au com­merce, puis c’est à nou­veau la com­bus­tion qui a été au cen­tre de l’avancée la plus mar­quante des derniers siè­cles : la machine à vapeur et le moteur à com­bus­tion interne.

Sans ces derniers, qui ont per­mis de démul­ti­pli­er par plusieurs cen­taines la capac­ité de trans­for­ma­tion physique par indi­vidu, aucune société dite « mod­erne » n’aurait vu le jour, et il n’est pas sûr que for­mer des poly­tech­ni­ciens aurait alors servi à grand-chose. La « fée élec­tric­ité » n’est que le dernier mail­lon d’une longue histoire.

Nous espérons que ce numéro, qui paraît à l’heure où l’énergie fait l’objet d’un débat nation­al, per­me­t­tra à tout le moins de faire com­pren­dre qu’il s’agit d’un enjeu com­plexe et majeur. Mais, après tout, n’est-ce pas pour s’occuper au mieux de prob­lèmes abom­inable­ment com­pliqués que les poly­tech­ni­ciens sont cen­sés être formés ?

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