IT for green : la décarbonation du numérique

IT ZERO CARBONE & IT FOR GREEN : deux dimensions complémentaires de la décarbonation des industries

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°775 Mai 2022
Par Claude AULAGNON (82)
Par Jérôme TORNER

Claude Aulagnon (82), cofon­da­teur de Mag­el­lan Part­ners et Jérôme Torner, asso­cié, répon­dent à nos ques­tions sur la décar­bon­a­tion de l’industrie au regard de l’IT et des tech­nolo­gies du numérique. Dans cet entre­tien croisé, ils revi­en­nent sur le poids du numérique dans la pol­lu­tion car­bone et le rôle que le numérique peut jouer dans la décar­bon­a­tion des usages, des pro­duits et des ser­vices. Rencontre.

À l’instar des autres secteurs d’activité, le numérique pollue et a une empreinte carbone. Qu’en est-il concrètement ? 

Selon les dif­férents chiffres et études, le numérique est respon­s­able de 4 % des gaz à effet de serre mon­di­aux. C’est un poids assez lourd qui va aug­menter alors que le monde et l’économie se dig­i­talisent de plus en plus vite. Sur ce sujet, il existe, par ailleurs, de nom­breuses infor­ma­tions erronées et de idées reçues. Der­rière le numérique, on retrou­ve des infra­struc­tures du type dat­a­cen­ters ou cen­tres de cal­cul qui con­som­ment beau­coup d’énergie (en moyenne 1 à 2 % de l’énergie mon­di­ale). Néan­moins, au cours des dix dernières années, de nom­breuses études ont mon­tré que cette con­som­ma­tion énergé­tique est de plus en plus optimisée. 

La con­som­ma­tion élec­trique totale de ces envi­ron­nements numériques n’augmente que très faible­ment. En effet, si la capac­ité de ces infra­struc­tures a été mul­ti­pliée par cinq, leur inten­sité énergé­tique a, quant à elle, bais­sé de près de 20 % par an. Les acteurs du numérique investis­sent mas­sive­ment dans l’innovation et la R&D pour lim­iter l’augmentation de leurs besoins énergé­tiques. En par­al­lèle, ils sont tous forte­ment engagés dans des démarch­es vertueuses qui priv­ilégient notam­ment les éner­gies vertes ain­si que des démarch­es pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone… Mais le numérique, ce sont aus­si les PC, les smart­phones, les réseaux et les ser­vices numériques (vidéo, streaming…). 

Des efforts doivent encore être four­nis pour lim­iter leur impact. En out­re, l’empreinte du numérique doit être prise en compte dès les phas­es de pro­duc­tion des équipements, car elle implique une con­som­ma­tion d’eau, de ter­res rares dont l’extraction est con­som­ma­trice d’énergie sou­vent très car­bonée. Enfin, elle doit aus­si être appréhendée tout au long du cycle de vie du pro­duit et du service.

Quelles actions peuvent être déployées pour réduire cet impact ?

Elles sont nom­breuses et ciblent toute la chaîne de valeur du numérique : depuis la pro­duc­tion des pro­duits au recy­clage, en pas­sant par leur util­i­sa­tion. Un levi­er effi­cace est bien évidem­ment d’augmenter la durée de vie et de recy­cler les équipements. Il s’agit aus­si, à un titre per­son­nel, de réduire sa con­som­ma­tion de ser­vices numériques, en prenant notam­ment con­science du fait que les réseaux soci­aux et la vidéo pol­lu­ent énormément.

Au niveau des entre­pris­es, plusieurs leviers exis­tent égale­ment. Elles doivent pou­voir mesur­er l’impact des équipements qu’elles utilisent pour opti­miser leur durée de vie, la fin de cycle, mais aus­si pour met­tre en place les infra­struc­tures adéquates. Dans cette démarche, toutes les par­ties prenantes doivent être embar­quées. Les entre­pris­es doivent informer et sen­si­bilis­er leurs col­lab­o­ra­teurs à ces dif­férents enjeux. Des actions plus ciblées peu­vent égale­ment être mis­es en place. Par exem­ple, au niveau de la direc­tion des achats, il est per­ti­nent de définir des critères envi­ron­nemen­taux au même titre que les critères financiers ou de réponse fonc­tion­nelle. L’idée est de pou­voir dis­pos­er d’indicateurs réels et mesurables afin de faire les bons choix dans le temps. Sur un plan plus tech­nique, se pose la ques­tion de l’éco-conception et de l’obsolescence. Ces sujets, dont nous enten­dons de plus en plus par­ler, soulèvent de nom­breuses prob­lé­ma­tiques : la puis­sance des équipements, leur résilience… 

Néanmoins, le numérique, la digitalisation, la dématérialisation d’opérations physiques sont un levier pour réduire l’empreinte carbone des entreprises et des industries. Pourquoi ? 

En effet ! Nous en avons tous fait l’expérience récem­ment, pen­dant le con­fine­ment. L’utilisation des out­ils col­lab­o­rat­ifs et de vidéo­con­férence ont per­mis aux entre­pris­es de pour­suiv­re leurs activ­ités sans que leurs col­lab­o­ra­teurs n’aient à se déplac­er. Un exem­ple par­lant reste les voy­ages d’affaires. Nous nous sommes ren­du compte que le numérique pou­vait servir les mêmes final­ités : se par­ler, se réu­nir, tra­vailler ensem­ble. C’est un phénomène qui touche égale­ment le monde de la san­té avec la télé­con­sul­ta­tion qui évite aux patients d’avoir à se déplac­er jusqu’au cab­i­net de leur médecin.

Quand l’IT ou la tech­nolo­gie se sub­stituent aux déplace­ments, l’enjeu est toute­fois de garan­tir que l’interaction numérique est moins coû­teuse en ter­mes de CO2 que l’échange physique. La sub­sti­tu­tion du physique par le numérique n’est toute­fois pas une chose nou­velle. Elle est déjà util­isée depuis de nom­breuses années dans l’industrie aéro­nau­tique avec les sim­u­la­teurs de vol, mais aus­si par l’industrie pétrolière qui forme ses col­lab­o­ra­teurs avec des dis­posi­tifs de réal­ité virtuelle au lieu de les envoy­er sur des plate­formes en pleine mer. 

Dans l’industrie de l’énergie, l’utilisation du map­ping géo­graphique per­met une mod­éli­sa­tion de l’espace visant à installer des infra­struc­tures énergé­tiques, comme les pan­neaux solaires, sans avoir à envoy­er des tech­ni­ciens sur place pour faire des repérages. Pour l’entretien des voies fer­rées, la SNCF a opté pour des drones qui par­courent des cen­taines de mil­liers de kilo­mètres pour véri­fi­er l’état des infra­struc­tures fer­rovi­aires. Aujourd’hui, les bennes à ordures sont intel­li­gentes grâce à l’internet des objets con­nec­tés. Elles envoient des alertes quand elles sont pleines afin d’être vidées. Cela per­met d’optimiser la tournée des camions et donc de réduire leur con­som­ma­tion. Plus que jamais, aujourd’hui, il s’agit d’opérer de manière plus intel­li­gente pour con­som­mer et pol­luer moins. 

Et quels peuvent être les gains et avantages d’une telle démarche ? 

Tous les indus­triels se sont dotés de plan de neu­tral­ité car­bone qu’ils doivent ensuite déclin­er au niveau de l’ensemble de leurs métiers. Dans ce cadre, l’IT est un des leviers stratégiques pour décar­bon­er les proces­sus métiers. Pour ce faire, ils ont besoin de pou­voir s’appuyer sur des don­nées générale­ment issues d’un tra­vail de veille poussé pour analyser les élé­ments et les méthodolo­gies à déploy­er. De plus en plus, ils met­tent en place des envi­ron­men­tal cas­es pour mesur­er les gains financiers, en car­bone, en eau, en métaux et ter­res rares. Ils sont aus­si tenus de pro­duire un état relatif à leur per­for­mance extra­fi­nan­cière afin notam­ment de met­tre en évi­dence les investisse­ments réal­isés et les actions mis­es en place en faveur de la réduc­tion de leur empreinte car­bone, mais aus­si sur le plan socié­tal, éthique, ou encore en ter­mes d’achats durables… 

Votre cabinet accompagne justement les industriels dans cette démarche de GREEN IT ou IT Zéro Carbone. À quel niveau intervenez-vous ?

Mag­el­lan Part­ners est un cab­i­net de con­seil en organ­i­sa­tion et en sys­tèmes d’information qui accom­pa­gne ses clients dans l’optimisation de leurs grands proces­sus indus­triels, logis­tiques et ter­ti­aires afin de réduire leur empreinte car­bone. Notre mis­sion est de cap­i­talis­er sur le poten­tiel des tech­nolo­gies et de l’IT pour aider les entre­pris­es à se trans­former et être plus effi­caces dans toutes leurs activ­ités : rela­tion client, ges­tion de leurs out­ils indus­triels, col­lab­o­ra­tion entre les salariés, effi­cac­ité des proces­sus, aug­men­ta­tion de la performance… 

Notre action se con­cen­tre prin­ci­pale­ment sur deux dimensions : 

  • Le GREEN IT : nous aidons les entre­pris­es et les admin­is­tra­tions publiques à réduire l’empreinte car­bone des assets infor­ma­tiques de leur entreprise ;
  • L’IT Zéro Car­bone : nous accom­pa­gnons les métiers et les fonc­tions des entre­pris­es de tous les secteurs afin qu’elles tirent prof­it de l’IA et de l’IT afin d’optimiser leur effi­cac­ité tout en réduisant leur empreinte carbone.

Toutes les démarch­es déployées en ce sens doivent impéra­tive­ment com­bin­er la per­for­mance, l’efficacité et la réduc­tion de l’empreinte car­bone afin d’être adop­tées par les entre­pris­es. Notre dou­ble com­pé­tence, méti­er et IT, nous per­met de lever ce frein et de pro­pos­er des solu­tions de dématéri­al­i­sa­tion et de dig­i­tal­i­sa­tion qui con­juguent l’ensemble de ces contraintes.

Quelles pistes de réflexion pourriez-vous partager avec nos lecteurs sur cette thématique ?

Le prin­ci­pal préreq­uis de ces trans­for­ma­tions est l’investissement : pour obtenir un gain en effi­cac­ité, en per­for­mance, mais aus­si pour réduire leur empreinte car­bone, les entre­pris­es doivent d’abord investir.

Au-delà, ces tran­si­tions s’inscrivent dans un temps rel­a­tive­ment long. Or dans un con­texte de forte accéléra­tion démo­graphique, de pres­sion sur les ressources et de réchauf­fe­ment cli­ma­tique, l’enjeu est de réduire ce temps et d’accélérer cette démarche. Une équa­tion com­plexe à résoudre ! Toute­fois, nous avons la chance en France de for­mer des ingénieurs qui sor­tent des écoles et des uni­ver­sités en ayant con­nais­sance de ces enjeux et qui sont prêts à relever ce défi du cli­mat qui va mobilis­er toutes les forces du pays sur les prochaines années.


En bref

Fondé en 2008, le groupe Mag­el­lan Part­ners s’élargit au fur et à mesure des années et rassem­ble aujourd’hui 10 entités et 1 700 consultants.

Mag­el­lan Part­ners pro­pose une offre de ser­vices sur toute la chaîne dig­i­tale et pro­pose un accom­pa­g­ne­ment expert et sur-mesure sur toutes les tech­nolo­gies incon­tourn­ables du marché. 

Mag­el­lan Part­ners regroupe un cab­i­net de con­seil en organ­i­sa­tion et sys­tèmes d’information et huit activ­ités IT sur Microsoft, Sales­Force, AWS, GCP, Ser­vi­ceNow, PROS, Sel­l­i­gent et Cyber­sécu­rité.

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