PROKOFIEV : Cinquième Symphonie et STRAVINSKI : Symphonie des psaumes

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°696 Juin/Juillet 2014Par : l'orchestre philharmonique de Vienne, direction Valery GergievRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : 1 DVD ou 1 Blu-Ray EuroArts 2072614

Pro­gramme 100 % russe pour l’ouverture du Fes­ti­val de Salzbourg 2012.

Ville natale de Mozart (rat­tachée à la Bav­ière et non pas à l’Autriche à cette époque), Salzbourg voit se réu­nir chaque été depuis près de cent ans un fes­ti­val qui fait référence dans le monde musi­cal. Lancé par Richard Strauss et Hugo von Hof­mannsthal, dirigé pen­dant plus de trente ans par Her­bert von Kara­jan, il est pour ain­si dire la rési­dence d’été du Phil­har­monique de Vienne.

La pub­li­ca­tion régulière désor­mais par EuroArts des meilleurs con­certs et opéra est une excel­lente nouvelle.

Valery Gergiev dirige sans baguette ce con­cert d’ouverture dans le Grand Palais des Fes­ti­vals, fin juil­let 2012. On l’a déjà dit, ce chef est omniprésent sur la scène musi­cale européenne. En charge de plusieurs orchestres en Europe (Lon­dres et bien­tôt Munich), et depuis vingt-cinq ans de l’ensemble des salles du théâtre Mari­in­sky de Saint-Péters­bourg (trois salles désor­mais), il enreg­istre CD et DVD pour de nom­breux labels, dont le label Mari­in­sky qu’il a créé.

Le con­cert débute par la Sym­phonie des psaumes d’Igor Stravin­s­ki, une des trois sym­phonies du maître russe, datant de 1930 et écrite dans un lan­gage très accessible.

On le sent au disque, mais le voit claire­ment au con­cert ou en DVD : l’orchestre a une dis­po­si­tion orig­i­nale, aucun vio­lon, unique­ment des cordes graves, bois et cuiv­res très nom­breux en pro­por­tion (autant que pour le Prokofiev qui va suiv­re, mais avec des cordes au grand complet).

Et plus de soix­ante cho­ristes. Effec­tive­ment, ce qui frappe dans cette œuvre, c’est un son orig­i­nal, inouï par définition.

Vien­nent ensuite les célèbres Chants et Dans­es de la mort de Mod­est Mous­sorgs­ki, où le thème médié­val du Dies Irae (repris entre autres par Berlioz dans la Sym­phonie fan­tas­tique) appa­raît sou­vent. Dom­mage que les textes poignants nous soient inac­ces­si­bles par manque de sous-titres.

Ces mélodies pour voix solo (ici le ténor Sergei Semi­shkur, pili­er du Mari­in­sky) et piano sont ici inter­prétées dans une orches­tra­tion récente pour orchestre réduit, ce qui fait ressor­tir la moder­nité de cette musique.

Com­posée en 1875, l’œuvre sonne ici comme la Qua­torz­ième Sym­phonie de Chostakovitch, pour­tant de cent ans plus récente. Pas­sion­nante recréa­tion, cap­ti­vante et hypnotique.

Après l’entracte, l’orchestre est enfin com­plet. Et avec une puis­sance phénomé­nale pour l’œuvre clé du pro­gramme, la Cinquième Sym­phonie de Prokofiev, la plus aboutie de ses sept symphonies.

Prokofiev est un com­pos­i­teur qui mérite d’être plus joué et écouté. Ses neuf sonates pour piano, ses cinq con­cer­tos pour piano, ses deux con­cer­tos pour vio­lon et ses sept sym­phonies sont mag­nifiques. Pour le décou­vrir com­mencez par la Sym­phonie clas­sique, sa pre­mière, impayable pas­tiche de Mozart et Haydn, son Troisième Con­cer­to pour piano, et cette Cinquième Sym­phonie, peut-être son chef‑d’œuvre.

De struc­ture clas­sique en qua­tre mou­ve­ments, cette sym­phonie fait sou­vent penser au style de Mahler. En par­ti­c­uli­er son scher­zo, plein d’ironie et de ton sar­cas­tique, est un incon­testable hom­mage à Mahler.

La per­for­mance musi­cale du Phil­har­monique de Vienne et de Gergiev est excep­tion­nelle : finesse et vir­tu­osité des cordes, tou­jours chan­tantes, une prise de risque con­tin­ue. Le chef nous tient en haleine pen­dant trois quarts d’heure sans que la ten­sion ne se relâche, avec son orchestre ger­manique qui n’a jamais son­né aus­si « slave ».

Ce DVD a été la pre­mière paru­tion par EuroArts des enreg­istrements faits à Salzbourg en 2012 (est paru depuis égale­ment un con­cert dirigé par Mariss Jan­sons, Brahms-Strauss, égale­ment superbe, EuroArts 2072624). Espérons que les plus grands moments de Salzbourg 2013 aient été égale­ment conservés.

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