Diverchim : Pour une production française et européenne des principes actifs pharmaceutiques

Pour une production française et européenne des principes actifs pharmaceutiques

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Pierre CHARRIER

Dans cet inter­view, Pierre Char­ri­er, CEO de Diver­chim, nous présente son entre­prise et son posi­tion­nement. Il revient notam­ment sur la ques­tion stratégique de la réin­dus­tri­al­i­sa­tion de la pro­duc­tion phar­ma­ceu­tique en France qui doit s’accompagner d’un cadre règle­men­taire favor­able aux indus­triels qui s’engagent dans cette démarche.

Quel est le cœur de métier de Diverchim ?

Diver­chim est une entre­prise française qui fab­rique des principes act­ifs en petite quan­tité, de quelques grammes à quelques cen­taines de kilos, pour l’ensemble des acteurs de l’industrie phar­ma­ceu­tique, des grands lab­o­ra­toires phar­ma­ceu­tiques aux start-up en pas­sant par les biotech.
Plus par­ti­c­ulière­ment, notre activ­ité cou­vre toute la chaîne de la fab­ri­ca­tion de ces principes act­ifs : développe­ment chim­ique et ana­ly­tique, syn­thès­es de principes act­ifs selon les bonnes pra­tiques de fab­ri­ca­tion, études de sta­bil­ité, pré­pa­ra­tion des modal­ités d’enregistrement des dossiers d’autorisation de mise sur le marché…
Sur ce marché de niche très règle­men­té, nous nous posi­tion­nons donc comme un sous-trai­tant spé­cial­iste de la fab­ri­ca­tion de principes act­ifs pour des médica­ments déjà com­mer­cial­isés ou dans le cadre du développe­ment de futurs médica­ments en cours d’études cliniques.

Diverchim est aussi une société en très forte croissance que vous avez repris à la barre du tribunal de commerce. Qu’en est-il ?

Il y a cinq ans, lors que j’ai repris Diver­chim, la société avait une activ­ité en recherche et développe­ment. Nous avons fait évoluer son posi­tion­nement afin de nous con­cen­tr­er sur la pro­duc­tion et la fab­ri­ca­tion de principes act­ifs. Au cours des dernières années, nous sommes ain­si passés de 24 à 60 per­son­nes. Le chiffre d’affaires a été mul­ti­plié par 4. Nous avons réal­isé plus de 4 mil­lions d’euros d’investissements sur notre site pour dévelop­per notre out­il de pro­duc­tion en créant 7 nou­velles zones de fab­ri­ca­tion. Et nous envis­ageons de créer 3 ate­liers com­plé­men­taires. Aujourd’hui, cela nous per­met de nous posi­tion­ner comme un des lead­ers mon­di­aux de la fab­ri­ca­tion de principes actifs.

Au cœur de votre activité, on retrouve aussi la question stratégique de l’approvisionnement et de la sécurisation des matières premières. Qu’en est-il et comment y contribuez-vous à votre niveau ?

C’est un sujet stratégique qui a forte­ment gag­né en vis­i­bil­ité dans la con­ti­nu­ité de la crise san­i­taire de la Covid-19. Alors que les prin­ci­pales usines de fab­ri­ca­tion de principes act­ifs sont local­isées en Asie, essen­tielle­ment en Inde et en Chine, nous avons fait le choix fort de priv­ilégi­er une pro­duc­tion et une fab­ri­ca­tion française et européenne. Dans ce cadre, nous essayons de sourcer et de nous appro­vi­sion­ner auprès de four­nisseurs de matières pre­mières occi­den­taux. C’est toute­fois une démarche com­plexe. Au cours des dernières décen­nies des pans entiers de l’industrie chim­ique et des matières pre­mières de chimie ont été délo­cal­isés en Asie.
Dans ce con­texte, aujourd’hui, Diver­chim ambi­tionne de pass­er un cap stratégique en dévelop­pant une sec­onde activ­ité. En com­plé­ment de notre activ­ité de fab­ri­ca­tion et de pro­duc­tion pour des lab­o­ra­toires et autres acteurs de l’industrie phar­ma­ceu­tique, nous dévelop­pons la fab­ri­ca­tion de principes act­ifs, hors brevets, de manière propriétaire.

Ce posi­tion­nement découle aus­si d’un con­stat impor­tant. En effet, depuis une quin­zaine d’années, l’industrie phar­ma­ceu­tique fait face de manière récur­rente à des rup­tures de médica­ments. Si on recen­sait 60 à 80 médica­ments en rup­ture dans les hôpi­taux il y a 15 ans, 2500 rup­tures étaient sig­nalées en octo­bre 2020, et la sit­u­a­tion s’est depuis dégradée puisqu’on estime aujourd’hui ce nom­bre à plus de 3 000 ruptures.
Ces rup­tures peu­vent être dues à l’indisponibilité d’un principe act­if ou encore à des prob­lé­ma­tiques de logis­tique ou de sup­ply chain… En moyenne, 10 % de ces rup­tures sont liées à l’arrêt de la pro­duc­tion de principes act­ifs vieil­lis­sants, pro­duits en petite quan­tité et dont la pro­duc­tion n’intéresse plus les fab­ri­cants européens et asi­a­tiques. Nous nous sommes donc intéressés à ces principes act­ifs et avons sélec­tion­né six pro­duits, trois curares et trois anesthésiques, sur lesquels nous allons con­cen­tr­er notre pro­duc­tion en pro­pre. Dans le cadre de cette sélec­tion, nous nous sommes appuyés sur dif­férents critères : des principes act­ifs pro­duits en petits vol­umes que nous sommes sci­en­tifique­ment en capac­ité de fab­ri­quer avec notre out­il de pro­duc­tion et dont la pro­duc­tion peut être réin­dus­tri­al­isée sur le ter­ri­toire national.

Quels sont, selon vous, les efforts que la France et l’Europe doivent encore fournir pour renforcer notre souveraineté en la matière ?

La réin­dus­tri­al­i­sa­tion d’un principe act­if représente un investisse­ment sig­ni­fi­catif com­pris entre 500 000 et un mil­lion d’euros. Depuis, la pandémie, de nom­breuses actions et ini­tia­tives, comme le Plan France Relance, ont été lancées pour impulser cette dynamique de réin­dus­tri­al­i­sa­tion. Toute­fois, cela ne suf­fit pas. Pour des con­sid­éra­tions cap­i­tal­is­tiques évi­dentes, encore aujourd’hui, les acteurs et entre­pris­es publics et privés priv­ilégient des four­nisseurs étrangers et asi­a­tiques qui vont leur pro­pos­er des coûts plus compétitifs.
Aujourd’hui, si je suis con­fi­ant quant à la capac­ité de mon entre­prise à relo­calis­er une pro­duc­tion de principes act­ifs en France, j’ai beau­coup plus d’incertitudes quant à l’existence d’un marché français et européen pour cette pro­duc­tion. Dans une logique de sou­veraineté et en sou­tien à la réin­dus­tri­al­i­sa­tion de la France et de l’Europe, il nous sem­ble aujourd’hui évi­dent qu’un sou­tien poli­tique et règle­men­taire est néces­saire afin de val­oris­er cette pro­duc­tion locale qui, in fine, est égale­ment vertueuse sur le plan économique (créa­tion d’emplois et développe­ment de l’investissement) mais aus­si envi­ron­nemen­tal notam­ment en ter­mes de baisse de l’empreinte carbone !

En parallèle, quels sont les autres enjeux et sujets qui mobilisent Diverchim ?

Nous suiv­ons, bien évidem­ment, de près toutes les avancées sci­en­tifiques et thérapeu­tiques qui impactent notre méti­er. Nous regar­dons avec grand intérêt tout ce qui tourne autour de la syn­thèse de molécules organiques com­plex­es util­isées par exem­ple dans le développe­ment des thérapies géniques, de la médecine nucléaire au ser­vice de l’oncologie et plus générale­ment dans le développe­ment de nou­veaux traite­ments de thérapies ciblées pour une médecine de précision.
On reste donc en veille per­ma­nente pour nous adapter sur le plan tech­nologique et indus­triel afin de pou­voir répon­dre aux besoins et aux attentes de nos clients.

Et pour conclure, quelles sont vos perspectives de développement ?

Nous avons enreg­istré au cours des dernières années, une crois­sance annuelle de 30 % et cette ten­dance se poursuit.
En par­al­lèle, nous con­tin­uons nos investisse­ments sur la dimen­sion tech­nologique de notre méti­er pour nous adapter à l’évolution de la demande. Enfin, nous tra­vail­lons sur la struc­tura­tion de notre offre de principes act­ifs et de pro­duits pro­prié­taires afin de répon­dre aux besoins de nos clients français, européens et internationaux.

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