Polytechniciens et rues de Paris (suite)

Dossier : Libres proposMagazine N°556 Juin/Juillet 2000Par : Jacques DEJEUMONT (47)

1) Nous traiterons d’abord les cor­rec­tions matérielles.

  • Page 30 : la désig­na­tion de la rue de Chabrol a eu lieu en 1835 (au lieu de 1822). Sup­primer l’av­enue Sadi Carnot. Le nom du prési­dent assas­s­iné n’est cité que dans la vil­la Sadi Carnot (XIXe). La désig­na­tion de la rue Vaneau a eu lieu en 1878 et non en 1830. Le général Lemon­nier est mort pour la France en 1945 et non en 1943.
  • Page 31 : la désig­na­tion de la rue Gay-Lus­sac a eu lieu en 1864 et non en 1804 (faute de saisie, non cor­rigée ultérieurement).
  • Page 32 : dans le tableau ” Répar­ti­tion par pro­mo­tion “, Duvivi­er est de la pro­mo 1812 et non 1813.
  • Page 34 : dans le tableau ” Répar­ti­tion par arrondisse­ment ” : Carnot doit être sup­primé dans le XVe et mis dans le XIXe ; Sauvy doit être mis dans le XVe et Bertin dans le XVIIIe.

Ces cor­rec­tions s’ap­pliquent aux 80 poly­tech­ni­ciens cités dans l’ar­ti­cle pub­lié en mars.

2) Mais il y a eu d’autres poly­tech­ni­ciens dont les noms ont été sig­nalés par P. Givaudon (50), B. de La Moriner­ie (51), J.-L. Bobin (54), F.-X. Can­ce (49), C. Lebrun (48) que je remer­cie de leurs correspondances.

3) L’a­jout des 12 cama­rades ne mod­i­fie pas les con­clu­sions de l’ar­ti­cle de mars 2000. Le seul élé­ment nou­veau est l’im­por­tance du nom­bre de cama­rades de la pro­mo­tion 1794.

Pour ter­min­er, nous nous pro­posons d’é­tudi­er dans quelle mesure les désig­na­tions ont été faites vis-à-vis de la ” loi des cinq ans ” dont nous rap­pelons les aspects successifs.

Le 31 décem­bre 1904, le Con­seil munic­i­pal avait décidé de n’at­tribuer aux rues de la cap­i­tale ” aucun nom appar­tenant à des per­son­nages morts depuis moins de cinq ans, à l’ex­cep­tion de per­son­nages ayant ren­du des ser­vices directs à la Ville de Paris “.

En 1920, Puy­mai­gre rap­pelait cette déci­sion qui venait d’être enfreinte, mais les édiles refu­saient de le suiv­re et de se pronon­cer sur la con­fir­ma­tion de cette règle./p>

C’est seule­ment le 23 décem­bre 1932 que le Con­seil munic­i­pal votait le texte suivant :

Liste des X concernés

  • BESSE, Georges, (1927–1986) pro­mo 1948, indus­triel, prési­dent de la Régie Renault, assas­s­iné le 17 novem­bre 1986.
    Allée Georges Besse (XIVe). Désignation1996.
  • CHORON, Alexan­dre, Éti­enne, (1772–1834) pro­mo 1794, musi­co­logue et compositeur.
    Rue Choron (IIIe). Désig­na­tion 1868.
  • COCHON de LAPPARENT, Albert, Auguste, (1839–1908) pro­mo 1858, géo­logue et géographe.
    Rue Albert de Lap­par­ent (VIIe). Désignation1909.
  • ÉLIE DE BEAUMONT, Jean, Bap­tiste, Armand, Louis, Léonce , (1798–1874) pro­mo 1817, géo­logue, pro­fesseur à l’é­cole des Mines et au Col­lège de France.
    Rue Élie de Beau­mont (sup­primée).
  • JOMARD, Edmé, François, (1777–1862) pro­mo 1794, ingénieur géo­graphe et archéo­logue accom­pa­g­nant l’ex­pédi­tion d’Égypte.
    Rue Jomard (XIXe). Désignation1867.
  • LE PELLEY DU MANOIR, Yves, Franz, Loys, Marie, (1904–1928) pro­mo 1924, avi­a­teur et sportif.
    Avenue Yves du Manoir (XVI­Ie). Désignation1929.
  • PETIT-DUFRENOY, Ours, Pierre, Armand, (1792–1857) pro­mo 1811, inspecteur général des Mines. Géo­logue et minéralogiste.
    Rue Dufrenoy (XVIe). Désignation1867.
  • REYNAUD, François, Léonce, (1803–1880) pro­mo 1821, ingénieur.
    Rue Léonce Rey­naud (XVIe). Désig­na­tion 1885.
  • ROUCHÉ, Jacques, Louis, Eugène, (1862–1957) pro­mo 1882, met­teur en scène et admin­is­tra­teur, directeur de l’Opéra.
    Place Jacques Rouché (IXe). Désignation1971.
  • SANGNIER, Charles, François, Marc, Marie, (1873–1950) pro­mo 1895, jour­nal­iste d’in­spi­ra­tion chrétienne.
    Avenue Marc Sang­nier (XIVe). Désignation1956.
  • SAULSES DE FREYCINET (de), Louis, Charles, (1779–1842) pro­mo 1846, navigateur.
    Rue Freycinet (XVIe). Désignation1867.
  • TARRON, Édouard, (1878–1911) pro­mo 1896, avi­a­teur, tué le 28 avril 1911.
    Rue du cap­i­taine Tar­ron (XXe). Désignation1913.

Arti­cle premier
Le nom d’une per­son­ne décédée ne pour­ra être don­né à une voie publique de Paris que dans un délai min­i­mum de cinq ans après le décès de cette per­son­ne. Si la propo­si­tion d’at­tri­bu­tion émane de mem­bres du Con­seil munic­i­pal, cette propo­si­tion devra être revêtue d’au moins cinq sig­na­tures et elle ne pour­ra être mise en délibéra­tion que dans un délai d’au moins un an après son dépôt, compte tenu, d’ailleurs, du délai de cinq ans ci-dessus visé.

Arti­cle 2
À titre excep­tion­nel, le nom d’une per­son­ne décédée pour­ra être don­né dans un délai moin­dre que celui indiqué à l’ar­ti­cle pre­mier ci-dessus, quand il s’a­gi­ra d’une per­son­ne ayant ren­du des ser­vices sig­nalés à la Nation ou à la Ville de Paris. Dans ce cas, si la propo­si­tion d’at­tri­bu­tion émane de mem­bres du Con­seil munic­i­pal, elle devra être revêtue d’au moins quar­ante et une signatures.

Arti­cle 3
L’at­tri­bu­tion à une voie publique de Paris du nom d’une per­son­ne encore vivante, si elle est pro­posée par des mem­bres du Con­seil munic­i­pal, devra être pro­posée par au moins quar­ante et un mem­bres de l’Assem­blée ; la propo­si­tion ne vien­dra en délibéra­tion que dans un délai d’au moins trois mois après son dépôt.

Arti­cle 4
L’at­tri­bu­tion à une voie publique de Paris d’une nou­velle dénom­i­na­tion devra, avant toute délibéra­tion, faire l’ob­jet d’un mémoire pré­fec­toral, auquel sera annexé l’avis du con­seiller représen­tant le quarti­er intéressé.

Arti­cle 5
La même procé­dure sera suiv­ie en ce qui con­cerne les mon­u­ments à élever sur la voie publique, ain­si qu’en ce qui con­cerne les plaques com­mé­mora­tives à appos­er sur les immeubles.

Arti­cle 6
M. le Préfet de la Seine est invité à faire procéder à une révi­sion de la nomen­cla­ture des voies parisi­ennes, en vue de répar­er les oub­lis les plus regret­ta­bles qui ont pu être com­mis dans le passé et à présen­ter au Con­seil munic­i­pal un réper­toire de dénom­i­na­tion dans lequel un choix pour­rait utile­ment être exer­cé, le cas échéant.

Les arti­cles deux et trois de cette délibéra­tion per­me­t­taient de déroger à la règle. Ils furent abrogés le 9 décem­bre 1938. Il y a cepen­dant eu quelques entors­es, pour Win­ston Churchill (mort en 1965, doté d’une avenue en 1966), Charles de Gaulle (mort en 1970 et pourvu d’une place la même année), Georges Pom­pi­dou (mort en 1974, doté d’une voie en 1976).

Le tableau ci-après met en évi­dence le temps passé entre le décès du per­son­nage et la désignation.

*
* *

Pour ter­min­er cet arti­cle, je cit­erai les poly­tech­ni­ciens dont l’in­scrip­tion sur une plaque de rue n’a été décidée qu’au moins quar­ante ans après leur décès :

LEPLAY (45 ans),
CORIOLIS (46 ans),
GOUIN (48 ans),
NAVIER (49 ans),
VANEAU (49 ans),
FRESNEL (50 ans),
MORTENOL (54 ans),
LIOUVILLE (61 ans),
BIOT (62 ans),
LAMORICIÈRE (67 ans),
POISSON (67 ans),
FORESTIER (68 ans),
MALUS (69 ans),
HERMITE (91 ans).

La patience est, dans cer­tains cas, une qual­ité essen­tielle pour ceux qui sou­ti­en­nent des candidats.

DÉSIGNATION JUSQU’À QUARANTE ANNÉES APRÈS​LE DÉCÈS
(nom­bre d’années entre décès et désignation)
35 ROUSSEAU
CHORON, PETIET, RENARD
BERTIN
30
COMTE, FRANQUET
DULONG
25 NOGUÈS, FREYCINET
CAUCHY, JULLIEN
CITROËN
ESTIENNE
EMMERY
20 CHASLES
AVIA
OCAGNE (D’), THOLOSÉ (DE)
ALPHAND, DAUTRY
15 LAMÉ, RÉSAL
ARCHINARD, GAY-LUSSAC, LEMONNIER, ROUCHÉ, SÉJOURNÉ
ROQUES
DUVIVIER
ARAGO, LE VERRIER
10 BESSE, DUFRENOY, FAIDHERBE, FRESNEL, MILLE
BIZOT
LE CHATELIER, SAUVY
GOURGAUD
MAUNOURY, NIEL, ARMAND, DEPORT, FERBER, RUEFF, SANGNIER
5 POINSOT, JOMARD, REYNAUD
RENOUVIER, VICAT
BOSQUET, CLAPEYRON, ESTIENNE D’ORVES (D’), FAYOLLE
2 CLERGERIE, JOFFRE, TARRON
1 BELGRAND, CARNOT, CONSIDÉRANT, DE LAPPARENT, DENFERT-ROCHEREAU, DU MANOIR, LOUCHEUR, PERDONNET, POLONCEAU, PONCELET
0 FERRIÉ, FOCH, POINCARÉ
‑1 DURAND-CLAYE
‑3 BIENVENÜE, BECQUEREL
‑5
‑8 CHABROL DE VOLVIC

Obser­va­tions :

  • 4 désig­na­tions ont été faites du vivant de l’intéressé :
    CHABROL (8 ans avant le décès) – BIENVENÜE (3 ans avant le décès) – BECQUEREL (3 ans avant le décès) – DURAND-CLAYE (1 an avant le décès) ;
  • 3 désig­na­tions ont été faites l’année du décès :
    FERRIÉ, FOCH, POINCARÉ ;
  • 19 désig­na­tions ont été faites moins de 5 ans après le décès :
    BELGRAND, CARNOT, CONSIDÉRANT, DE LAPPARENT, DENFERT-ROCHEREAU, DU MANOIR, LOUCHEUR, PERDONNET, POLONCEAU, PONCELET (1 an après le décès), CLERGERIE, JOFFRE, TARRON (2 ans après le décès), BOSQUET, CLAPEYRON, ESTIENNE D’ORVES, FAYOLLE (3 ans après le décès), RENOUVIER, VICAT (4 ans après le décès).


Ces con­sid­éra­tions mon­trent que la “ règle des cinq ans ” ne con­stitue pas un obsta­cle réel à la désig­na­tion des poly­tech­ni­ciens (ou d’autres personnages).

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