Politique et harmonisation européennes, des acteurs essentiels

Dossier : Sécurité des transportsMagazine N°704 Avril 2015
Par João Aguiar MACHADO

La sécu­rité est à la fois un sujet pri­mor­dial pour tous les sys­tèmes de trans­port, et une ques­tion essen­tielle pour les citoyens européens. Ces deux aspects sont liés.

En effet, ll n’est pas pos­si­ble d’avoir un sys­tème de trans­port qui à la fois relie effi­cace­ment les qua­tre coins de l’Europe et per­met à des mil­lions de per­son­nes de se sen­tir à l’aise dans leurs déplace­ments quo­ti­di­ens, sans appli­quer les stan­dards de sécu­rité les plus élevés au monde.

REPÈRES

La direction de la Mobilité et des Transports de la Commission européenne (DG MOVE) vise à faire de l’Europe un exemple pour le reste du monde. Quel que soit le moyen de transport – route, avion, bateau ou train –, elle travaille sur tous les aspects de la sécurité dans les transports.
La DG MOVE se coordonne avec tous les acteurs de la sécurité nationaux et internationaux, y compris les entreprises et les gestionnaires d’infrastructure. De plus, les trois agences européennes qui s’occupent de sécurité aérienne (European Aviation Safety Agency, EASA), maritime (European Maritime Safety Agency, EMSA) et ferroviaire (European Railway Agency, ERA) ont été créées expressément dans ce but et travaillent en proche collaboration avec la DG MOVE.

La sécurité aérienne

Dans les États mem­bres de l’Union, la sécu­rité aéri­enne est prin­ci­pale­ment régle­men­tée et organ­isée au niveau européen.

“ L’Union a adopté de nombreuses règles en matière de sécurité aérienne ”

Cela reflète la nature inter­na­tionale du trans­port aérien, un des modes de trans­port les plus sûrs et dotés de la plus forte croissance.

L’Union européenne est dev­enue ces dernières années la région du monde la plus sûre en matière d’aérien, à égal­ité avec les États-Unis. En rai­son de l’importante aug­men­ta­tion du traf­ic aérien et du grand nom­bre de com­pag­nies résul­tant de la mise en œuvre réussie du marché unique de l’aviation, l’Union a adop­té de nom­breuses règles en matière de sécu­rité aérienne.

Un puis­sant instru­ment de con­trôle et d’amélioration de la sécu­rité des com­pag­nies étrangères a été créé : la liste des trans­porteurs inter­dits de vol­er dans l’Union européenne ou de la survoler.

Cette liste est mise à jour régulière­ment, et la Com­mis­sion européenne a récem­ment pub­lié sur son site Inter­net un out­il per­me­t­tant à tout citoyen de véri­fi­er rapi­de­ment, avant d’acheter un bil­let d’avion, si la com­pag­nie fig­ure dans cette liste.

Une surveillance nationale et européenne

La plu­part des règles européennes en matière de sécu­rité aéri­enne ont été adop­tées en 2008 dans un règle­ment-cadre qui a notam­ment créé l’Agence européenne pour la sécu­rité aéri­enne (EASA), basée à Cologne.

“ L’Europe est championne du monde en matière de sécurité routière ”

La sur­veil­lance de la sécu­rité est assurée par le biais d’un sys­tème com­posé de l’EASA et des autorités nationales de l’aviation des États mem­bres, cha­cun étant respon­s­able de délivr­er cer­ti­fi­cats, autori­sa­tions et appro­ba­tions pour toutes sortes d’acteurs et d’activités : for­ma­tion, entre­tien, licence des pilotes, etc.

En out­re, l’EASA con­trôle la qual­ité de la sur­veil­lance nationale au tra­vers d’inspections de nor­mal­i­sa­tion. Le sys­tème européen a pro­gres­sive­ment rem­placé les sys­tèmes nationaux dans de nom­breux domaines.

Par exem­ple, depuis plus de dix ans, tous les avions pro­duits en Europe reçoivent une seule cer­ti­fi­ca­tion émise par l’EASA. Cela représente une sim­pli­fi­ca­tion pour le marché, tout en main­tenant des normes de sécu­rité élevées.

Des accords bilatéraux

Pour chaque per­son­ne, tuée sur la route, on compte 10 à 12 blessés graves
© FOTOLIA

Au niveau inter­na­tion­al, l’Union européenne, qui n’a qu’un rôle d’observateur dans l’Organisation de l’aviation civile inter­na­tionale (OACI), par­ticipe active­ment à plusieurs groupes de tra­vail, et a con­clu des accords bilatéraux de sécu­rité avec les États-Unis, le Cana­da et le Brésil.

En rai­son des prévi­sions d’augmentation du traf­ic aérien dans les années à venir, la Com­mis­sion européenne pré­pare une ini­tia­tive poli­tique afin d’améliorer encore le sys­tème de sécu­rité aéri­enne européen et de le ren­dre plus effi­cace, con­tribuant ain­si à une meilleure com­péti­tiv­ité de l’industrie aéro­nau­tique en Europe.

La sécutité routière

L’Europe est cham­pi­onne du monde en matière de sécu­rité routière. Le taux moyen de mor­tal­ité sur les routes européennes représente près de la moitié du taux des États-Unis. En fait, la sécu­rité routière est l’un des plus grands suc­cès européens, avec une pro­gres­sion extra­or­di­naire au fil du temps : on est passé de plus de 55 000 morts par an en 2000 à 26 000 morts en 2013.

Bien sûr, ces chiffres sont encore beau­coup trop élevés – chaque mort est une mort de trop – et il faut ajouter que, pour chaque per­son­ne tuée sur la route, on compte 10 à 12 blessés graves. Mais nous allons dans la bonne direction.

Un travail intense et volontaire

Cette réus­site est le résul­tat d’un tra­vail intense et volon­taire. Les respon­s­ables poli­tiques de l’Union ont com­pris l’importance et le sérieux de la sécu­rité routière, et ont l’intention de con­tin­uer sur ce chemin.

RETOUR D’EXPÉRIENCE

Deux législations visent à améliorer la sécurité par le biais d’un retour d’expérience sur les accidents et incidents passés : les enquêtes sur les accidents et le rapport et l’analyse des événements.
Concernant ce dernier aspect, l’Union européenne a adopté en avril 2014 de nouvelles règles afin d’améliorer la collection, l’analyse et l’échange des informations qui entreront en vigueur début 2016.

Aus­si un objec­tif stratégique ambitieux a‑t-il été adop­té : réduire de moitié le nom­bre de tués sur les routes entre 2010 et 2020. Tout sera mis en œuvre pour attein­dre l’objectif de zéro mort sur les routes en 2050.

Une grande par­tie du tra­vail s’effectue au niveau nation­al. La plu­part des ini­tia­tives quo­ti­di­ennes de sécu­rité routière doivent être adap­tées au con­texte local. Mais cer­taines ques­tions se résol­vent mieux en coopération.

Afin de faciliter la libre cir­cu­la­tion des citoyens de l’Union et en même temps d’améliorer leur sécu­rité, les règles du per­mis de con­duire ont été har­mon­isées à l’échelon au niveau européen.

Des initiatives couronnées de succès

Pour les jeunes moto­cy­clistes a été créé un accès pro­gres­sif aux motos les plus puis­santes, afin de réduire le risque d’accidents pour ce groupe d’usagers vulnérables.

Une direc­tive impor­tante per­met aux forces de police de coopér­er entre elles afin de sanc­tion­ner les infrac­tions routières graves com­mis­es par des con­duc­teurs non rési­dents. En effet, de nom­breux con­duc­teurs con­duisent moins prudem­ment à l’étranger, pen­sant échap­per à toute sanction.

Pour la sécu­rité des véhicules, une lég­is­la­tion européenne définit les normes pour les con­trôles tech­niques péri­odiques. Et, pour des routes plus sûres, l’Union européenne a défi­ni des principes de ges­tion de la sécu­rité des infra­struc­tures à met­tre en œuvre lors de la con­struc­tion et de l’entretien des autoroutes et des tunnels.

Le suc­cès est déjà vis­i­ble : aujourd’hui, seuls 7 % des acci­dents mor­tels ont lieu sur les autoroutes, mal­gré des vol­umes impor­tants de cir­cu­la­tion et une vitesse plus élevée.

La sécurité ferroviaire

Le secteur fer­rovi­aire est cru­cial pour un fonc­tion­nement effi­cace de l’économie européenne, et pour faire face à l’augmentation de la demande de trans­port atten­due dans les deux prochaines décennies.

CERTIFICAT ET AUTORISATION DE SÉCURITÉ

Pour pouvoir opérer, les entreprises ferroviaires ont besoin d’un certificat de sécurité, et les gestionnaires d’infrastructure d’une autorisation de sécurité.
Ces documents sont délivrés par les autorités respectives de sécurité nationales, qui doivent aussi surveiller les opérateurs afin de s’assurer que leur système de gestion de la sécurité est bien appliqué.

Dès aujourd’hui, plus de huit mil­liards de voy­ages sont effec­tués chaque année, et env­i­ron 11% des voyageurs se dépla­cent sur le rail, avec des revenus estimés à 13 mil­liards d’euros. Dans ces con­di­tions, la sécu­rité devient un point capital.

Actuelle­ment, la sécu­rité fer­rovi­aire est glob­ale­ment sat­is­faisante pour l’ensemble de l’Union européenne. Dans son dernier rap­port sur la sécu­rité, l’Agence fer­rovi­aire européenne (ERA) indique que la sécu­rité fer­rovi­aire en Europe est supérieure à celle des autres moyens de trans­port ter­restres et qu’elle a un niveau très hon­or­able par rap­port à celle d’autres pays indus­tri­al­isés pour lesquels on dis­pose de sta­tis­tiques com­pa­ra­bles (États-Unis, Cana­da, Corée du Sud et Australie).

Si la sécu­rité fer­rovi­aire a don­né des résul­tats sat­is­faisants en Europe, c’est grâce à un sys­tème effi­cace : l’Union a adop­té une lég­is­la­tion sur la sécu­rité fer­rovi­aire qui définit les rôles et les respon­s­abil­ités des dif­férents acteurs de la chaîne du transport.

Par­mi les prin­ci­paux parte­naires, il faut rap­pel­er les acteurs insti­tu­tion­nels : autorités nationales de sécu­rité et organ­ismes nationaux d’enquête, mis en réseau par l’ERA.

Accident ferroviaire de Brétigny sur Orge
Les vrais pro­tag­o­nistes de la sécu­rité fer­rovi­aire sont les entre­pris­es fer­rovi­aires et les ges­tion­naires d’infrastructure
(ici, l’accident de Brétigny-sur-Orge). © REUTERS

Rôles et responsabilité

Les vrais pro­tag­o­nistes de la sécu­rité fer­rovi­aire sont les entre­pris­es fer­rovi­aires et les ges­tion­naires d’infrastructure. Ces opéra­teurs ont la véri­ta­ble con­nais­sance de ce qui se passe au niveau de la sécu­rité lors de leurs opéra­tions de trans­port et, de ce fait, ils sont cen­sés éla­bor­er un « sys­tème de ges­tion de la sécu­rité ». Ils ont l’obligation de con­trôler en interne l’efficacité de ce sys­tème de gestion.

“ La compatibilité technique entre réseaux nationaux est essentielle ”

Même si le sys­tème fonc­tionne cor­recte­ment, il reste des amélio­ra­tions à apporter du point de vue européen, surtout au niveau admin­is­tratif et à celui de l’harmonisation des standards.

La stratégie définie dans les dernières propo­si­tions lég­isla­tives de la Com­mis­sion européenne prévoit de relancer la Direc­tive sur la sécu­rité fer­rovi­aire, par­ti­c­ulière­ment en ce qui con­cerne la sim­pli­fi­ca­tion des procé­dures pour l’obtention de cer­ti­fi­cats de sécurité.

Le but est d’avoir un cer­ti­fi­cat de sécu­rité unique val­able dans toute l’UE et délivré par l’ERA aux entre­pris­es fer­rovi­aires. Cette sim­pli­fi­ca­tion du sys­tème de cer­ti­fi­ca­tion ren­dra les con­trôles de sécu­rité plus faciles et plus efficaces.

En out­re, les com­pag­nies fer­rovi­aires pour­raient épargn­er jusqu’à 500 mil­lions d’euros en coûts. La com­pat­i­bil­ité tech­nique entre réseaux nationaux est aus­si essen­tielle pour for­mer une struc­ture et fournir des ser­vices à tra­vers les fron­tières européennes.

La sécurité maritime

La sécu­rité mar­itime est un enjeu stratégique pour l’Europe. La valeur ajoutée de l’Union n’a pas besoin d’être démon­trée : les cat­a­stro­phes mar­itimes et leurs con­séquences humaines ou envi­ron­nemen­tales ignorent les fron­tières. L’Europe est sys­té­ma­tique­ment inter­pel­lée lorsque des drames se produisent.

“ Un seul drame maritime peut marquer les esprits ”

Si le nom­bre de décès liés au trans­port mar­itime (entre 80 et 100 par an) demeure très faible en com­para­i­son du nom­bre de tués sur la route, un seul drame peut mar­quer les esprits, comme on l’a vu avec le naufrage de l’Esto­nia en 1994 et plus récem­ment avec celui du Cos­ta Con­cor­dia.

Le risque d’accident ne peut être nul, mais il appar­tient au régu­la­teur de le réduire autant que pos­si­ble. Sans atten­dre le prochain acci­dent, l’Union européenne doit appli­quer le principe de pré­cau­tion et pro­mou­voir les stan­dards de sécu­rité les plus stricts pour pro­téger la vie et la san­té de ses citoyens tout en préser­vant le développe­ment économique des arma­teurs qui priv­ilégient la qualité.

Deux piliers de la sécurité

À la suite des désas­tres de l’Eri­ka et du Pres­tige en 1999 et 2002, l’Union a dévelop­pé une lég­is­la­tion qui cou­vre toute la chaîne de respon­s­abil­ité et l’ensemble des acteurs de la sécu­rité mar­itime. Le cadre nor­matif s’appuie sur deux piliers : le con­trôle des sociétés de clas­si­fi­ca­tion et le con­trôle par l’État du port.

Ces deux piliers per­me­t­tent de garan­tir la sécu­rité des navires dans les eaux européennes quel que soit leur pavillon.

Développer les standards internationaux

L’AGENCE EUROPÉENNE POUR LA SÉCURITÉ MARITIME

Pour vérifier la bonne mise en œuvre du cadre normatif européen, la Commission européenne bénéfice d’un précieux allié, l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA), qui fournit une assistance technique et scientifique de haut niveau à la Commission et aux États membres.
Basée à Lisbonne, l’EMSA effectue des visites dans les États membres et des inspections auprès des sociétés de classification et des systèmes de formation des marins dans les pays tiers (le facteur humain est à l’origine de 80 % des accidents).
C’est également au sein de l’Agence que les pays européens ont hébergé des systèmes de plus en plus performants de suivi du trafic maritime et de transmission d’informations entre les autorités maritimes.
Enfin l’Agence est dotée d’une capacité d’action opérationnelle en cas de marée noire avec un réseau de navires antipollution prêts à intervenir à la demande d’un État côtier.

L’Union européenne joue en out­re un rôle essen­tiel au sein de l’Organisation mar­itime inter­na­tionale (OMI) pour dévelop­per les stan­dards inter­na­tionaux et assur­er leur mise en œuvre en les inté­grant dans le droit européen. L’Union s’efforce par exem­ple de pro­mou­voir des normes de sta­bil­ité des navires plus élevées qui peu­vent être déter­mi­nantes pour garan­tir la sécu­rité des navires à passagers.

En cas d’avarie, le meilleur can­ot de sauve­tage demeure le navire lui-même, et tout doit être mis en œuvre pour lui éviter de couler.

Adapter les politiques et la législation

D’autres défis nous atten­dent. Le développe­ment des nou­velles tech­nolo­gies est por­teur d’espoir pour ren­forcer encore la sécu­rité du trans­port mar­itime en réduisant notam­ment l’incidence du fac­teur humain. Mais les évo­lu­tions actuelles doivent égale­ment s’accompagner de nou­velles règles, comme on le voit avec les navires de ser­vice pour l’industrie off-shore et les nou­veaux modes de propul­sion au gaz naturel liquéfié.

L’évolution au sein de l’OMI vers des normes fondées sur les objec­tifs plutôt que des normes pre­scrip­tives pour la con­struc­tion des navires représente un autre défi de taille.

L’Union européenne ne doit pas relâch­er sa vig­i­lance mais adapter con­tin­uelle­ment ses poli­tiques et sa lég­is­la­tion à ces nou­veaux développements.

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Agence fer­rovi­aire européenne : Rail­way Safe­ty Per­for­mance in the Euro­pean Union 2014, disponible sur le site : http://www.era.europa.eu/Document-Register/Documents/SPR2014.pdf

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