Pierre Faure (60) 1942 — 2001

Dossier : ExpressionsMagazine N°566 Juin/Juillet 2001
Par Hubert CURIEN

C’est une émou­vante mis­sion qui m’est con­fiée d’esquiss­er le pro­fil de Pierre Fau­rre, l’homme de sci­ences et l’homme d’ac­tion. Un homme qui, après avoir été un étu­di­ant éblouis­sant, fut un chercheur étince­lant. Un homme de lumières.

Il fut élu à l’A­cadémie des sci­ences à quar­ante-trois ans ; il en res­ta pen­dant longtemps le plus jeune mem­bre. Il présidait, au sein de cette Académie, l’in­ter­sec­tion des appli­ca­tions des sci­ences et nous fai­sait ain­si béné­fici­er de sa triple com­pé­tence sci­en­tifique, tech­nique et industrielle.

Pierre Faurre (60)Après sa sco­lar­ité à l’É­cole poly­tech­nique (entré et sor­ti pre­mier, 1960–1962), il pré­para un Ph. D. à l’u­ni­ver­sité de Stan­ford puis un doc­tor­at ès sci­ences à Paris. Son patron de recherche en Cal­i­fornie, le célèbre Rudi Kalman, dis­ait qu’il n’avait jamais con­nu de meilleur disciple.

Les apports sci­en­tifiques de Pierre Fau­rre peu­vent être rassem­blés sous deux rubriques.

Ses travaux d’analyse théorique con­cer­nent le fil­trage numérique opti­mal. Il s’ag­it, pour l’essen­tiel, de faire une mesure math­é­ma­tique sur la mesure physique. Pierre Fau­rre s’at­tache à représen­ter un sys­tème com­plexe, con­sid­éré comme une ” boîte noire “, par des états math­é­ma­tiques de dimen­sions minimales.

L’autre volet de son œuvre est plus délibéré­ment tourné vers les appli­ca­tions, tout spé­ciale­ment vers la nav­i­ga­tion iner­tielle opti­male : com­ment nav­iguer au plus près d’une tra­jec­toire définie comme optimale ?

On peut dire, sans aucune­ment vers­er dans l’emphase, que Pierre Fau­rre a présidé à la nais­sance d’une école nou­velle d’au­toma­tique rapide.

Pour lui, recherche et enseigne­ment étaient intime­ment liés. Pro­fesseur à l’École poly­tech­nique, il en prési­da remar­quable­ment le Con­seil d’Administration. Il s’attacha tout spé­ciale­ment à adapter la for­ma­tion des poly­tech­ni­ciens à la moder­nité du monde indus­triel et social. L’omniprésence de la tech­nolo­gie dans la vie quo­ti­di­enne con­tem­po­raine fait que le méti­er d’ingénieur implique des respon­s­abil­ités nou­velles. La pra­tique de la tech­nolo­gie n’est per­ti­nente que lorsqu’elle est en har­monie avec le con­texte social.

Pierre Fau­rre avait aus­si le souci du ray­on­nement de l’École poly­tech­nique en dehors de nos fron­tières. L’École, lieu d’excellence recon­nu par nos com­pa­tri­otes, doit être aus­si un des pôles mon­di­aux de référence pour la for­ma­tion sci­en­tifique et technologique.

Pierre Fau­rre a tou­jours agi sans aucun dog­ma­tisme mais avec pré­ci­sion, sans brusquerie mais dans la con­ci­sion. C’est lui faire hon­neur que d’être bref en évo­quant sa mémoire. Une évo­ca­tion que je me risque à énon­cer en trois points : Pierre Fau­rre avait une vision claire du monde dont il savait excellem­ment percevoir les ” sig­naux ” utiles ; il avait un juge­ment rapi­de et sûr qu’il savait alli­er à une fidél­ité exem­plaire ; il était ani­mé par un goût irré­press­ible de l’in­no­va­tion béné­fique, har­monieuse­ment allié à une réflex­ion spir­ituelle profonde.

Imag­i­natif, pré­cis, élé­gant, généreux, tel fut l’homme que nous perdons.

Le nom de Pierre Fau­rre est inscrit au pal­marès de la sci­ence. Il est aus­si gravé dans nos cœurs.

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