Eurotunnel : le poste d’interconnexion

Peut-on se passer du nucléaire ?

Dossier : Le dossier nucléaireMagazine N°569 Novembre 2001
Par Pierre BACHER (52)

Bien malin celui qui peut dire quels seront les besoins d’én­ergie et les ressources disponibles dans cent ans : d’un côté, le cli­mat peut avoir com­plète­ment changé, avec des con­séquences sur les besoins impos­si­bles à prévoir ; d’un autre côté, le solaire pho­to­voltaïque ou la fusion nucléaire peu­vent avoir com­plète­ment boulever­sé la donne énergé­tique dans un monde qui se sera peut-être habitué à une énergie chère.

Inverse­ment, à échéance de dix à vingt ans en France, la ques­tion ne se pose même pas, tant le nucléaire occupe une place impor­tante dans notre économie. Même la RFA, qui a pris la déci­sion poli­tique de sor­tir du nucléaire, lequel pro­duit env­i­ron 30 % de son élec­tric­ité, ne prévoit de le faire que d’i­ci 2020. Il nous a donc sem­blé raisonnable de pos­er les ques­tions sur l’avenir du nucléaire avec en ligne de mire les besoins en énergie et les ressources énergé­tiques à un hori­zon ni trop proche ni trop loin­tain. Nous avons choisi 2050.

Les élé­ments per­me­t­tant de répon­dre aux ques­tions sur l’avenir du nucléaire sont de divers­es natures : la disponi­bil­ité à terme plus ou moins éloigné des ressources en énergie, les besoins dans les dif­férentes régions du monde, les risques (ou la per­cep­tion des risques) que les dif­férentes éner­gies font courir à l’homme et à l’en­vi­ron­nement, notam­ment, pour le nucléaire, la radioac­tiv­ité et les déchets à vie longue et, pour les éner­gies fos­siles et la bio­masse, les rejets dans l’at­mo­sphère d’oxy­des de soufre, d’oxy­des d’a­zote, de pous­sières et de gaz carbonique.

On com­pren­dra aisé­ment qu’il n’y a pas de réponse unique, val­able urbi et orbi, aux ques­tions posées.

On s’ef­forcera donc d’ap­porter quelques éclairages per­me­t­tant à cha­cun de for­mer sa pro­pre opinion.

Peut-on se passer du nucléaire ?

Sans aucun doute si on se place sur le seul ter­rain des besoins énergé­tiques globaux et des ressources disponibles, en ne se sou­ciant ni des coûts ni de l’environnement.

Tableau 1
Réserves prou­vées et réserves/production [2]
Gtep Années
Char­bon (sauf lignite) 500 200
Lignite 110 300
Pétrole 140 40
Gaz naturel 110 55
Total 860 100
Tableau 2
Ressources récupérables et ressources/production [2]
Gtep Siècles
Char­bon et lignite 3 400 > 20
Pét­role et gaz > 400 ≈ 1
Pét­role non conventionnel 600 ≈ 1
Total 4 400 > 4

La part du nucléaire dans le bilan mon­di­al des éner­gies com­mer­cial­isées ne représente que 6 %, au même niveau que les éner­gies renou­ve­lables (essen­tielle­ment hydrauliques). Les éner­gies fos­siles, qui représen­tent plus de 85 % de l’én­ergie com­mer­cial­isée1, sont aujour­d’hui abon­dantes. Les réserves prou­vées2 sont suff­isantes pour faire face glob­ale­ment aux besoins, au rythme actuel de con­som­ma­tion, pen­dant env­i­ron un siè­cle (tableau 1).

À ces réserves prou­vées vien­nent s’a­jouter des ressources espérées, beau­coup plus impor­tantes, qui représen­tent glob­ale­ment plus de qua­tre siè­cles de con­som­ma­tion (tableau 2). Même si celle-ci venait à dou­bler ou tripler au cours du XXIe siè­cle (les scé­nar­ios les plus gour­mands en énergie envis­agent 30 Gtep/an en 2050), la pénurie ne serait pas pour ce siècle.

La sit­u­a­tion est net­te­ment plus ten­due si, au lieu de regarder la sit­u­a­tion énergé­tique glob­ale, on regarde secteur par secteur :

  • Les réserves prou­vées et les ressources espérées de pét­role et de gaz sont net­te­ment plus faibles que celles de char­bon, sit­u­a­tion aggravée par une répar­ti­tion mon­di­ale très iné­gale de ces ressources : le Moyen-Ori­ent détient les deux tiers des ressources de pét­role alors que le Moyen-Ori­ent et l’ex-URSS déti­en­nent ensem­ble plus de 70 % des ressources de gaz. Cette sit­u­a­tion porte en germe des crises majeures ana­logues aux chocs pétroliers des années soix­ante-dix. Or le pét­role et le gaz sont, dans l’é­tat actuel des tech­niques, dif­fi­ciles à rem­plac­er pour le trans­port automobile.
  • Le char­bon, de loin la ressource la plus abon­dante et la mieux répar­tie, est dif­fi­cile à trans­porter autrement que par voie d’eau, ce qui explique la faible part (env­i­ron 10 %) des échanges inter­na­tionaux dans le com­merce du char­bon ; en Chine, par exem­ple, où les mines de char­bon les plus impor­tantes se trou­vent à l’in­térieur des ter­res, très loin des lieux de con­som­ma­tion, les capac­ités fer­rovi­aires sont mobil­isées à 50 % pour son transport.
     
    Tech­nique­ment, le char­bon peut rem­plac­er toutes les autres éner­gies pour la pro­duc­tion d’élec­tric­ité mais, s’il peut par­faite­ment faire marcher les bateaux et les trains — il le fai­sait encore récem­ment -, il est totale­ment inadap­té, sous sa forme solide naturelle, à la cir­cu­la­tion auto­mo­bile. On peut cepen­dant imag­in­er que le char­bon réponde à tous les besoins, car on sait par­faite­ment fab­ri­quer des car­bu­rants de syn­thèse à par­tir du char­bon (ce que les Alle­mands ont fait pen­dant la Deux­ième Guerre mon­di­ale) : il suf­fit d’y met­tre le prix. Après les chocs pétroliers des années soix­ante-dix, de nom­breuses études ont mon­tré que les car­bu­rants auto­mo­biles de syn­thèse seraient com­péti­tifs avec un pét­role autour de 50 à 60 $ par bar­il (ce qui cor­re­spond à env­i­ron 100 $ par bar­il aujourd’hui).

En résumé, sur le strict plan des ressources d’én­er­gies fos­siles, et toute con­sid­éra­tion de prix (et d’en­vi­ron­nement) mise à part, on pour­rait très bien, en mis­ant tout sur le char­bon, se pass­er de toutes les autres sources d’én­ergie : du nucléaire, des renou­ve­lables, et même de pét­role et de gaz naturel, pen­dant encore longtemps, et en tout cas bien au-delà de 2050.

Il n’empêche que, con­fron­tés aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, la France et tous les pays européens dépourvus de char­bon ont opté mas­sive­ment pour le nucléaire, et les pays ayant du char­bon, comme la RFA et l’Es­pagne, ont choisi de lancer des pro­grammes nucléaires con­séquents. Glob­ale­ment, l’én­ergie nucléaire pro­duit aujour­d’hui plus de 30 % de l’élec­tric­ité en Europe et près de 20 % aux États-Unis.

Peut-on se passer du nucléaire et faire face à nos besoins et à ceux des pays pauvres ?


Euro­tun­nel : le poste d’interconnexion “ Les Man­darins ” de Bonningues-les-Calais.
© LA MÉDIATHÈQUE EDF/CLAUDE PAUQUET

Peut-être, mais la prob­lé­ma­tique est déjà plus com­plexe, car nos besoins en énergie — liés à l’or­gan­i­sa­tion de nos sociétés rich­es — sont élevés, et ceux des pays pau­vres ou émer­gents sont énormes et insatisfaits.

Les pays rich­es peu­vent certes, moyen­nant des efforts impor­tants, réduire leur con­som­ma­tion ; cer­tains évo­quent une diminu­tion d’un fac­teur 2, mais force est de con­stater que même des crises comme celles des années soix­ante-dix n’ont eu comme effet que de sta­bilis­er la con­som­ma­tion pen­dant une dizaine d’an­nées. Aujour­d’hui, la con­som­ma­tion d’én­ergie des pays rich­es aug­mente d’un demi pour cent par pour­cent­age de hausse du PIB. C’est d’ailleurs pour cette rai­son que le prési­dent Bush a rejeté le Pro­to­cole de Kyoto, con­sid­érant que sa mise en œuvre aux États-Unis provo­querait une crise économique grave3.

Les pays pau­vres ou émer­gents, quant à eux, sont aujour­d’hui con­fron­tés à un triple prob­lème : faire face à la crois­sance de leurs besoins, réduire les pol­lu­tions locales et régionales entraînées par l’ac­croisse­ment de la con­som­ma­tion, par­ti­c­ulière­ment dans les grandes villes, et lim­iter leur fac­ture énergé­tique à un niveau com­pat­i­ble avec leurs autres besoins vitaux.

Nous allons exam­in­er suc­ces­sive­ment ces trois pri­or­ités des pays pau­vres ou émer­gents : la sat­is­fac­tion de leurs besoins, la maîtrise des pol­lu­tions locales et régionales, les prix des éner­gies. Pour cha­cune d’en­tre elles, nous évo­querons les respon­s­abil­ités des pays riches.

Les besoins d’énergie

Sur les 9 Gtep con­som­mées dans le monde, 6 le sont par le mil­liard d’habi­tants des pays les plus rich­es, et 3 par les 5 mil­liards des pays les plus pau­vres ; l’én­ergie est donc très mal répar­tie dans le monde (fig­ure 1) De sur­croît, la pop­u­la­tion des pays les plus pau­vres aug­mente rapi­de­ment et devrait attein­dre 8 mil­liards d’i­ci 2050.

Poste 380 kV de Coulange dans l’Ardèche
Poste 380 kV de Coulange dans l’Ardèche.
 © LA MÉDIATHÈQUE EDF/CLAUDE CIEUTAT

De nom­breux scé­nar­ios de con­som­ma­tion ont été étudiés, à titre d’exemple :

  • Le Con­seil mon­di­al de l’én­ergie (CME) a con­sid­éré trois familles de scé­nar­ios : haute ; moyenne cor­re­spon­dant à la pour­suite des ten­dances actuelles ; basse cor­re­spon­dant à une très forte volon­té poli­tique de maîtrise de l’én­ergie et de développe­ment des éner­gies renou­ve­lables. Pour cette dernière famille, la con­som­ma­tion en 2050 serait de 15 Gtep.
  • B. Dessus a dévelop­pé un scé­nario, NOE4, qui con­duirait en 2050 à une con­som­ma­tion de 11,5 Gtep seule­ment ; mais ce scé­nario sup­pose que tous les acteurs adoptent sys­té­ma­tique­ment les tech­nolo­gies les plus économes en énergie, que la civil­i­sa­tion de la voiture indi­vidu­elle soit forte­ment bridée, et que tous les con­som­ma­teurs se mon­trent dis­ci­plinés. Bel opti­misme, mais peu vraisem­blable pour deux raisons essen­tielles : d’une part il faudrait une forte crois­sance pour que de nou­velles tech­nolo­gies se sub­stituent à des tech­nolo­gies moins per­for­mantes mais finan­cière­ment amor­ties, hypothèse peu cohérente avec une poli­tique d’én­ergie chère indis­pens­able à la maîtrise de l’én­ergie ; d’autre part, le citoyen con­som­ma­teur est très indi­vid­u­al­iste, et se soumet dif­fi­cile­ment à des con­traintes, comme le mon­tre l’échec du cov­oiturage même lorsqu’il béné­fi­cie d’inci­ta­tions fortes comme en Californie.


L’ob­jec­tif de 15 Gtep, cor­re­spon­dant au scé­nario bas du CME, paraît déjà très ambitieux : il sup­pose, par exem­ple, qu’en 2050 le mil­liard d’habi­tants des pays rich­es auront réduit leur con­som­ma­tion de moitié5, à 3 Gtep (3 tep par per­son­ne), et que les 8 mil­liards d’habi­tants des pays pau­vres se con­tenteront de 12 Gtep, soit 1,5 tep par personne.

Il est plus que vraisem­blable que cet objec­tif sera dépassé et que la con­som­ma­tion sera com­prise entre 15 et 20 Gtep.

Les pollutions locales et régionales

L’u­til­i­sa­tion inten­sive des éner­gies fos­siles, notam­ment le char­bon pour l’in­dus­trie lourde et le chauffage, et le pét­role pour les trans­ports, a provo­qué au XXe siè­cle des pol­lu­tions très impor­tantes, ren­dant irres­pirable l’at­mo­sphère de cer­taines villes et entraî­nant des dégâts très sérieux dans les forêts et les lacs se trou­vant sous le vent (Est des États-Unis, Scan­di­navie, Bohême). Au cours des dernières décen­nies, les pays rich­es ont con­sacré des moyens con­sid­érables, tech­niques et financiers, pour réduire ces pol­lu­tions locales et régionales, en imposant des normes de rejet de plus en plus sévères pour les oxy­des de soufre, les oxy­des d’a­zote et les poussières.

Aujour­d’hui, les pays pau­vres se trou­vent à leur tour con­fron­tés aux mêmes problèmes.

La pol­lu­tion de Pékin en hiv­er est due en grande par­tie à l’u­til­i­sa­tion, dans de mau­vais­es con­di­tions, du char­bon, à la fois pour pro­duire l’élec­tric­ité et pour le chauffage indi­vidu­el. La sit­u­a­tion y est un peu ana­logue à celle de Lon­dres dans les années cinquante, et les remèdes seront vraisem­blable­ment ana­logues : le rem­place­ment en grande par­tie du char­bon par des éner­gies moins pol­lu­antes. Ce n’est pas un hasard si la Chine, qui a obtenu l’or­gan­i­sa­tion des jeux Olympiques de 2008 à Pékin, y annonce le rem­place­ment du char­bon par le gaz naturel.

Un pays comme l’Inde, autre pays ayant des besoins énormes en énergie, adopte lui aus­si une poli­tique de diver­si­fi­ca­tion de ses appro­vi­sion­nements en faisant appel au gaz naturel6.

La Chine, comme l’Inde, ne renon­ceront pas au char­bon, loin de là, et con­sacreront des moyens impor­tants à ren­dre sa com­bus­tion aus­si pro­pre que pos­si­ble. Mais il est clair que ces deux pays, qui représen­tent à eux seuls 40 % de la pop­u­la­tion mon­di­ale, ne pour­ront répon­dre aux besoins de leurs pop­u­la­tions qu’en faisant aus­si appel à d’autres sources d’én­ergie : les éner­gies renou­ve­lables, bien adap­tées, mal­gré leurs coûts élevés, aux besoins décen­tral­isés des régions peu peu­plées, et, surtout, le gaz naturel qui est par­ti­c­ulière­ment bien adap­té aux besoins dans les grandes aggloméra­tions urbaines. Une sit­u­a­tion ana­logue se ren­con­tre dans la plu­part des pays pau­vres d’Asie du Sud et d’Amérique du Sud.

En out­re, les pays les plus avancés dans leur développe­ment (la Chine, l’Inde, le Brésil) ont déjà recours à l’én­ergie nucléaire, avec ou sans l’aide des pays occi­den­taux, et quelques autres pour­raient y avoir recours d’i­ci vingt à trente ans.

Les prix de l’énergie

Disponi­bil­ité des ressources d’én­ergie et pos­si­bil­ités tech­niques de maîtris­er les pol­lu­tions locales et régionales ne suff­isent pas s’il manque le nerf de la guerre, les moyens financiers.

Plus encore pour les pays pau­vres que pour les pays rich­es, la ques­tion du prix de l’én­ergie est fon­da­men­tale. Les investisse­ments à réalis­er dans le domaine énergé­tique sont très élevés, surtout en ce qui con­cerne le char­bon quand on veut le brûler de façon pro­pre, le nucléaire, et les éner­gies renouvelables.

Pour la pro­duc­tion d’élec­tric­ité, on pense donc tout naturelle­ment au gaz naturel, qui est à la fois pro­pre, et per­met des ren­de­ments élevés (> 50 %) dans des instal­la­tions dont le coût d’in­vestisse­ment est env­i­ron deux fois plus bas que pour le char­bon ” pro­pre “. Encore faut-il que le prix du gaz naturel soit suff­isam­ment faible et sta­ble7 pour que le coût du kWh soit abor­d­able. On ver­ra plus loin que le com­porte­ment des pays rich­es risque de jouer un rôle majeur dans l’avenir en influ­ant sur ce prix.

Peut-on se passer du nucléaire, faire face à l’ensemble des besoins et réduire les rejets de gaz à effet de serre ?

Cela fait env­i­ron un quart de siè­cle que cer­tains sci­en­tifiques aler­tent les respon­s­ables poli­tiques sur les risques que fait courir sur le cli­mat l’ac­cu­mu­la­tion de cer­tains gaz dits ” à effet de serre “. Depuis dix ans, c’est l’ensem­ble de la com­mu­nauté sci­en­tifique qui s’in­quiète et presse les poli­tiques d’a­gir sans retard8 [3].

Par­mi ces gaz, deux sont directe­ment liés à l’én­ergie : le méthane (CH4) et le gaz car­bonique (CO2). Le pre­mier d’une part accom­pa­gne l’ex­trac­tion du char­bon et d’autre part peut s’échap­per au cours de la récupéra­tion et du trans­port du gaz naturel. Le sec­ond est pro­duit lors de la com­bus­tion de tous les com­bustibles fos­siles et de la bio­masse : c’est à lui que nous nous intéresserons plus particulièrement.

Les rejets de CO2 sont env­i­ron deux fois plus impor­tants pour le char­bon que pour le gaz naturel, ceux liés au pét­role étant entre les deux9. Glob­ale­ment, avec la répar­ti­tion actuelle des con­som­ma­tions de com­bustibles fos­siles (env­i­ron 25 % cha­cun pour le gaz et le char­bon, et 40 % pour le pét­role), on estime que la com­bus­tion d’une tep con­duit au rejet d’un peu moins d’une tonne de car­bone (0,9 tC) sous forme de CO2. Au total, pour 7,5 Gtep de com­bustibles fos­siles con­som­més en 2000, les rejets mon­di­aux ont été de 6,5 GtC.

Ces quan­tités de CO2 anthropiques sont une goutte d’eau dans l’ensem­ble du cycle du car­bone, mais il sem­ble bien que les puits naturels de CO2 ne soient capa­bles de résor­ber que 3 GtC. Il en résulte une accu­mu­la­tion de CO2 dans l’at­mo­sphère (fig­ure 2) : la teneur actuelle de CO2 est de 360 ppmv (par­tie par mil­lion en vol­ume), à com­par­er à 280 avant la révo­lu­tion indus­trielle, et elle aug­mente à un rythme supérieur à 1 ppmv par an.

Les rejets de CO2 n’agis­sent pas locale­ment, con­traire­ment aux rejets de SO2, de NOx ou de pous­sières égale­ment liés à la com­bus­tion des com­bustibles fos­siles. Ceci est lié à la très longue durée de vie du CO2 dans l’at­mo­sphère (de l’or­dre du siè­cle) alors que la durée de bras­sage de l’at­mo­sphère au niveau de la planète se compte en semaines. Son accu­mu­la­tion au fil des ans entraîne un échauf­fe­ment de l’at­mo­sphère, et une mod­i­fi­ca­tion des échanges ther­miques entre l’at­mo­sphère et les océans. On conçoit, dans ces con­di­tions, que les mécan­ismes mis en jeu soient com­plex­es et s’é­tal­ent sur des décen­nies. Ces con­stantes de temps jouent évidem­ment dans les deux sens ; lorsque nous aurons com­mencé à réduire les rejets de gaz à effet de serre, il fau­dra plusieurs généra­tions pour revenir à la sit­u­a­tion ini­tiale (en espérant que les mécan­ismes soient tous réversibles, ce qui n’est prob­a­ble­ment pas le cas).

Nous allons exam­in­er les per­spec­tives de maîtrise des quan­tités de rejet de CO2 au niveau mon­di­al, puis nous nous attacherons plus par­ti­c­ulière­ment à la prob­lé­ma­tique en Europe, qui nous touche évidem­ment de plus près.

Perspectives mondiales

Le Pro­to­cole de Kyoto fixe comme objec­tif de réduire de 8 % les rejets de gaz à effet de serre des pays rich­es en 2010 par rap­port à ceux de 1990. Pour l’essen­tiel, il s’ag­it des rejets de CO2 éval­ués à 6 GtC en 1990. La plu­part des experts esti­ment que, pour lim­iter les effets sur le cli­mat, il fau­dra aller beau­coup plus loin que les engage­ments de Kyoto, qui n’ap­pa­rais­sent que comme une pre­mière étape, encore bien timide. Or on est loin de respecter ces engage­ments, puisque entre 1990 et 2000 les pays rich­es ont aug­men­té, au lieu de réduire, leurs rejets de 0,5 GtC10 ! Par­al­lèle­ment, de 1990 à 2010, les rejets des pays pau­vres devraient aug­menter de 2 GtC (fig­ure 3).

Dans ces con­di­tions, l’a­ban­don du nucléaire, qui four­nit aujour­d’hui 0,6 Gtep et économise env­i­ron 0,5 GtC, aggrav­erait une sit­u­a­tion déjà fort délicate.

Quand on regarde à l’hori­zon 2050, quels sont les moyens per­me­t­tant simultanément :

  • de pro­duire chaque année entre 6 et 10 Gtep supplémentaires,
  • de ramen­er pro­gres­sive­ment les rejets de CO2 à une valeur qui lim­it­erait son accu­mu­la­tion dans l’atmosphère ?

Le gaz naturel est aujour­d’hui la voie la plus en flèche, du fait de ses nom­breuses qual­ités déjà évo­quées ; mais peut-on en abuser ? Sup­posons, à titre d’ex­em­ple, que la con­som­ma­tion annuelle de gaz aug­mente de 5 Gtep se répar­tis­sant en 2 Gtep venant en sub­sti­tu­tion du char­bon et 3 Gtep pour faire face à des besoins nou­veaux d’én­ergie : les rejets de CO2 aug­menteraient légère­ment ou, au mieux, resteraient inchangés. Simul­tané­ment, les réserves mon­di­ales de gaz naturel ne représen­teraient plus qu’une quin­zaine d’an­nées de con­som­ma­tion. Même avec les ressources espérées, on ne dépasserait guère cinquante ans. Il y aurait là de quoi s’in­quiéter pour les généra­tions futures très proches : nos enfants et petits-enfants.

Par­mi les éner­gies renou­ve­lables, l’hy­draulique est de loin la plus impor­tante aujour­d’hui, avec près de 0,7 Gtep. Son poten­tiel de développe­ment est élevé, mais celui-ci est freiné par les con­séquences des grands ouvrages tant sociales (déplace­ments de pop­u­la­tions) que sur l’en­vi­ron­nement. La plu­part des experts esti­ment que l’hy­draulique pour­ra apporter 0,3 à 0,5 Gtep sup­plé­men­taires, mais guère plus.

Beau­coup d’e­spoirs sont mis dans les nou­velles éner­gies renou­ve­lables ou assim­ilées : la géother­mie, la bio­masse, l’én­ergie du vent et le solaire pho­to­voltaïque. Aujour­d’hui, les deux plus impor­tantes en ter­mes de pro­duc­tion, mais loin der­rière l’hy­draulique, sont la bio­masse et la géother­mie. Elles sont en aug­men­ta­tion régulière mais lente, la géother­mie parce que seules cer­taines régions s’y prê­tent, la bio­masse parce qu’elle ne se développe que lorsqu’elle est un sous-pro­duit de cul­tures vivrières (par exem­ple la bagasse).

L’én­ergie éoli­enne, très prisée actuelle­ment en Europe, est hand­i­capée parce qu’elle est dis­per­sée et, surtout, parce que le vent souf­fle de façon aléa­toire ; ceci oblige à dis­pos­er de moyens de pro­duc­tion disponibles en per­ma­nence et effec­tive­ment util­isés plus des deux tiers du temps11. Quand l’éolien se sub­stitue, lorsque le vent souf­fle, à une énergie chère, telle que le char­bon au Dane­mark ou le pét­role dans les départe­ments d’outre-mer, il devient économique­ment intéres­sant. Par con­tre, ce n’est pas le cas lorsque l’éolien se sub­stitue à du nucléaire ou, a for­tiori, à de l’hy­draulique. Au total, le poten­tiel de cette forme d’én­ergie est net­te­ment inférieur à celui de l’hydraulique.

À terme, un grand espoir est mis dans l’én­ergie pho­to­voltaïque, mais celle-ci est encore aujour­d’hui à un coût (3 F/kWh) qui la réserve à des nich­es extrême­ment lim­itées. L’In­ter­na­tion­al Insti­tute for Applied Sys­tems Analy­sis (IIASA), dans un rap­port pour le CME en 1995 [2], estime que le solaire pour­rait fournir 6 000 à 7 000 TWh en 2050, soit 1,25 à 1,5 Gtep (deux fois plus que l’éolien) — à con­di­tion que les pro­grès tech­nologiques espérés se soient réal­isés et que le prix de l’én­ergie ait suff­isam­ment aug­men­té d’i­ci là (d’un fac­teur 2 à 4). L’avenir dira ce que seront les pro­grès tech­nologiques. En ce qui con­cerne le prix de l’én­ergie, on notera qu’il pour­rait être sen­si­ble­ment majoré par la mise en œuvre de ” droits de rejets ” pour le CO2 : un ” droit de rejet ” de 1 000 F/t de car­bone émis — valeur envis­agée dans le rap­port Charpin [4] — dou­blerait le coût du kWh char­bon (de 30 à 60 cen­times de franc), et aug­menterait celui du kWh gaz de 50 % (de 20 à 30 cF).

Au total, il paraît très ambitieux d’at­ten­dre plus de 2 à 2,5 Gtep des nou­velles éner­gies renou­ve­lables ce qui, avec les nou­veaux équipements hydrauliques, per­me­t­trait d’at­tein­dre entre 2,5 et 3 Gtep sup­plé­men­taires par rap­port à aujourd’hui.

Reste le nucléaire. Dans les pays dis­posant de réseaux élec­triques impor­tants, comme la plu­part des pays de l’OCDE, rien ne s’op­pose tech­nique­ment à ce que le nucléaire pro­duise l’essen­tiel de l’élec­tric­ité de base, soit env­i­ron 60 %. Des pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil pour­suiv­ront prob­a­ble­ment un cer­tain développe­ment du nucléaire. On notera qu’avec la mise en place de ” droits de rejets ” de CO2 l’élec­tric­ité nucléaire deviendrait très com­péti­tive avec le gaz naturel, même pour des unités de puis­sance réduite. Au total, il serait tech­nique­ment et économique­ment pos­si­ble que le nucléaire représente env­i­ron 12 000 TWh, soit un peu plus de 2,5 Gtep : c’est le chiffre auquel arrive l’I­IASA dans son scé­nario médian.

Perspectives en Europe

Il est de bon ton aujour­d’hui d’en­vis­ager la ” sor­tie du nucléaire ” en Europe lorsque les cen­trales actuelles devront être arrêtées. Regar­dons donc ce qui se passerait si l’Eu­rope renonçait au nucléaire aux alen­tours de 2020. Nous pren­drons la RFA comme cas d’é­cole, puisque nos voisins ont annon­cé une déci­sion de principe, puis nous élargirons à l’ensem­ble de l’actuelle Union européenne, avant de nous intéress­er à la France.

a) Le cas allemand

Les Alle­mands rejet­tent aujour­d’hui 3 tC par habi­tant, large­ment au-dessus de la moyenne européenne. C’est la rai­son pour laque­lle ils se sont engagés à réduire leurs rejets de 20 % en 2010 par rap­port à 1990. L’essen­tiel de cette baisse devait être assuré par la restruc­tura­tion de l’in­dus­trie dans l’ex-RDA.

Tableau 3
Pro­duc­tion d’électricité en RFA (1999) [5]
TWh %
Nucléaire 170 31
Charbon 147 27
Lignite 147 27
Gaz 45 8
Renouvelables 41 6,5
Total 550 100

Compte tenu de la reprise économique à l’Est, il paraît dif­fi­cile aujour­d’hui que l’Alle­magne puisse respecter ses engage­ments sans lim­iter stricte­ment les rejets de CO2 liés à la pro­duc­tion d’élec­tric­ité. Celle-ci est don­née, pour 1999, dans le tableau 3.

Selon que les 170 TWh d’élec­tric­ité nucléaire seront rem­placés, d’i­ci 2020, par du char­bon, du gaz naturel, des éoli­ennes, ou des économies d’élec­tric­ité, les rejets sup­plé­men­taires de CO2 s’éch­e­lon­neront entre 40 et 0 MtC. Il est dif­fi­cile de prévoir quelle pour­rait être l’im­por­tance des économies (la con­som­ma­tion d’élec­tric­ité est sta­ble depuis qua­tre ans) ; en ce qui con­cerne les éoli­ennes, un très gros effort est engagé, avec 10 000 MW prévus en 2010 ; mais ces 10 000 MW ne pro­duiront que 25 à 30 TWh, et il n’est pas cer­tain que les Alle­mands puis­sent trou­ver suff­isam­ment de sites pour en installer beau­coup plus. Au mieux, ce sont 120 à 130 TWh nucléaires qui devront être rem­placés, prob­a­ble­ment par du gaz naturel. Et comme les Alle­mands ne pour­ront pas aug­menter leurs rejets de CO212, il fau­dra qu’ils rem­pla­cent à peu près autant de cen­trales au char­bon : au total, le gaz devrait fournir 250 TWh. Encore n’est-il pas sûr que cela soit suff­isant, surtout si les rejets devaient con­tin­uer à baiss­er après 2010.

b) L’Union européenne

La répar­ti­tion des éner­gies pour la pro­duc­tion d’élec­tric­ité dans l’U­nion européenne est don­née dans le tableau 4.

Tableau 4
Répar­ti­tion de la pro­duc­tion d’électricité dans l’Union européenne (1998) [5]
TWh %
Fossiles 1 355 48
Nucléaire 880 31
Renouvelables
(dont hydraulique)
590
(560)
21
Total 2 825 100

Jusqu’à quel point l’ar­rêt du nucléaire, d’i­ci 2020, pour­rait-il être com­pen­sé, au moins en par­tie, par des économies et par l’én­ergie éolienne ?

La ten­dance de la con­som­ma­tion d’élec­tric­ité depuis 1990 est de + 2 % par an, et ne sem­ble pas devoir s’in­fléchir de sitôt ; une des raisons est la volon­té de pour­suiv­re la crois­sance de l’é­conomie à un rythme élevé pour lut­ter con­tre le chô­mage. Le poten­tiel des sites européens con­sid­érés comme capa­bles de recevoir des éoli­ennes est de 200 TWh, et il paraît peu vraisem­blable que la total­ité puisse être équipée. En défini­tive, c’est la qua­si-total­ité du nucléaire qui devrait être rem­placée par du gaz et, comme dans le cas par­ti­c­uli­er de la RFA, il faudrait aus­si rem­plac­er une quan­tité équiv­a­lente de cen­trales au char­bon par des cen­trales à gaz si l’on s’in­ter­dit d’aug­menter les rejets de CO2, a for­tiori si l’on veut les réduire.

La con­som­ma­tion européenne annuelle de gaz, aujour­d’hui de 0,3 Gtep, atteindrait alors env­i­ron 0,75 Gtep. Une telle con­som­ma­tion est à rap­procher du chiffre des réserves de la mer du Nord, env­i­ron 5 Gtep : les réserves dites ” fab­uleuses ” de la mer du Nord ne cor­re­spondraient qu’à sept ans de con­som­ma­tion européenne.

Les prin­ci­pales con­séquences en seraient :

  • une très forte dépen­dance, résul­tant des impor­ta­tions du Maghreb et de l’ex-URSS,
  • un risque de fortes ten­sions sur le prix du gaz et, par voie de con­séquence, un détourne­ment du gaz sibérien vers l’Eu­rope, au détri­ment notam­ment de la Chine,
  • l’épuise­ment accéléré d’une ressource d’une grande valeur.

c) Le cas de la France

La France rejette 25 % moins de CO2 par habi­tant que la moyenne des pays de l’U­nion européenne. Elle doit ces bonnes per­for­mances, tout comme la Suisse et la Suède, à l’u­til­i­sa­tion qua­si exclu­sive (95 %) du nucléaire et de l’hy­draulique pour sa pro­duc­tion d’élec­tric­ité. Cepen­dant, depuis quelques années, les rejets de CO2 ont recom­mencé à aug­menter du fait de l’ac­croisse­ment de la cir­cu­la­tion routière, alors que la France s’est engagée à Kyoto à ne pas rejeter plus en 2010 qu’en 1990.

” Sor­tir du nucléaire ” entraîn­erait sans aucun doute une aug­men­ta­tion très impor­tante des rejets de CO2 alors que tout porte à croire que tous les pays devront con­tin­uer à les réduire au-delà de 2010.

Bilan et conclusions

Alors que l’én­ergie est glob­ale­ment abon­dante, qu’il s’agisse d’én­er­gies fos­siles grâce au char­bon, d’én­ergie nucléaire, ou de poten­tial­ités des éner­gies renou­ve­lables, le bref sur­vol auquel nous avons procédé mon­tre qu’il est très dif­fi­cile de con­cili­er les dif­férents objec­tifs pour les décen­nies à venir, plus par­ti­c­ulière­ment la sat­is­fac­tion de nos besoins et de ceux des pays pau­vres, et la pro­tec­tion de l’atmosphère.

Le char­bon, moteur de la révo­lu­tion indus­trielle, a déjà dû reculer depuis la Deux­ième Guerre mon­di­ale devant le pét­role et le gaz, beau­coup plus ver­sa­tiles et faciles à utilis­er. Il est main­tenant forte­ment attaqué comme le plus gros émet­teur de CO2.

Le pét­role est très sol­lic­ité pour les trans­ports, et ses réserves sont ter­ri­ble­ment mal répar­ties, avec tous les risques géopoli­tiques que cela entraîne. Il est égale­ment un gros émet­teur de CO2.

Le gaz peut se sub­stituer par­tielle­ment au char­bon pour la pro­duc­tion d’élec­tric­ité ; il est un peu mieux répar­ti que le pét­role, et il s’ag­it d’une ressource qui paraît indis­pens­able à un développe­ment, respectueux de la san­té et de l’en­vi­ron­nement, des pays pau­vres et émer­gents. Son util­i­sa­tion inten­sive dans les pays rich­es, en Europe notam­ment, est pos­si­ble, mais y poserait de sérieuses ques­tions de sécu­rité d’ap­pro­vi­sion­nement, et se ferait néces­saire­ment au détri­ment de ceux-là.

Par­mi les éner­gies renou­ve­lables tra­di­tion­nelles, la plus impor­tante est l’hy­draulique, mais son développe­ment est lim­ité par les con­séquences sociales et écologiques de la con­struc­tion des grands ouvrages. La géother­mie et la bio­masse peu­vent apporter un appoint, mais celui-ci sem­ble limité.

Par­mi les nou­velles éner­gies renou­ve­lables, seule l’én­ergie éoli­enne est indus­trielle­ment mûre, mais son appoint sera lim­ité par le car­ac­tère aléa­toire du vent et la dif­fi­culté de trou­ver des sites. Les autres éner­gies renou­ve­lables ne pour­ront se dévelop­per que si le prix de l’én­ergie aug­mente très fortement.

Comme nos lecteurs peu­vent s’en douter les arti­cles de ce numéro ont été rédigés avant le 11 sep­tem­bre dernier. L’important prob­lème de la pro­tec­tion des indus­tries à risque con­tre les atten­tats ter­ror­istes n’a donc pu être traité. La Jaune et la Rouge se pro­pose de l’évoquer ultérieurement.

La rédac­tion

Le nucléaire présente l’a­van­tage de fournir une énergie bon marché, sans con­tribuer à l’ef­fet de serre. A con­trario, si les pays rich­es aban­don­nent le nucléaire et font mas­sive­ment appel au gaz naturel, les pays pau­vres devront pay­er celui-ci au prix fort. La pour­suite du développe­ment du nucléaire néces­site cepen­dant un cer­tain nom­bre d’ac­tions, notam­ment pour con­va­in­cre l’opin­ion publique que la radioac­tiv­ité n’a rien de ” dia­bolique ” et que la ges­tion des déchets est par­faite­ment maîtrisée. Ces actions font l’ob­jet d’autres arti­cles dans ce numéro de La Jaune et la Rouge.

Le XXe siè­cle a vu les pays rich­es acca­parer les ressources d’én­ergie pour leur pro­pre développe­ment. Il a vu aus­si une explo­sion démo­graphique sans précé­dent, qui devrait se pour­suiv­re jusque vers le milieu du présent siè­cle. En un siè­cle et demi, la pop­u­la­tion mon­di­ale aura aug­men­té de un à dix mil­liards d’habi­tants. Le XXIe siè­cle devra faire face aux besoins de ces pop­u­la­tions, alors qu’on imag­ine mal que les pop­u­la­tions des pays rich­es acceptent de remet­tre rad­i­cale­ment en cause leur niveau de vie.

Dans une vue délibéré­ment opti­miste, on peut espér­er que le XXIe siè­cle léguera aux généra­tions ultérieures une sit­u­a­tion plus sat­is­faisante : une pop­u­la­tion mon­di­ale sta­bil­isée, des besoins d’én­ergie glob­ale­ment sat­is­faits et des rejets de gaz à effet de serre ramenés à des niveaux maîtrisés et com­pat­i­bles avec la préser­va­tion du cli­mat, ceci grâce à une meilleure util­i­sa­tion de l’én­ergie, aux éner­gies renou­ve­lables (dont l’én­ergie solaire) et à l’én­ergie nucléaire (de fis­sion et (ou) de fusion) ; l’hy­drogène assur­ant le rem­place­ment du pét­role et du gaz pour les trans­ports ; et, en prime, une ges­tion des déchets nucléaires com­plète­ment accep­tée par l’opinion.

Mais le XXIe siè­cle peut aus­si léguer aux généra­tions ultérieures les séquelles de graves crises poli­tiques liées aux appro­vi­sion­nements, et un cli­mat boulever­sé à la suite d’une aug­men­ta­tion non maîtrisée des émis­sions de CO2.

Ce siè­cle appa­raît donc comme un siè­cle de tran­si­tion, un siè­cle de tous les espoirs, mais aus­si un siè­cle de tous les dangers.

Rien ne serait plus dan­gereux que de pren­dre des paris hasardeux sur l’évo­lu­tion des besoins, sur la capac­ité de dévelop­per à temps de nou­velles sources d’én­ergie et sur l’évo­lu­tion des cli­mats. On sait qu’en avenir incer­tain il n’est pas pru­dent de met­tre tous ses œufs dans le même panier. Dans le cas présent, il nous sem­ble raisonnable, pour faire face d’i­ci 2050 aux besoins nou­veaux sans aggraver les risques cli­ma­tiques, de faire appel à peu près en quan­tités égales (2 à 3 Gtep cha­cun) : au gaz naturel, au nucléaire et aux éner­gies renouvelables.

Et, comme cela risque de ne pas être suff­isant si d’une part les besoins con­tin­u­ent à aug­menter, et si d’autre part il s’avère néces­saire de réduire plus forte­ment les rejets de CO2, ne faut-il pas être prêt à aug­menter encore plus les parts des éner­gies renou­ve­lables et de l’én­ergie nucléaire ?

À cha­cun d’en juger. 

Bib­li­ogra­phie>

[1] P. BACHER, Quelle énergie pour demain ? Nucléon éd. (2000).
[2] IIASA – Glob­al ener­gy per­spec­tives to 2050 and beyond (1995).
[3] La Jaune et la Rouge (mai 2000) – arti­cles de D. BABUSIAUX et J. COIFFARD, B. DESSUS, J‑P BOURDIER, J.-M. JANCOVICI.
[4] Rap­port au Pre­mier min­istre : Étude économique prospec­tive de la fil­ière élec­trique nucléaire. Juil­let 2000 (Jean-Michel CHARPIN, Ben­jamin DESSUS, René PELLAT).
[5] Observ’ER – La pro­duc­tion d’énergie renou­ve­lable dans le monde – Deux­ième inven­taire (2000) – Éd. Sys­tèmes Solaires.

______________________________________________
1.
La con­som­ma­tion mon­di­ale d’én­ergie com­mer­ciale en 2000 était proche de 9 Gtep, aux­quels il faut ajouter env­i­ron 1 Gtep de bio­masse (surtout du bois), con­som­mé locale­ment et non compt­abil­isé dans les échanges com­mer­ci­aux mon­di­aux. Dans la plu­part des études prospec­tives, ce Gtep est pré­sumé rester constant.
2. Les réserves prou­vées sont celles qui sont iden­ti­fiées et acces­si­bles avec les tech­nolo­gies aujour­d’hui disponibles. Les ressources espérées cor­re­spon­dent à celles non local­isées mais con­sid­érées comme pos­si­bles, et à celles qui sont con­nues et qui sont sus­cep­ti­bles d’être récupérées avec de nou­velles technologies.
3. On peut certes regret­ter cette déci­sion, mais on ne peut pas écarter d’un revers de main les raisons invoquées.
4. La Jaune et la Rouge, mai 2000.
5. Soit une réduc­tion de 1 % par an, alors que la ten­dance actuelle est une aug­men­ta­tion de 1 % par an (2 % pour l’électricité).
6. Gaz de France vient d’en­tr­er sur ce marché.
7. Le gaz naturel néces­site des investisse­ments lourds dans les infra­struc­tures de trans­port (gazo­ducs ou méthaniers et ter­minaux de gazéi­fi­ca­tion). Ceux-ci se réper­cu­tent sur le prix du gaz qui peut devenir spécu­latif si la demande dépasse l’of­fre (cas de la Cal­i­fornie en 2000).
8. La Jaune et la Rouge, mai 2000.
9. Les valeurs pré­cis­es dépen­dent de la façon dont ces com­bustibles sont util­isés et, pour le char­bon, du type de charbon.
10. La baisse observée de 1990 à 1993 est con­séc­u­tive à l’ef­fon­drement des économies des pays de l’Est.
11. La durée annuelle effec­tive d’u­til­i­sa­tion des éoli­ennes est com­prise sur les bons sites entre 2 500 et 3 000 heures par an, excep­tion­nelle­ment 3 500, mais, sur la moyenne des sites poten­tiels en Europe, la durée annuelle est plutôt com­prise entre 2 000 et 2 500 heures par an.
12. À moins d’a­cheter aux Russ­es des ” droits de rejet ” de CO2 en même temps que le gaz naturel.

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