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Patrons de PME rurales : un nouveau profil

Dossier : La France a besoin d'entrepreneursMagazine N°549 Novembre 1999
Par Marie-France RAVEYRE
Par Gérard de LIGNY (43)

Profil des dirigeants fondateurs

Con­traire­ment aux créa­teurs des années 60 ils ont, pour les deux tiers, une for­ma­tion supérieure à bac + 3, et ont débuté leur car­rière comme cadres salariés. C’est aux envi­rons de la quar­an­taine que le risque d’une PME leur a paru plus attrac­t­if que la sécu­rité — toute rel­a­tive — d’une grande entreprise.

Ce ne sont pas des patrons soli­taires. 57 % d’en­tre eux ont lancé leur affaire avec un ou des associés.

Ils n’ont pas pri­or­i­taire­ment une visée pat­ri­mo­ni­ale : la crois­sance du cap­i­tal est pour eux une con­di­tion de développe­ment plus qu’un moyen d’en­richisse­ment. C’est essen­tielle­ment la pas­sion du man­age­ment qui les fait courir.

Stratégie

Ce n’est pas une stratégie de sous-trai­tance plus ou moins cap­tive selon le mod­èle de nom­breuses PME. Les entre­pris­es vis­itées ont des pro­duits pro­pres ou une spé­cial­ité originale.

Sauf excep­tion elles ne pra­tiquent que la pro­duc­tion à l’u­nité ou en petite série, avec apport d’in­no­va­tion à chaque commande.

Elles ont donc une stratégie de créneau, où le prix compte moins que la qual­ité et le délai. Ce sont les cham­pi­onnes des “délais impos­si­bles”. Elles ne craig­nent pas de s’at­ta­quer à des pro­duits de haute tech­nolo­gie (exem­ple : sonars), mais sans faire appel pour cette fab­ri­ca­tion à des équipements lourds et très sophis­tiqués. Elles n’en utilisent pas moins des tech­niques avancées quand celles-ci leur parais­sent payantes, mais en évi­tant les investisse­ments très spé­cial­isés qui réduiraient leur flex­i­bil­ité. L’outil de pointe voi­sine avec la “vieille bécane”.

Relations avec l’environnement

Les inter­locu­teurs quo­ti­di­ens des PME vis­itées, ce sont leurs four­nisseurs et leurs clients, où qu’ils se trou­vent. C’est par eux qu’ar­rive l’in­for­ma­tion sur les besoins du marché et sur les nou­velles tech­niques. Les rela­tions de prox­im­ité avec les entre­pris­es sœurs sont rares : quelques sous-trai­tances pour écrêter les pointes de charge, mais pas de mise en pool des com­pé­tences (ce qui témoigne d’un indi­vid­u­al­isme à courte vue).

C’est égale­ment chez les four­nisseurs et les clients que le per­son­nel est envoyé en stages de for­ma­tion, pour l’ac­qui­si­tion de com­pé­tences nouvelles.

Les sources de l’efficacité

Pre­mière­ment : la poly­va­lence et l’au­tonomie de chaque travailleur
Les salariés sont placés suc­ces­sive­ment à des postes très divers, sans égard à leur qual­i­fi­ca­tion d’o­rig­ine ; ils con­nais­sent ain­si l’a­mont et l’aval de leur poste de tra­vail usuel, et enrichissent leur savoir-faire. Ce qui per­met de deman­der à l’ou­vri­er de l’au­tonomie et de l’ini­tia­tive : une demande qui ne déroute ni les anciens agricul­teurs ni les anciens artisans.

Deux­ième­ment : la flex­i­bil­ité des horaires
Le temps de tra­vail est sou­ple, les heures tra­vail­lées, le soir et le week-end, sont récupérées au temps des grands travaux agri­coles ou selon les besoins famil­i­aux. Les con­trats à temps par­tiels sont large­ment pra­tiqués. Les réseaux locaux de socia­bil­ité per­me­t­tent sou­vent à l’ab­sent inopiné de trou­ver un remplaçant.

Troisième­ment : l’équipe
L’en­tre­prise est un groupe humain engagé dans une lutte pour la réus­site, avec des adver­saires extérieurs red­outa­bles. Le chef d’en­tre­prise n’est ni ter­ri­fi­ant ni pater­nel : inséré lui-même, pour les deux tiers des cas, dans une équipe de direc­tion, il cherche à sus­citer l’ad­hé­sion au pro­jet com­mun. C’est sa com­pé­tence qui le légitime.

Cette val­ori­sa­tion de l’au­tonomie et de la sol­i­dar­ité col­lec­tive entre facile­ment en réso­nance avec les valeurs tra­di­tion­nelles du milieu rural.

L’ex­pres­sion des salariés, con­sid­érée comme un fac­teur de pro­duc­tiv­ité, est donc encour­agée. Les deux tiers des chefs d’en­tre­pris­es vis­ités ont sus­cité la con­sti­tu­tion d’un comité d’en­tre­prise, sans y être légale­ment obligé ; la moitié y ont réus­si. Inutile de dire que l’idéolo­gie par­ti­sane ne pénètre pas dans ces comités.

Est-ce une solution d’avenir ?

Il y a man­i­feste­ment un avenir durable pour les pro­duc­tions indus­trielles à très faible masse cri­tique, récla­mant pri­or­i­taire­ment des capac­ités d’in­no­va­tion, de fia­bil­ité et de rapid­ité d’exé­cu­tion. Il y a donc une place impor­tante à pren­dre pour les entre­pris­es tech­nologique­ment évoluées, entraînées par des dirigeants étroite­ment solidaires.

Mais l’isole­ment géo­graphique de l’en­tre­prise, même atténué par les facil­ités de com­mu­ni­ca­tions mod­ernes, risque fort de com­pro­met­tre à terme son développe­ment et même sa survie.

Il est néces­saire qu’à l’in­star des dis­tricts indus­triels savo­yards et ital­iens se con­stitue de proche en proche une grappe d’en­tre­pris­es exerçant des métiers com­plé­men­taires qui con­stitue un milieu pro­fes­sion­nel por­teur et un pôle d’at­trac­tion tant pour la clien­tèle que pour le personnel.

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