Panneaux solaires en Australie

Passer d’une économie linéaire à une économie circulaire

Dossier : Les énergies renouvelablesMagazine N°730 Décembre 2017
Par Alain GRANDJEAN (75)

L’évo­lu­tion souhaitable pour sor­tir de l’im­passe des éner­gies fos­siles, économie de pré­da­tion, est main­tenant réal­is­able grâce aux pro­grès tech­nologiques et la diminu­tion sen­si­ble des coûts. On envis­age donc un fort développe­ment de l’énergie élec­trique avec une prépondérance des éner­gies renou­ve­lables dans le mix élec­trique. Reste le prob­lème plus cru­cial d’améliorer notre effi­cac­ité énergé­tique pour réduire la con­som­ma­tion totale d’énergie.

économie de Les années 1970 ont été celles d’une dou­ble prise de con­science : ces éner­gies fos­siles sont en quan­tité lim­itée et elles pol­lu­ent, locale­ment (oxy­des d’azote, monoxyde de car­bone, dioxyde de soufre, com­posés organiques volatils, métaux lourds et même radioac­tiv­ité) ou glob­ale­ment (gaz car­bonique, méthane et pro­toxyde d’azote) en provo­quant un change­ment cli­ma­tique aux con­séquences poten­tielle­ment dramatiques. 

Nous vivons cette con­tra­dic­tion majeure aujourd’hui. Peut-on rester sur la tra­jec­toire actuelle de crois­sance mon­di­ale du PIB avec près de 10 mil­liards d’habitants en 2050, sans man­quer d’énergie et sans subir les con­séquences dom­mage­ables de son usage ? 

Peut-on notam­ment respecter l’accord de Paris qui lim­ite à deux degrés l’augmentation de la tem­péra­ture moyenne plané­taire par rap­port à 1880, sachant qu’elle est déjà de l’ordre du degré ? 

REPÈRES

Le développement de l’humanité dépend de son accès à l’énergie. Les premières sources en ont été renouvelables : le bois avec la domestication du feu, le soleil pour l’agriculture (et le sel !), le vent pour les bateaux, l’eau et le vent dans les moulins au Moyen Âge.
Pour autant, le décollage exceptionnel constaté au XIXe siècle est dû au charbon ; il s’est poursuivi au XXe siècle grâce au trio des énergies fossiles, charbon, pétrole, gaz, qui fournissent encore aujourd’hui 80 % de notre énergie primaire, le solde se partageant entre le nucléaire et les renouvelables, bois et hydraulique largement en tête.

PRENDRE MODÈLE SUR LE VIVANT

À plus long terme, nous avons pris con­science que l’humanité doit sor­tir d’une économie linéaire et « minière » voire de pré­da­tion pour imiter le vivant et son économie circulaire. 

Dans cette vision, les éner­gies renou­ve­lables sem­blent les seules à pou­voir nous sor­tir de l’impasse du « mod­èle » actuel. 

DIMINUER LES CONSOMMATIONS

La pri­or­ité pre­mière est d’améliorer dras­tique­ment notre effi­cac­ité énergé­tique et de réduire, dans les pays rich­es, la con­som­ma­tion d’énergie.

« Les énergies renouvelables semblent les seules à pouvoir nous sortir de l’impasse du “modèle” actuel »

Deux raisons à cela : d’une part, l’énergie qu’on ne con­somme pas est la plus pro­pre, d’autre part, il est impos­si­ble de réduire nos émis­sions de GES dans la bonne pro­por­tion rapi­de­ment si l’on ne lim­ite pas notre soif d’énergie.

Dans son dernier scé­nario 2°C com­pat­i­ble avec l’Accord, l’Agence inter­na­tionale de l’énergie fait pass­er la con­som­ma­tion moyenne d’énergie pri­maire par habi­tant de 1,9 tep par habi­tant à 1,7 en 2050, cette baisse étant évidem­ment plus forte dans les pays développés. 

La France s’est don­né un objec­tif per­ti­nent et ambitieux de réduire par deux la con­som­ma­tion finale d’énergie d’ici 2050 par rap­port à son niveau en 2012. 

Nous n’évoquerons pas plus avant ce sujet dans la suite, mais notons qu’il doit faire l’objet de la plus grande atten­tion et d’investissements mas­sifs et rapides. 

PRIVILÉGIER LES ÉNERGIES DÉCARBONÉES

La deux­ième pri­or­ité est de recourir à des sources d’énergie décar­bonées, dont la pro­duc­tion et l’usage n’émettent pas ou peu de gaz à effet de serre, comme les éner­gies renouvelables. 

Dans le scé­nario 2DS, elles pour­raient représen­ter 44 % de l’énergie pri­maire en 2050. Dans le scé­nario retenu en France, ces sources d’énergie devraient représen­ter 32 % de la con­som­ma­tion finale brute d’énergie en 2030. 

Elles sont divers­es tout comme les vecteurs util­isés : chaleur à base de géother­mie, bois et déchets, chaleur solaire, gaz à par­tir de méthani­sa­tion, ou pyrol­yse de déchets végé­taux ou ani­maux, liq­uides à par­tir de végé­taux ou algues et… électricité. 

Mais ce numéro de La Jaune et la Rouge se lim­ite aux éner­gies renou­ve­lables élec­triques, hydraulique, solaire, éolien, hydrolien, cogénération. 


L’Australie pour­rait devenir excé­den­taire en énergie renou­ve­lable. © TARAS VYSHNYA / FOTOLIA.COM

ACCROÎTRE LA PART DE L’ÉLECTRICITÉ

Rap­pelons d’abord que l’électricité four­nit en 2014 au niveau mon­di­al moins de 20 % de la demande finale d’énergie.

Dans le scé­nario 2DS de l’Agence inter­na­tionale de l’énergie (AIE), cette part monte à plus de 30 % en 2050. La plu­part des experts plaident pour cette crois­sance. En effet, la décar­bon­a­tion de l’électricité peut tech­nique­ment se faire sans pari tech­nologique majeur. 

Ses émis­sions de CO2 (qui représen­tent env­i­ron 40 % des émis­sions énergé­tiques mon­di­ales) pour­raient être divisées par 10 à hori­zon 2050. Le con­tenu en car­bone de l’électricité pour­rait pass­er de plus de 500 grammes de CO2 par kilo­wattheure en 2015 à moins de 50 en 2050 ! 

Plus de 40 % de l’électricité mon­di­ale est à base de char­bon. S’en pass­er presque entière­ment est une des clefs de réus­site de la lutte con­tre le change­ment climatique. 

D’autre part, on peut reporter sur l’électricité de nom­breux usages, qu’on pense au trans­port avec le train, le tramway et la voiture, au chauffage avec la pompe à chaleur, ou aux procédés indus­triels. Dès lors, décar­bon­er l’électricité et faire croître sa part est un levi­er majeur (source : AIE, ETP 2017 http://www.iea.org/etp/).

UN DÉVELOPPEMENT SOUTENU PAR L’INNOVATION

Les éner­gies renou­ve­lables élec­triques se dévelop­pent aujourd’hui rapi­de­ment, grâce à la révo­lu­tion numérique et à de mul­ti­ples inno­va­tions. Elles représen­tent fin 2016, un quart de l’électricité produite. 

“ Décarboner l’électricité et faire croître sa part est un levier majeur ”

Elles font tra­vailler 10 mil­lions de per­son­nes dans le monde et devi­en­nent une source sig­ni­fica­tive de développe­ment économique, en appor­tant une énergie indispensable. 

Peut-être ver­rons-nous, comme l’imagine Cédric Philib­ert, expert de l’AIE, se dévelop­per des échanges entre pays « excé­den­taires » en ressources renou­ve­lables, comme l’Afrique et l’Australie, et pays « défici­taires », comme l’Europe et le Japon. 

Ces échanges pour­raient se faire sous forme de bio­com­bustibles, d’électricité ou de com­posés rich­es en hydrogène, stock­ables et trans­porta­bles, matières pre­mières ou agents de procédé dans l’industrie, et vecteurs d’énergie dans tous les secteurs. 

DES COÛTS EN FORTE BAISSE

Si l’on peut penser que leur part rel­a­tive dans la pro­duc­tion élec­trique va dépass­er les 60 % en 2050, c’est parce que les coûts des nou­velles éner­gies renou­ve­lables ont très forte­ment bais­sé. C’est aus­si grâce aux pro­grès actuels et envis­agés à l’avenir dans le stock­age, le pilotage et la ges­tion de l’offre et de la demande d’électricité.

Les éner­gies renou­ve­lables élec­triques sus­ci­tent de nom­breuses ques­tions dans notre com­mu­nauté et sont l’objet de débats sou­vent pas­sion­nés et de beau­coup d’idées reçues. Il est main­tenant pos­si­ble de les abor­der rationnelle­ment du fait de leur matu­rité et c’est l’objet de ce numéro spé­cial de La Jaune et la Rouge.

Puisse-t-il nous éclair­er et con­tribuer ain­si à leur développement.

2 Commentaires

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Lau­rent DALIMIERrépondre
10 décembre 2017 à 10 h 43 min

Arti­cle Alain Grand­jean
Excel­lent arti­cle don­nant un bon niveau de synthèse. 

Cedric Philib­ertrépondre
8 janvier 2018 à 7 h 46 min

échange inter­na­tionaux de renouvelables

Mer­ci Alain pour cette bonne intro. 

Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur ces échanges inter­na­tionaux de pro­duits rich­es en hydrogène évo­qués dans l’ar­ti­cle, voir
http://cedricphilibert.net/avis-de-coup-de-vent-et-de-coup-de-soleil/ sur mon blog 

et le rap­port com­plet sur le site de l’AIE :
https://www.iea.org/publications/insights/insightpublications/renewable-energy-for-industry.html

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