L’éco-organisme du monde de la construction

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Hervé de MAISTRE (X85)

Respon­s­abil­ité Élargie du Pro­duc­teur (REP), éco-con­cep­tion, recy­clage, réem­ploi, mail­lage du ter­ri­toire, sen­si­bil­i­sa­tion… sont autant de sujets qui mobilisent Val­o­bat, l’éco-organisme agréé par l’État pour dévelop­per l’économie cir­cu­laire dans le monde de la con­struc­tion. Ren­con­tre avec Hervé de Maistre (X85), prési­dent de Valobat.

Qui est Valobat ?

Val­o­bat est un éco-organ­isme, une société de droit privé, dont l’objectif est de dévelop­per l’économie cir­cu­laire dans la con­struc­tion, en reprenant notam­ment à sa charge la respon­s­abil­ité élargie des pro­duc­teurs (REP) et des met­teurs en marché des pro­duits et matéri­aux de con­struc­tion et du bâti­ment. En par­al­lèle, Val­o­bat apporte son sou­tien à l’ensemble de la fil­ière pour accélér­er les per­for­mances en matière de réem­ploi, de recy­clage et pour dévelop­per l’éco-conception dans le bâtiment.

Selon l’ADEME, on estime que le bâti­ment « pro­duit » chaque année 45 mil­lions de tonnes de déchets. Plus de deux tiers sont des déchets de matéri­aux inertes (fil­ière minérale, des gra­vats, du béton, des tuiles, des briques…). Le tiers restant est con­sti­tué de matéri­aux dits non-inertes, c’est-à-dire tout ce qui reste des matéri­aux mis en œuvre pour la con­struc­tion (isolant, plâtre, plas­tique, menuis­eries, verre, métaux, bois…). Env­i­ron 70 % de ces 45 mil­lions de tonnes sont val­orisés, via le recy­clage ou la val­ori­sa­tion énergé­tique. Les 30 % de déchets qui ne sont pas val­orisés sont enfouis. L’enjeu de la fil­ière aujourd’hui est de faire en sorte que ces matéri­aux soient à ter­mes val­orisés, réem­ployés ou recy­clés en pri­or­ité dans la construction.

Concrètement, quel est votre positionnement ? 

Aujourd’hui, Val­o­bat a un posi­tion­nement de leader : c’est le seul éco-organ­isme à avoir obtenu un agré­ment de l’État pour opér­er sur les deux caté­gories de pro­duits con­cernés : les matéri­aux inertes et non-inertes. Les autres éco-organ­ismes sont act­ifs dans une de ces deux caté­gories. 

Dès le départ, Val­o­bat a souhaité et a réus­si à obtenir une vis­i­bil­ité et une représen­ta­tiv­ité très com­plète au sein de la fil­ière. Aujourd’hui, plus de 50 % des met­teurs sur le marché du bâti­ment ont adhéré à notre éco-organ­isme qui compte plus de 4 000 adhérents ain­si que 50 action­naires représen­tat­ifs de toutes les familles de matéri­aux et toutes les caté­gories de met­teurs sur le marché.  

Depuis le 1er janvier 2023, les producteurs de produits et matériaux de la construction et du bâtiment (PMCB) doivent répondre à cette obligation d’adhérer à un éco-organisme auquel ils transfèrent la Responsabilité Élargie du Producteur (REP). Pouvez-vous nous en dire plus ?

La REP est un principe qui est inscrit dans le droit européen depuis plus d’une trentaine d’années et qui a don­né lieu à la créa­tion de nom­breuses fil­ières, comme celle de l’emballage ménag­er, qui a été la pre­mière à se struc­tur­er.  

Ce principe con­sid­ère qu’un met­teur sur le marché d’un pro­duit se doit de gér­er, d’un point de vue financier et juridique, la fin de vie des pro­duits qu’il met sur le marché y com­pris la ges­tion des déchets. Pour s’acquitter de cette mis­sion, le met­teur sur marché peut met­tre en place une ini­tia­tive indi­vidu­elle ou bien adhér­er à un éco-organ­isme auquel il trans­fère cette respon­s­abil­ité. Dans ce cadre, ce dernier prend à sa charge cette respon­s­abil­ité qui cou­vre notam­ment la ges­tion des déchets avec la col­lecte, le tri, la val­ori­sa­tion et le recy­clage des déchets en fin de vie des pro­duits. 

Au-delà, Val­o­bat prend égale­ment à sa charge des actions visant à la dynami­sa­tion de l’économie cir­cu­laire dans le secteur, une activ­ité de R&D pour dévelop­per les solu­tions de réem­ploi ou de recy­clage des matéri­aux qui n’existent pas encore. Nous tra­vail­lons égale­ment à pro­mou­voir l’éco-conception, en inté­grant la fin de vie dans la con­cep­tion des nou­veaux pro­duits et bâti­ments. 

Vous êtes en déjà à l’étape suivante puisque vos adhérents ont commencé à déclarer leurs mises sur le marché et sont en position de répercuter l’éco-contribution à leurs clients. Qu’en est-il concrètement ? 

Les déc­la­ra­tions en ligne ont été ouvertes dès le début du mois de mars. La très grande majorité de nos 4 000 adhérents ont d’ores et déjà final­isé leurs déc­la­ra­tions et nous accom­pa­gnons ceux qui sont en cours de final­i­sa­tion de ce proces­sus. Nous avons mis à leur dis­po­si­tion une procé­dure pour réper­cuter sans infla­tion ni défla­tion l’éco-contribution à leurs clients sur leurs fac­tures. L’idée est d’avoir une approche péd­a­gogique autour de cette éco-con­tri­bu­tion, dont l’objet est de répon­dre aux objec­tifs d’accélération de l’économie cir­cu­laire dans le bâti­ment. Les éco-con­tri­bu­tions ser­vent inté­grale­ment aux mis­sions pour lesquelles Val­o­bat a été agréé : organ­is­er la col­lecte, le tri et le recy­clage des déchets ; dynamiser le réem­ploi des matéri­aux. 

En par­al­lèle, cette année, nous tra­vail­lons sur le mail­lage du ter­ri­toire avec le développe­ment de la col­lecte des déchets sur l’ensemble du ter­ri­toire. L’idée est d’avoir des points de col­lecte et d’apport volon­taire où il sera pos­si­ble de dépos­er gra­tu­ite­ment les déchets issus de la con­struc­tion, de la décon­struc­tion, de la réno­va­tion à con­di­tion qu’ils aient été triés som­maire­ment au préal­able. Nous ouvrons 10 nou­veaux points de col­lecte de ce type chaque jour, nous devri­ons dépass­er les 1 000 points de col­lecte sur le ter­ri­toire d’ici fin 2023.

“Un éco-organisme n’a plus de raison d’être une fois qu’une filière est arrivée à maturité, avec 100 % des produits en fin de vie recyclés ou réemployés, et a atteint un équilibre économique… mais nous en sommes loin !”

Depuis juil­let, nous avons aus­si lancé une démarche de con­trac­tu­al­i­sa­tion avec des déchet­ter­ies munic­i­pales pour ren­forcer ce mail­lage ter­ri­to­r­i­al. 

Nous organ­isons égale­ment un ser­vice de col­lecte des déchets triés directe­ment sur les gros chantiers, et directe­ment chez les entre­pris­es du bâti­ment à par­tir d’un cer­tain vol­ume. 

En opti­misant les canaux de col­lecte, nous espérons ain­si pou­voir met­tre en place un tri à la source de bonne qualité.

Enfin, nous tra­vail­lons à accélér­er le développe­ment du réem­ploi, qui con­siste à réu­tilis­er un pro­duit pour un même usage ou un autre usage, sans avoir à pass­er par toutes les étapes du recy­clage, via un plan d’action dédié de sou­tien aux acteurs opéra­tionnels. 

Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux pour Valobat ? 

Ils sont nom­breux et var­iés ! 

Le plus impor­tant à mes yeux est de réus­sir la général­i­sa­tion du tri des déchets à la source : il s’agit d’un change­ment des habi­tudes des acteurs du chantiers… cela pren­dra du temps.

Nous avons aus­si un enjeu de com­préhen­sion de la REP et de l’identification des met­teurs sur le marché qui peu­vent adhér­er à un éco-organ­isme. Il y a un réel besoin de vul­gar­i­sa­tion et de péd­a­gogie pour clar­i­fi­er et ren­dre plus lis­i­bles les infor­ma­tions. Pour ce faire, nous organ­isons des événe­ments, met­tons en ligne sur le site des webi­naires, des notices d’information…

Au-delà, nous aidons aus­si nos adhérents à mieux com­pren­dre com­ment ils peu­vent s’inscrire dans une démarche d’économie cir­cu­laire, en priv­ilé­giant par exem­ple l’éco-conception de leurs pro­duits, en inté­grant de la matière pre­mière recy­clée dans leurs pro­duits, en par­tic­i­pant à la col­lecte… 

Pour relever l’ensemble de ces défis, Val­o­bat mise sur une méthode de tra­vail très par­tic­i­pa­tive, la co-con­struc­tion et l’intelligence col­lec­tive. 

Qu’en est-il des sujets qui vous mobilisent ?

Nous souhaitons apporter un ser­vice plus com­plet à nos adhérents. Près de 20 % de nos adhérents sont soumis à d’autres fil­ières de REP. Il y a, à ce niveau, un réel besoin de sim­pli­fi­ca­tion pour que ces derniers puis­sent avoir un seul et unique inter­locu­teur. Cela demande de réfléchir à des syn­er­gies admin­is­tra­tives et de col­lecte. 

Fort de ce con­stat, Val­o­bat espère obtenir un agré­ment de l’État pour apporter ce ser­vice sup­plé­men­taire sur les fil­ières ameuble­ment et arti­cles de brico­lage et de jar­di­nage. 

En par­al­lèle, nous tra­vail­lons aus­si sur la notion de traça­bil­ité afin d’avoir une meilleure vis­i­bil­ité sur les flux et les vol­umes de déchets. Nous avons pour pro­jet de met­tre en place un sys­tème de traça­bil­ité très pré­cis, depuis la col­lecte jusqu’au recy­clage et au réem­ploi, pour dévelop­per cette con­nais­sance des flux et des per­for­mances de la fil­ière afin de pou­voir pri­oris­er les actions.

En par­al­lèle, nous souhaitons ren­forcer notre présence dans les ter­ri­toires d’outre-mer qui ont des prob­lé­ma­tiques très spé­ci­fiques en ter­mes de ges­tion des déchets : les coûts de trans­port des déchets, la matu­rité en ter­mes de ges­tion des déchets, la disponi­bil­ité d’exutoires de traite­ment des déchets… 

Enfin, il y a ce sujet du réem­ploi que j’ai précédem­ment men­tion­né et qui nous tient par­ti­c­ulière­ment à cœur. Le réem­ploi est une tech­nique qui a été util­isée pen­dant des années dans le monde de la con­struc­tion : utilis­er un bâti­ment en fin de vie pour en rénover ou en con­stru­ire un autre. Nous souhaitons don­ner un nou­v­el élan à cette pra­tique vertueuse qui aujourd’hui peine à trou­ver une cer­taine légitim­ité. 

Et pour conclure, comment vous projetez-vous ?

Sur le moyen terme, notre ambi­tion en tant qu’éco-organisme est de con­tribuer à chang­er les habi­tudes du secteur du bâti­ment, une indus­trie à cycles longs, assez con­ser­v­a­tive, très nor­mée et régle­men­tée. 

À plus court terme, il s’agit de déploy­er les dis­posi­tifs opéra­tionnels que j’ai men­tion­nés : le mail­lage du ter­ri­toire, les points d’apport volon­taire…  

Enfin, sur le long terme, je dirai qu’un éco-organ­isme n’a plus de rai­son d’être une fois qu’une fil­ière est arrivée à matu­rité, avec 100 % des pro­duits en fin de vie recy­clés ou réem­ployés, et a atteint un équili­bre économique… mais nous en sommes loin ! 

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