Une usine de fabrication d’aimants 100 % Made-In-France

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Erick PETIT

En déve­lop­pant l’activité de recy­clage des aimants, MagREE­source ambi­tionne de relan­cer l’industrie de fabri­ca­tion des aimants en France. Erick Petit, pré­sident de l’entreprise, nous en dit plus. 

Au cœur de votre activité, on retrouve la question du recyclage et de la valorisation des aimants en fin de vie. Pourquoi ? 

Dans le cadre de la tran­si­tion vers un monde plus décar­bo­né et élec­tri­fié, nous allons avoir besoin de plus en plus d’aimants qui sont uti­li­sés par­tout : les trans­ports (les véhi­cules élec­triques, l’aérien et le fer­ro­viaire, le mari­time…) ; les éoliennes ; le monde de la défense ; des appli­ca­tions liées à la robo­tique ou à l’électronique… ; et même la cos­mé­tique ou le luxe ! Par ailleurs, l’industrie de l’aimant est aujourd’hui à la croi­sée de plu­sieurs enjeux : les ten­sions et la pénu­rie des res­sources minières à court terme, le contrôle de la Sup­ply Chain des terres rares par les Chi­nois… Face à cette réa­li­té et avec moins de 1 % d’aimants actuel­le­ment recy­clés, les res­sources secon­daires et le recy­clage per­mettent non seule­ment de répondre à cette hausse annon­cée des besoins, mais va aus­si contri­buer à recons­truire une filière auto­nome de fabri­ca­tion des aimants en France et en Europe.  

À partir de là, quel est le positionnement de votre start-up ? 

Spin-off du CNRS, MagREE­source veut se posi­tion­ner comme un fabri­cant d’aimants, ver­ti­ca­le­ment inté­gré du recy­clage jusqu’à la fabri­ca­tion aimants finis, à l’identique de ceux obte­nus avec de la matière vierge.

Après une pre­mière levée de fond en 2022 de 5 mil­lions d’euros, qui nous a per­mis de « sor­tir » du CNRS pour un pre­mier site indus­triel de 50 tonnes de capa­ci­té annuelle, nous sommes déjà sur un deuxième tour de table fin 2023 pour accé­lé­rer notre déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique vers des aimants pour éolienne, avant un troi­sième tour qui ser­vi­ra à construire une Mag­Fac­to­ry fin 2027, la pre­mière usine durable d’aimants en Europe à plus de 500 tonnes de capa­ci­té et 150 mplois créés.

Quelle est la technologie que vous avez développée pour valoriser ces aimants en fin de vie ? 

La tech­no­lo­gie est basée sur une pro­prié­té très par­ti­cu­lière des alliages à base de terres rares : la décré­pi­ta­tion à l’hydrogène. L’hydrogène, en pré­sence d’alliage de terres rares, va ren­trer dans la matière au niveau des joints de grain et de la micro­struc­ture et va la faire gon­fler jusqu’à ce qu’elle éclate com­plè­te­ment ce qui per­met d’obtenir une poudre. Par com­pac­tion puis frit­tage, nous sommes alors en mesure de pro­duire de nou­veaux aimants.  

Cette pro­prié­té avait été mise en avant par le Dr Daniel Fru­chart, notre conseiller scien­ti­fique et qui fut Direc­teur de recherche émé­rite au CNRS. Le Dr S.Rivoirard, cofon­da­trice de MagREE­source a amé­lio­ré le concept pour en faire une vraie tech­no­lo­gie de recy­clage et obte­nir une poudre avec les meilleures carac­té­ris­tiques magné­tiques pos­sibles. Par ailleurs, nous cher­chons à déve­lop­per les tech­no­lo­gies de mise en forme pour diverses appli­ca­tions et par exemple avec de la fabri­ca­tion addi­tive pour des « micro-magnets », ce qui fait gagner matière enga­gée et réac­ti­vi­té. Nous avons dépo­sé plu­sieurs bre­vets sur ces sujets.

Votre activité permet clairement de répondre à plusieurs enjeux stratégiques : la transition énergétique et le besoin en métaux critiques et la souveraineté de notre pays. Qu’en est-il ? 

Sans aimant, nous ne fabri­que­rons pas de voi­tures élec­triques ou d’éoliennes, pour ne citer que ces exemples qui sont impac­tés direc­te­ment par notre tran­si­tion éner­gé­tique ! Être ver­ti­ca­le­ment inté­gré, depuis le recy­clage jusqu’aux aimants finis, nous per­met de garan­tir à nos clients la sou­ve­rai­ne­té indus­trielle – on peut conti­nuer à pro­duire même en cas de pénu­rie ou d’accident géo­po­li­tique – et avec le moins d’impacts pos­sible – nous rédui­sons de 91 % les émis­sions car­bone com­pa­ré aux mêmes aimants fabri­qués en Chine par extrac­tion minière. De plus le recy­clage per­met éga­le­ment de mini­mi­ser la pres­sion sur les res­sources primaires.

Notre pro­jet s’inscrit dans le mou­ve­ment de fond d’une réin­dus­tria­li­sa­tion, durable, attrac­tive, en France basée sur la tech­no­lo­gie et qui prend en compte les impacts envi­ron­ne­men­taux et sociaux de son activité.

Quelles sont les prochaines étapes pour votre entreprise ?

Nous avons déjà des pré-com­mandes, le posi­tion­ne­ment de MagREE­source est un clair avan­tage pour les don­neurs d’ordre qui recherchent aus­si de l’expertise et du sup­port pour accom­pa­gner leur propre tran­si­tion. Sur le plan tech­no­lo­gique, il s’agit main­te­nant de démon­trer rapi­de­ment la vali­di­té de notre modèle et son effi­cience éco­no­mique. En paral­lèle, nous pour­sui­vons nos efforts en matière de R&D vers l’éolien, le médi­cal ou l’électronique. Enfin, nous avons aus­si un enjeu de com­mu­ni­ca­tion pour emme­ner toutes les par­ties pre­nantes vers notre modèle cir­cu­laire afin de construire un éco­sys­tème géné­ra­teur de valeur pour tous ! 

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