Rosi, La start-up technologique qui révolutionne le recyclage et la valorisation des modules photovoltaïques

La start-up technologique qui révolutionne le recyclage et la valorisation des modules photovoltaïques

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Yun LUO (X97)

Yun Luo (X97), CEO de Rosi, s’est attaquée à une prob­lé­ma­tique cri­tique de la fil­ière pho­to­voltaïque : obtenir, grâce au recy­clage, des matières pre­mières de haute pureté qui peu­vent être réu­til­isées et réin­jec­tées dans dif­férentes fil­ières de haute valeur. Après trois ans de R&D, la jeune pousse française a dévelop­pé une série des tech­nolo­gies brevetées qui lui per­met de relever ce défi. Avec un pre­mier site indus­triel et démon­stra­teur récem­ment lancé à La Mure, Rosi affiche déjà des ambi­tions de développe­ment en Europe, notam­ment en Alle­magne et en Espagne.

Quels sont votre modèle et votre positionnement ? 

Le pho­to­voltaïque est devenu, au cours des dernières années, un des prin­ci­pales éner­gies renou­ve­lables. Si la généra­tion de cette énergie est très pro­pre et n’implique pas de CO2, la fab­ri­ca­tion des matières pre­mières pour pro­duire les mod­ules pho­to­voltaïques est très inten­sive en énergie et en CO2. Par­mi ces matières cri­tiques, on retrou­ve le sili­ci­um pur qui per­met de trans­former la lumière en élec­tric­ité. Pour fab­ri­quer une por­tion de sili­ci­um, il faut trois îlots de quartz de bonne qual­ité, deux por­tions de bois et une por­tion de char­bon, des ressources naturelles non-renouvelables. 

Une fois obtenu, ces blocs de sili­ci­um ultra pur sont découpés en wafers de sili­ci­um pour fab­ri­quer les cel­lules et les mod­ules ce qui entraîne générale­ment une perte de 40 à 50 % de sili­ci­um ultra pur. Au-delà, ces cel­lules et mod­ules peu­vent facile­ment être endom­magés et cassés durant le trans­port ou l’installation. Et au bout de 10 à 20 ans, ils per­dent jusqu’à 20 % de leur effi­cac­ité et doivent être remplacés. 

Tous ces mod­ules solaires sont col­lec­tés dans le cadre de la direc­tive européenne DEEE. Dans le cadre du recy­clage et de la reval­ori­sa­tion, ces mod­ules, et donc la matière pre­mière qu’ils con­ti­en­nent, sont broyés ce qui entraîne un mélange de tous les com­posants : sili­ci­um, argent, cuiv­re, verre, polymère… À par­tir de là, il est impos­si­ble d’extraire des matières de haute pureté réutilisables. 

Fort de ce con­stat, j’ai co-créé Rosi, il y a plus que 5 ans, pour juste­ment extraire ces matières issues du recy­clage des déchets pho­to­voltaïques et les réin­jecter dans les fil­ières indus­trielles. Pour ce faire, nous avons dévelop­pé des procédés et des équipements à la pointe de l’innovation et de la tech­nolo­gie. Enfin, nous répon­dons aus­si, dans cette démarche, aux prin­ci­paux défis du recy­clage et de la reval­ori­sa­tion des déchets : la pureté des matières et l’intégration de ces matières pre­mières recy­clées dans l’industrie.

Aujourd’hui, comment se positionne votre entreprise ?

Rosi est une start-up DeepTech. Notre cœur de méti­er est le développe­ment de procédés et d’équipements pour pro­pos­er ce ser­vice de recy­clage dans la chaîne de valeur pho­to­voltaïque afin de val­oris­er les mod­ules solaires col­lec­tés par les éco-organismes.

Notre pre­mier site de recy­clage, Rosi Alpes, a été lancé il y a quelques mois. Nous avons ving­taine de col­lab­o­ra­teurs aujourd’hui à Rosi Alpes. Rosi est adossée à une mai­son-mère qui est, par ailleurs, en charge de notre activ­ité de R&D. Aujourd’hui, nous sommes une ving­taine de per­son­nes au sein de la maison-mère. 

Notre site, Rosi Alpes, est détenu à 100 % par Rosi. Sur site, nous pou­vons recy­cler jusqu’à 3 000 tonnes de mod­ules solaires en fin de vie issus du marché français, mais égale­ment des pays voisins. 

Comment fonctionnent la technologie et les procédés que vous avez développés ?

Le pre­mier enjeu est d’arriver à sépar­er les matières pre­mières encap­sulées dans les mod­ules. Dans ce cadre, nous nous intéres­sons essen­tielle­ment au sili­ci­um et à l’argent qui représen­tent plus de 60 % de la valeur économique des mod­ules solaires. 

Nous avons dévelop­pé une séquence de procédés com­posée de trois étapes : 

  • une délam­i­na­tion par traite­ment ther­mique, c’est-à-dire, une pyrol­yse con­trôlée qui dégrade les polymères qui relient toutes les couch­es dans le mod­ule. À par­tir de là, on obtient du verre, des pla­que­ttes de sili­ci­um, de rubans de cuiv­re… et on réalise un tri mécanique pour sépar­er ces composants ;
  • une sépa­ra­tion physique et chim­ique dans un milieu aque­ux pour sépar­er des fils d’argent depuis la sur­face des cel­lules : via une attaque chim­ique très douce, nous séparons sélec­tive­ment ces fils d’argent et les cel­lules. Dans ce cadre, on obtient un mélange de sili­ci­um et des fils d’argent après le séchage ;
  • Une sépa­ra­tion mécanique finale pour sépar­er les fils d’argent et le silicium.

À l’issue de ces étapes, nous obtenons du verre, des rubans en cuiv­re, du sili­ci­um et des fils d’argent. Sur cette séquence de procédés, nous avons, d’ailleurs, déposé 5 brevets. 

Aujourd’hui, notre activ­ité s’articule autour de deux axes et génèrent deux revenus : les frais de traite­ment payés directe­ment ou indi­recte­ment par les éco-organ­ismes, comme Soren, en charge du recy­clage et de la val­ori­sa­tion de cette fil­ière et la revente des matières pre­mières pures, qui représente la plus impor­tante de notre chiffre d’affaires.

Pourquoi est-il stratégique de développer une filière de revalorisation de ces matières premières en Europe ?

Dans un con­texte mar­qué par des crises géopoli­tiques et un enjeu de sou­veraineté économique et énergé­tique, il est essen­tiel de redé­mar­rer une activ­ité indus­trielle autour des éner­gies solaires en Europe. Pour ce faire et pour répon­dre à une demande crois­sante, il faut sécuris­er l’accès aux matières pre­mières. À côté de l’extraction minière qui est très éner­gi­vore et émet­trice de CO2, le recy­clage et la reval­ori­sa­tion s’imposent de plus en plus comme une alter­na­tive à forte valeur ajoutée. Et avec notre pre­mier démon­stra­teur, notre ambi­tion est de démon­tr­er la per­ti­nence, mais aus­si la per­for­mance de cette filière. 

Dans ce cadre, notre enjeu est de con­serv­er et de ren­forcer notre lead­er­ship sur cette activité. 

Enfin, il s’agit aus­si de sen­si­bilis­er les investis­seurs et l’ensemble de nos par­ties prenantes sur le fait que le recy­clage est une activ­ité dif­férente de la pro­duc­tion. Les marges ne sont pas les mêmes et le retour sur investisse­ment s’inscrit dans le temps. Pour dévelop­per ces fil­ières qui sont un vecteur de réin­dus­tri­al­i­sa­tion pour la France et l’Europe, il est essen­tiel de mobilis­er l’ensemble des par­ties prenantes pour créer des syn­er­gies à forte valeur ajoutée. 

Quelles sont les prochaines étapes pour Rosi ? 

Durant les trois pre­mières années, nous nous sommes con­cen­trés sur le développe­ment tech­nologique de notre solu­tion avec le sou­tien et l’aide de la Bpi France et de l’Ademe. Nous avons alors pu met­tre en place un pro­to­type indus­triel ain­si que les prin­ci­paux équipements industriels. 

En 2021, avec notre parte­naire Envie, nous avons été sélec­tion­nés et retenus par l’éco-organisme Soren pour le recy­clage et la val­ori­sa­tion des pan­neaux solaires en fin de vie en France. Nous sommes très recon­nais­sants à Soren d’avoir fait con­fi­ance à notre start-up ! 

Avec l’aide de la Com­mis­sion européenne, nous avons clô­turé une lev­ée de fonds en 2022 et lancé la con­struc­tion du site dans la région grenobloise. Nous avons récem­ment final­isé la con­struc­tion de ce démon­stra­teur de 3500 m2 dans la région grenobloise pour le recy­clage des mod­ules solaires en fin de vie en Europe. En par­al­lèle, nous avons com­mencé notre développe­ment en Europe, notam­ment en Espagne et en Alle­magne avec nos dif­férents partenaires. 

Enfin, aujourd’hui, Rosi est une entre­prise tech­nologique. Nous ne nous posi­tion­nons donc pas comme un recy­cleur, mais plutôt comme un four­nisseur de matières pre­mières par la voie de recy­clage. Notre mis­sion est donc de recy­cler ces matières pre­mières, de les recon­di­tion­ner pour les réin­jecter dans l’industrie de pho­to­voltaïque en Europe. 

Pour poursuivre votre développement, quels sont les talents que vous recrutez ?

Nous sommes une jeune équipe. Nous recher­chons des tal­ents qui ont une appé­tence pour les sujets tech­nologiques, indus­triels et envi­ron­nemen­taux et qui souhait­ent, à leur niveau, con­tribuer au développe­ment d’une activ­ité vertueuse.

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