Granulat anthropocite

Fossilisation Accélérée des déchets, la technologie qui révolutionne le traitement des déchets dans le monde de la construction

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°788 Octobre 2023
Par Nicolas CRUAUD (X16)

Prin­ci­pal émet­teur de gaz à effet de serre, le secteur de la con­struc­tion et du BTP doit accélér­er sa décar­bon­a­tion et s’inscrire égale­ment dans une logique d’économie cir­cu­laire. Grâce à sa tech­nolo­gie inno­vante de fos­sil­i­sa­tion accélérée des déchets, la start-up Néolithe met à sa dis­po­si­tion une solu­tion qui a voca­tion à décar­bon­er les activ­ités de con­struc­tion, mais aus­si à opti­miser le traite­ment des déchets non-recy­clables. Le point avec Nico­las Cru­aud (X16), prési­dent de Néolithe.

Néolithe est avant tout une histoire de famille. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Tailleur de pierre, mon père, William Cru­aud a eu l’idée de fos­silis­er les déchets en par­tant du pos­tu­lat que les cal­caires sont, en fait, les déchets des dinosaures fos­sil­isés. À l’époque, j’étais encore étu­di­ant à l’École poly­tech­nique et nous avons saisi l’opportunité de tester notre idée lors d’un start-up week-end organ­isé par l’École. Cela a été l’occasion de con­firmer la per­ti­nence et le poten­tiel de notre idée. En 2018, nous avons créé Néolithe. 


Lire aus­si : Nico­las Cru­aud (2016), racon­te-nous Néolithe


Néolithe a donc développé une technologie innovante destinée à la gestion des déchets et à leur transformation en granulats. Qu’en est-il concrètement ? 

Néolithe est une start-up indus­trielle qui emploie aujourd’hui plus de 180 per­son­nes. Nous dévelop­pons de nou­velles solu­tions pour faire face aux défis envi­ron­nemen­taux actuels. Dans cette démarche, nous avons inven­té le procédé de la fos­sil­i­sa­tion accélérée des déchets qui con­siste à trans­former les déchets non-recy­clables, non-inertes et non-dan­gereux, dont les déchets indus­triels banals (DIB) en gran­u­lats minéraux réu­til­is­ables dans le domaine de la con­struc­tion (béton, route…).

Le procédé de fos­sil­i­sa­tion s’opère en trois temps. Nous par­tons d’un déchet indus­triel non-recy­clable qui a été au préal­able trié et nous le broyons afin d’obtenir une farine de déchets d’une taille de par­tic­ules com­prise entre 0 et 500 microns. Nous faisons réa­gir cette poudre avec des liants minéraux afin de minéralis­er la matière qui est, ensuite, mise en forme sous pres­sion afin d’extruder les gran­u­lats, que nous appelons Anthro­pocite®.

L’ensemble de ces étapes sont réal­isées à froid : nous avons, en effet, dévelop­pé un procédé inno­vant qui nous per­met de con­ver­tir la matière sans la chauf­fer et sans la brûler. Nous don­nons donc une nou­velle vie à ces déchets, habituelle­ment des­tinés à l’enfouissement ou à l’incinération, sans génér­er d’émissions de car­bone ou de gaz à effet de serre.

D’un point de vue opéra­tionnel, notre Fos­sil­isa­teur® est une petite instal­la­tion indus­trielle qui a la capac­ité de traiter 40 tonnes de déchets non-recy­clables par jour, soit 10 000 tonnes par an. Aujourd’hui, par­mi nos prin­ci­paux clients, on retrou­ve des acteurs de la col­lecte et du tri des déchets qui peu­vent reli­er très facile­ment et directe­ment le Fos­sil­isa­teur® à leur cen­tre de tri afin de pro­duire des gran­u­lats qu’ils peu­vent ensuite ven­dre aux acteurs de la con­struc­tion et du BTP.

Fossilisation Accélérée des déchets, la technologie qui révolutionne le traitement des déchets dans le monde de la construction

Et justement, en quoi cette technologie est-elle intéressante pour le monde du BTP ? 

Notre solu­tion offre une réponse effi­cace au traite­ment des déchets indus­triels banals de chantier (DIB) générés par la con­struc­tion. Actuelle­ment, ces déchets sont enfouis. Avec notre solu­tion, les acteurs et les indus­triels du BTP et de la con­struc­tion peu­vent trans­former ces déchets de manière durable et respon­s­able et pro­duire des gran­u­lats qu’ils pour­ront réutiliser. 

Notre approche con­tribue aus­si à pro­mou­voir une démarche de décar­bon­a­tion pour les ouvrages en béton et les ouvrages routiers tout en créant une boucle d’économie cir­cu­laire. En effet, les gran­u­lats obtenus par le proces­sus de fos­sil­i­sa­tion accélérée ont une empreinte car­bone de l’ordre de ‑337 kg CO2/eq par de gran­u­lats tonne pro­duite, ce qui par­ticipe aux efforts de réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre du secteur.

Alors que la récente mise en place de la Respon­s­abil­ité Élargie des Pro­duc­teurs du bâti­ment impose des con­traintes de tri sur le site de pro­duc­tion des déchets, notre solu­tion est une alter­na­tive très intéressante.

Par ailleurs, nous pro­posons notre solu­tion inno­vante et alter­na­tive à l’enfouissement à un coût sim­i­laire. En adop­tant la fos­sil­i­sa­tion accélérée, un acteur du monde du BTP va ain­si pou­voir rem­plir ses objec­tifs envi­ron­nemen­taux et être en con­for­mité avec les oblig­a­tions légales sans con­traintes opéra­tionnelles ou coûts supplémentaires.

Sur un plan environnemental et en termes de décarbonation, quelle est la valeur ajoutée de Néolithe ?

Nous avons dévelop­pé une tech­nolo­gie à très faible impact car­bone. Pour chaque tonne de déchets indus­triels fos­sil­isés, nous évi­tons et séque­strons une demi-tonne de CO2 en com­para­i­son à notre scé­nario de référence, qui est l’enfouissement. En valeur rel­a­tive et pour don­ner un ordre de grandeur : en France, 30 mil­lions de tonnes de déchets sont pro­duits chaque année. Si tous les déchets actuelle­ment enfouis ou inc­inérés étaient fos­sil­isés dès demain, nous pour­rions réduire de 7 % notre empreinte car­bone nationale.

Notre tech­nolo­gie per­met aus­si de faire de la séques­tra­tion ou du cap­tage de car­bone. Dans la demi-tonne de car­bone évitée et séquestrée, 300 kgs sont, en fait, de la cap­ture de car­bone. En plus d’apporter une alter­na­tive pour le traite­ment et la val­ori­sa­tion des déchets indus­triels, notre tech­nolo­gie con­tribue égale­ment au développe­ment de solu­tions visant à per­me­t­tre la séques­tra­tion et le cap­tage du car­bone. Dans un con­texte, où se struc­ture actuelle­ment un marché autour du « crédit car­bone », Néolithe est en capac­ité de ven­dre ses « crédits car­bone » à des entre­pris­es qui en ont besoin pour com­penser leurs émissions. 

Enfin, pour avoir un réel impact sur la tran­si­tion de notre pays vers une économie plus durable, à mon sens, il ne faut pas appréhen­der la fil­ière des déchets unique­ment au tra­vers du prisme de la val­ori­sa­tion énergé­tique. Et la propo­si­tion de Néolithe en est une illus­tra­tion concrète !

Quels sont les freins qui persistent selon vous ? 

Si le secteur des déchets a con­nu de nom­breuses inno­va­tions promet­teuses, elles ne sont mal­heureuse­ment pas con­crétisées. Le prin­ci­pal frein à l’innovation tech­nologique reste la réti­cence des acteurs du secteur à s’approprier ces solu­tions nou­velles. Nous avons donc un impor­tant tra­vail de sen­si­bil­i­sa­tion et de com­mu­ni­ca­tion à men­er pour les intéress­er à ces solu­tions qui exis­tent, qui sont matures et qu’ils peu­vent d’ores et déjà met­tre en service !

Comme dans tout secteur, le sec­ond frein est économique. Les instal­la­tions actuelles de traite­ment des déchets ultimes deman­dent des investisse­ments con­sid­érables. Pour lever ce frein, Néolithe pro­pose des con­trats pluri­an­nuels avec un paiement à la tonne de déchets traitée. Il s’agit d’une offre clé-en-main qui com­prend l’installation et la mise à dis­po­si­tion du Fos­sil­isa­teur®.

Poster un commentaire