Olivier de Dinechin (56) théologien moraliste de la bioéthique

Dossier : TrajectoiresMagazine N°771 Janvier 2022
Par Jérôme de DINECHIN (84)
Par Guillaume FERNET (99)

Décédé le 12 juin 2021, Olivi­er de Dinechin, jésuite, a dédié une grande par­tie de sa vie religieuse à la mis­sion que lui a con­fiée l’épiscopat français comme expert des ques­tions de bioéthique.

Olivi­er de Dinechin naît en 1936 dans une famille bien représen­tée à l’École et man­i­feste une voca­tion religieuse pré­coce. Son pas­sage à Ginette lui fait appréci­er la Com­pag­nie de Jésus où il entre après l’X. Il est ordon­né prêtre en 1968 et sou­tient sa thèse de théolo­gie en 1969, à une époque où de nom­breux sémi­nar­istes arrê­tent en cours de route.

De la théologie morale à l’expertise en bioéthique

Ses supérieurs l’orientent vers la théolo­gie morale, domaine qu’il n’aurait pas choisi de lui-même, mais qu’il embrasse avec obéis­sance en devenant enseignant à la fac­ulté de théolo­gie des Jésuites à Paris. Cette ori­en­ta­tion ne va pas tarder à pren­dre une impor­tance inat­ten­due. Alors que naît en 1982 Aman­dine, pre­mier « bébé-éprou­vette » comme on dis­ait alors, l’épiscopat français va s’appuyer sur Olivi­er comme référent pour les ques­tions de bioéthique à par­tir de 1986. Pen­dant dix ans il accom­pa­gne la Con­férence des évêques de France dans l’élaboration de l’enseignement mag­istériel. Cela l’amène à con­duire une réflex­ion très appro­fondie sur les nom­breuses ques­tions éthiques autour de la pro­créa­tion. Pio­nnier, il devient l’un des spé­cial­istes de ce sujet brûlant d’actualité, qu’il résumait par­fois avec humour : No sex with­out baby, no baby with­out sex.

Il est égale­ment appelé à siéger au Comité con­sul­tatif nation­al d’éthique à deux repris­es, de 1990 à 1998 puis de 2002 à 2007, où il a éprou­vé la dif­fi­culté d’être à la fois acteur de la recherche et délégué d’une institution.

Au contact de la vraie vie 

Fidèle à l’idéal jésuite, il fut à la fois un homme de la pen­sée et un homme du réel. Il accom­pa­gna toute sa vie de nom­breux cou­ples en ques­tion­nement : que dire à un cou­ple infer­tile en désir d’enfant ou à un cou­ple con­fron­té à un dépistage pré­na­tal inquié­tant ? Il a lais­sé le sou­venir d’un homme pour qui « la char­ité passe tou­jours par le respect du prochain et de sa con­science, même si cela ne sig­ni­fie pas accepter comme un bien ce qui est objec­tive­ment un mal » (Com­pendi­um CEC n° 375). Françoise Niessen, médecin et théolo­gi­en­ne qui le côtoya durant trente ans, se sou­vient d’un homme bon, abor­d­able, péd­a­gogue, dont l’un des mots favoris était : « Il y a du relief dans le mag­istère ! », sig­nifi­ant ain­si que tout n’a pas le même poids dans l’enseignement de l’Église. Ce relief per­me­t­tant à la con­science de faire son dis­cerne­ment face à des sit­u­a­tions de vie aux enjeux éthiques par­fois com­plex­es et douloureux.

Dessin d'Olivier de Dinechin
Sen­si­ble à l’image, Olivi­er com­men­tait égale­ment l’actualité dans des dessins à l’encre pleins d’espérance.

Dans sa réflex­ion comme pas­teur et penseur, Olivi­er se forgea pro­gres­sive­ment une ligne de con­duite, celle de l’éthique de la respon­s­abil­ité. Située entre l’éthique util­i­tariste, pour qui la fin jus­ti­fie n’importe quel moyen, ce qui est inac­cept­able, et l’éthique de la Loi, qui s’efforce de suiv­re les règles à la let­tre – mais qui « ne com­mu­nique pas la vie », comme le rap­pelle saint Paul dans son épître aux Galates, elle est un chemin de crête dans lequel chaque homme de bonne volon­té est invité à for­mer et à éclair­er sa con­science dans le dia­logue avec d’autres et dans sa délibéra­tion intérieure, puis à suiv­re sa con­science. Olivi­er écriv­it plusieurs ouvrages de référence dans son domaine. Citons Désir­er un enfant : enjeux éthiques des pro­créa­tions médi­cale­ment assistées en 1994, L’homme de la bioéthique en 1999, Mourir vivant en 2000. Témoin éclairé d’un boule­verse­ment de société, il nous laisse en héritage son dernier ouvrage coécrit avec Françoise Niessen, Repères chré­tiens en bioéthique : la vie humaine du début à la fin, manuel édité en 2015 et tou­jours d’actualité dont il nous donne le mode d’emploi avec Blaise Pas­cal : « Tra­vail­lons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. »

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