Jacques Maire

Jacques Maire (56) une vie dédiée à l’intérêt général

Dossier : TrajectoiresMagazine N°762 Février 2021
Par Pierre GADONNEIX (62)
Par Jacques DEYIRMENDJIAN (64)
Par Bernard LEBLANC
Par Jean-Marie DAUGER

Décédé le 28 novem­bre 2020, Jacques Maire a pro­fondé­ment mar­qué tous ceux qui l’ont con­nu lors des dix-huit années qu’il a passées à Gaz de France comme directeur général adjoint, puis comme directeur général.

Sor­ti dans le corps des Mines, Jacques Maire a occupé divers­es fonc­tions au sein du min­istère de l’Industrie puis dans les cab­i­nets min­istériels. En par­ti­c­uli­er, il est directeur du cab­i­net d’Hubert Ger­main (1972–1974), puis directeur des indus­tries chim­iques (1974–1980). Il rejoint alors Gaz de France, comme directeur général adjoint, avant d’être pro­mu directeur général en 1996.

Pour lui, l’intérêt général pri­mait, fût-ce à son détri­ment. Ce sens de l’intérêt général lui venait aus­si de sa recon­nais­sance envers un sys­tème qui lui avait per­mis de gravir tous les éch­e­lons jusqu’aux plus hautes march­es de l’administration française. Ce qu’il avait reçu, son expéri­ence, il a tou­jours con­sid­éré de son devoir de les met­tre à la dis­po­si­tion des autres et nous l’écoutions tous avec une grande attention.

Modestie, lucidité et bienveillance

Fier de son par­cours certes mais pour­tant d’une mod­estie rare qu’il ne cher­chait pas à cacher sous l’exercice de l’autorité, et sa lucid­ité lui inter­di­s­ait de s’illusionner ni sur lui ni sur les autres ; con­scient de la van­ité de la vie, il ne recher­chait pas les hon­neurs ; il savait ses lim­ites et la rel­a­tiv­ité des choses ; il n’imposait rien qui ne fût con­sen­ti ; ses idées, ses objec­tions, il les expri­mait tou­jours avec calme, con­ci­sion et pondéra­tion : il fal­lait savoir les enten­dre, elles étaient le plus sou­vent réfléchies, judi­cieuses et profondes.

Ce qui nous frap­pait enfin tous le plus, c’était son intel­li­gence et son affectueuse bien­veil­lance. Une intel­li­gence en phase avec sa mod­estie. Aucune emphase mais une expres­sion ramassée, claire, sim­ple et intel­li­gi­ble de tous ; des analy­ses limpi­des appliquées aux objets les plus com­plex­es mais tou­jours ancrées sur le con­cret, sur le réel. Pas de con­cepts abstraits mais une très grande capac­ité à syn­thé­tis­er les prob­lèmes dans toutes leurs dimen­sions tech­niques, sociales, poli­tiques et humaines. Cette intel­li­gence douce et pro­fonde, nour­rie de son expéri­ence et de l’observation du vécu, était partagée avec les autres à qui il prodiguait ses con­seils éclairés. Il était con­scient du ser­vice qu’il nous rendait ain­si, mais cela lui con­ve­nait car cela était con­forme à l’idée qu’il se fai­sait de son rôle.

Cette intel­li­gence rationnelle s’exerçait avec la même acuité dans le champ des rela­tions humaines. Sa per­spi­cac­ité dans ces domaines égale­ment, nous la recher­chions et il n’est pas de choix de futurs dirigeants que nous auri­ons faits, à cette époque, sans recueil­lir préal­able­ment son avis.

Humanité et équanimité

Cet homme, enfin, était d’une humani­té con­fon­dante. D’un tem­péra­ment tou­jours égal, jamais vin­di­catif ni coléreux, d’une cor­rec­tion par­faite, Jacques Maire se tenait avec sim­plic­ité à la dis­po­si­tion de cha­cun et à la hau­teur de ses inter­locu­teurs. Désireux, autant qu’il est pos­si­ble, d’écarter les con­flits, il écoutait, prodiguait ses con­seils, mais lais­sait son inter­locu­teur en tir­er par lui-même les con­clu­sions. Sa fidél­ité à notre entre­prise d’alors et à son per­son­nel n’a jamais été prise en défaut et, longtemps après les avoir quit­tés, il con­tin­u­ait de s’enquérir du sort des uns et des autres. Depuis quelques années, il couchait sur le papi­er des arti­cles dans lesquels il dis­til­lait, dans son style sim­ple et lumineux empreint de bon sens et d’une douce ironie, de cour­tes analy­ses dans lesquelles on pou­vait décel­er ses regrets devant les reculs de l’esprit de rai­son et des pro­grès, et même la dom­i­na­tion des émo­tions médi­a­tiques, des préjugés et des dogmes. Nous sommes doré­na­vant orphe­lins de sa sagesse, de sa bien­veil­lance et de sa gen­til­lesse qui déjà nous font défaut.

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