Étienne Renaud (56)

Dossier : ExpressionsMagazine N°688 Octobre 2013Par : Patrick BRÉAUD (56) et René VERLHAC (56)

Mille et un talents

« Éti­enne n’a pas fini de nous éton­ner », écrit le père Raphaël qui tra­vail­lait avec lui. Les amis d’enfance évo­quent des signes annon­ci­a­teurs d’un des­tin hors lim­ites : une acuité visuelle de Sioux, une capac­ité d’écrire des deux mains et dans les deux sens, une rapid­ité et une habileté con­fon­dantes en dessin.

Étienne Renaud (56)Nous pen­sions notre ami inde­struc­tible, il alli­ait la force à la grâce et était revenu de sit­u­a­tions « lim­ites », sor­tant ain­si dans un éclat de rire d’un fleuve infesté de crocodiles.

Entré à l’X dans les dix pre­miers, Éti­enne y appro­fon­dit sa voca­tion religieuse tout en réjouis­sant ses cama­rades avec l’aide de ses com­pères de la Khomiss par des facéties demeurées célèbres. Ain­si du largage de souris blanch­es para­chutistes du haut de la ver­rière de l’amphithéâtre où se don­nait un cours de mécanique rationnelle.

Religion, relier et relire

C’est peut-être de son ser­vice mil­i­taire accom­pli dans l’Aurès que date sa voca­tion vers l’Afrique. Si Éti­enne a occupé plusieurs postes au sein de la Société des mis­sion­naires d’Afrique (Pères blancs), dont il sera le supérieur général pen­dant six ans, après avoir dirigé l’Institut pon­tif­i­cal d’études arabes et islamiques, cela ne peut ren­dre compte de tous les fils tis­sés, de toutes les ami­tiés fortes que sa présence a partout suscitées.

En quête d’un dia­logue entre musul­mans et chrétiens

La quête d’un dia­logue entre musul­mans et chré­tiens appa­raît comme un axe de sa tra­jec­toire. Au début de son min­istère, après un pre­mier séjour en Tunisie, Éti­enne est envoyé au Yémen, pays encore très fer­mé. Il est le pre­mier prêtre à y résider depuis des siè­cles. Il noue des liens, il guide les pas­sion­nés d’architecture yéménite ; il tra­vaille dans la com­pag­nie élec­trique de Sanaa et y ouvri­ra un cen­tre de for­ma­tion de techniciens.

Mais il loge aus­si dans une mai­son musul­mane, et le respect mutuel est tel que c’est à lui que le chef de famille con­fie sa maison­née avant de par­tir pour La Mecque.

Habité par un Autre

Sa con­nais­sance de l’Islam sera utile au moment des con­tro­ver­s­es et des incom­préhen­sions qui mar­queront le début du XXIe siè­cle. Depuis cinq ans, il était revenu à la base dans sa petite paroisse de Saint-Antoine, dans le nord de Mar­seille, joux­tant une mosquée importante.

Une présence d’esprit lumineuse
En 2002, sur un marché africain, Éti­enne et un ami sont suiv­is par un imposant per­son­nage bar­bu. Éti­enne se retourne, son ami l’imite. Sur­pris, l’homme s’arrête pour enten­dre une sorte de chant sim­ple et vigoureux à son adresse. Ce doit être fort et pas­sion­nant car il se pré­cip­ite pour une acco­lade frater­nelle. « C’était tout sim­ple, explique Éti­enne. Je lui ai rap­pelé la sourate qui pre­scrit au croy­ant : Mon Frère, ne con­sid­ère pas seule­ment la face de l’étranger devant Toi, mais pense d’abord à l’âme qu’Allah lui a don­née comme à Toi. »

Il repren­dra l’idée d’un dia­logue pos­si­ble sans naïveté ni opti­misme béat et sera chargé du dia­logue entre chré­tiens et musul­mans. C’est de ce respect que témoigne l’hommage ren­du par l’imam voisin lors de la messe de ses funérailles.

Éti­enne n’a cher­ché ni la con­ver­sion ni la con­tro­verse, mais la fra­ter­nité. La var­iété de ses respon­s­abil­ités : pro­fesseur, écrivain pub­lic, aumônier, supérieur général, ingénieur, la var­iété des pays où il a vécu et ray­on­né ne suff­isent pas à expli­quer le car­ac­tère rad­i­cal d’une ren­con­tre avec lui.

Même pour ses com­pagnons de Saint-Antoine, il y avait une part mys­térieuse chez lui, que Simone Weil appelait la grâce et que nos pesan­teurs devi­nent sans trop oser s’en approcher.

Commentaire

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Géné Krépondre
15 octobre 2013 à 18 h 16 min

encore un mis­saire…
et en robe, en plus !
qui osera dire que les mis­saires sont misogynes ?

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