Neuf mois pour réorganiser un opérateur de télécommunication

Dossier : Le conseil en managementMagazine N°548 Octobre 1999
Par Michel BARTH (79)
Par Roland de LA BROSSE

La réorientation stratégique d’une “start-up” des télécoms

La réorientation stratégique d’une “start-up” des télécoms

Créée il y a quelques années dans un pays européen dans un con­texte de déré­gle­men­ta­tion nais­sante, une “start-up” de télé­com­mu­ni­ca­tion se con­sacrant ini­tiale­ment à une offre de pro­duit unique vers un seul seg­ment de clien­tèle avait pour ambi­tion de devenir sur ce seg­ment le numéro deux du marché der­rière l’opéra­teur his­torique. L’of­fre était basée sur la con­struc­tion d’un réseau en pro­pre, com­plété par l’u­til­i­sa­tion en sous-trai­tance des capac­ités de l’opéra­teur his­torique. Grâce à un développe­ment soutenu, ce pre­mier pari a été gagné.

Le mou­ve­ment inin­ter­rompu de con­ver­gence entre la voie fixe et mobile, la trans­mis­sion de don­nées et l’In­ter­net ont néces­sité de recon­sid­ér­er les objec­tifs ini­ti­aux, et d’en­vis­ager une réori­en­ta­tion de la stratégie : d’un objec­tif de lead­er­ship sur un seg­ment de marché unique, il était désor­mais indis­pens­able pour la “start-up” de devenir un acteur glob­al cou­vrant l’ensem­ble de l’of­fre de télé­com­mu­ni­ca­tion sur la total­ité des seg­ments de marché du pays con­sid­éré. Con­crétisée par le lance­ment de plusieurs pro­jets com­prenant d’im­por­tants investisse­ments, dans un con­texte de crois­sance expo­nen­tielle de l’ac­tiv­ité, la réori­en­ta­tion stratégique ne pou­vait cepen­dant s’ef­fectuer sans une pro­fonde réorganisation.

Comment s’organiser dans le cadre d’une très forte croissance des activités

Trois enjeux car­ac­téri­saient le con­texte de la réori­en­ta­tion stratégique.

Le car­ac­tère immatériel et touf­fu de l’of­fre, l’im­por­tance des investisse­ments liés au réseau et aux sys­tèmes infor­ma­tiques dans un con­texte d’évo­lu­tions tech­nologiques accélérées, la néces­sité d’une imbri­ca­tion très poussée entre les sys­tèmes d’in­for­ma­tion, le réseau et les proces­sus com­mer­ci­aux (com­mande — livrai­son, fac­tura­tion…), la présence d’un grand nom­bre de métiers très dif­férents depuis la main­te­nance réseau jusqu’au ser­vice clients rendaient le prob­lème posé par­ti­c­ulière­ment complexe.

Par ailleurs, la dynamique de développe­ment exis­tante devait impéra­tive­ment être prise en compte pour lancer les nou­veaux pro­jets dans des con­di­tions sat­is­faisantes. Le con­texte de forte crois­sance des activ­ités tra­di­tion­nelles était d’ailleurs un fac­teur de com­plex­ité sup­plé­men­taire pour les équipes et le man­age­ment. Car com­ment se déploy­er sur des marchés nou­veaux tout en restant focal­isé sur le marché de base ?

Enfin, l’or­gan­i­sa­tion, ini­tiale­ment conçue pour un seul pro­duit et un seul seg­ment de clien­tèle, devait être forte­ment repen­sée : con­stru­ite autour d’un “râteau” de directeurs fonc­tion­nels, cha­cun en charge d’un méti­er : com­mer­cial, mar­ket­ing, réseau, infor­ma­tique, ser­vice clients, ressources humaines, qual­ité et finance, elle ne pou­vait en fait fonc­tion­ner dans un con­texte mul­ti­marché et multiproduit.

Une pre­mière expéri­ence de lance­ment d’un pro­duit dif­férent de l’of­fre de base s’é­tait d’ailleurs sol­dée par un qua­si-échec, du fait d’une cul­ture d’en­tre­prise du “nous savons tout faire”, avec un goût cer­tain pour la nou­veauté, mais sans que les enjeux d’or­gan­i­sa­tion soient néces­saire­ment bien pris en compte.

La com­bi­nai­son de ces trois fac­teurs a amené le comité de direc­tion à con­sid­ér­er que, dans le cadre de ce nou­veau pro­jet, une réor­gan­i­sa­tion d’ensem­ble s’im­po­sait. Cette réor­gan­i­sa­tion devait être con­duite dans des délais très brefs, pour respecter le cal­en­dri­er des pro­jets com­mer­ci­aux déjà lancés. Dans ce laps de temps très court, les cinq axes de change­ment décrits ci-dessous ont ain­si été mis en place de façon simultanée.

1er axe : la création d’entités orientées marchés et produits

L’or­gan­i­sa­tion ini­tiale, par “silos” fonc­tion­nels (ventes, mar­ket­ing, ser­vices sup­port…), rendait très dif­fi­cile une focal­i­sa­tion simul­tanée sur des marchés dif­férents, avec des clients aus­si divers que, d’une part, le grand pub­lic avec des besoins sim­ples de télé­phonie fixe ou mobile, ou que, d’autre part, les entre­pris­es multi­na­tionales avec des sites dis­tants s’échangeant des données.

La mise en place d’en­tités, cha­cune respon­s­able d’un seg­ment de marché, devait per­me­t­tre de focalis­er les équipes com­mer­ciales sur les besoins spé­ci­fiques de chaque type de clients en les ser­vant de manière indi­vid­u­al­isée : grand pub­lic, pro­fes­sions libérales et arti­sans, petites et grandes entreprises.

En plus, chaque entité s’est vu con­fi­er la respon­s­abil­ité trans­ver­sale d’une ou plusieurs lignes de pro­duits : Inter­net, Intranet, voix fixe et mobile… Ce choix, qui ne s’est pas imposé d’emblée comme une évi­dence, a reposé en fait sur le con­stat que chaque ligne de pro­duits cor­re­spondait prin­ci­pale­ment à un seg­ment de marché, même si elle pou­vait aus­si être dis­tribuée sur d’autres segments.

Ain­si, la télé­phonie mobile était prin­ci­pale­ment le fait du grand pub­lic, même si les entre­pris­es l’u­til­i­saient aus­si. La respon­s­abil­ité des lignes de pro­duits don­née aux entités devait per­me­t­tre aux respon­s­ables pro­duits de rester le plus proche pos­si­ble du marché tout en autorisant une meilleure lis­i­bil­ité finan­cière de l’ensem­ble, le résul­tat de chaque entité reflé­tant vrai­ment la valeur créée par le seg­ment de marché en question.

L’al­ter­na­tive, non retenue, visait à con­fi­er la respon­s­abil­ité des lignes de pro­duits à une struc­ture trans­ver­sale aux entités. Ce faisant, le risque aurait été de voir se dévelop­per le syn­drome d’une direc­tion pro­duits devenant un véri­ta­ble con­tre-pou­voir aux entités, ce que per­son­ne ne souhaitait.

En corol­laire à ce choix d’une dou­ble respon­s­abil­ité seg­ment et pro­duit de chaque entité, le principe du point de con­tact unique a égale­ment été adop­té, chaque client se voy­ant pro­pos­er l’ensem­ble de la gamme des pro­duits par un point de con­tact com­mer­cial unique au sein de chaque entité. Ain­si, une coopéra­tion très forte était ren­due néces­saire entre les entités, cha­cune devant dévelop­per des pro­duits pour l’ensem­ble du Groupe.

Le risque poten­tiel d’un “oubli” de ce principe, avec ses con­séquences cat­a­strophiques, devait être con­trôlé par des struc­tures de man­age­ment ad hoc, ain­si que par la cohé­sion de l’ensem­ble du comité de direc­tion autour des objec­tifs supérieurs du Groupe.

L’une des pre­mières con­séquences de ce choix d’or­gan­i­sa­tion a été l’é­clate­ment des fonc­tions ventes et mar­ket­ing dans autant de départe­ments mar­ket­ing et ventes qu’il y avait d’en­tités. Pour les équipes, cet émi­et­te­ment a représen­té une perte de pou­voir dif­fi­cile à accepter, néces­si­tant de nom­breuses actions de com­mu­ni­ca­tion et d’accompagnement.

2e axe : la création de services partagés

En dehors des fonc­tions “ventes” et “mar­ket­ing”, toutes les autres fonc­tions trans­vers­es ont été groupées au sein de ser­vices partagés entre l’ensem­ble des entités. Les béné­fices de la con­sti­tu­tion de tels ser­vices partagés devaient être de deux ordres.

  • Mise en com­mun des ressources pour effectuer des économies sub­stantielles, notam­ment en aug­men­tant le taux d’u­til­i­sa­tion des act­ifs, en par­ti­c­uli­er au niveau des investisse­ments infor­ma­tique et réseau.
  • Déf­i­ni­tion de règles d’ensem­ble, de manière à con­solid­er la cul­ture, les valeurs et l’ho­mogénéité du Groupe. Ce deux­ième rôle plus stratégique, en sou­tien de la direc­tion générale, n’é­tait pas le moins impor­tant : il s’agis­sait en par­ti­c­uli­er de garan­tir qu’une entité ne prenne pas la spé­ci­ficité de son méti­er pour pré­texte à une mar­gin­al­i­sa­tion au sein du Groupe. Ain­si, par exem­ple, les employés peu­vent-ils pass­er d’une entité à une autre de manière trans­par­ente grâce à une homogénéité de la poli­tique de rémunéra­tion et d’évo­lu­tion de carrière.


Afin de garan­tir la bonne qual­ité des rela­tions entre les entités et leurs four­nisseurs internes, les ser­vices partagés, il a été décidé de con­clure entre eux des con­trats de ser­vice internes, à l’in­star des con­trats de ser­vice externes fréquem­ment signés entre un opéra­teur de télé­com et ses clients entre­pris­es. Définir ces con­trats de ser­vice a con­sisté à faire entr­er en négo­ci­a­tion les entités et les ser­vices partagés, afin de définir ensemble :

  • le con­tenu des attentes de l’en­tité et les spé­ci­fi­ca­tions des ser­vices ren­dus par le ser­vice partagé pour répon­dre à ces attentes ;
  • le niveau de qual­ité atten­du de la presta­tion, mesuré par des indi­ca­teurs clés de per­for­mance défi­nis en com­mun par le client et le four­nisseur internes, et hiérar­chisés pour être inté­grés dans le tableau de bord de l’entreprise ;
  • l’en­gage­ment sur un vol­ume d’ac­tiv­ité per­me­t­tant au ser­vice partagé d’op­ti­miser le dimen­sion­nement des moyens à met­tre en œuvre après agré­ga­tion des deman­des des dif­férentes entités ;
  • l’en­gage­ment de prix de ces­sion interne du ser­vice partagé, qui, au-delà de la sim­ple allo­ca­tion des coûts, respon­s­abilise celui-ci sur une mise en œuvre de moyens “au plus juste”.


Dans le cas con­sid­éré, l’ex­er­ci­ce de déf­i­ni­tion des con­trats de ser­vice a été rel­a­tive­ment lourd, d’au­tant qu’il a dépassé le cadre d’u­til­i­sa­tion de cet out­il plus générale­ment observé dans l’in­dus­trie. L’ex­ten­sion de ce sys­tème à l’ensem­ble des fonc­tions sup­port et aux ser­vices tech­niques a eu pour effet béné­fique de faire pren­dre con­science aux acteurs de ces départe­ments des impli­ca­tions de la diver­si­fi­ca­tion des activ­ités de l’opéra­teur sur leur mode de tra­vail, et les tourn­er tous claire­ment vers leurs clients.

Par ailleurs, ces con­trats de ser­vice ont per­mis à celles des entités opérant sur les nou­veaux marchés et avec les nou­velles offres, de mieux se con­cen­tr­er sur leur activ­ité “cœur de méti­er” : servir au mieux et avec prof­it leurs clients.

En effet, dans un con­texte de lance­ment, le fait de pou­voir faire l’é­conomie de la mise en place de struc­tures non directe­ment pro­duc­tives a con­sti­tué sans aucun doute un atout. Atout qui n’a toute­fois pas été tou­jours immé­di­ate­ment iden­ti­fié comme tel puisqu’une “start up” nais­sante était placée dès le début dans un con­texte d’en­tre­prise adulte, avec les con­traintes qui y sont tra­di­tion­nelle­ment asso­ciées : oblig­a­tion de suiv­re des proces­sus de groupe, ten­dance de l’or­gan­i­sa­tion his­torique à rejeter la greffe…

Des réac­tions de rejet ont pu effec­tive­ment être con­statées de part et d’autre, et celles-ci ont alors ren­du néces­saire un dia­logue con­stru­it et nour­ri pour faire dia­loguer fructueuse­ment les entités en présence et ain­si tir­er béné­fice des synergies.

3e axe : le renforcement de l’axe transversal processus

Très rapi­de­ment, la mise en place des con­trats de ser­vice a per­mis de bien cern­er deux prob­lèmes majeurs.

Tout d’abord, habitués à une coopéra­tion informelle héritée de la péri­ode “héroïque” de la créa­tion de l’en­tre­prise, les dif­férents parte­naires tra­vail­laient plus par calages suc­ces­sifs en fonc­tion d’ob­ser­va­tions prag­ma­tiques qu’en fonc­tion d’une déf­i­ni­tion ex ante de procé­dures de tra­vail déduites d’un mod­èle d’or­gan­i­sa­tion. Très cen­tral­isée, la plu­part des déci­sions se prenant au niveau du comité de direc­tion, cette organ­i­sa­tion voy­ait par­al­lèle­ment avec l’ac­croisse­ment du vol­ume d’ac­tiv­ité son effi­cac­ité se réduire, le comité ne réus­sis­sant plus à traiter en temps et en heure les dossiers tou­jours plus nombreux.

Par ailleurs, le mod­èle entités/services partagés basé sur des con­trats de ser­vice créait le risque de l’in­sti­tu­tion­nal­i­sa­tion d’une coopéra­tion sur un mode “guichet”, où les départe­ments n’in­ter­agis­sent qu’avec leur con­trat de ser­vice à la main, se ten­ant de manière stricte à leurs engage­ments sans chercher à trou­ver une solu­tion optimale.

Ain­si une entité pou­vait-elle dériv­er vers un mode de tra­vail où le reste de l’or­gan­i­sa­tion n’é­tait plus pour elle qu’une “boîte noire”, dont elle ne cher­chait même plus à com­pren­dre le fonc­tion­nement. Ceci aurait certes pu con­stituer un opti­mum local, mais aurait été évidem­ment con­traire aux intérêts supérieurs du Groupe.

Pour éviter ces tra­vers, il a été décidé de met­tre en avant les proces­sus. Préal­able­ment con­sid­érés comme utiles surtout pour la cer­ti­fi­ca­tion ISO, il a fal­lu un “ren­verse­ment cul­turel” pour qu’ils appa­rais­sent comme de réels out­ils au ser­vice de l’ef­fi­cac­ité opéra­tionnelle, avec l’ob­jec­tif de faire tra­vailler ensem­ble effi­cace­ment les acteurs de l’en­tre­prise afin de délivr­er le bon résultat.

Ce change­ment était facil­ité par la mod­i­fi­ca­tion du périmètre des activ­ités de l’en­tre­prise qui trans­for­mait de toute façon la teneur des rela­tions de tra­vail, ren­dant néces­saire une revue cri­tique des proces­sus et leur adaptation.

Cette mise en avant des proces­sus a été réal­isée par la refonte de la car­togra­phie d’ensem­ble des proces­sus (pour une mise en con­for­mité avec le nou­veau cadre stratégique), avec, par­al­lèle­ment, le ren­force­ment du rôle de respon­s­able de proces­sus. Ces respon­s­ables ont été choi­sis par­mi les directeurs opéra­tionnels d’un poids suff­isam­ment élevé dans l’or­gan­i­sa­tion, qui se sont vu con­fi­er une mis­sion d’ensem­ble sur le proces­sus, sur laque­lle ils devaient être évalués.

Dans la mise en œuvre de ce type d’or­gan­i­sa­tion, il est cepen­dant essen­tiel de rester vig­i­lant : une util­i­sa­tion trop dog­ma­tique des proces­sus peut con­duire à des résul­tats invers­es à ceux souhaités : dans le meilleur des cas, le proces­sus devient un classeur de méth­odes inap­pliquées. Dans le pire des cas, il devient un par­a­site qui per­turbe le bon fonc­tion­nement de l’or­gan­i­sa­tion et la sclérose, empêchant les évo­lu­tions lorsqu’elles sont nécessaires.

4e axe : la création d’un axe transversal de pilotage de lignes de produits

L’aug­men­ta­tion du nom­bre de références de pro­duits inclus­es dans le porte­feuille rendaient les tâch­es des dif­férents départe­ments beau­coup plus com­plex­es, le mar­ket­ing devant assur­er chaque fois la déf­i­ni­tion du mar­ket­ing mix de cha­cun des pro­duits et son posi­tion­nement relatif, le départe­ment réseaux prenant en compte des pro­duits aux car­ac­téris­tiques de plus en plus var­iées, le départe­ment infor­ma­tique réal­isant des développe­ments mul­ti­ples… Il y avait un risque de voir cer­tains pro­duits “sac­ri­fiés” par l’un ou l’autre des acteurs de la chaîne de pro­duc­tion, sans con­sid­éra­tion du manque à gag­n­er commercial.

Il a donc été décidé, en com­plé­ment de l’axe trans­ver­sal hor­i­zon­tal proces­sus, de pouss­er un deux­ième axe trans­ver­sal, ver­ti­cal cette fois, con­cer­nant le pilotage par lignes de pro­duits. Con­fi­er à une per­son­ne unique la respon­s­abil­ité trans­ver­sale de l’ensem­ble du cycle de pro­duc­tion devait per­me­t­tre d’as­sur­er la bonne coor­di­na­tion de l’ensem­ble des départe­ments impliqués dans son développe­ment et sa pro­duc­tion. Le pilote de la ligne de pro­duits devait avoir un rôle glob­al, au niveau des aspects économiques, opéra­tionnels, mar­ket­ing et ventes, réal­isant ain­si une véri­ta­ble entité virtuelle autour de son compte de résul­tat produit.

La dif­fi­culté prin­ci­pale de cette démarche a été le choix du niveau hiérar­chique le plus appro­prié pour cette fonc­tion, ain­si que l’i­den­ti­fi­ca­tion des can­di­dats poten­tiels au sein de l’or­gan­i­sa­tion. Une solu­tion envis­age­able était de don­ner un poids très fort à ce nou­veau rôle en créant des postes de niveau direc­tion, à l’in­star de ce qui se fait dans l’in­dus­trie auto­mo­bile par exemple.

Ici, une solu­tion médi­ane a été priv­ilégiée, cap­i­tal­isant sur la fonc­tion mar­ket­ing qui jouait déjà plus ou moins ce rôle de manière dif­fuse, en con­sid­érant que la com­pé­tence don­nait une légitim­ité forte à la démarche de pilotage. De plus, cette solu­tion était la seule qui ne boulever­sait pas trop l’or­gan­i­sa­tion, et qui restait donc accept­able par celle-ci.

Cepen­dant, cette “prise de pou­voir” des respon­s­ables des lignes de pro­duits reste encore aujour­d’hui un sujet d’ac­tu­al­ité, car elle demande un change­ment des men­tal­ités, à com­mencer par les prin­ci­paux intéressés.

5e axe : l’alignement du système financier

La mise en place d’une telle organ­i­sa­tion exigeait la mise en place en par­al­lèle d’outils de suivi budgé­taires pour assur­er au man­age­ment un suivi pré­cis des résul­tats économiques de chaque entité : un compte de résul­tat par entité, la mesure de la rentabil­ité de chaque ligne de pro­duits, de chaque caté­gorie de clients, voire une esti­ma­tion du coût des processus.

Le mod­èle financier à met­tre en place devait s’ap­puy­er sur une analyse “d’Activ­i­ty Based Cost­ing (ABC)”. Celle-ci devait per­me­t­tre en par­ti­c­uli­er de cal­culer les prix de ces­sion interne entre ser­vices partagés et entités, mesur­er les béné­fices à atten­dre d’une util­i­sa­tion opti­misée de ceux-ci, et enfin, iden­ti­fi­er le coût de la non-qualité.

La nou­velle organ­i­sa­tion devait mod­i­fi­er égale­ment con­sid­érable­ment le mode de con­sti­tu­tion du bud­get, puisque l’al­lo­ca­tion des ressources devait désor­mais se réalis­er mécanique­ment lors des négo­ci­a­tions des con­trats de ser­vice, au lieu de résul­ter d’une approche “de haut en bas” du comité de direction.

Dans le nou­veau sché­ma d’or­gan­i­sa­tion, chaque entité devait définir ses besoins avec ses four­nisseurs internes qui lui com­mu­ni­quaient un prix de ces­sion interne prévi­sion­nel (approche “de bas en haut”). Ce prix dépendait du niveau de qual­ité ou de per­for­mance souhaité, l’outil “d’Activ­i­ty Based Cost­ing” per­me­t­tant de quan­ti­fi­er l’in­ci­dence finan­cière d’une vari­a­tion de chaque fac­teur. Le bud­get d’un ser­vice partagé devait donc doré­na­vant être com­posé prin­ci­pale­ment par les revenus liés aux com­man­des des entités, et non par une somme allouée for­faitaire­ment par la direc­tion générale.

Un tel sys­tème financier avait l’a­van­tage de per­me­t­tre des com­para­isons entre le prix des ser­vices ren­dus en interne et le prix qui serait payé si le ser­vice était exter­nal­isé, c’est-à-dire acheté à un four­nisseur externe.

Toute­fois, afin de garan­tir l’in­tégrité du groupe, il a été décidé de ne pas per­me­t­tre à une entité de faire effec­tive­ment appel aux ser­vices de sociétés extérieures quand les com­pé­tences et les moyens exis­taient en interne.

La lis­i­bil­ité finan­cière plaçait pour­tant les four­nisseurs internes sous une pres­sion forte des entités, ce qui devait avoir pour con­séquence l’amélio­ra­tion con­stante de la qual­ité de leur service.

La mise en œuvre opéra­tionnelle de ce mod­èle financier est encore en cours aujour­d’hui, car elle demande quelques années, et néces­site des paliers suc­ces­sifs de pro­grès calés sur les péri­odes budgétaires.

Conclusion

Lorsque le comité de direc­tion a estimé qu’un nou­veau cadre organ­i­sa­tion­nel d’ensem­ble devait être mis sur pied très rapi­de­ment, il a décidé de le faire sous la forme d’un pro­jet de réor­gan­i­sa­tion struc­turé. Pro­gram­mé pour dur­er moins de neuf mois, le pro­jet a été découpé en trois phas­es : vision (deux mois), con­cep­tion détail­lée du mod­èle d’or­gan­i­sa­tion (qua­tre mois) et déploiement opéra­tionnel, celui-ci étant tou­jours en cours.

Dans un tel pro­jet de réor­gan­i­sa­tion, l’en­jeu majeur est bien sûr l’ac­cep­ta­tion par l’or­gan­i­sa­tion du nou­veau sché­ma directeur. Une des dif­fi­cultés prin­ci­pales a par exem­ple résidé dans la capac­ité à créer un débat posé là où des enjeux de pou­voir per­son­nels très forts étaient en ques­tion, venant sou­vent per­turber la sérénité des échanges, au moment de définir la vision d’ensem­ble du cadre organ­i­sa­tion­nel futur.

Dans ce con­texte, les con­sul­tants jouent un rôle impor­tant d’in­ter­faces, d’ex­perts, d’an­a­lystes, de créat­ifs, de catal­y­seurs et de “coachs”.

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