Une école en zone défavorisée

Ne laisser aucun enfant sans protection contre le risque de l’échec scolaire

Dossier : L'exclusion sociale, un défiMagazine N°538 Octobre 1998
Par Claude PAIR

L’échec des enfants du quart-monde reste mas­sif. Dans deux écoles pri­maires de l’est de la France, par exem­ple, des enfants d’un quarti­er très défa­vorisé se mêlent à d’autres : en 1997, seuls 9 % des enfants du quarti­er défa­vorisé fréquentent le cours cor­re­spon­dant à leur âge et 37 % sont en classe spé­cial­isée, con­tre 76 % et 10 % pour les autres enfants ; et on con­state que les écarts sont plus accusés qu’en 1973.

Des par­ents du Nord con­fir­ment : “Par­mi les enfants que nous con­nais­sons à tra­vers la région, 56 % sont dans des class­es spé­ciales et d’autres sont dans le cycle nor­mal mais ne suiv­ent pas. Sou­vent ils sont con­sid­érés comme retardés men­taux ou inca­pables d’ap­pren­dre et on a ten­dance à dire aus­si que, nous, les par­ents, nous sommes inca­pables de nous occu­per d’eux. Nos enfants peu­vent et veu­lent appren­dre mais sou­vent ils n’ai­ment pas l’é­cole. Ils se sen­tent rejetés parce qu’ils sont mal habil­lés ou parce qu’ils sont pau­vres.3

Ce témoignage traduit un véri­ta­ble malen­ten­du entre les familles les plus pau­vres et l’É­cole, que nous voudri­ons d’abord analyser avant de pro­pos­er quelques pistes de progrès.

Le malentendu

Sub­mergés par l’in­sécu­rité de leur vie, et paralysés par leurs pro­pres sou­venirs sco­laires, cer­tains par­ents ont du mal à trans­met­tre à leurs enfants une atti­tude et des out­ils de réus­site, mal­gré leurs aspi­ra­tions de suc­cès pour eux. Ils s’en ren­dent compte et en souf­frent : ils ne savent pas com­ment s’y pren­dre avec l’É­cole ni avec leurs enfants.

Pour­tant, ils atten­dent énor­mé­ment de l’É­cole : “Mes par­ents voulaient qu’on apprenne. Mon père dis­ait que ce serait mieux d’avoir un méti­er que de traîn­er les rues. Pen­dant les vacances, il nous achetait des livres d’ex­er­ci­ces pour voir si on avait com­pris ce qu’on avait appris à l’é­cole… Aujour­d’hui, je suis maman et je veux que ma fille réus­sisse. Je ne veux pas qu’elle soit rejetée et qu’à seize ans, elle dise : j’ar­rête l’é­cole.

Dans les années 70, on expli­quait la moin­dre réus­site sco­laire des enfants issus de milieux mod­estes par des aspi­ra­tions moins élevées, une moin­dre ambi­tion. Mais depuis, la sit­u­a­tion a changé du côté de l’emploi comme dans la sco­lar­i­sa­tion. Toutes les études soci­ologiques récentes mon­trent que ten­dent à s’ef­fac­er les iné­gal­ités dans les attentes vis-à-vis de l’É­cole selon l’ap­par­te­nance sociale. Pour les familles les plus pau­vres, les enfants occu­pent dans leur stratégie de vie une place cap­i­tale : peut-être plus que dans d’autres milieux, devant un présent bouché, ils représen­tent l’avenir.

Cepen­dant, les enseignants doutent en général de ces attentes. Ils con­sta­tent, par exem­ple, la dif­fi­culté d’obtenir des par­ents ce qui leur paraît impor­tant pour la sco­lar­ité des enfants, et celle de les faire venir pour des ren­con­tres indi­vidu­elles ou collectives.

Les loge­ments pré­caires, exi­gus et bruyants, l’oc­cu­pa­tion de l’e­sprit des par­ents comme des enfants par les prob­lèmes de survie, les men­aces de sépa­ra­tion, la vie au jour le jour, tout cela con­stitue des obsta­cles que les enseignants sont en général inca­pables d’imag­in­er. “Par­fois on essaie d’ex­pli­quer aux maîtres ce que nous vivons. Comme cette maman qui est sans élec­tric­ité et qui doit laver son linge à la main pour ses qua­tre enfants et le faire séch­er dans un loge­ment mal chauf­fé et humide. Le linge prend l’odeur de moisi. Mais la maîtresse finit par lui répon­dre : vous n’allez pas me dire que vous n’avez pas de quoi acheter un savon !

Et la réelle souf­france que ressen­tent aus­si les enseignants devant l’échec de ces enfants se mue en dénon­ci­a­tion des familles : “Les par­ents ne deman­dent rien à l’é­cole, ne s’ex­pri­ment pas ; ou bien ils nous font totale­ment con­fi­ance, ou bien ils s’en dés­in­téressent com­plète­ment, ils démis­sion­nent.

De la dénonciation à la connaissance

L’É­cole n’a pas pour mis­sion de soulager la mis­ère. “Alors, que pou­vons-nous faire ?” demandait un pro­fesseur en for­ma­tion. Et une mère de famille du quart-monde répondait sim­ple­ment : “Nous ne vous deman­dons pas de résoudre nos prob­lèmes ; sim­ple­ment, ne les aggravez pas.” Pour cela, il faut con­naître les dif­fi­cultés que ren­con­trent les familles pau­vres vis-à-vis de l’É­cole. Même si la clas­si­fi­ca­tion est un peu arbi­traire, on peut les rassem­bler en cinq points.

1. La précarité de la vie

Nos enfants vivent des choses très dif­fi­ciles. Ils vivent avec nous les soucis d’ar­gent, les soucis de loge­ment, de la san­té, du chô­mage.” Lorsqu’on est préoc­cupé par les con­di­tions de survie, il n’est pas facile de s’in­téress­er à une cul­ture sco­laire large­ment faite de gra­tu­ité. “Il y avait trop de soucis à la mai­son et on ne pou­vait pas tra­vailler en ren­trant. Mon cerveau ne suiv­ait pas, je n’ar­rivais pas à apprendre.”

Je pense à cette mère chez qui l’huissier vient saisir le mobili­er. Elle était au tra­vail, un con­trat emploi-sol­i­dar­ité. Son fils ouvre à l’huissier. Tout en procé­dant à la saisie, celui-ci se moque : “Ah, ta mère fait des ménages, elle ferait mieux de ranger chez elle.” Le gamin s’en­ferme dans les toi­lettes et se met à crier. Quand la mère ren­tre, il lui dit : “Maman, je n’ai plus envie de vivre.” Lorsque l’après-midi il est retourné au col­lège, com­ment pou­vait-il pren­dre intérêt à ce qui s’y disait ?

2. Une École qui n’est pas gratuite

Dans tel col­lège, on demande à la ren­trée un doc­u­ment pour les travaux dirigés de math­é­ma­tiques, un autre en anglais, une flûte pour la musique et une coti­sa­tion pour ceux qui veu­lent par­ticiper à la chorale, deux paires de “bas­kets” pour l’é­d­u­ca­tion physique, la coopéra­tive (pas oblig­a­toire, mais on ne le dit guère et il arrive qu’on affiche la liste de ceux qui ne l’ont pas payée), une par­tic­i­pa­tion aux pho­to­copies ; et, dans l’an­née, quelques livres de poche pour le français, le finance­ment d’ob­jets fab­riqués en tech­nolo­gie, l’en­trée à chaque séance de piscine, quelques déplace­ments pour des vis­ites divers­es ; plus un voy­age de fin d’an­née dans un pays loin­tain. Sans compter ce qu’il faut bien appel­er les caprices de cer­tains pro­fesseurs qui veu­lent soudain telle sorte de cahi­er, par exem­ple, alors que les four­ni­tures ont déjà été achetées.

C’est que les enseignants ne se sont jamais trou­vés eux-mêmes dans une sit­u­a­tion de pau­vreté. “Il faut acheter ce petit matériel qui coûte 20 francs. C’est pas tou­jours un gros truc, mais il leur faut dans les deux jours qui suiv­ent… Il faut savoir qu’une fois le 20, le 25 du mois, jusqu’au 5 du mois suiv­ant, c’est vrai­ment dif­fi­cile, on mange avec ce qu’on a dans le fri­go, on a seule­ment l’ar­gent pour le pain. Il nous arrive de finir le mois avec 10 francs. 20 francs en fin de mois, on ne les a pas, même si ça vous paraît une somme dérisoire. Si c’est dans cette semaine-là qu’on nous demande d’a­cheter quelque chose, eh bien on ne peut pas, c’est pas pos­si­ble. Il faut choisir entre les 20 francs pour l’é­cole ou pour pay­er le pain le reste du mois.“4

3. Les exigences de l’École envers les parents

L’É­cole demande aus­si aux par­ents d’ac­com­pa­g­n­er son action par l’at­ten­tion accordée au tra­vail sco­laire, l’aide à y apporter, ain­si que par des activ­ités extra-scolaires.

UN TÉMOIGNAGE

Si on a pu oser par­ler, oser sor­tir, oser ren­con­tr­er d’autres, c’est aus­si parce que nous avons ren­con­tré d’autres familles qui vivaient la même mis­ère. On a décou­vert peu à peu qu’on n’é­tait pas tout seul et qu’ensem­ble on pou­vait s’aider, se bat­tre, s’aider à appren­dre nos droits. On a trou­vé un lieu où on pou­vait par­ler sans crainte d’être jugés, un lieu sans honte où on pou­vait être là libre­ment, par­ler librement.

Sans nous en ren­dre compte, on a investi dans plus de choses. En allant à des réu­nions, on a renoué des con­tacts. Avant, on n’au­rait même pas eu l’idée d’aller voir, on n’au­rait pas osé télé­phon­er, s’ex­pli­quer. Nous avons repris con­fi­ance. Nous avons décou­vert que ce que nous viv­ions, ce que nous voulions, était impor­tant et qu’il fal­lait le faire entendre.

Ain­si, cer­tains d’en­tre nous peu­vent imag­in­er être délégués de par­ents d’élèves. Mes enfants sont con­tents que je par­ticipe à leur école, ça les encour­age. Ils sont fiers. Je peux mieux com­pren­dre mes enfants s’ils ont un prob­lème et les aider dans leur tra­vail d’é­cole. Deux per­son­nes ont par­ticipé à un relais par­ents-école. Elles s’in­vestis­sent dans l’é­cole, dans le rôle de maman con­teuse, elles veu­lent ren­dre l’é­cole de leurs enfants plus agréable, plus belle. Elles peu­vent aller lire pour tous les enfants à l’é­cole. C’est for­mi­da­ble de pou­voir être inter­pel­lé par d’autres par­ents pour faire lire leurs enfants.

Il faut que nous, les par­ents, les enseignants, les asso­ci­a­tions de par­ents, nous appre­nions à vivre ensem­ble et à bâtir ensem­ble le pro­jet de l’école.

Mais les par­ents sont loin d’être égaux devant cette exi­gence. “Les par­ents ne peu­vent pas suiv­re leurs goss­es. Les choses qu’on ne peut pas leur expli­quer, les par­ents ne peu­vent pas aller voir un pro­fesseur et lui dire : je ne peux pas l’aider. Un gosse qui n’a pas com­pris en cours, qui ren­tre chez lui, que les par­ents ne peu­vent pas lui expli­quer, il ne va pas faire ses devoirs. Au bout d’une fois, deux fois, on ne va pas chercher à com­pren­dre pourquoi c’est pas fait, on va dire : ce gosse-là, il fait ce qu’il a envie, ses par­ents le lais­sent, les par­ents n’ont pas envie qu’il fasse ses devoirs, ils ne s’en occu­pent pas quand il ren­tre à la mai­son.4

Au fil des années, il sem­ble que ces deman­des faites par l’É­cole sont de plus en plus fortes. Mais elles ne sont bien adap­tées qu’aux par­ents qui ressem­blent aux enseignants. Elles sont démesurées par rap­port à la vie de cer­taines familles. Et, trop vite, les maîtres décrè­tent que ces par­ents-là ne s’in­téressent pas à l’é­cole et ils por­tent sur eux un regard négatif. “Les efforts que nous faisons ou que font nos enfants ne sont pas vus.

4. Le regard sur les enfants et leurs parents

Les familles ont l’im­pres­sion que l’É­cole fait des dif­férences entre les enfants. “À l’é­cole du quarti­er, comme on vivait en car­a­vane, le gamin était repoussé. On dis­ait de nous qu’on était des babanes… Quand on nous appelait dans les bureaux, c’é­tait pour nous dire que les enfants étaient sales, qu’ils sen­taient mau­vais. Un jour, j’ai même voulu ramen­er le cuvi­er pour mon­tr­er qu’on les lavait. Ils étaient repoussés par tout le monde : ils ne pou­vaient pas avoir de copains et de copines.5 Lorsqu’on inter­roge des per­son­nes du quart-monde, ces ques­tions revi­en­nent tou­jours, que ce soit dans leur pro­pre sou­venir ou pour leurs enfants. Cela con­duit sou­vent les enfants à un repli sur eux-mêmes et au refus de s’ex­primer pour ne pas s’exposer.

5. La peur des parents devant l’École

Depuis les années 60, l’É­cole souhaite des con­tacts avec les par­ents de ses élèves, qu’il s’agisse de ren­con­tres indi­vidu­elles avec les enseignants, de réu­nions col­lec­tives, ou de par­tic­i­pa­tion à la vie des étab­lisse­ments et à leurs instances. Mais il est dif­fi­cile de revenir à l’é­cole quand on y a con­nu soi-même l’échec, les rép­ri­man­des, le rejet, surtout si c’est dans le même étab­lisse­ment, ou quand les enfants aînés ont aus­si été en échec. Beau­coup par­lent de “la peur d’être con­vo­qué”, et il est vrai que ce mot même de “con­vo­ca­tion”, employé spon­tané­ment par les par­ents comme par les enseignants, est en lui-même tout un pro­gramme. Comme le dit un insti­tu­teur suisse : “En tant qu’en­seignants, nous sommes tous, mal­gré nous, à tort ou à rai­son, perçus comme des gens de pou­voir qui inspirent la peur. Nous avons, entre autres, le pou­voir de sug­gér­er le place­ment de l’en­fant ou de met­tre en route tout un encadrement qu’ils ne peu­vent que ressen­tir comme une men­ace d’un autre monde inter­venant dans le leur.6

L’in­com­préhen­sion de ce qui se passe à l’é­cole est fréquente, et pas seule­ment avec les familles d’o­rig­ine étrangère. “On ne fait pas le poids con­tre eux, parce qu’ils sont plus intel­li­gents que nous. On est dimin­ué devant les profs, par leur par­ler, on ne com­prend rien.” L’ab­sence de vraie ren­con­tre a des con­séquences graves en ter­mes d’ori­en­ta­tion car elle vide de leur sens les procé­dures offi­cielle­ment fondées sur le dia­logue avec les familles. La ten­ta­tion est alors forte pour l’in­sti­tu­tion sco­laire de penser à la place des familles et, s’il le faut, de recueil­lir leur accord en prof­i­tant de leurs dif­fi­cultés à com­pren­dre les struc­tures et les enjeux. “On nous a fait rem­plir sur un grand car­ton (…). Il fal­lait met­tre qu’on était d’ac­cord.7

De la connaissance à la reconnaissance

UN AUTRE TÉMOIGNAGE

Vous, les par­ents, qu’est-ce que vous voulez ? Et toi, le directeur, qu’est-ce que tu veux pour nos enfants ? L’ap­pel pour cou­vrir les livres, l’in­vi­ta­tion aux fêtes et le compte ren­du du Con­seil de classe sont traduits en por­tu­gais, chi­nois, arabe ; les par­ents encour­a­gent leurs enfants à accueil­lir leurs cama­rades nou­veaux arrivants, ils n’hési­tent pas à se ren­dre au domi­cile des familles pour les inciter à par­ticiper aux élec­tions du Comité de par­ents d’élèves… Le bouche à oreille fait le reste. “Du fait qu’on par­ticipe, les prob­lèmes se résol­vent facile­ment”, explique un mem­bre du comité qui est prêt à accom­pa­g­n­er une famille qui n’ose pas aller s’ex­pli­quer à l’école.

Depuis trois ans, cette école obtient le meilleur taux de par­tic­i­pa­tion pour l’élec­tion du Comité de par­ents d’élèves, entre 82 et 88 %. Ce résul­tat, dit le directeur, je l’ai obtenu :

— en allant à leur ren­con­tre aux heures d’en­trée et de sor­tie pour me faire con­naître et appren­dre à les connaître ;
— en amé­nageant un salon digne de ce nom pour les accueil­lir afin qu’ils puis­sent se ren­con­tr­er, s’in­former sur la vie de l’école ;
— en les met­tant en con­tact avec des associations ;
— en recréant des moments de fête dans l’école ;
— en ayant comme objec­tif que tous les élèves réus­sis­sent en classe et en s’en don­nant les moyens : accueil­lir les nou­veaux, créer des relais d’ap­pren­tis­sage en dehors du temps scolaire.

Le dia­logue est donc dif­fi­cile. “Pour que les enfants, les hommes et les femmes du quart-monde par­lent de leur vie si dure, il faut beau­coup de temps. Car en plus du sen­ti­ment de men­ace per­ma­nente, ils éprou­vent une honte pro­fonde qui ronge les familles pau­vres. Honte de leur sit­u­a­tion de pau­vreté, qui s’a­joute et se mélange à la peur de ne pas pou­voir l’ex­pli­quer et d’en être ren­dus coupables. Se taire revient à préserv­er sa dig­nité.8 Et pour­tant, les per­son­nes de ces milieux pos­sè­dent de réelles capac­ités à exprimer leurs attentes et leurs dif­fi­cultés dès qu’elles se trou­vent en con­fi­ance. Lorsqu’elles par­ticipent à des for­ma­tions d’en­seignants, ce sont tou­jours leurs inter­ven­tions qui sont suiv­ies avec le plus d’at­ten­tion. On trou­vera par exem­ple en encadré ce que dis­aient les délégués du quart-monde lors d’une ses­sion nationale de for­ma­tions de for­ma­teurs en 1995.

De la reconnaissance au partenariat

L’É­cole demande trop sou­vent aux par­ents de faire tout le chemin vers elle. Elle le demande à tous les par­ents, mais c’est plus dif­fi­cile pour ceux qui en sont le plus éloignés. Con­naître les familles et leur vie est un pre­mier pas néces­saire. Il devient alors pos­si­ble, en échange, de leur com­mu­ni­quer des con­nais­sances sur l’É­cole, son fonc­tion­nement et ses con­traintes, dont ils ont effec­tive­ment besoin pour aider leurs enfants à réus­sir. Mais ce ne sera effi­cace qu’à con­di­tion de les recon­naître comme des per­son­nes qui ont une expéri­ence, des valeurs, une pen­sée et des droits. Il s’ag­it d’en­ten­dre ce qu’elles ont à dire sur leurs enfants et sur l’É­cole, et d’être à l’é­coute des solu­tions qu’elles proposent.

C’est ce qu’­ex­prime un médecin de Pro­tec­tion mater­nelle et infan­tile : “Per­me­t­tre aux familles du quart-monde d’être parte­naires de l’É­cole, c’est bien autre chose que de pronon­cer des dis­cours, ou de faire de grandes promess­es. C’est d’abord leur deman­der leur avis sur l’É­cole, sur l’avenir de leurs enfants. C’est deman­der aux par­ents com­ment ils appren­nent à par­ler à leurs enfants, com­ment ils leur appren­nent à lire, com­ment eux-mêmes appren­nent, peut-être, avec leurs enfants et de leurs enfants. C’est donc recueil­lir la parole des gens, même si elle est incom­préhen­si­ble, ou choquante, ou inaudi­ble.”

Des ini­tia­tives en ce sens exis­tent dans bien des étab­lisse­ments sco­laires. On trou­vera en encadré l’ex­em­ple d’une école pri­maire de Lille située dans un quarti­er défavorisé.

Le parte­nar­i­at est l’in­verse du malen­ten­du, ou plus exacte­ment il est la manière de lever le malen­ten­du : dans le cas de l’É­cole comme pour les autres ser­vices en con­tact avec les plus pau­vres, il n’y a pas d’autre solu­tion prometteuse.

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1. Claude Pair est l’au­teur du livre L’É­cole devant la grande pau­vreté : chang­er de regard sur le quart-monde, Hachette, 1998. Les élé­ments de cet arti­cle sont repris de ce livre.
2. “Rela­tions école/familles pop­u­laires et réus­site au CP”, Revue française de péd­a­gogie, n° 100, 1992.
3. Actes du col­loque Toutes les familles parte­naires de l’É­cole, Arras, 1992, CRDP, Lille. Les témoignages qui suiv­ent en sont extraits lorsqu’ils ne sont pas référencés autrement.
4. Témoignage de par­ents de Nan­cy lors d’une for­ma­tion d’enseignants.
5. Témoignage de par­ents de Reims.
6. A. Chris­ten, “La famille du quart-monde et l’é­cole”, Revue quart-monde, n° 146, 1993.
7. E. Tedesco, Des familles par­lent de l’é­cole, Cast­er­man, 1979.
8. A. Chris­ten, op. cit

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