La fracture sociale : un défi à relever

Dossier : L'exclusion sociale, un défiMagazine N°538 Octobre 1998Par Jean NOVACQ (67)

La frac­ture sociale est une réa­li­té qui, du simple fait de son exis­tence ou en rai­son des risques qu’elle génère pour la cohé­sion du pays, ne sau­rait lais­ser per­sonne indif­fé­rent. Ni le citoyen, ni a for­tio­ri le cadre inves­ti de res­pon­sa­bi­li­tés dans la cité.

Or il est sou­vent repro­ché à notre sys­tème édu­ca­tif, notam­ment à celles qui par­mi les grandes écoles consti­tuent un vivier de recru­te­ment pour la haute admi­nis­tra­tion, de for­mer des cadres igno­rants de la réa­li­té du ter­rain et peu au fait de la réa­li­té sociale. Ce reproche est certes exces­sif et se révèle en tout cas peu fon­dé pour ce qui concerne l’É­cole polytechnique.

La fracture sociale un défi à relever à l'Ecole polytechniqueDéjà, quand tous les élèves effec­tuaient leur ser­vice mili­taire préa­la­ble­ment à leurs deux années de sco­la­ri­té, ils avaient l’oc­ca­sion de prendre conscience de la diver­si­té du tis­su social et de se frot­ter avec cer­taines réa­li­tés par­fois peu relui­santes. Ce sont là les ver­tus bien connues du ser­vice natio­nal dans une armée de conscription.

C’est la rai­son pour laquelle d’ailleurs la pre­mière année du cur­sus poly­tech­ni­cien était qua­li­fiée d’an­née « de for­ma­tion humaine et mili­taire », la for­ma­tion humaine recou­vrant tout à la fois l’ap­pren­tis­sage des res­pon­sa­bi­li­tés, l’ac­qui­si­tion de qua­li­tés néces­saires à de futurs cadres, mais aus­si une for­ma­tion par l’ex­pé­rience aux rela­tions sociales.

Avec la sus­pen­sion pro­gram­mée de la conscrip­tion, cette pre­mière année du cur­sus poly­tech­ni­cien s’est diver­si­fiée et un nombre crois­sant d’é­lèves peuvent désor­mais être affec­tés dans des orga­nismes civils à l’is­sue de leur for­ma­tion militaire.

Les dif­fé­rents emplois qui leur sont pro­po­sés, que ce soit dans la police natio­nale, dans les éta­blis­se­ments d’en­sei­gne­ment, dans l’ad­mi­nis­tra­tion péni­ten­tiaire ou encore dans un cer­tain nombre d’or­ga­nismes cari­ta­tifs ou de réin­ser­tion, outre qu’ils sont choi­sis avec soin pour per­mettre aux élèves de déve­lop­per leurs qua­li­tés fon­cières, consti­tuent des postes d’ob­ser­va­tion pri­vi­lé­giés pour acqué­rir une connais­sance intime de la réa­li­té sociale.

Sans ver­ser dans le misé­ra­bi­lisme, l’É­cole veille en effet à choi­sir pour ses élèves des affec­ta­tions situées pré­fé­ren­tiel­le­ment dans des quar­tiers dif­fi­ciles, à tout le moins dans un milieu offrant un fort contraste par rap­port à celui dont ils sont originaires.

Les pre­miers retours d’ex­pé­rience sont sans conteste très encou­ra­geants. Les témoi­gnages por­tés par les élèves, qui font preuve d’une matu­ri­té excep­tion­nelle, montrent qu’ils ont ren­con­tré des situa­tions dont ils n’a­vaient pas conscience et qu’ils se sont réel­le­ment inves­tis, avec tout l’en­thou­siasme de leurs vingt ans, pour appor­ter leur contri­bu­tion à la résorp­tion de ce fléau que consti­tue la frac­ture sociale.

Bien enten­du, chaque expé­rience vécue est dif­fé­rente, et tous nos élèves n’ont pas pu vivre une telle aven­ture. Nul doute cepen­dant que la somme et le par­tage de ces expé­riences ne concourent à dif­fu­ser chez les poly­tech­ni­ciens une vision des pro­blèmes sociaux plus conforme à la réa­li­té et à faire d’eux des citoyens et des cadres par­fai­te­ment aver­tis de ces pro­blèmes et atten­tifs à leur por­ter remède.

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