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MEDES : À la croisée des enjeux de la médecine spatiale et de la santé

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°783 Mars 2023
Par Audrey BERTHIER

MEDES, insti­tut de médecine et phys­i­olo­gie spa­tiales, a fêté ses 30 ans en 2019. Fondé par le CNES et le CHU de Toulouse, MEDES se con­cen­tre sur la recherche en médecine spa­tiale et con­tribue, grâce aux pro­grammes menés dans ce secteur, à l’accélération de l’innovation dans le domaine de la recherche en san­té. Audrey Berthi­er, direc­trice de MEDES, nous en dit plus.

Quel est le périmètre d’action de MEDES ?

MEDES est l’institut de médecine et phys­i­olo­gie spa­tiales. Il s’agit d’un groupe­ment d’intérêt économique dont les mem­bres fon­da­teurs sont le CNES et le CHU de Toulouse. His­torique­ment, en 1989, MEDES a vu le jour pour accueil­lir les équipages du pro­gramme Her­mès, un pro­jet de navette spa­tiale européenne qui a finale­ment été aban­don­né en 1992 pour des raisons poli­tiques. À par­tir de là, nos activ­ités ont été réori­en­tées autour de deux axes : dévelop­per une com­pé­tence française et européenne en médecine et phys­i­olo­gie spa­tiales et accélér­er les inno­va­tions dans le domaine de la san­té en favorisant des syn­er­gies et des actions de fer­til­i­sa­tion croisée entre le spa­tial et la san­té. Aujourd’hui, notre action s’articule autour de 3 axes :
Le sup­port aux mis­sions spa­tiales : suivi médi­cal des astro­nautes, expéri­ences en sci­ences de la vie ou en phys­i­olo­gie réal­isées en impe­san­teur ; La recherche clin­ique : nous avons une exper­tise recon­nue à l’international en ter­mes d’études de sim­u­la­tion de l’impesanteur util­isant les mod­èles d’alitement pro­longé (égale­ment appelé « bed rest ») ou d’immersion sèche ; La pro­mo­tion de l’innovation en san­té en favorisant des syn­er­gies avec le secteur spatial.

MEDES joue donc le rôle de lien et d’interface entre la médecine spatiale et de la santé au sens large. Qu’en est-il ?

Au cœur de notre rai­son d’être, on retrou­ve le main­tien de la san­té et des per­for­mances des équipages dans une logique de co-inno­va­tion. En effet, les astro­nautes représen­tant une très petite pop­u­la­tion, l’idée est de cap­i­talis­er sur les exi­gences et les car­ac­téris­tiques pro­pres à la médecine spa­tiale pour con­tribuer à la recherche ou à l’innovation médi­cale au sens large.
Nous tra­vail­lons ain­si sur 4 dimensions :

  • La préven­tion au tra­vers de pro­grammes visant à lut­ter con­tre les effets indésir­ables liés à cet envi­ron­nement spa­tial, effets qui s’apparentent à un vieil­lisse­ment accéléré mais réversible ou encore à une hypersédentarité ;
  • L’autonomie médi­cale afin de per­me­t­tre à un équipage de gér­er tout prob­lème médi­cal qui pour­rait sur­venir pen­dant la mis­sion (détec­tion de sig­naux faibles, out­ils de suivi, sys­tèmes d’assistance au diag­nos­tic et aux soins…) ;
  • Le main­tien et l’augmentation des per­for­mances afin de garan­tir un état phys­i­ologique et cog­ni­tif des astro­nautes en cohérence avec les mis­sions qu’ils doivent réaliser ;
  • Le sup­port vie et le con­trôle envi­ron­nemen­tal afin de s’assurer que l’équipage soit dans un envi­ron­nement sain qui lui per­me­tte de rester en bonne san­té (nour­ri­t­ure, con­trôle de la qual­ité de l’air, de l’eau, con­trôle microbien…).

Et nous appréhen­dons donc l’ensemble de ces piliers avec une logique d’application ter­restre et de co-inno­va­tion en lien avec notre rôle d’interface entre la médecine spa­tiale et la santé.
MEDES tra­vaille égale­ment sur des pro­jets visant à favoris­er l’application des don­nées ou ser­vices satel­lites ou encore sur l’utilisation de l’environnement spa­tial pour des appli­ca­tions en santé.

“Au cœur de notre raison d’être, on retrouve le maintien de la santé et des performances des équipages dans une logique de co-innovation.”

MEDES
Expéri­ence Every­wear à bord de la sta­tion spa­tiale internationale.

Sur quels programmes travaillez-vous ?

Struc­turé à taille humaine, MEDES mène des pro­grammes de recherch­es inno­vants en col­lab­o­ra­tion avec des acteurs académiques, indus­triels et insti­tu­tion­nels de pre­mier plan français et européen. Dans le domaine de la recherche clin­ique, nous con­tin­uons à men­er des études de sim­u­la­tion pour pré­par­er les futurs vols d’exploration mais aus­si pour con­tribuer à la recherche médi­cale, étant util­isés comme mod­èles accélérés de vieil­lisse­ment ou de séden­tar­ité. Nos études por­tent égale­ment sur l’évaluation de nou­veaux dispositifs.
Dans le domaine de la san­té numérique ou de l’aide à l’autonomie médi­cale, les pro­jets que nous menons por­tent à la fois sur des co-inno­va­tions liées à l’exploration ou sur l’intégration de don­nées ou ser­vices satel­lites pour des appli­ca­tions en san­té. Dès le départ, nous nous sommes très vite intéressés à la san­té numérique et la télémédecine avec un focus sur l’utilisation des com­mu­ni­ca­tions satel­lite au ser­vice des zones isolées, des déserts médi­caux ou encore des unités médi­cales mobiles. Nous tra­vail­lons égale­ment sur des out­ils de san­té numérique pour les astro­nautes, en par­ti­c­uli­er dans le cadre du pro­jet Every­wear mené par MEDES pour le CNES et l’Agence spa­tiale européenne, nous avons dévelop­pé un assis­tant numérique pour assur­er le suivi médi­cal et nutri­tion­nel des astro­nautes à bord de la sta­tion spa­tiale internationale.

Avec le CNES, nous avons con­tribué à plusieurs pro­jets inno­vants dans le domaine de l’imagerie, comme des sys­tèmes de télé-échogra­phie qui sont aujourd’hui util­isés aus­si bien sur Terre, notam­ment dans les déserts médi­caux, qu’à bord de la sta­tion spa­tiale inter­na­tionale. Actuelle­ment, sont aus­si en cours de développe­ment des échographes autonomes qui utilisent la réal­ité aug­men­tée pour guider l’opérateur et le faire gag­n­er en autonomie. En par­al­lèle, tou­jours avec le CNES en parte­nar­i­at avec la Société française de radi­olo­gie, nous avançons sur le développe­ment de sys­tèmes d’imagerie inno­vants et com­pacts, poten­tielle­ment mul­ti­modaux, qui pour­ront être util­isés par un pub­lic non expert, ain­si que sur la ques­tion du traite­ment d’images.
Dans le domaine de la sur­veil­lance san­i­taire, nous util­isons les don­nées d’observation de la Terre pour con­tribuer à la thé­ma­tique des liens envi­ron­nement-san­té, en par­ti­c­uli­er pour car­togra­phi­er les risques liés aux mal­adies envi­ron­nemen­to-dépen­dantes. Nous par­ticipons notam­ment à des pro­jets menés dans le cadre de l’Observatoire spa­tial du cli­mat du CNES, par exem­ple le pro­jet ClimHealth en parte­nar­i­at avec l’IRD qui vise à inté­gr­er des infor­ma­tions cli­ma­tiques et envi­ron­nemen­tales issues des satel­lites dans les sys­tèmes de sur­veil­lance san­i­taire pour met­tre en place un sys­tème d’alertes pré­co­ces sur les mal­adies à vecteur comme le palud­isme ou la leptospirose.

Et comment vous projetez — vous dans le domaine de la recherche médicale et de la santé ?

MEDES se veut être force de propo­si­tion en matière de pro­jets inno­vants en cohérence avec notre posi­tion­nement dual spa­tial et san­té. Pour ce faire, nous inté­grons les axes stratégiques du plan san­té 2030 ain­si que les dernières avancées du secteur spa­tial qui est extrême­ment dynamique alors que se des­sine aujourd’hui ce qu’on appelle d’ores et déjà le « New Space ». En prévi­sion des futures mis­sions spa­tiales, nous pour­suiv­ons nos travaux sur l’autonomie médi­cale et la médecine pré­dic­tive avec nos parte­naires indus­triels et explorons, en ce sens, dif­férents axes : la grav­ité arti­fi­cielle, le micro­biote, les mar­queurs pré­co­ces, la détec­tion de sig­naux faibles, les jumeaux numériques…, mais aus­si la préven­tion des radi­a­tions en prévi­sion des futurs vols spa­ti­aux, ain­si que l’impact psy­chologique dans un con­texte de con­fine­ment ou d’isolement de très longue durée.
En par­al­lèle, nous prenons aus­si part à des pro­jets prospec­tifs, comme le pro­gramme Space­ship FR du CNES afin de réfléchir aux tech­nolo­gies qui seront néces­saires pour les futures bases lunaires ou mar­ti­ennes. Dans ce con­texte où se développe le New Space et de nou­velles offres com­mer­ciales autour des con­stel­la­tions et de l’orbite basse, nous con­tribuons à faire le lien entre ces offres et des poten­tielles appli­ca­tions indus­trielles dans le domaine des biotech­nolo­gies ou phar­ma­ceu­tique en parte­nar­i­at avec l’Agence spa­tiale européenne, le CNES et France Biotech. En automne 2022, dans le cadre du pro­gramme BSGN (Busi­ness in Space Growth Net­work) et de l’accélérateur dédié aux sci­ences de la vie (Space Life Sci­ences Indus­try Accel­er­a­tor) nous avons, par ailleurs, lancé un appel à pro­jets pour des expéri­ences spa­tiales à final­ité indus­trielle dans ces deux domaines.

Dans cette démarche, quels sont vos principaux enjeux ?

Avec nos dif­férentes par­ties prenantes et parte­naires, nous pous­sons une démarche d’open inno­va­tion afin de favoris­er la col­lab­o­ra­tion avec les acteurs indus­triels et les start-up sur ce sujet. Le CNES est en pre­mière ligne dans cette démarche et a lancé de nom­breuses ini­tia­tives en ce sens, dont Con­nect by CNES, Space­ship FR, TechThe­Moon… autant d’actions qui visent à met­tre en place des passerelles entre ces dif­férents univers et secteurs. Pour MEDES, il s’agit aus­si, à notre niveau, d’accompagner les start-up et indus­triels dans le domaine du spa­tial, ain­si que les lab­o­ra­toires et de con­tribuer au ray­on­nement de la France dans ce secteur.

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